mercredi 22 janvier 2014

Les carnets de Cerise T2 : Le livre d’Hector - Chamblain et Neyret

Cerise l’apprentie détective, après avoir résolu le mystère du zoo pétrifié, se lance dans une nouvelle enquête. Pourquoi la vieille madame Ronsin se rend-elle toutes les semaines à la bibliothèque depuis des années pour emprunter toujours le même livre ? Un ouvrage sur la seconde guerre mondiale rédigé par un certain Hector Bertelon. Aidée de son amie romancière Annabelle Desjardin, Cerise s’investit tellement dans cette nouvelle affaire qu’elle va finir par se mettre à dos ses meilleures copines Line et Erica. Sans compter que pour parvenir à ses fins, elle va devoir mentir à sa mère…

Bon, soyons honnête, autant j’avais été séduit par le premier volume, autant cette seconde aventure m’a laissé sur ma faim. Il se dégageait du zoo pétrifié une forme de poésie rafraîchissante alors qu’ici l’histoire est attendue et manque singulièrement de peps. C’est peut-être une déformation professionnelle mais je n’ai pas non plus apprécié la mise en scène de la bibliothèque où les prêts se font encore sur des fiches, où la bibliothécaire n’est certes pas une vieille fille mais se voit affubler d’un chignon et d’une garde robe tristounette et où le mode de classement des documents m’est apparu des plus obscurs. Ce ne sont que des détails mais quand même…

Après, graphiquement, c’est toujours aussi agréable. Couleurs douces et chaleureuses, personnages aux mimiques craquantes, décors travaillés, alternance réussie entre les passages BD et le journal intime écrit de la main de Cerise, bref c’est un sans faute. Non, vraiment, c’est uniquement au niveau du scénario que je n’ai pas trouvé mon compte.

Je ressors certes de cet album assez déçu mais je ne compte pas pour autant abandonner Cerise et ses amies. Cette série girly à souhait possède trop de potentiel pour que je l’abandonne sans lui donner une nouvelle chance. Et puis j’ai une vraie fan à la maison donc quoi qu’il arrive, le troisième tome arrivera forcément sur nos étagères.

Les carnets de Cerise T2 : Le livre d’Hector de Chamblain et Neyret. Soleil, 2013. 80 pages. 15,95 euros.

Une lecture commune que j'ai une fois encore le plaisir de partager avec Noukette.

L'avis de Sophie/Herisson





mardi 21 janvier 2014

Tag : Série théâtrale rock en 3 épisodes - Karin Serres

Karin Serres m’avait enchanté avec son premier roman, Monde sans oiseaux, un texte inclassable à l’écriture sensuelle et poétique. J’ai donc eu très envie de poursuivre ma découverte de cette auteure en me penchant sur sa production théâtrale, un domaine dans lequel elle exerce son talent depuis plus de dix ans.

Tag est une pièce qui emprunte aux codes des séries télé actuelles. Des épisodes qui se terminent en plein suspense, une action permanente sans aucun temps mort, de nombreux flash-backs, des révélations inattendues, etc.  L’histoire est celle du lieutenant de police Giuseppe Ensam, membre de la brigade criminelle. Quelques lettres rouges sang taguées chaque nuit sur les commerces de son quartier lui rappellent de terribles souvenirs d’enfance. A la fin du premier épisode, le mystère est résolu lorsqu’un ultime rebondissement va relancer l’intrigue : une tagueuse a disparu, son copain punk demande de l’aide au lieutenant. Mais Giuseppe n’est plus dans son état normal, il semble se transformer en chien…

Les personnages sont très nombreux (Guiseppe, sa sœur Christel, leur mère morte, un punk, un garagiste et sa femme, un SDF, une restauratrice ambulante, une patronne de pompes funèbres, une brigade entière de police…) mais l’auteur précise  que l’ensemble de la pièce peut se jouer « à partir de 4 comédien /ne/s ». Tout se déroule à une vitesse effrayante et il faut s’accrocher pour ne pas perdre le fil. On a parfois l’impression d’être dans un puzzle dont chaque pièce s’emboîte sous nos yeux sans que l’on sache vraiment à quoi va ressembler le résultat final. C’est déstabilisant mais, un peu comme dans Monde sans oiseaux, je me suis laissé porter par cette narration légèrement "nébuleuse". Un homme-chien, un homme-femme, un fantôme, des animaux qui parlent, une musique rock omniprésente, les ingrédients peuvent paraître de prime abord indigestes mais il faut se laisser embarquer par le rythme endiablé sans trop se poser de questions.

