lundi 13 avril 2015

Les larmes de l’assassin - Thierry Murat et Anne-Laure Bondoux

Je me rappelle de la dédicace d’Anne-Laure Bondoux à Montreuil en décembre dernier. De Stephie, attendant son tour et s’étonnant d’apprendre que je n’avais jamais lu cette auteure jeunesse incontournable. Limite choquée, la Stephie ! Du coup, je suis reparti du salon avec son dernier roman, « Tant que nous sommes vivants ». Mais j’ai eu le malheur de le prêter quelques jours plus tard, avant même d’avoir eu le temps de l’ouvrir, et je ne l’ai pas revu depuis. Alors quand cette BD, adaptation de l’un de ses autres textes, m’a fait de l’œil avant-hier à la médiathèque, je n’ai pas hésité.

« Ici, personne n’arrivait par hasard. Car ici, c’était le bout du monde, le sud extrême du Chili où la côte fait de la dentelle dans les eaux du Pacifique. Sur cette terre malmenée par le vent, même les pierres semblaient souffrir ». Le narrateur a vu un jour débarquer dans la bicoque des ses parents, isolée à des kilomètres de toute autre habitation, un fugitif. Un truand, un escroc, un assassin. Un homme qui allait changer sa vie à jamais…

Soyons clair et net, j’ai adoré. Il y a tout pour me plaire dans cet album. Un environnement rugueux, une terre désolée, des gens de peu de mots, une tragédie en marche. C’est une histoire de rédemption et d’amour, une histoire de naissance commune, une histoire de solitudes, de silences qui en disent bien plus que de longs discours. Quasiment pas de dialogues, des récitatifs superbement littéraires, le vent, la pluie, l’humidité et le froid comme décor. Fascinant.

La sobriété graphique de Thierry Murat touche à la perfection avec des registres monochromes incroyablement expressifs et des cases s’étirant en longueur pour souligner l’immensité des paysages de la Terre de Feu. Tout en pudeur et en émotion contenue, cette adaptation libre mais respectueuse du roman d’origine est une réussite totale. Un album d'une rare qualité. Me voila prêt à plonger dans la bibliographie d’Anne-Laure Bondoux, Du moins dès que j'aurais récupéré l'exemplaire que j'ai eu le malheur de prêter.


Les larmes de l’assassin de Thierry Murat (adapté du roman d’Anne-Laure Bondoux). Futuropolis, 2011. 125 pages. 18,30 euros.


Les avis de BoumaCanel (Mr), Enna, MangoMo, Noukette, Sara, Yvan,






samedi 11 avril 2015

Héloïse, ouille ! - Jean Teulé

L’histoire d’Héloïse et Abélard est connue, archi-connue même. Abélard, le plus célèbre philosophe et théologien de son époque (1079-1142) devenu le professeur particulier puis l’amant d’Héloïse, nièce du chanoine Fulbert, de vingt ans sa cadette. Un coup de foudre qui engendra une folle passion, tant physique qu’intellectuelle. Découvrant le pot aux roses, Fulbert se vengea en envoyant ses sbires castrer le sulfureux précepteur. Puni par là où il avait fauté, ce dernier consacra le reste de ses jours à une existence pieuse, tandis que sa belle rentra au couvent.

Je ne m'étends pas sur les détails, je préfère laisser Mr Teulé s'en charger. Et le bougre sait y faire. Du Teulé dans le texte, paillard, grivois, plein d’exubérance, jamais avare « d’anachronismes lexicaux ». Un style débraillé qui peut choquer, tant le mythe ici revisité est à des années-lumière de notre conception de l’amour courtois. Les cent première pages enchaînent les parties de jambes en l’air sans temps mort : Abélard « polissonne la bagasse » et « bélute la donzelle » qui le lui rend bien, vouant entre autres une admiration sans borne à ses « génitoires ». Bref, on « heurtebille » à tour de bras et sans complexe, n’en déplaise aux culs serrés.

J’aime cette liberté de ton, ces obscénités assumées, cette vulgarité jamais choquante. Parce que derrière l’exubérance et la langue frétillante (sans mauvais jeu de mots), on sent l’érudition et l’énorme travail de documentation.

Teulé se lâche, s’amuse, prend son pied et nous avec. Il offre à Héloïse et Abélard un sérieux coup de jeune et à nous, lecteurs, un vrai moment de plaisir. Qu'on se le dise.

Héloïse, ouille ! de Jean Teulé. Julliard, 2015. 336 pages. 20,00 euros.  

