mercredi 8 novembre 2017

Sérum - Cyril Pedrosa et Nicolas Gaignard

Paris, en 2050. La dictature s’est installée en France et Kader, suite à une condamnation dont on ne connaît pas les causes, a subi une injection de sérum l’obligeant à dire en permanence la vérité. Ne pas pouvoir mentir est pour lui un calvaire : « Vous savez ce que c’est d’être obligé de dire la vérité à des gens qui ne veulent surtout pas l’entendre ? ». Kader vit seul, reclus, déprimé. Il ne parle jamais à personne, ce qui est pour lui le meilleur moyen de ne pas s’attirer d’ennuis. Parallèlement, un groupuscule clandestin prépare une action d’envergure susceptible de renverser le régime. Et ce groupuscule semble avoir fait de Kader un maillon essentiel de son plan…

J’ai beaucoup apprécié le fait que rien ne soit offert d’emblée au lecteur. On découvre cet homme seul dans un univers étrange, on déambule avec lui dans un champ d’éoliennes, on le voit « cueillir » un papillon et le glisser dans sa poche. C’est une entrée en matière aussi déstabilisante que plaisante, j’ai eu l’impression de naviguer à vue et de voir apparaître des indices au compte-goutte, comme autant de petits cailloux laissés sur mon chemin pour éclairer ma compréhension de l'histoire.

Au-delà de cette narration ambitieuse, il faut évidemment souligner la dimension politique du propos, la réflexion sur le pouvoir, sur l’importance du mensonge dans les relations humaines (ou du moins l’importance de ne pas toujours dire la vérité selon les circonstances) ou encore sur le pragmatisme qui a tôt fait de rattraper les idéalistes une fois arrivés au pouvoir : «  Il est trop tôt pour dire la vérité. Il faut reconstruire le pays, préserver la démocratie. Elle est fragile. »

Le dessin de Nicolas Gaignard m’a souvent rappelé celui de l’excellent Frederik Peeters. J’avoue avoir été fasciné par sa capacité à installer une ambiance étrange, angoissante, avec une économie de moyens remarquable. En quelques traits il croque un monde gris, froid et hostile dominé par des couleurs ternes. Il montre la solitude, les regards vides, le quotidien morne. Graphiquement c’est très sombre et totalement raccord avec la France anesthésiée et sans âme imaginée par Cyril Pedrosa.

Après « Le voyageur » j’enchaîne une seconde BD qui ne brille pas par son optimisme débordant, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais cette triste vision de l’avenir  est une fois encore exprimée avec finesse et intelligence, elle pousse à la réflexion sans poncifs ni militantisme maladroit. Une belle réussite qui ravira les amateurs de récit d’anticipation.

Sérum de Cyril Pedrosa et Nicolas Gaignard. Delcourt, 2017. 160 pages. 18,95 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Mo.




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mardi 7 novembre 2017

D’un trait de fusain - Cathy Ytak

« S’habituer… S’habituer à passer du rire aux larmes en quelques secondes. De la plaisanterie la moins fine à la peur la plus forte. Avec la mort infiltrée. Mais sérieusement, quand on a dix-sept ou dix-huit ans, ça veut dire quoi, mourir, si on n’a rien vécu ? »

Mary, Monelle, Julien et Sami. Ils sont quatre. Lycéens. Au début des années 90. Dans leur quotidien débarque sans prévenir cette saloperie de sida dont trop peu de monde parle. C’est l’heure des premiers amours, des premières fois, des premières confrontations avec l’hypocrisie des adultes, des premiers engagements politiques, de la prise de conscience effrayante qu’avec ce virus la jeunesse n’est plus forcément synonyme d’avenir et  d’insouciance.

