J’adore l’idée, j’adore le titre si explicite, j’adore la façon dont le récit est mené, j’adore la façon dont le personnage tellement atypique de Félix est incarné, j’adore le réalisme des dialogues et des interactions entre les ados et j’adore le fait que Gilles Abier soit allé au bout de son délire. Je dis bien délire parce qu’il faut quand même être sacrément fou pour décrire des horreurs pareilles avec autant de naturel, au point de convaincre le lecteur que l’enchaînement des situations est aussi logique qu’implacable.
Bien sûr le bouchon est poussé très loin et l’auteur de La piscine était vide n’y va pas avec le dos de la cuillère. On sent même le narrateur ravi de la tournure prise par les événements, ravi de voir les bourreaux devenir victimes, sans sadisme ni délectation particulière mais sans jamais non plus s’appesantir sur leur cas. Félix prend sa revanche et, plus on découvre à quel point ses harceleurs ont été horribles avec lui, plus on en vient à se dire (presque) sans état d’âme que ce qui leur arrive est bien fait pour eux.
Les amateurs de manga auront sans doute en tête la référence à la cultissime série Death Note, même si l’aspect psychologique et moral n’est pas aussi poussé chez Félix que chez Light Yagami. Au-delà de Death Note, il y a du Guéraud dans ce texte. Ce côté « sans pitié », jusqu’auboutiste, cette forme de cruauté assumée de la première à la dernière ligne, cette volonté de ne pas offrir d’échappatoire ou de subterfuge qui permettrait d’arrondir les angles, c’est cinglant mais tellement efficace. Merci pour ce moment de lecture un poil dérangeant monsieur Abier, je me suis laissé embarquer dans votre cauchemar du début à la fin !
Comment tu m'as fait mourir ? de Gilles Abier. Slalom, 2020. 230 pages. 14,95 euros. A partir de 15 ans.