Difficile d’imaginer un tel texte sur scène. La pièce a pourtant été montée fin 2013 par la compagnie Bouche Bée et jouée pendant plusieurs jours au Nouveau Théâtre d’Angers. Au départ prévu en trois épisodes de 50 minutes, Karin Serres a finalement composé une version compressée de deux heures. J’aurais aimé voir ça !

Tag : Série théâtrale rock en 3 épisodes de Karin Serres. Éditions théâtrales, 2013. 125 pages. 15 euros.



lundi 20 janvier 2014

Le fil de soie - Cécile Roumiguière et Delphine Jacquot

« A l’école, Marie-Lou n’est pas la reine. Elle s’emmêle dans les chiffres, elle peine à lire les lettres et les mots. » Le jour où la maîtresse lui crie dessus comme jamais, elle rentre à la maison en larmes. Heureusement, sa grand-mère est là pour la consoler : « Souviens-toi : ta beauté est à l’intérieur de toi. C’est un bouton de fleur secret. Ta maîtresse n’est pas le jardinier qu’il te faut, voilà tout. »

Marie-Lou adore cette grand-mère couturière hors-pair. Cette grand-mère qui chante toujours la même chanson dans une langue inconnue. Cette grand-mère portant au poignet un bracelet de cuir dont elle ne se séparerait pour rien au monde. Cette grand-mère cachant un secret qu'elle n’a jamais révélé.

Moka a écrit à propos de cet album, « c’est un livre bijou. » Comment résister ? Déjà, l’ouvrage est magnifique avec son dos toilé rouge. Surtout, le contenu est d’une rare qualité. Tellement de tendresse entre Mamilona et sa petite fille, tellement de finesse, de retenue et d’amour. La mise en page est simple et efficace : à gauche le texte, à droite une illustration absolument somptueuse de Delphine Jacquot.

Un livre bijou, je crois que c’est ça.



Le fil de soie de Cécile Roumiguière et Delphine Jacquot. Thierry Magnier, 2013. 32 pages. 15,50 euros. A partir de 6 ans

Les avis de Leiloona ; Moka ; Stephie








samedi 18 janvier 2014

La claire Fontaine - David Bosc

Juillet 1873. Gustave Courbet passe la frontière suisse avec son élève Marcel Ordinaire. Le maître fuit la France et les tracasseries causées pas sa participation à la Commune de Paris. Condamné par son pays, Courbet trouve d’abord refuge à Genève avant de s’installer à La Tour-de-Peilz, sur les bords du lac Léman. Il y mourra le 31 décembre 1877.

David Bosc ne donne pas dans le portrait précis et exhaustif. La biographie qu’il propose est incomplète, se focalisant sur les dernières années d’un artiste avant tout épris de liberté. On s’attarde sur la passion de Courbet pour la baignade, sa consommation délirante de vin blanc (plusieurs litres par jour) et son goût pour la bonne chère. En Suisse, Courbet ne peint plus rien de bon et se tue à petit feu avec la boisson. Mais l’intérêt est ailleurs. L’écrivain insiste sur le coté joyeux d’un personnage à la constante vitalité. Il montre le peintre au travail, le peintre au bistrot, le peintre au quotidien.

Le style de Davisd Bosc est à la fois élégant et laconique, davantage dans l’évocation que dans la précision. Son texte est magnifique, très visuel. Sa plume brosse un portrait comme d’autres feraient un tableau, jouant sur la lumière, les couleurs, l’atmosphère. Quelques coups de pinceaux tout en concision dont s’échappent parfois de délicieuses envolée proches de la poésie.

Au final, l’hommage est sobre et vibrant : «  Courbet a exercé sa liberté. Il était opiniâtre. Sa politique ? Pour tous la liberté, c'est-à-dire le devoir de se gouverner soi-même. » Une biographie comme une rêverie, loin des exercices scolaires proposés d’habitude. Entre son émerveillement et sa joie permanente d’être au monde, Courbet méritait bien ce coup de projecteur en tous points admirable et surtout éminemment  littéraire.

La claire Fontaine de David Bosc. Verdier, 2013. 116 pages. 14 euros.

