mardi 4 avril 2017

Parties communes - Anne Vassivière

Reprenons cette affaire depuis le début. L’éditeur annonce la création d’une collection (la collection G.) de romans érotiques pour les femmes et rien que pour les femmes. Je tique un peu mais la curiosité me pousse à y regarder de plus près. Une collection où les auteurs « doivent être des femmes, des vraies, pas des hommes masqués derrière des pseudos féminins ». Pourquoi pas. Et parce que, selon la directrice de la collection Octavie Delvaux, « beaucoup de lectrices attendent plus de la littérature érotique que des contes de fées saupoudrés d’étreintes passionnelles », elle veut défendre « une littérature érotique qui ne prend pas de pincettes pour décrire les actes sexuels ». Avec, ce qui avant le coup me plaisait le plus, des personnages féminins qui ne soient pas « d’éternelles victimes, des nunuches apprenant tout de la vie par un mentor, des femelles qui ne se définissent que par l’image que les hommes leur renvoient d’elles-mêmes ».

Une intention louable, une ligne directrice claire et précise, il y avait tout pour lancer un projet éditorial riche de promesses. Alors peut-on m’expliquer pourquoi le premier ouvrage de la collection est à ce point catastrophique ? Franchement, il y a loin de la coupe aux lèvres. En dehors du titre plutôt parlant et pertinent, je n’ai rien trouvé à sauver dans ce roman. Une succession de points de vue dans un immeuble Haussmannien, des voisins qui prennent tour à tour la parole, qui cachent des secrets, des vies sexuelles tristounettes, des tromperies, des coucheries, des frustrations. Un ramassis de nymphos, de beaufs, de machos, de jeunes, de vieux, d’insatisfaits chroniques et au final, aucun intérêt.

Déjà rien n’est crédible. On se croirait dans un vieux porno à papa. Un regard, un battement de cils, un tortillement du cul en montant les escaliers suffisent à déclencher les hostilités. Le livreur sonne à la porte et c’est parti, le plombier y a droit aussi… affligeant. Ensuite bonjour les clichés : les hommes pensent tous être de bons coups, les femmes comptent les fissures au plafond en attendant que ça se termine et dès qu’elles changent de partenaire, bingo, ça roule ! C’est bien connu, l’herbe est plus verte ailleurs. Cerise sur le gâteau, tout le monde pense au cul 24 heures sur 24. La proprio vieille France se fait tripoter par sa gyneco avant de roucouler avec un jeunot pendant que son mari joue à touche pipi dans l’ascenseur avec la nympho du deuxième étage, le gros macho du premier se tape la gardienne (espagnole et non pas portugaise, n’y allons pas trop fort non plus sur les clichés) avant de se faire enfiler (violer, je ne vois pas d’autre mot) par le célibataire du sixième, debout sur le palier. Et il adore ça le bougre (en même temps c’est bien connu les machos sont tous des homos refoulés). Je m’arrête là dans le ridicule mais je pourrais multiplier les exemples à l’infini.

Juste un mot sur l’écriture. Dans sa note d’intention, Octavie Delvaux prône une exigence de qualité littéraire. Elle réclame « de l’élan, du suspense, de l’émotion. En somme, de la surprise ». Bien, bien, bien. Alors pourquoi la prose est aussi pauvre que gratuitement vulgaire et pourquoi les métaphores navrantes n’engendrent pas le moindre soupçon d’excitation ?

Conclusion : j’ai sans doute commis une erreur fatale en me lançant dans une collection faite par des femmes pour les femmes. Mon instinct de mâle obtus ne m’a à l’évidence pas permis de voir l’or sous le vernis du fumier. J’aurais peut-être dû prendre ce roman au second degré (voire au troisième ou au quatrième) pour l’apprécier à sa juste valeur. Il faut dire aussi que je ne vis pas en appartement, je ne sais donc pas si le fait que tous les habitants d’un immeuble soient de gros obsédés correspond à la norme ou pas. En tout cas dans mon quartier pavillonnaire je ne suis jamais tombé sur une voisine cochonne (vous remarquerez que je ne précise pas « à mon grand regret »). En même temps je vis entouré d’octogénaires, ceci explique sans doute cela.

Mais trêve de digressions, revenons à l’essentiel. Ce roman n’est pas bon. Pas bon du tout. Je ne vois pas en quoi il diffère de ce qui est proposé ailleurs dans le même genre, sauf à considérer que sa médiocrité le singularise du reste de la production. En tout état de cause pour moi, par rapport à l’objectif initial, il y a clairement tromperie sur la marchandise. Ce n’est que mon avis et je vous accorde qu’il ne vaut pas grand-chose mais je le donne quand même.

