Trop bavard, trop didactique, trop lourd. L’engagement antimilitariste relaté de la sorte m’apparaît totalement contreproductif. On suit le brancardier Augustin à travers le no man’s land des tranchées. Il a perdu son binôme, il a dû étouffer son dernier « client » qui gueulait trop fort les tripes à l’air et risquait d’attirer l’attention des boches. Abandonnant son brancard, il erre, les mains dans les poches et la clope au bec. En chemin il rencontre des tirailleurs sénégalais, un bataillon de « bantam », ces soldats anglais qui avaient la particularité de mesurer moins d’un mètre soixante, des ANZAC (australiens et néo-zélandais), des Sammies américains et des canadiens. En remontant seul vers l’arrière au milieu des cadavres, de la boue et de la puanteur, Augustin marche dans des villages en ruines. Il croise des russes, des portugais et une voix off nous explique qui sont ces gens, pourquoi et comment ils ont atterri au milieu de l’enfer, pourquoi ils sont, comme tout le monde, en route vers l’abattoir.
Le témoignage à charge ne souffre d’aucune nuance, il est tellement rabâché qu’il en devient limite insupportable. Oui cette guerre était une boucherie. Oui elle a engraissé les banquiers, les commerçants, les marchands d’armes et les capitaines d’industrie. Les salauds de gradés sont tous des crevures, les cul-terreux vivant dans les patelins servant de cantonnement profitent de la situation pour gonfler le prix du pinard et des produits de base. Et quand on fait un saut chez les allemands, c’est pour tomber sur l’officier Ernst, un homme persuadé de faire partie d’un « peuple supérieur, viril et sain, avide de force et de domination », un gars qui serait forcément devenu un nazi s’il n’avait pas pris une balle dans le buffet pendant un assaut. Et la voix off de nous rassurer : « Il valait donc mieux qu’il crève dans la boue d’une tranchée française ». Lamentablement caricatural…
Un album comme un catalogue d’horreurs et d’indignations, bourré de récitatifs longs comme le bras. Un album comme une leçon d’histoire que le prof vous hurlerait dans les oreilles pour être bien certain que vous n’allez rien perdre de ce qu’il a à vous dire. Zéro plaisir de lecture, un moment pénible à passer dont la forme m’a empêché de retenir ne serait-ce que l’essentiel parmi la foultitude d’informations dont on a voulu me bourrer le crâne. Un ratage total, en ce qui me concerne du moins. Le livre s’accompagne d’un CD de chansons de Dominique Grange, la compagne du dessinateur. On nous prévient au départ que l’un ne va pas sans l’autre. Mais vu l’effet que m’a fait l’un, pas de danger que j’écoute l’autre.
Le dernier assaut de Tardi. Casterman, 2016. 92 pages. 23,00 euros (BD + CD-audio).
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