L’avis de Marilyne qui m’a donné envie de découvrir ce texte.

jeudi 16 janvier 2014

Mes petits plats faciles by Hana T2 - Masayuki Kusumi et Etsuko Mizusawa

Où l’on retrouve Hana aux prises avec un quotidien qu’elle tente d’affronter avec un maximum de bonne humeur et une curiosité gastronomique inépuisable. Hana la trentenaire, employée dans une librairie et dont le mari Goro est toujours aux abonnés absents. Hana qui bricole ses menus avec ce qui lui tombe sous la main et se laisse tenter par les copines ou par une recette entendue dans le bus. Hana toujours aussi bordélique et gamine dans l’âme…

Pour tout dire, j’avais trouvé le premier tome sympa, sans plus. Surtout, je m’étais fait la réflexion que si la mécanique de la série restait la même (un chapitre = une recette), le coté répétitif pourrait vite lasser. Et bien pas manqué, je me suis ennuyé comme c’est pas permis avec ce second volume (heureusement que je l’ai emprunté à la médiathèque). Petite nouveauté, on nous propose une histoire en couleurs mais les teintes choisies, verdâtres et délavées, ont de quoi vous donner la nausée, le comble pour un manga culinaire. Autre problème, il n’y a pas d’intrigue, chaque historiette est indépendante et sans intérêt. En fait, aucune recette ne m’a mis l’eau à la bouche. Au niveau de notre héroïne, rien de nouveau. Hana a trente ans mais on lui en donnerait douze. Tout ce qu’elle goute est forcément délicieux alors qu’elle est le plus souvent dans l’improvisation totale et que les ingrédients qu’elle utilise n’ont à la base rien de transcendant. Des nouilles chinoises froides, du riz nature saupoudré de flocon de thon séché et assaisonné de sauce soja et de mayonnaise la font grimper aux rideaux. Sérieux ? Perso, quand je teste une nouvelle recette à la maison, je me fais plus souvent incendier que féliciter. Bref, résumons : c’est répétitif, sans intérêt, le dessin est très moyen et ça ne vous ouvrira pas l’appétit. Et dire que le scénariste est celui du Gourmet solitaire, mon Taniguchi préféré. Franchement, je n’arrive pas à le croire.

J’ai lu en début de semaine que le manga connaît une crise sans précédent (moins 50% de chiffre d'affaire entre 2007 et 2011 aux États-Unis, moins 20% entre 2008 et 2013 en France). Le premier accusé est le piratage et le scantrad (une pratique qui consiste à scanner et traduire les mangas dès leur publication puis de les proposer illégalement sur le net). Soit. Mais il faudrait aussi que les éditeurs se posent des questions sur la médiocrité des titres qu’ils proposent. En dehors des blockbusters archi-vendeurs, beaucoup de séries ont une qualité bien insuffisante et ne donnent tout simplement pas envie de passer à la caisse. Mes Petits plats faciles est un exemple parmi tant d’autres.


Mes petits plats faciles by Hana T2 de Masayuki Kusumi et Etsuko Mizusawa. Komikku, 2013. 175 pages. 9,90 euros.

Les avis mitigés sur le tome 1 de A Girl from Earth et Violette.

mercredi 15 janvier 2014

Myrmidon T2 : Myrmidon dans l’espace - Loïc Dauvillier et Thierry Martin

Un accident de vélo, un vol plané et zou, Myrmidon se retrouve en possession d’une combinaison d’astronaute. Il va l’enfiler, se perdre dans la brume et heurter l’échelle d’accès à un vaisseau spatial. Notre garnement, toujours aussi curieux, va grimper fissa à l’intérieur du vaisseau. Il faut dire que lorsqu’un petit homme vert vient vous taper sur l’épaule, le premier réflexe est de prendre ses jambes à son cou, quitte à décoller vers les étoiles…

Quel plaisir de retrouver Myrmidon et de voyager avec lui dans l’espace. L’aventure est sans temps mort, les événements s’enchaînent à un rythme frénétique. La curiosité, la surprise, la peur, le soulagement, tout y passe et l’histoire se termine
évidemment dans un sourire. Comme si de rien était, en bouclant la boucle. Comme dans un rêve.

Les ingrédients restent les mêmes que dans le premier tome : aucun texte, une quasi absence de décor pour que le regard se focalise sur le personnage, une lisibilité maximale, une utilisation intelligente de l’ellipse et un découpage laissant la part belle aux mouvements où la fluidité reste la clé de compréhension principale pour le petit lecteur. Résultat, un album frais et trépidant qui permettra aux plus jeunes de se lancer dans la BD en toute autonomie et surtout avec un réel plaisir. Rendre simple et limpide un récit aussi animé est un exercice de haute voltige qui, l’air de rien, demande rigueur et précision. Le pari est ici relevé avec brio.

