Un roman de 1986 qui plonge le lecteur au cœur du désespoir. Une mère qui n'a pas les moyens de sauver son bébé, le nourrit au beurre de cacahuète et au biberon de pepsi, qu'elle coupe au whisky quand elle veut l'assommer quelques heures. Un pauvre type, beau parleur, magouilleur à la petite semaine. Des pas grand-chose dans l'Amérique des années 80 et son capitalisme triomphant. Jolene et Artie sont des personnages inoubliables. Des personnages acculés, incapables de joindre les deux bouts. Ils veulent éviter la noyade, tentent des choses, se débattent. Échouent. Relèvent la tête, s'interrogent, replongent. Ils rêvent, tirent des plans sur la comète, envisagent des solutions extrêmes, les mettent en œuvre. Se plantent. Mais ils s'aiment et finalement, rien n'est plus important.
Au-delà du désespoir reste une humanité et une vitalité qui amène un rayon de lumière dans les ténèbres. Richard Krawiec n'enjolive rien. Il fut l'un des premiers auteurs américains à donner des cours d'écriture dans des centres d'accueil de SDF, des prisons ou des cités défavorisées, guidé par le souci de redonner la parole à ceux qui ne l'ont plus. Avec Artie et Jolene, il dresse le portrait d'un couple incroyablement touchant, un couple qui avance à tout petits pas et ne va nulle part. C'est beau et tragique sans jamais être sordide, malgré les apparences.
L'ombre de Selby plane sur ce grand roman, sombre et crépusculaire. De la littérature américaine sans gants, décomplexée. Celle que j'aime plus que toute autre.
Dandy de Richard Krawiec. Points, 2015. 240 pages. 6,70 euros.