Parties communes d’Anne Vassivière. La Musardine, 2017. 250 pages. 16,00 euros.

PS : Je vais conclure ce billet par un extrait que je trouve parlant. L’auteure affirme qu’elle s’adresse moins à la raison des lectrices qu’à leur ventre. N’étant pas une lectrice mais un lecteur, je me demande si un paragraphe comme celui-ci remplit cette belle intention.

« J’aime me faire un mec par soir pour me sentir sale et bonne grosse salope jusqu’au suivant. J’aime être la seule de l’immeuble qui se fait enculer et suce après, la vraie salope pur jus de couilles, celle qui chie des bulles de sperme pendant trois jours après une bonne enculade. Et attendre le maximum avant de me laver de la sueur des ébats bestiaux. Et aussi garder la trace argentée du sperme séché qui craquelle la raie du cul, le ventre, les miches, le cou et la joue. Admirable souillure. La preuve tangible et fièrement affichée qu’on m’est passé partout et qu’on s’y est bien affairé. Oui, attendre pour me débarrasser des traces du qualificatif chéri entre tous de "pute", que je m’applique dare-dare à remériter le soir d’après, tous derrière, queues devant. »

Alors, verdict ?











42 commentaires:

  1. Hum, te lire dès le petit déj est vraiment d'une poésie avancée... Cet extrait, comment dire... mais comment peut-on publier une merde pareille !!!! Du cul, ok, pourquoi pas, et même du gore et du crade, mais que ce soit bien écrit au moins !!! Va plutôt lire ou relire Perle de Anne Bert, là au moins, l'écriture est sublime... Beurk, je vais mal digérer mes tartines !!!

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    1. J'ai lu Perle, tu penses bien. Et beaucoup aimé, tu penses bien.

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    2. Je suis un homme de goût, tu n'en doutais pas j'espère :)

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  2. ahahahaha merci pour ce billet ! Punaise comme g ri ! ah merci chouchou !
    "On se croirait dans un vieux porno à papa" !!!!
    Ah mais quel délice ! Tout est formidable dans ton billet ! D’ailleurs je remercie cette nouvelle collection, grâce à qui on a pu avoir ta prose épatante !
    J'y retourne, g encore besoin de rire un brin avant d'affronter ma journée !

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  3. https://leschroniquesculturelles.com/2017/04/04/parties-communes-danne-vassiviere/
    Je viens de lire un autre avis : vous n'avez pas lu le mêem texte ou quoi?
    (et mon commentaire précédent aurait disparu? je signe donc anonymement keisha)

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    1. On a lu le même livre mais nos ressentis sont très différents, c'est rien de le dire !

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  4. Je t'avais lu avant de me coucher et je te relis ce matin avec le sourire aux lèvres...! Je crois que j'ai eu le nez fin en ne me précipitant pas sur cette nouvelle collection, je ne risque pas de m'infliger une telle punition ! ^^

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    1. Les titres suivants seront peut-être très bons remarque, ça ne veut rien dire.

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  5. J'espère que les romans suivant de cette maison d'édition seront meilleurs....

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  6. Arfff, effectivement, nous n'avons pas la même lecture du tout :-/ ce qui du reste n'est pas la première fois ;-)

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    1. Nos avis font le grand d'écart mais je trouve ça intéressant^^

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  7. Il va me falloir le lire pour voir si je suis plus du côté de Caroline que du tien. Mais vu l'extrait... remarque l'image des bulles de sperme... c'est un roman comique ? Bisous mon Jérôme

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    1. Je demande vers quel coté tu pencheras. Avec beaucoup d'intérêt, tu t'en doutes ;)

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  8. J'adore quand tu n'aimes pas . C'est net clair et précis et ... si drôle.

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  9. C'est monstrueux de débilité, de vulgarité, de bassesse cet extrait ! C'est ignoble. Merci de nous prévenir et de le faire si bien : excellent billet, vraiment.

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  10. Après lecture du billet ça ne faisait déjà pas envie, mais après lecture de l'extrait... Je passe mon tour, c'est sûr !!

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  11. Hu hu ! Par des femmes et pour des femmes ! Bendidon les femmes n'en sortent pas grandies et si encore elles prenaient leur pied ! De quelles femmes parle-t-on ? Vaste sujet qui me semble ici très très mal traité, on ira chercher "l'universel" ailleurs (dans le domaine du moins !!!^^) Haaa misère, heureusement ton billet m'a bien fait rire car ce genre de livre me met hors de moi !!! :)

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    1. Tu n'es clairement pas le public cible on dirait :)

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  12. Bouh que l'extrait est mauvais ! Et que ton article est bon !