Myrmidon dans l’espace de Loïc Dauvillier et Thierry Martin. Les éditions de la Gouttière, 2014. 32 pages. 9,70 euros. A partir de 3-4 ans.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec mes chères Mo' et Noukette.

L'avis de Hérisson



mardi 14 janvier 2014

Le premier mardi c'est permis (23) : Pornstar d'Anthony Sitruk

L’auteur précise dans les remerciements que son texte est inspiré d’une rencontre avec un acteur et que les anecdotes sont reproduites le plus fidèlement possible.

L’histoire raconte la fin de carrière d’Alan, acteur porno proche de la soixantaine, icône de l’âge d’or du X dans les années 70 et qui tourne encore épisodiquement pour d’obscurs réalisateurs mettant leurs « œuvres » sur le net où la rémunération varie en fonction du nombre de téléchargements. Un milieu marginal et sans concession où la légèreté n’est pas de mise et où chacun tente de tirer son épingle du jeu en allant toujours plus loin (qui a dit plus profond ?) dans les pratiques extrêmes : « Aujourd’hui on fait dans le dépouillé, le chirurgical et si la technique le permet, la coloscopie. » Alan porte un regard sans concession sur la profession, sur ce que le milieu dans lequel il évolue depuis des décennies est devenu. Mais il sait aussi qu’il est incapable de faire autre chose alors il continue malgré tout, sans entrain, de façon quasi-mécanique. Il faudra une rencontre avec une jeune fille fragile et une opportunité dans le cinéma traditionnel pour qu’Alan, enfin, puisse imaginer un avenir meilleur.

Mon Dieu que l’industrie du porno est glauque ! Beaucoup de cynisme, aucune considération pour des actrices naïves que l’on maltraite à longueur de scènes et que l’on paie à coups de bâton, une compétition féroce entre réalisateurs, un public qui encourage l’escalade vers des choses toujours plus cradingues… il y a de quoi vous donner la nausée. Au moins ce roman permet de jeter un œil dans l’arrière cour d’un milieu très fermé. Pour le coup c’est pas joli-joli (c’est même carrément dégueulasse !) mais la démarche a le mérite d’être honnête. C’est d’ailleurs surtout le danger qui guette les actrices qu’il importe de montrer du doigt : « La petite a bien cerné le problème : pour 200 euros à tout péter, elle a bradé son cul, sa chatte, son honneur, son identité, son avenir, ses rêves, ses espoirs, son âme, à un connard qui diffusera les images pendant les siècles à venir sans lui reverser un centime de plus. Et l’amnésie collective n’existe pas sur internet : une fois en ligne, c’est fini. »

L’écriture en elle-même n’a rien de transcendant, elle est simple, dépouillée, très familière, même si quelques éclairs de poésie (si on peut dire) traversent le texte. Petits exemples avec la première phrase du roman : « Mine de rien, ça doit bien faire 45 minutes que je l’encule. » ou encore « D’un œil, je contemple la traînée d’escargot qu’elle a laissée sur le cuir synthétique Ikéa, de l’autre ma jute couler de son menton sur le dossier du canapé. » Classe, non ?     

Personnellement, je ne connais rien au porno, je n’en ai jamais regardé (le premier qui rigole au fond, je lui mets un taquet...) mais si vous êtes fan du genre, ce roman fort instructif vous laissera en bouche un goût amer, pas possible autrement.


Pornstar d’Anthony Sitruk. La Musardine, 2013. 128 pages. 14 euros.





lundi 13 janvier 2014

Les attaques de la boulangerie - Haruki Murakami

Je n’avais encore jamais lu Haruki Murakami. Le coté fantastico-onirique de son œuvre avec mondes parallèles et tout le bazar ne m’attire pas une seconde. Mais bon, comme je ne veux pas mourir idiot, j’ai dégoté ce petit recueil qui m’a permis de le découvrir en douceur et sans grand effort. On m’a déjà dit que ces deux textes ne comptent pas vraiment dans sa bibliographie tant ils sont éloignés de ce qu’il propose habituellement mais peu importe. Au moins maintenant, à la question « t’as déjà lu Murakami ? » je pourrais répondre « oui ». Une ligne de plus sur mon CV de lecteur, quoi.  Après si on me demande mon avis avec une question du genre « et alors ? » je répondrais « et alors rien ! ».

