Une fillette est amenée par son père chez des amis de la famille. Sa mère, qui a beaucoup à faire et attend son 8ème enfant, préfère qu’elle passe l’été loin de la maison. C’est donc par une journée écrasée de chaleur que la petite découvre la ferme des Kinsella, au fin fond de l’Irlande rurale. Personne ne lui a rien dit. Après tout les adultes n’ont pas à s’expliquer. Elle est un peu comme un fardeau dont on se débarrasse pour quelques temps. Un poil désorientée par ce nouvel environnement, elle se rend pourtant rapidement compte que l’attitude du couple sans enfant qui l’accueille est différente de celle de ses géniteurs. Ici, on fait attention à elle. C’est bien la première fois qu’elle est considérée comme un cadeau plutôt que comme une charge. Les Kinsella sont prévenants, attentifs à ses besoins et à ses envies. En d’autres termes, ils se comportent comme les parents aimants qu’elle n’a jamais eus. Cependant, la fillette va se rendre compte au fil du temps que ce couple si gentil lui a caché quelque chose et que, décidément, le monde des adultes est parfois étrange. Au final, il lui restera tout de même la délicieuse impression d’avoir passé un été inoubliable, sorte de parenthèse enchantée dans une existence jusqu’alors bien morne.
Court roman ou longue nouvelle ? Peu importe. Claire Keegan décrit avec maestria le moment crucial où une fillette passe de l’autre coté de l’enfance. Un texte à la première personne qui met en scène des personnages taiseux dans une région où se disputent pauvreté sociale et traditions séculaires. Tout en subtilité, son écriture relève de l’esquisse. Un peu à la manière des impressionnistes, elle procède par petites touches successives jouant sur les contrastes et la lumière. Sa prose, très elliptique, se focalise sur les sensations, le ressenti par rapport à la nature, entre le bruissement des feuilles et le doux clapotis de l’eau.
Un récit lumineux, touché par la grâce, bouleversant de tendresse. Avec ce texte d’à peine cent pages, tout en retenu, où affleure une sensibilité d’une rare justesse, Claire Keegan m’a fait passer un moment de lecture inoubliable. A n’en pas douter, une des plus belles surprises de l’année 2011.
Les trois lumières, de Claire Keegan, éditions Sabine Wespieser, 2011. 100 pages. 14 euros.
"Un récit lumineux, touché par la grâce" : ne pas le lire sertait une faute !
RépondreSupprimerVraiment Clara, j'ai adoré et j'aimerais beaucoup que d'autres lecteurs découvre ce tout petit roman presque "miraculeux" tant sa lecture est un véritable bonheur.
RépondreSupprimerJe vois que nos avis se rejoignent !
RépondreSupprimerBravo Jérôme car n'ayant pas du tout aimé son précédent roman, j'étais sûre de ne pas lire celui-ci...jusqu'à la lecture de ton billet. En plus, c'est un thème qui me plait beaucoup.
RépondreSupprimerVu ta conclusion, je ne peux que l'inscrire dans ma LAL !
RépondreSupprimer@ Valérie et Véro : j'espère que vos avis rejoindront le mien. En tout cas pour moi c'est un vrai coup de coeur et je ne suis pas le seul puisque ce livre est cette la semaine la 30ème meilleure vente de romans en France dans le classement Livres hebdo (+14 places par rapport à la semaine dernière).
RépondreSupprimerTrès beau résumé, très belle critique! Je suis tombée par un heureux hasard sur ton blog et je dois dire que tu écris très bien! Tu m'as donné le goût d'en savoir plus sur cette Claire Keegan, merci :)!
RépondreSupprimer@ Alex : merci pour les compliments. Je m'amuse beaucoup à partager mes lectures sur ce blog. Si je peux donner envie de découvrir quelques uns de mes coups de coeur, je le fais avec plaisir. Après, je n'ai aucune autre ambition. Partager, découvrir et aller voir chez les autres pour dénicher quelques pépites, voila ma façon de concevoir la blogosphère littéraire. En tout cas merci encore d'être venue faire un tour ici.