Les avis de L'irrégulière ; Ys ;











vendredi 10 avril 2015

Plus de morts que de vivants - Guillaume Guéraud

Dernier jour de cours avant les vacances d’hiver dans un collège de Marseille. « Aucune menace dans l’air. Juste le froid coupant de février. Qui glaçait les mains. Qui gelait les oreilles jusqu’à les rendre cassantes. Et qui tailladait les poumons à chaque inspiration. » Aucune menace et pourtant à 8h25 un élève de sixième s’est mis à saigner du nez sans raison. Puis une cinquième a perdu ses cheveux par poignées et « la grosse Anouk » s’est écroulée dans la cour, les tripes à l’air. Le début du chaos, une épidémie qui se répand plus vite que la peste, un établissement en quarantaine et la mort qui frappe. A tour de bras. Sans distinction…

Guéraud… ce gars est frapadingue mais c’est pour ça que je l’aime ! Pour avoir lu quelques avis ici ou là avant de me lancer, je suis rentré dans ce roman à reculons. J’ai tourné les premières pages avec pour leitmotiv un « jusque là tout va bien » de façade, car je savais que ça allait déraper à un moment ou l’autre. Il ne m’a pas fallu attendre longtemps. Après, l’engrenage se met en route, on ne voudrait y glisser qu’un ongle mais on y passe la main, le bras et tout le reste. On en ressort en lambeaux et ce n’est pas joli à voir, croyez-moi ! Guéraud donne dans le gore. Il mène sa barque tout en tension avec son écriture au scalpel, jouant avec nos nerfs comme le sadique fait crisser la craie sur le tableau noir. Surtout, on sent qu’il s’amuse, qu’il prend son pied (et, je ne devrais pas le dire, mais nous avec !).

En fait, lire ce roman, c’est plonger dans un paradoxe permanent, dans un grand huit où alternent fascination et répulsion. Je ne vais pas vous décrire ce qu’il arrive concrètement à ces pauvres personnages frappés par le virus mais franchement, il y a de quoi rendre son quatre heures. Répulsion donc, mais en même temps fascination liée au rythme du récit, au huis clos irrespirable, à l’avancée de cette folle journée, à l’espoir (totalement illusoire quand on connaît un peu l’univers de Guéraud) que les choses vont finir par s’arranger. C’est vraiment une drôle d’expérience de lecture qui dérange, bouscule, interpelle. Au-delà du simple déballage sanguinolent et des descriptions à l’efficacité très cinématographiques, il faut voir dans cette sombre histoire une allégorie de la violence gratuite et aveugle qui peut frapper partout, à n’importe quel moment, et sous n’importe quelle forme. Une violence aussi insidieuse que cette épidémie face à laquelle il est impossible de se prémunir.

Un roman haletant, impossible à lâcher. Mais un roman flippant, totalement flippant même. Vous êtes prévenus.

Plus de morts que de vivants de Guillaume Guéraud. Rouergue, 2015. 252 pages. 13,70 euros. A partir de 15 ans.

Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.

Les avis de Clara et Moka.







mercredi 8 avril 2015

Emmett Till : Derniers jours d’une courte vie - Arnaud Floc’h

20 août 1955. Emmett Till, 14 ans, descend du train en gare de Money, dans le fin fond du Mississippi. Ce gamin noir de Chicago vient passer ses vacances chez son oncle. Faisant fi des mises en garde, Emmett le fanfaron décide d’entrer dans une épicerie interdite aux nègres. On ne saura jamais ce qu’il s’est réellement passé à l’intérieur mais la femme blanche derrière la caisse accusera Emmett de lui avoir « manqué de respect ». Un affront suffisamment grave pour que son mari et le demi-frère de ce dernier décident de faire payer à l’impudent son comportement inadmissible. Le 31 août, le corps d’Emmett est sorti de la rivière, atrocement mutilé. Arrêtés, les deux hommes reconnaissent l’enlèvement du garçon mais nient le meurtre. Au bout de trois jours de procès et 67 minutes de délibération, les jurés, tous blancs, prononcent leur acquittement malgré de nombreux témoignages à charge. Ils ressortent de la salle d’audience sous les vivas de la foule, posant pour les photographes aux bras de leurs épouses, cigares et larges sourires aux lèvres.

Un album plein de rage et d’indignation. Les faits se suffisent à eux-mêmes, il n’est pas nécessaire d’en rajouter, Arnaud Floc’h l’a bien compris. La sobriété renforce l’aspect tragique de cette innommable barbarie. Le scénario est habilement construit, multipliant les allers-retours entre 1955 et 2015. On sent la chaleur du mois d’août dans le sud profond, l’humidité poisseuse du bayou, mais aussi la résignation d’une population afro-américaine sous le joug d’une ségrégation séculaire semblant impossible à remettre en cause. On sent la cruauté des bourreaux, la peur panique d’Emmett, sa souffrance, son martyre. Un enfant d’à peine 14 ans… L’émotion monte au fil des pages, la gorge se serre et la colère ne cesse de gronder. On referme l’ouvrage groggy, secoué par tant d’horreur et d’injustice. Le dossier pédagogique final, avec remise dans le contexte historique, témoignages et photos d’époque, apporte un éclairage encore plus édifiant à ce fait divers abject.