Parce que franchement, il n’y a pas grand-chose à retenir de ces deux nouvelles. La première est sympa avec ces gars qui, crevant la dalle, décident de s’attaquer à une boulangerie et sont désemparés par la réaction du patron leur proposant un drôle de marché pour éviter d’être braqué. Dans la seconde, on retrouve un des braqueurs des années plus tard au moment où la faim vient à nouveau le tirailler. Il raconte l’attaque de la boulangerie à sa femme et cette dernière lui propose de recommencer. Les voilà donc partis, en pleine nuit, à la recherche d’un magasin ouvert…

Le coté absurde des deux situations est intéressant, comme le rôle que peut jouer la faim sur le psychisme de ceux qui la subissent (ça m’a d’ailleurs rappelé le très beau roman éponyme de Knut Hamsun) mais au-delà de ça je n’ai pas trouvé un grand intérêt aux deux textes. Surtout, le second est truffé d’incohérences. Dans les premières pages on nous dit que la femme du narrateur a des principes, qu’elle refuse de sortir après minuit et quelques minutes plus tard, la voila proposant une virée en voiture pour trouver une boulangerie. En plus ils ne sont pas sans le sou, ils ont les moyens d’aller dans une supérette chercher quelque chose à bouffer. On a l’impression qu’ils souffrent de la faim par flemme, ça n’a aucun sens. Et puis alors qu’ils voulaient s’en prendre à un type de magasin bien précis, ils se retrouvent dans un Mac Do à réclamer des Big Mac un flingue à la main. A la fin, le mari se demande : « Tout cela était-il vraiment nécessaire ? ». Clairement, j’ai envie de lui répondre non…

L'avis de Nahe ; L'avis de Clara


Les attaques de la boulangerie d’Haruki Murakami. 10/18, 2013. 74 pages. 8,40 euros. 



samedi 11 janvier 2014

Invasion - Fernando Marias

Août 2003. Pablo, médecin militaire espagnol, est envoyé en Irak lorsque son pays s’engage officiellement dans le conflit. Au retour d’une intervention auprès de civils touchés par un attentat, son ambulance est prise dans une embuscade. Se réfugiant avec son ami infirmier Paco dans une ferme isolée et apparemment vide, les deux hommes, terrorisés, vont devoir faire face au cours de la nuit à l’arrivée des propriétaires des lieux. Pris de panique, Pablo tue un adolescent et un adulte. Lui-même grièvement blessé, il doit son salut aux soins que lui prodigue Paco. Rapatrié en Espagne auprès de sa famille, Pablo ne parvient pas à surmonter le traumatisme et il se persuade peu à peu que les fantômes des morts qu’il a laissés en Irak l’ont suivi jusque chez lui. Délire ou effroyable réalité ?

Je dois cette lecture à Athalie qui, avec l’humour et la finesse qui la caractérise, a créé un comité de soutien à Fernando Marias et m’a par la même convaincu de découvrir cet auteur dont je n’avais jusqu’alors jamais entendu parler.

Invasion est un texte inclassable. C’est une réflexion profonde sur la guerre, la responsabilité, les traumatismes intimes qui découlent d’un conflit armé ou encore la manipulation de masse que n’hésitent pas à mener les gouvernements (ici, de retour dans leur pays, Paco et Pablo sont présentés en héros ayant tué des insurgés alors qu’en fait ils ont massacré des innocents chez qui ils étaient entrés de force). Mais c’est aussi un roman à la lisière du fantastique et du thriller, une plongée dans l’esprit torturé d’un homme qui va peu à peu basculer dans la folie et perdre le contrôle.

Je dois l’avouer, j’ai eu de gros soucis avec le dernier chapitre tout en tension et digne d’un thriller. C’est l’apothéose du récit et une certaine forme de nécessaire catharsis pour « solder » définitivement les comptes, mais la violence mise en scène de la sorte, c’est plus fort que moi, je ne peux pas. Pour autant le roman reste  excellent et aborde avec intelligence la question de la culpabilité et des ravages personnels que peut engendrer une guerre. Sombre et dérangeant.

Invasion de Fernando Marias. Éditions Cénomane, 2013. 205 pages. 20 euros.

« Si tu tues un homme, il devient l’être le plus important de ta vie passée, présente et future. […] Pour que la culpabilité puisse laisser un peu de répit, il faut payer pour la mort que tu as provoquée. Mais comment ? Existait-il, existe-t-il une forme de rachat ? »

L'avis de Sandrine ; L'avis d'Athalie





jeudi 9 janvier 2014

L’homme idéal (en mieux) - Angela Morelli

Je préfère vous l’annoncer d’emblée, je vais être de mauvaise foi. J’ai quand même une réputation à préserver. Celle d’un gros dur tatoué qui aime quand la littérature pique et gratte, quand elle vous dégueule dessus sans prendre de gants. Alors forcément, la romance, ça ne peut pas être mon truc même si je connais les codes du genre, j’ai lu quelques « Passion intense ».

