Caputo © Le Cherche Midi 2012 |
Des années que je n’avais pas lu un tel pavé ! Je suis plutôt un adepte des écritures minuscules, des recueils de nouvelles et des courts romans. J’aime les auteurs capables de dire beaucoup en peu de mots, ceux qui vous installent une ambiance avec un minimum de moyens. Là pour le coup, c’est tout le contraire. Clandestin est un roman ambitieux, ample, très construit, où plusieurs histoires s’entremêlent allègrement. Le propos de Caputo pousse à la réflexion. Dans cette Amérique violente où la frontière mexicaine ressemble de plus en plus à une ligne de front, il est temps de s’interroger. Sur la condition des migrants, sur la position défendue par les propriétaires terriens américains, sur les motivations purement financières des passeurs et des narcotrafiquants, sur le rôle ambigu joué par la police… Beaucoup de questions qui n’appellent au final aucune prise de position franchement tranchée. « Certains de ces immigrants ont des histoires qui font passer Les raisins de la colère pour une comédie », déclare l’un des personnages. Castle porte également un regard plein d’humanité sur le clandestin qu’il vient de sauver : « Miguel était une victime-née […] Il y avait en lui quelque chose de doux, de triste, de malheureux, qui éveillait des sentiments de tendresse […] en même temps que ça invitait, presque inexorablement, la cruauté aveugle du monde à s’abattre sur lui. » Mais quand ces mêmes clandestins saccagent vos terres, votre perception évolue rapidement : « Je comprends les mexicains. […] Ils n’ont qu’à ramper sous une clôture ou escalader un mur pour gagner dix dollars de l’heure en passant le balai chez Wal-Mart (contre dix dollars par jour chez eux). Y a pas photo. Je ferais pareil. Mais on m’a découpé mes clôtures. Et il y a deux ans Mc Intyre a attrapé un clandestin qui essayait de piquer ma camionnette. Je suis désolée pour ces gens, mais en même temps il me font vraiment chier, et je crois que je ne devrais pas avoir de scrupules. » C’est cette ambivalence des sentiments qui fait à mes yeux tout le sel du récit. Non, ce n’est pas tout blanc ou tout noir, ce n’est pas si simple.
Le point de vue tout en finesse pousse le lecteur à la réflexion mais au final Clandestin reste avant tout un roman plein de souffle, une saga familiale aux nombreux rebondissements qui se lit d’une traite. A recommander sans réserve !
Clandestin de Philip Caputo, Le Cherche Midi, 2012. 732 pages. 22,00 euros.
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