Jolly Jumper fait la gueule. Et Lucky Luke se demande bien pourquoi. Voila l’album résumé en deux phrases. Du moins son point de départ. Que dire de plus ?
Ça fait drôle de voir Lucky Luke torse nu et hirsute dès la première case.
Ça fait drôle de voir Lucky Luke porter une chemise rouge et un foulard jaune (normalement c’est l’inverse).
Ça fait drôle de voir Lucky Luke marcher plus vite que son ombre.
Ça fait drôle de voir Jolly Jumper mutique.
Ça fait drôle de voir Lucky Luke en colère essayer de descendre ce même Jolly Jumper.
Ça fait drôle de voir Lucky Luke en petite forme.
Ça fait drôle de voir le Dalton Averell (vous savez, le plus grand et le plus neuneu) en obèse demandant à ce qu’on lui pose un anneau gastrique.
Pour dire les chose autrement, ça fait drôle de voir un auteur s’emparer d’un personnage aussi mythique et se permettre autant de libertés, de décalages, de pas de coté par rapport à la version originale. Mathieu Bonhomme avait déjà apporté quelques variations dans «
L'homme qui tua Lucky Luke » mais Bouzard va plus loin. Il garde l’univers de base, convoque quelques personnages secondaires emblématiques (Ma Dalton ou Phil Defer), mais il jette tous les ingrédients ensemble dans la marmite et les remue sans ménagement.
Ainsi le flegmatique cow-boy solitaire et sûr de lui devient un angoissé du bulbe inquiet de ne pas comprendre ce que lui reproche sa chère moitié, inquiet de voir que son jean lui fait de gosses fesses, inquiet de ne pas trouver un bon plan pour mener sa mission à bien, bref un pauvre homme pétri d’incertitudes (et au QI assez limité aussi, il faut bien le reconnaître).
Bouzard se lâche, donc. Égal à lui-même oserais-je dire. Et pour un fan de Lucky Luke comme moi (j’ai tout lu, sauf les albums scénarisés par Laurent Gerra, il y a des limites quand même) le choc est violent. Heureusement je suis bon client avec l’humour absurde, les jeux de mots pourris (les Dalton daltoniens, fallait le trouver) et ce graphisme très relâché (pour ne pas dire plus) qui m’a rappelé le
Jack Palmer de Pétillon.
Bref, gros kiffe en ce qui me concerne pour ce Lucky Luke à la mode Bouzard qui, je ne n’en doute pas une seconde, filera la nausée à certains puristes de la première heure amoureux du duo Morris/Goscinny.
Un grand merci à la très chère personne qui a pensé à moi après l’avoir lu et me l’a gentiment offert, avec en bonus dans l’enveloppe un présent inestimable. Comprenne qui pourra…
Jolly Jumper ne répond plus de Bouzard. Lucky Comics, 2017.
48 pages. 14,00 euros.