Pour réussir une romance, il vous faut une jeune femme seule à la vie sentimentale inexistante. Une jeune femme jolie mais sans plus, loin de la gravure de mode. Ensuite il faut que cette jeune femme rencontre un homme. Pas n’importe lequel, l’homme avec un grand H. Évidemment, il est plein de charme. Beau comme un dieu grec. Un corps d’athlète, fortement membré et particulièrement performant au lit. Ici, l’homme idéal est un lettré. Un choix original et judicieux qui change du pompier ou du magnat de la finance. Il embrasse divinement bien, sent très bon (l’hygiène douteuse n’a en effet pas sa place dans une romance, c’est compréhensible) et en plus, dixit Émilie, la jeune femme qui va lui succomber, « il a un cul sublime. » Samuel, l’homme idéal d’Émilie, est également attentionné, prévenant, intrusif mais pas trop, drôle et sensible. Bref, comme d’habitude, c’est un héros de science-fiction mais ça fait du bien de croire que de tels hommes existent et qu’en plus ils sont célibataires.

Je ne vous raconterais pas l’évolution de leur histoire, somme toute classique mais fort bien construite. Ce que j’ai apprécié particulièrement, c’est la légèreté de l’ensemble. Les choses sont simples et amenées sans chichi, les relations entre les personnages féminins sentent le vécu à plein nez. En plus il y a des situations et des répliques qui font sourire, ce qui est rare avec des textes de ce genre. On évite d’alourdir le propos comme c’est souvent le cas ailleurs avec des fêlures d’enfance mal cicatrisées et un bellâtre qui, sous sa carapace indestructible, cache une personnalité fragile et tourmentée. Le genre de trucs qui me donne envie de m‘enfoncer deux doigts dans la gorge pendant la lecture. Un récit que l’on sent travaillé, beaucoup plus écrit qu’il n’en a l’air au premier abord mais qui ne se prend pas plus au sérieux que nécessaire et franchement ça fait du bien.

Pour autant, il y a quelques petites choses qui m’ont agacé. Le Name Dropping permanent donne peut-être davantage de réalisme mais personnellement je trouve le procédé sans intérêt. Ensuite les filles se moquent des petites bites et des éjaculateurs précoces, et ça c’est pas bien (même si je ne suis absolument pas concerné, entendons-nous, je me dois d’être solidaire avec les pauvres hommes qui n’ont pas eu la chance d’être aussi solidement dotés par la nature que moi). Enfin le provincial que je suis ne peut que s’insurger contre les clichés très parisianistes d’Émilie et de sa sœur qui, se rendant chez leurs parents en banlieue, ont l’impression d’aller au bout du monde dans une sorte de no man’s land où toutes les maisons sont identiques et où l’ennui semble être la seule philosophie de vie possible. Un peu facile et gratuit tout ça...

Bon allez, même si ça me coûte, je vais tomber le masque et avouer que ce petit roman m’a bien plu. Qu’à chaque fois que je prenais ma liseuse pour retrouver Émilie, ses copines et le beau Samuel, je le faisais avec plaisir. Que je vais proposer à ma femme de le lire et que je suis certain qu’elle va adorer. Bref que la qualité de ce texte est de loin supérieure aux romances dans lesquelles j’ai mis le nez jusqu’alors.

Maintenant je dois aussi dire que j’ai trouvé la fin trop abrupte. On laisse nos deux tourtereaux sur leur petit nuage mais j’aurais aimé les revoir quelque temps plus tard, quand monsieur n’hésitera plus à péter au lit et à se gratter les roubignoles sous les yeux de sa dulcinée parce qu’« après tout, chérie, on a plus rien à se cacher. » En gros quand il jouera franc jeu et deviendra un homme comme les autres. Vous ne pensiez quand même pas que j’allais finir ce billet sans une pointe de cynisme, non, n’oubliez pas que j’ai une réputation à préserver.


L’homme idéal (en mieux) d’Angela Morelli. Harlequin, 2013. 207 pages. 3,99 euros (livre numérique).

Une première lecture commune de l'année qui me voit particulièrement bien entouré puisque j'ai le plaisir de la partager avec Liliba, Noukette et Sara.