Cathy Ytak signe avec ce Trait de fusain un splendide roman. C’est beau, triste, touchant, à la fois d’un réalisme cru et traversé par beaucoup de douceur. Elle montre la surprise, le coup de massue, l’impossibilité d’y croire (« Parce que ce genre de chose, ça n’arrive pas à des gens comme eux. Ils sont trop jeunes, trop ordinaires, trop… quelconques. »). Elle dit la rage, la colère et la résignation, la joie de vivre, les amitiés qui se fissurent ou se renforcent, la perte définitive de l’innocence. Elle revient aussi sur les premiers pas d’Act Up en France, ses actions coup de poing pour frapper l’opinion, l’élan de vitalité qui portait les militants malgré l’ombre de la mort planant sur beaucoup d’entre eux.  

Plus que tout, j’ai trouvé ce texte d’une grande dignité, loin du tire-larmes vers lequel il aurait été facile de basculer. Pas de pathos ni de jugement mais une empathie débordante et contagieuse qui met du baume au cœur en dépit de la douleur et de l’injustice qui laboure les tripes. Un bijou de sensibilité.  


D’un trait de fusain de Cathy Ytak. Talents hauts, 2017. 255 pages. 16,00 euros.  


Une pépite jeunesse évidemment partagée avec Noukette.










lundi 6 novembre 2017

8 ans !

Huit ans. Huit ans que je vous accueille ici, que je m’amuse à parler de mes lectures en toute simplicité, sans chercher à élargir coûte que coûte le cercle de mes visiteurs  et  sans jamais me soucier de l’esthétique (affreuse) de ce blog qui n’a pas bougé d’un iota depuis la première seconde où il a été mis en ligne.

Quitte à enfoncer des portes ouvertes, ce que je retiens de ces huit ans ce sont  les moments de partage et d’échanges, les lectures communes et surtout les belles rencontres qui sont pour certaines devenues des amitiés solides en passant du virtuel au réel.

Si je pense par exemple à l’année écoulée, les souvenirs les plus marquants sont mon Montreuil avec Noukette (je ne peux pas envisager un Montreuil sans Noukette de toute façon), un festival d’Angoulême mémorable avec  une bande de frapadingues que j’adore et qui se reconnaîtront, un salon du livre avec les délicieuses Electra et Eva et les rendez-vous BD d’Amiens avec ma très chère Moka. De jolis moments rendus possibles grâce à ce blog qui continuera d’exister tant que je ne serai pas gagné par la lassitude ou l’envie de passer à autre chose.

J’espère donc être encore là l’an prochain pour souffler mes neuf bougies mais en attendant et comme à chaque anniversaire, je vais me faire un plaisir d’offrir à trois d’entre vous un de mes coups de cœur de l’année. Pour cela rien de plus simple, il suffit de m’indiquer en commentaire votre volonté de participer au tirage au sort. Pour le reste, je m’occupe de tout.

Edit du 23/11 :

Alors voila, une petite main innocente de bientôt 5 ans a plongé dans mon chapeau et en retiré trois noms parmi la soixantaine qui s'y trouvait. Les gagnantes sont donc, par ordre alphabétique :

- Emma
- Gambadou
- Moka

Mesdames, il ne vous reste plus qu'à me donner votre adresse et je m'occupe du reste !

Merci à tous les participant(e)s et aux lecteur(trice)s qui prennent le temps de passer régulièrement (ou occasionnellement) par ici. Et rendez-vous l'an prochain pour souffler les 9 bougies de mon blogounet.








samedi 4 novembre 2017

Tout est brisé - William Boyle

Pour le coup le titre est parfait. Tout est en effet brisé dans la vie d’Erica : elle vit seule à Brooklyn et a du mal à joindre les deux bouts depuis la mort de son mari, sa mère ne s’est pas remise d’une fracture du col du fémur après une mauvaise chute, son père à l’agonie la tyrannise au point de l’obliger à le sortir de l’hôpital pour le ramener chez elle alors qu’il n’est pas capable de descendre de son lit sans s’écrouler et son fils homosexuel, dont elle n’avait plus de nouvelles, revient à la maison avec sa dépression et son alcoolisme en guise de bagages. Rien que ça. Ah non, j’oubliais, il y a aussi sa sœur, qui pourrait lui donner un coup de main si elle n’était pas elle-même au chevet de son homme malade. Bref, l’horizon d’Erica est bouché. Et sa barque bien trop chargée à mon goût, dans le genre mélo, difficile de faire pire.