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  13. Un extrait qui achève de convaincre de se passer de cette lecture...

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  14. Pourquoi une collection de femmes pour les femmes alors que l'on demande partout la parité ... ha pour se faire ridiculiser ? il semblerait que ce soit réussi !

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  15. Pouahahahahahahaha ! Je suis tellement contente que tu aies lu ce livre ! Rires de la hyène hilare de l'autre côté de l'écran !! Ta conclusion en particulier m'aura fait pleurer de rire !
    Bon, ton extrait, comment dire... Ben ça ressemble plus à de l'érotique pour les hommes qui aiment à se confirmer que les femmes ne sont que des salopes (genre gros pervers absolument pas raffinés), que de l'érotique pour les femmes et rien que pour les femmes...

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    1. Ta remarque par rapport à l'extrait est assez juste je dois dire.

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  16. ptdrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr qu'est-que tu m'as fait rire!!!!! ^^
    Aucune chance que je lise ça, c'est bourré de tous les clichés dont j'ai horreur! ^^

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  17. Bonjour Jérôme.
    En matière d'art je suis toujours frappé de constater les différences profondes de sensibilités.
    Autant dire tout de suite j'ai adoré cette perle qu'est "parties communes" de cet autrice inconnue.
    Un roman écris par 16 narrateurs différents (se rapprochant en cela en cela du roman « la horde du contrevent » d’Alain Damasio). Il nous aspire littéralement dans les pensées et sensation de chacun autour de leurs relations sexuelles.
    En tant qu’homme cela ma sacrément secoué et j’en suis ressorti avec des centaines de questions. Je pense qu’effectivement cela peut-être perturbant pour un homme, cela m’a perturbé.
    Et le style, avec la création de verbe a partir de mot ou d’adjectif est pour le moins percutante et donne un rythme fou, qui m’a retenus le roman jusqu’au bout.
    Enfin, le passage que vous citez, arrive en fin de roman alors que la jeune femme sort d’une relation avec un pervers narcissique des plus détestable, alors forcément elle régit et son langage se transforme (cela m’a fait penser à une scène dans « Vendredi ou les limbes du pacifique » de Michel Tournier, quand Robinson perdu, régresse jusqu’à la boue).
    Ne pas donner le contexte de la citation me semble un peu malhonnête, comme si vous aviez envie de réduire le travail d’une autrice a presque rien, ce n’est honorable de votre part, et même un peu facile, cela m’a fait penser à certain critique du masque et la plume qui n’ont envie que de saborder une œuvre en faisant des bon mots sans vraiment expliquer pourquoi ils n’ont pas aimer l’œuvre dont il parle.
    J’invite ceux qui ne l’on pas lu, à le lire et se faire leur propre expérience et de là leur propre opinion.

    J'aime beaucoup vos autres analyses sur vos autres lectures, mais pas pour celui-ci.
    Amicalement

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    1. J'apprécie que vous ayez pris le temps de venir défendre ce texte que vous avez tant aimé. Chaque avis est par définition subjectif, voire de mauvaise foi (je préfère à malhonnête^^), c'est une évidence dont j'ai toujours eu conscience.
      Après, l'extrait n'est pas pour moi hors contexte il est au contraire tout à fait raccord avec le contexte du roman. J'aurais pu citer la nympho, le célibataire, le macho, le livreur ou même la gynéco l'impression outrancière aurait été la même.
      Et pour conclure je suis bien d'accord avec vous, il n'y a rien de mieux que de le lire soi-même pour se faire sa propre opinion.

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  18. Je te fais confiance, depuis le temps que je te lis. Que la citation que tu proposes soit sortie ou non de son contexte, je trouve ça vulgaire. Un poil bestial et disons, ça ne me donne pas envie d'aller décortiquer le reste ;)

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    1. Pour moi la citation n'est pas du tout hors contexte, c'est une question de point de vue on va dire ;)

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  19. LE paragraphe que tu donnes en extrait est vulgaire certes mais surtout mal écrit. Très mal écrit. Et c'est la lectrice de œuvres érotiques de George Bataille, Apollinaire ou Anne Rice, enter autres, qui parle en moi. Ecrire sur le sexe n'oblige pas, heureusement, à mal écrire ! ça m'agace ces ouvrages censés s'adresser aux femmes (genre on est des êtres à part mais bref...) et qui sont soit neuneu/niais, soit ultra vulgaire pour faire rebelle mais sans le talent..
    Bref je passe allègrement mon tour !

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