Il signe ici un recueil de nouvelles inclassable aux accents tragicomiques. On découvre dans ces textes un père humilié par des miliciens qui perd tout crédit aux yeux de son enfant, un oncle revenu d’entre les morts avec son habit de matador sur le dos, un autre père qui demande à son fils, après avoir été amputé des bras, de lui donner un des siens pour une greffe, un frère cherchant LA blague qui fera rire son aîné obligé de mendier pour nourrir la famille, un garçon réfugié dans un cinéma pendant que la ville croule sous les bombes ou encore un vieil homme qui transforme les voitures en biscuits.
Mazen Maarouf décrit un univers déroutant, un pays en guerre que l’on imagine facilement être le Liban. Ses narrateurs sont souvent des enfants portant un regard décalé sur le monde, des enfants qui constatent avec tristesse les défaites de leurs pères et font de leur imagination fertile le dernier rempart de résistance face à la barbarie. L’écriture est à la fois crue et poétique, oscillant sans cesse entre réalisme et fantastique. La farce côtoie l’absurde et la violence est contrebalancée par un humour féroce.
Inclassable, étrange, déroutant, inquiétant, surréaliste, les adjectifs manquent pour qualifier un tel recueil. Reste au final la certitude, en ce qui me concerne du moins, d’avoir découvert un auteur sans concession sortant clairement des sentiers battus. Tout ce que j’aime, quoi.
Blagues pour miliciens de Mazen Maarouf (traduit de l’arabe par Bruno Barmaki). Flammarion, 2019. 170 pages. 17,00 euros.