Après, j’ai apprécié le fait qu’elle affronte les embûches avec force et fragilité, sans se plaindre ni s’apitoyer sur son sort. J’ai aimé l’écriture beaucoup plus descriptive que psychologique s’attardant davantage sur les faits que sur les pensées des uns et des autres. Le fils, enfermé dans une spirale autodestructrice, est une vraie tête à claque et le papy invivable donne juste envie de l’étouffer avec son oreiller pour avoir la paix mais les deux sont croqués avec réalisme.

Le problème c’est que tout est sombre et désespéré, il m’a vraiment manqué quelques rayons de lumière dans l’obscurité pour apprécier ma lecture et ne pas refermer le roman avec l’envie de me noyer sous les antidépresseurs. Il y a bien le personnage de Frank, sorti de nulle part avec son optimisme à toute épreuve qui aurait pu ensoleiller ce triste tableau, mais je me suis demandé ce qu’il venait faire dans cette galère et je n’ai pas compris à quoi il servait dans la mécanique du récit. Pour tout vous dire, il m’a rappelé le personnage d’Alec Baldwin dans un épisode de Friends qui trouve tout merveilleux et finit par se mettre tout le monde à dos (désolé, on a les références qu’on peut !). En gros, il est plus ridicule qu’autre chose.

Conclusion ? William Boyle sait créer une ambiance pesante et mélancolique, son écriture m’a plu, comme sa maîtrise des dialogues, mais pour le reste j’ai moyennement apprécié cette histoire déprimante aux traits mélodramatiques bien trop forcés et manquant de nuances.

Tout est brisé de William Boyle. Gallmeister, 2017. 210 pages. 22,40 euros.




jeudi 2 novembre 2017

Ostwald - Thomas Flahaut

Simon Johannin, David Lopez, Timothée Demeillers et maintenant Thomas Flahaut. Quatre jeunes écrivains, à peine ou pas encore trentenaires. Trois ont signé cette année leur premier roman, un autre son second. Leur point commun ? Tous les quatre tournent le dos à la branlette autofictionnelle en vogue pour donner dans le roman social, pour montrer de façon parfois crue une jeunesse sans avenir, un monde du travail sans pitié, une condition ouvrière à l’agonie. Ce retour du roman social dans le paysage littéraire français me ravit, ces gamins osent, ils grattent là où ça mal et surtout, ils le font avec talent.

Dans Ostwald, Thomas Flahaut mélange réalité et fiction. La réalité, c’est la fermeture de l’usine Alstom à Belfort et l’onde de choc qu’elle a engendrée dans l’économie locale. La fiction, c’est l’incendie de la centrale nucléaire de Fessenheim qui provoque une évacuation massive de population, des Vosges à Strasbourg en passant par l’Allemagne et la Suisse. Noël est le narrateur. Il vient de terminer ses études et ne sait pas de quoi demain sera fait. Évacué avec son frère Félix dans un camp gardé par l’armée en lisière de forêt suite à l’incendie, il doit fuir après avoir été témoin d’un événement tragique. Son frangin et lui vont traverser une Alsace désertée, croisant juste quelques clochards ou des singes échappés d’un zoo…

A travers leur errance se dessinent à la fois le manque d’ambition d’une jeunesse provinciale perdue et le délitement des liens sociaux. Les parents ont divorcé après le plan social de l’usine, les enfants sont allés jusqu’à l’université parce qu’ils n’avaient rien de mieux à faire et à l’heure de se lancer sur le marché du travail, ils savent que leur région n’a rien de solide à offrir. Disparition d’un monde, disparition d’un modèle familial, vision pessimiste et même apocalyptique de l’avenir, Flahaut raconte le cheminement vers une impasse à l’aide d’une écriture sobre. Phrases courtes et parfois sans verbe, chapitres d’une ou deux pages, poésie sèche centrée sur le réel  qui ne s’autorise aucun éparpillement lyrique, on va à l’essentiel sans fioriture et j’avoue que j’adore ça.  

