Simon Johannin, David Lopez, Timothée Demeillers et
maintenant Thomas Flahaut. Quatre jeunes écrivains, à peine ou pas encore
trentenaires. Trois ont signé cette année leur premier roman, un autre son
second. Leur point commun ? Tous les quatre tournent le dos à la branlette
autofictionnelle en vogue pour donner dans le roman social, pour montrer de
façon parfois crue une jeunesse sans avenir, un monde du travail sans pitié, une
condition ouvrière à l’agonie. Ce retour du roman social dans le paysage
littéraire français me ravit, ces gamins osent, ils grattent là où ça mal et
surtout, ils le font avec talent.
Dans Ostwald, Thomas Flahaut mélange réalité et fiction. La
réalité, c’est la fermeture de l’usine Alstom à Belfort et l’onde de choc qu’elle
a engendrée dans l’économie locale. La fiction, c’est l’incendie de la centrale
nucléaire de Fessenheim qui provoque une évacuation massive de population, des Vosges
à Strasbourg en passant par l’Allemagne et la Suisse. Noël est le narrateur. Il
vient de terminer ses études et ne sait pas de quoi demain sera fait. Évacué avec
son frère Félix dans un camp gardé par l’armée en lisière de forêt suite à l’incendie,
il doit fuir après avoir été témoin d’un événement tragique. Son frangin et
lui vont traverser une Alsace désertée, croisant juste quelques clochards ou
des singes échappés d’un zoo…
A travers leur errance se dessinent à la fois le manque d’ambition
d’une jeunesse provinciale perdue et le délitement des liens sociaux. Les
parents ont divorcé après le plan social de l’usine, les enfants sont allés
jusqu’à l’université parce qu’ils n’avaient rien de mieux à faire et à l’heure
de se lancer sur le marché du travail, ils savent que leur région n’a rien de
solide à offrir. Disparition d’un monde, disparition d’un modèle familial,
vision pessimiste et même apocalyptique de l’avenir, Flahaut raconte le
cheminement vers une impasse à l’aide d’une écriture sobre. Phrases courtes et
parfois sans verbe, chapitres d’une ou deux pages, poésie sèche centrée sur le
réel qui ne s’autorise aucun
éparpillement lyrique, on va à l’essentiel sans fioriture et j’avoue que j’adore
ça.
Un premier roman injustement passé inaperçu dans le flot de
la rentrée littéraire et un jeune auteur (né en 91 !) à suivre de très près, qu’on se
le dise.
Ostwald de Thomas Flahaut. L’Olivier, 2017. 170 pages. 17,00
euros.