Modiano © Folio 2005 |
Avant de parler de son enfance, Modiano raconte ses parents. Une mère comédienne qui enchaînera les petits rôles et ne portera jamais la moindre attention à son fils. Un père toujours prêt à monter des affaires plus ou moins louches qui flirtera toute sa vie avec des représentants de la pègre et qui lui non plus ne sera pas d’une grande tendresse pour sa progéniture. « Mais je n’y peux rien, c’est le terreau – ou le fumier- dont je suis issu. » La jeunesse de Patrick Modiano n’est pas un long fleuve tranquille. Il enchaîne les pensionnats sordides et ne voit jamais ses parents, trop occupés par leurs carrières respectives. La perte de son frère est un moment aussi dramatique que traumatisant. Lorsqu’il retourne enfin vivre avec sa mère après avoir obtenu le bac, il connaît la misère la plus noire dans un appartement parisien miteux où le manque de moyens ne permet pas de payer le chauffage au cœur de l’hiver. Ce n’est qu’à 21 ans, en 1967, au moment où est publié son premier roman, que le jeune homme peut enfin prendre son envol et mener sa vie comme il l’entend : « J’avais pris le large avant que le ponton vermoulu ne s’écroule. Il était temps. »
Mon premier Modiano Un auteur important, il paraît. De ceux dont il faut surveiller chaque nouvelle publication. Je ne connais rien de son œuvre. Je sais juste que de nombreux auteurs contemporains le citent comme référence. Pourtant, à la lecture des premières pages de ce court texte, je m’interroge. Le style est sec, presque journalistique. Je me dis qu’il n’y a franchement pas de quoi s’emballer. Modiano survole 21 années à toute vitesse, ne s’arrêtant sur aucun événement marquant. Comme s’il ne voulait rien partager avec le lecteur. Du coup on découvre sa jeunesse à la façon d’un observateur peu concerné par ce qu’on lui raconte. Et puis, page 45, tout s’éclaire : « J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne. » On sent l’urgence, un élan qui pourrait facilement se briser : « Je vais continuer d’égrener ces années, sans nostalgie mais d’une voix précipitée. Ce n’est pas ma faute si les mots se bousculent. Il faut faire vite ou alors je n’en aurais plus le courage ». Finalement, Un pedigree relève presque du journal intime. Une introspection qui n’aurait à la limite pas besoin d’être partagée. Quelques pages pour purger un passé douloureux et dire : « voila, c’est fait, ne venez plus m’emmerder avec ma jeunesse, c’est juste un mauvais souvenir sans grand intérêt. »
Drôle de texte. Sans doute pas la meilleure façon de découvrir cet auteur. Il n’empêche que cet exercice de style ne m’a pas forcément déplu. Reste maintenant à trouver un roman de Modiano qui me montre toute l’étendue de son talent.
Un pedigree de Patrick Modiano, Folio, 2005. 126 pages. 5,95 euros.