Un premier roman injustement passé inaperçu dans le flot de la rentrée littéraire et un jeune auteur (né en 91 !) à suivre de très près, qu’on se le dise.


Ostwald de Thomas Flahaut. L’Olivier, 2017. 170 pages. 17,00 euros. 





mercredi 1 novembre 2017

Été - Cadène, Safieddine, Duvelleroy et Surcouf

« Deux mois de liberté totale… Puis nous deux ensemble, sans regret, pour toujours. »

Abel et Olivia décident de faire un break le temps d’un été. Chacun de leur coté, sans le moindre contact. Le temps de faire des choses remises jusqu’alors à plus tard, de se retrouver seul face à soi-même, de profiter, de s’interroger et de lâcher prise. Le temps aussi de savoir si leur amour peut résister à une telle épreuve.

Un album qui se décline en historiettes d’une page, un coup avec Abel, un coup avec Olivia. Pendant que l’une va à confesse l’autre prend l’avion sur un coup de tête, pendant que l’une emmène sa tante en Islande, boit des coups avec ses copines en parlant de cul et rentre pour la première fois de sa vie dans un cinéma porno, l’autre fait du rock comme quand il était ado, va au casino et saute sur la moindre occasion de finir dans le lit d’une inconnue.

C’est bête à dire mais je crois que j’ai passé l’âge de ce genre de trucs, de ces histoires de couples presque trentenaires qui ne savent pas où ils en sont, qui ne savent pas où ils vont et surtout qui ne savent pas ce qu’ils veulent. En fait je m’en tamponne de leurs états d’âme, de leurs questionnements existentiels et de leur relation compliquée. Et puis j’ai du mal avec les phrases à la con genre « faut pas avoir peur, si on a peur, on ne fait plus rien » ou « le temps passe trop vite, on se construit plus de regrets que de souvenirs ». Franchement qui dit ça dans une conversation normale en sirotant un apéro entre potes ????

Un album aux dessins sans relief et aux couleurs qui piquent les yeux, qui était en fait au départ un feuilleton BD en ligne publié sur Instagram et co-produit par Arte. Un album dans l’air du temps que je qualifierais de « branchouille », encensé par les Inrocks et d’autres magazines à la mode, ce qui est tout sauf surprenant. Mais ce n’est pas du tout ma came, vous l’aurez compris. Pour moi ce n’est qu’une accumulation de clichés et de petits riens sans intérêt, portrait d’une jeunesse très autocentrée dont le sort m’indiffère. De l’anecdotique aussi vite lu qu’oublié en somme.

Été de Cadène, Safieddine, Duvelleroy et Surcouf. Delcourt, 2017. 80 pages. 15,50 euros.

PS : Il y a quand même un truc intéressant à souligner, le fait que l’ensemble des planches fonctionne comme un palindrome, c’est-à-dire que l’on peut relire l’album "à l'envers" en commençant par la dernière page et voir l’histoire sous un angle fort différent. C’est original, très bien fait et tout sauf gadget.




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mardi 31 octobre 2017

Les optimistes meurent en premier - Susin Nielsen

« Ensemble, nous avons réussi à ne pas tomber. »

C’est la dernière phrase de ce roman et elle dit tout. Tout de ces ados cabossés qui, après s’être rapprochés non sans difficulté, ont fini par se soutenir les uns les autres et par avancer malgré leurs drames respectifs. Pour une fois je vais faire court et essayer de vous donner envie de découvrir  ce superbe texte en en disant le moins possible.

