Mourava, Sibérie centrale. Un hameau ravitaillé par les
corbeaux tous les trente-six du mois. Un trou perdu que voudrait quitter
Vladimir Golovkine, surnommé l’éboueur. Seul moyen pour lui de rejoindre la
grande ville la plus proche, prendre le bateau qui s’arrête (rarement) près du village.
Mais Vladimir n’a pas suffisamment d’argent pour monter à bord. Faute de
pouvoir partir, il va voir débarquer dans sa vie Colin, un musicien français
arrivant chez lui avec son piano. Colin est venu s’isoler en Sibérie pour guérir
l’étrange mal qui le ronge. A chaque fois
qu’il se lance dans le concerto n°2 de Rachmaninov, sa main droite se
recroqueville comme une pince de crabe et refuse de lui obéir. Pour l’éboueur
et les soixante âmes qui peuplent Mouravia, l’arrivée du pianiste raté
représente un événement aussi étrange qu’inattendu.
J’ai beaucoup aimé ce roman frais et léger, sorte de fable à
la frontière de l’absurde et du surréaliste. La galerie de personnages vaut son
pesant d’or. L’improbable duo Vladimir/Colin bien sûr, mais aussi Dimitri l’épicier,
Sergueï l’indécrottable alcoolique, Oleg l’ancien spationaute devenu ermite ou
encore Sveta la vieille rebouteuse. Et puis il y a la Sibérie. Sa nature
sauvage, sa forêt profonde, son froid polaire, sa neige immaculée, sa vodka
coulant à flot et ses ours parfois particulièrement agressifs.
Olivier Bleys enchaîne les scènes cocasses, les dialogues
enlevés et les descriptions évocatrices. Le ton devient par instants plus grave
mais on fini toujours le sourire aux lèvres. Ce Concerto pour la main morte est
aussi une belle déclaration d’amour à la musique et à son charme universel.
Bref, ce roman est une réussite qui m’a quelque
peu sorti de mes lectures habituelles et j’en suis ravi.
Un grand merci à Un chocolat dans mon roman qui n’a pas
hésité à faire voyager ce livre depuis La Réunion afin que je le découvre.
Concerto pour la main morte d’Olivier Bleys. Albin Michel,
2013. 234 pages. 18 euros.