A la fin de
L’île au trésor, personne ne sait ce que devient
Long John Silver. Dorison et Lauffray précisent au début de la série que «
cet
ouvrage ne prétend pas être une suite de l’île au trésor mais bien un humble
hommage à cet immense chef-d’œuvre qui ne cesse de nous émerveiller depuis
notre enfance. » Les auteurs ont donc imaginé un Long John Silver rangé des voitures depuis des années qui va reprendre du service pour les beaux yeux d’une
aristocrate désargentée (et surtout pour rentrer définitivement dans la
légende). Lady Vivian Hastings, ayant appris que son mari a découvert la cité
de Guyanacapac et ses immenses richesses, monte une expédition pour le
retrouver. Un voyage qui serait surtout pour elle l’occasion de s’emparer du
trésor. Elle fait donc engager Long John et ses sbires sur le navire censé venir
en aide à Lord Hastings pour qu’ils déclenchent une mutinerie et prennent le
pouvoir à bord en leur promettant la moitié du magot une fois la mission
accomplie. Mais entre cette femme fatale sans scrupules et le pirate à la jambe
de bois, la cohabitation va parfois être compliquée, sans compter que la
traversée jusqu’à la cité d’or sera loin d’être un long fleuve tranquille…
Ma manie consistant à attaquer une série uniquement lorsqu’elle
est terminée aura cette fois eu du bon. Difficile en effet d’envisager l’ampleur
de cette saga épique sans la dévorer d’une seule traite. Il faut dire aussi que
l’aventure monte en puissance au fil des tomes, ce qui n’est malheureusement
pas toujours le cas ailleurs. Tout a été pensé dans les moindres détails. Long
John a évolué par rapport au roman de Stevenson. Il n’est plus ce manipulateur
qui agit dans l’ombre. D’emblée, il montre un caractère entier dominé par la
fougue et l’emportement, prenant le contrôle du navire sans aucun calcul
préalable. Meneur d’hommes sûr de son fait, ne craignant personne, il ne cesse
d’imposer ses choix et son point de vue. Face à lui, Lady Hatsings n’est pas en
reste. Femme forte s’il en est, insoumise, égoïste, brisant enfin les chaînes d’une
union qui lui ôtait tout liberté d’action, elle restera jusqu’au bout
indomptable. Une grand partie de la force du scénario tient d’ailleurs dans les
tempéraments hors normes de ces deux-là.
Un énorme plaisir de lecture avec ces quatre tomes, même si j’ai un peu moins accroché avec le final que j’ai trouvé par
moments difficilement compréhensible. Je crois que j’ai été gêné par l’aspect
fantastique, certes justifié par les substances hallucinogènes prises par les
uns et les autres, mais qui m’a un peu perdu sur certaines séquences. J’aurais
aimé davantage de réalisme pur et dur mais je comprends que cette fin quelque
peu « fantasmagorique » colle parfaitement à l’ambiance baroque qui
traverse cette tétralogie. Dans l’ensemble, cette fresque spectaculaire est
absolument remarquable et souligne si besoin est l’incroyable talent de Mathieu
Lauffray. Plus que de découpage, il est ici question de composition. A ce
titre, le dernier volume est à montrer dans les écoles. Les peintures pleine
page donnent le vertige, les scènes d’action, nombreuses, sont maîtrisées de
bout en bout. Et que dire de la couleur et du travail sur la lumière absolument
somptueux.
Une vraie saga d’aventure
traversée par une virtuosité graphique et narrative totalement bluffante. Pas franchement le type de BD que j'ai l'habitude de lire mais difficile de ne pas se laisser emporter par un tourbillon aussi hypnotique.
Long John Silver T1 : Lady Vivian Hastings de Dorison et Lauffray.
Dargaud, 2007. 58 pages. 14 euros.
Long John Silver T2 : Neptune de Dorison et Lauffray. Dargaud,
2008. 50 pages. 14 euros.
Long John Silver T3 : Le labyrinthe d’émeraude de Dorison
et Lauffray. Dargaud, 2010. 54 pages.
14 euros.
Long John Silver T4 : Guyanacapac de Dorison et Lauffray. Dargaud,
2013. 60 pages. 14 euros.