RépondreSupprimerJe découvre ton blog via celui de Clara et j'en suis ravie !! En plus un titre de Michel Ragon, ça ne pouvait que me plaire (le titre du blog s'entend !) et celui du livre est noté ! Tu en parles très très bien !
RépondreSupprimer@ Asphodèle : c'est vrai que j'aime beaucoup Michel Ragon. Un auteur qui mériterait davantage de reconnaissance tant son oeuvre est variée et de qualité. Son roman La mémoire des vaincus est un de mes romans préférés.
RépondreSupprimerJ'en ai lu pas mal car ils étaient dans la bibliothèque familiale dont "Les mouchoirs rouges de Cholet", la trilogie "L'accent de ma mère" et j'en ai un autre dans ma PAL (j'ai oublié le titre, c'est grave !!) ; ils sont là je pense parce qu'ils parlent de la Vendée, mais avec talent !
RépondreSupprimerDevant un tel billet (et celui de Clara, d'où je viens), je capitule, c'est certain ! Je note son titre pour le trouver au plus vite ! :)
RépondreSupprimerMoi non plus je ne connaissais pas cet auteur et j'ai été bluffée ! Et puis quelle tension tout au long de ces pages ! Non, vraiment un énorme coup de coeur.
RépondreSupprimerJe découvre ce blog avec bonheur. Et une critique positive de plus pour ce livre que je me dois de lire absolument !
RépondreSupprimerJe l'ai terminé hier soir (grâce au billet de BelleSahi)et je trouve que tu en parles très bien : "moment où une fillette passe de l'autre côté de l'enfance"... Pourtant tu ne mentionnes pas la tension que j'ai ressentie tout le long du livre ... J'aime ton écriture, sensible et élégante.
RépondreSupprimer@ Lily : merci pour les conpliments. C'est vrai que je n'ai pas parlé de la tension qui traverse le texte pour la bonne raison que je ne l'ai pas vraiment ressenti. Et pourtant c'est vrai qu'en y repensant, cette tension est bien présente. Comme quoi on passe toujours à coté dre quelque chose.
RépondreSupprimerMaintenant que je l'ai lu, je reviens lire ton billet qui est vraiment très beau. Finalement, je préfère ton billet au livre. Je vois que tu es du côté des pessimistes pour la fin puisque tu ne vois ce moment que comme une parenthèse, pas comme un changement de vie pour la petite.
RépondreSupprimerC'est vrai Valérie, j'ai du mal à imaginer que la vie de la petite va être transformée par ce bel été passé chez les Kinsella. Mais après tout, chacun peut imaginer la suite qu'il veut, on n'est pas dans une tragédie où le destin funeste des héros est connu à l'avance.
RépondreSupprimerEt merci pour les compliments concernant mon billet , c'est toujours très agréable !
As-tu lu Rosa Candida d'Audur Ava Olafsdottir. Je viens de le finir et la 2e moitié, essentiellement basée sur la relation père/fille m'a fait pensé à ton billet. Je pense que tu aimerais ce roman (en tout cas en partie).
RépondreSupprimerJ'ai entendu parler de ce titre quand il a remporté la prix des libraires mais je n'y ai pas particulièrement fait attention. Je vais aller regarder ça de plus près à la librairie la semaine prochaine. Merci pour cette suggestion !
RépondreSupprimerJe partage complètement tes impressions, elle manie avec brio l'art de l'ellipse. Elle se choisit une famille, spirituelle qui en l'occurence a plus de valeur que sa famille biologique.
RépondreSupprimerJ'ai également passé un moment très agréable. Un sentiment de tranquillité m'a accompagné tout au long de cette lecture. Mon seul regret finalement aura été de ne pas l'avoir lu l'été sous les rayons chauds du soleil avec pour fond le gazouillis des oiseaux!
RépondreSupprimer@ Tiphanie : c'est vrai que c'est en quelque sorte un roman estival, mais dans le bons sens du terme (et pas du fast food type Musso/Levy, aussi vite lus qu'oubliés).
RépondreSupprimerOui, c'est juste : cette petite fille est un "fardeau" pour les uns, un cadeau pour les autres. Merci pour ton passage sur mon blog
RépondreSupprimerC'est en tout cas une petite fille qui aura conquis plus d'un lecteur^^
Supprimer