Sachez donc que l’on suit au fil des pages Pétula, qui ne se remet pas du décès de sa petite sœur. Sa route va croiser celles de Jacob, Koula, Alonzo et Ivan. Des gamins « à problème », comme elle, des gamins paumés qui semblent tous être dans une impasse et incapables d’en sortir.

C’est un livre plein d’amour, de culpabilité, de douleur, d’amitié et de chats. Un livre plein d’espoir qui se tourne résolument vers l’avenir sans rien résoudre d’un coup de baguette magique. C’est un livre qui vous serre le cœur, vous fait sourire et grimacer, engendre un incontrôlable excès de tendresse pour Pétula et ses comparses. C’est un livre rare et précieux, de ceux que l’on voudrait recommander et faire lire à la terre entière. Une pépite jeunesse indispensable.    


Les optimistes meurent en premier de Susin Nielsen (traduit de l’anglais par Valérie Le Plouhinec). Hélium, 2017. 192 pages. 14,90 euros. A partir de 14 ans.






Une lecture commune évidemment partagée avec Noukette !









dimanche 29 octobre 2017

Par le vent pleuré - Ron Rash

Il a suffi de fragments d’os ramenés sur la berge par une rivière en crue pour qu’une vieille affaire ressurgisse...

 1969. Ligeia la hippie débarque dans un petit bled des Appalaches, envoyée par ses parents chez son oncle pour calmer ses démons. Bill et Eugène, deux frères, la rencontrent et sont attirés par son magnétisme. La jeune femme leur fait tourner la tête. Eugène, le plus jeune, cède à tous ses caprices, allant jusqu’à voler pour elle des opiacés dans la pharmacie de son grand-père médecin. Un jour Ligeia disparaît sans laisser la moindre trace. Une fugue sans doute. Mais des décennies plus tard, quand la rivière rend ses ossements, Eugène croit comprendre ce qu’il s’est passé. Pour en avoir le cœur net, il va devoir reprendre contact avec ce frère auquel il n’a pas parlé depuis des années.

Un roman entre présent et passé. Le passé d’une jeunesse où Bill et Eugène, sous la coupe d’un grand-père tyrannique, grandissent sans avoir droit au moindre écart. Un présent où leurs trajectoires respectives ont suivi des chemins bien différents, le premier étant devenu un chirurgien reconnu alors que le second a brisé son mariage et a failli tuer sa fille dans un accident de voiture à cause de l’alcool. Bill n’a jamais cessé de briller alors qu’Eugène n’a fait que sombrer. La découverte de la dépouille de Ligeia va les mettre face aux fantômes qui les hantent, sans pour autant amorcer entre eux la moindre réconciliation, bien au contraire.

Ron Rash parle de culpabilité, de chagrin, de mensonge, du sens des responsabilités également. J’ai pour une fois trouvé que tout allait trop vite, que le récit aurait mérité de se déployer de façon plus ample (en gros je l’aurais aimé un peu plus épais ce livre, comme quoi je ne suis plus à une contradiction près !). Le personnage de Ligieia ne m’a fait ni chaud ni froid et le papy autoritaire m’a semblé à la limite de la caricature. J’ai par contre adoré cette relation complexe entre frangins n’ayant aucun point en commun, aucune affinité, aucune envie de se rapprocher malgré les liens du sang. Elle a fait raisonner beaucoup de choses de ma propre histoire et c’est de loin ce que je garderais de plus marquant de ce texte sans grande originalité, tant au niveau du fond que de la forme, mais dont l’écriture élégante et les dialogues ciselés m’ont au final fait passer un agréable moment de lecture.

