Bastien a pris l’habitude de voir cette maman roumaine et ses deux filles assises sur le trottoir devant la boulangerie où il va chercher son goûter chaque jour après l’école. A chaque fois qu’il les regarde il se sent mal à l’aise. Elles paraissent tellement sales que ça le dégoutte. Alors quand il les voit débarquer dans son appartement après une journée pluvieuse, la surprise est totale ! Sa mère et sa petite sœur Capucine leur ont proposé de s’installer temporairement dans la chambre d’amis, le temps de contacter la mairie et des associations pour trouver une solution de logement durable. Pour Bastien c’est la douche froide. Cohabiter avec « ces gens-là » est vraiment difficile et la mauvaise volonté du jeune garçon n’arrange pas les choses.
Une famille aisée d’un quartier chic de Paris qui vient en aide à une famille en situation irrégulière à la rue, ça pourrait vite tourner au cliché dégoulinant de bons sentiments. Sauf que Sophie Adriansen aborde la question avec de jolies nuances qui évitent ce genre de facilité. Bastien n’est pas « accueillant ». Il se fiche de la situation de ces personnes et voit juste son train-train douillet perturbé par leur arrivée. Pour lui, elles sont un fardeau, une source de problèmes. Du moins au début. Bien sûr son point de vue évolue. Certes difficilement mais la prise de conscience de la nécessité de leur venir en aide finit par être bien réelle. Là encore pourtant, Sophie Adriansen évite avec un douloureux réalisme l’écueil du « tout est bien qui finit bien ».
Une belle réflexion sur les risques que l’on choisit parfois de prendre pour venir en aide à des personnes que l’on ne connaît pas et sur la notion de solidarité, ce délit pouvant être puni par la loi française selon les circonstances. Au-delà se pose aussi la question des motivations qui poussent à rendre service aux autres. Le point de vue de Bastien est très intéressant. Son regard d’enfant n’a rien d’innocent, il exprime un ressenti sans filtre, loin du politiquement correct. Comme le dit le titre il n’est pas un héros, juste un petit garçon dépassé par des événements dont il ne peut comprendre les enjeux et qui analyse les choses à hauteur de ses propres intérêts, avec un franc-parler qui le rend très attachant.
Un roman intelligent doublé d’une ode à la tolérance et au respect de la dignité humaine. Un roman jeunesse forcément essentiel, surtout par les temps qui courent.
Je ne suis pas un héros de Sophie Adriansen. Fleurus, 2019. 160 pages. 12,90 euros. A partir de 9 ans.
Une pépite jeunesse comme toujours partagée avec Noukette