Par le vent pleuré de Ron Rash (traduit de l’anglais par Isabelle Reinharez). 200 pages. 19,50 euros.




vendredi 27 octobre 2017

Pas bête(s) ! - Christophe Léon

Une poule de batterie heureuse de l'enclos de 50 cm² dans lequel elle passe ses journées à picorer et à pondre. Un zoo censé participer activement à la préservation des espèces rares où les visiteurs pensent davantage à consommer et à se bâfrer qu’à découvrir les animaux. Des cadres supérieurs qui pratiquent la tauromachie. Un abattoir ultramoderne où rien n’est laissé au hasard. Un papa victime de l’économie libérale aux prises avec des cafards. Un mouton mégalo et fasciste à la rhétorique persuasive. Un chien de chasse à la retraite qui découvre les affres de la téléréalité.

Christophe Léon propose sept fables dont la morale n’est pas forcément explicite. Il faut fournir un petit effort de réflexion pour comprendre les enjeux de chaque texte, ce qui n’est pas plus mal. D’ailleurs est-ce vraiment des fables ? On est sans doute ici plus proche de la parabole, mais peu importe finalement. Ce qui compte, c’est la limpidité du propos. Pas de dénonciation grossière à coup de gros sabots mais plutôt un discours tout en finesse dont l’évidence se dévoile peu à peu. D’où une lecture de chaque histoire nécessairement attentive voire accompagnée pour certains enfants qui auront peut-être du mal à en saisir les subtilités. 

Le ton est caustique, souvent drôle. Il y a aussi une certaine gravité et de jolies trouvailles, comme cette « passerelle » imaginée entre les deux textes qui ouvrent et ferment  le recueil où la poule et le chien se rejoignent dans un final inattendu.

De la littérature jeunesse engagée qui appuie avec intelligence là où ça fait mal et qui reste dans la lignée de ce que proposent les éditions Le muscadier depuis leur création. Personnellement, çà me convient tout à fait.

Pas bête(s) ! de Christophe Léon. Le muscadier, 2017. 145 pages. 11,50 euros. A partir de 10-11 ans.






mercredi 25 octobre 2017

Le Petit Nicolas : la bande dessinée originale - Sempé et Goscinny

La première histoire « écrite » du Petit Nicolas a été publiée le 29 mars 1959 dans le journal « Sud-Ouest Dimanche ». Mais le personnage avait fait ses débuts deux ans et demi plus tôt dans les pages du magazine belge « Le Moustique » sous forme de bande dessinée. Cet album réunit pour la première fois l’ensemble des  28 planches  parues entre  septembre 1955 et mars 1956.

Loin des copains, de l’école et des scènes savoureuses que l’on retrouve dans les histoires illustrées, ces débuts en BD, où le trait balbutiant de Sempé manque quelque peu de maîtrise, se concentrent uniquement sur l’environnement familial. Le voisin Blédurt est déjà présent et Alceste fait une courte apparition mais pour le reste, tout tourne autour de Nicolas, sa mère et surtout son père. Ce dernier subit à chaque page les conséquences des bêtises de son fiston. Un comique de répétition gentillet qui montre un Petit Nicolas d’une sagesse plus que relative, trouillard devant le docteur, râleur chez le photographe et terrorisant son coiffeur.

Le gag en une planche n’a pas la même force que les récit longs déclinés par la suite, même si certaines histoires en BD ont inspiré des nouvelles publiées en recueil. A ce titre les deux exemples repris en fin d’album montrent bien comment s’est opéré le passage d’une forme à l’autre.

Un livre parfait pour découvrir les origines d’un personnage culte qui a traversé les décennies avec un succès indémodable. Un livre idéal pour les inconditionnels de ce facétieux gamin et pour les nostalgiques de l’humour un brin désuet des années 50. A l’évidence ce Petit Nicolas en BD va se retrouver sous de nombreux sapins au moment de Noël.

Le Petit Nicolas : la bande dessinée originale de Sempé et Goscinny. IMAV éditions, 2017. 48 pages. 12,90 euros.


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