Une BD d’utilité publique, surtout par les temps qui courent, pour rappeler à ceux qui en douteraient encore que l’inhumanité et la bêtise n’ont aucune limite. La mort d’Emmett aurait inspiré Rosa Parks lorsqu’elle refusa de céder sa place à un blanc dans un bus, en décembre de la même année. Le calvaire vécu par ce pauvre garçon et l’acquittement de ses assassins constituent pour certains historiens la pierre angulaire de la lutte pour les droits civiques des noirs aux États-Unis. Un élément déclencheur qui aura eu le mérite de dresser l'ensemble d'une communauté face à l'arbitraire, même si cette revanche posthume n’effacera jamais les supplices endurés.

Emmett Till : Derniers jours d’une courte vie d’Arnaud Floc’h. Sarbacane, 2015. 80 pages. 19,50 euros.


Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Moka et Noukette.



La BD de la semaine,
c'est aujourd'hui chez Stephie







mardi 7 avril 2015

Le premier mardi c'est permis (35) : Histoires à ne pas mettre entre toutes les mains - Julie Bray

Vingt-quatre nouvelles en cent vingt pages. Autant vous dire que la québécoise Julie Bray donne dans le fugace, l’instantané. Elle braque les projecteurs sur un moment précis, intense, sulfureux. Avec elle, pas de blabla, des résultats. Et les résultats, je les ai ressentis plus d’une fois, pas la peine de vous faire un dessin.

Le bureau, le métro, l’ascenseur, la cabine d’un bateau, un barbecue entre amis, Acapulco… les lieux varient, les situations aussi, mais au final il reste la quête du plaisir de femmes bien dans leur peau, sexuellement épanouies et sans tabous. Chaque historiette est présentée comme un témoignage envoyé sur le mail de l’auteur. Fiction ou réalité, peu importe, tout est fait pour exciter le lecteur et la mission est accomplie haut la main. Beaucoup de filles entre elles et de trios dans ce recueil. Beaucoup de voyeurisme et de masturbation féminine aussi. Autant de thématiques qui me parlent énormément (ben oui, que voulez-vous, chacun son truc).

J’ai aimé le coté direct et sans fioritures, même si certaines scènes semblent se répéter et que le vocabulaire manque parfois de variété. En tout cas, il n’y a rien de gratuitement vulgaire, rien ne tirant sur le porno sordide. Le sexe est ici joyeux, décomplexé et assumé, plein de désir, de frissons et de sensations.

Une belle surprise, un recueil dans lequel il faut picorer à petite dose et qui se révèle vraiment émoustillant, surtout si on le lit à deux. C’est ce que l’on a fait à la maison et croyez-moi, elles ont bien fait de passer entre nos mains ces histoires !

Histoires à ne pas mettre entre toutes les mains de Julie Bray. J’ai lu, 2014. 126 pages. 5,60 euros.








lundi 6 avril 2015

L'expérience - Christophe Bataille

« Ma petite maman, si tu lis ces lignes, c'est que je ne pourrais plus te serrer dans mes bras. Jamais. Ni toi mon cher Papa. J'ai eu de la chance, tant de chance, d'être né de vous. D'avoir vécu vingt ans avec vous. Et d'être choisi par mon pays. Je suis parti dans le sud algérien pour une mission secrète. »

C'est l'histoire d'un gamin de vingt ans qui a trébuché sur les Champs-Elysées, un 14 juillet 1960. Un soldat qui s'est écroulé sur les pavés en plein défilé avant d'être évacué vers l'hôpital. Un soldat accusé de rébellion, obligé de partir pour le Sahara.

25 Avril 1961, en plein désert. Le jeune soldat est en route avec quelques autres vers une tour de 50 mètres de haut. Au sommet de cette tour, une bombe atomique. L'opération « Gerboise bleue » est le quatrième essai nucléaire français en Algérie. L'armée veut « évaluer le niveau de radiation subi par les hommes afin de définir les distances de sécurité ». Elle a trouvé des cobayes. Des cobayes qui s'avancent avec une mince combinaison protectrice face au souffle de l'explosion à venir. Des cobayes en pleurs, terrorisés.

Des années plus tard, le gamin se souvient et brise l'omerta. Pour la Grande Muette, cette « expérience » n'a jamais eu lieu, il n'y a jamais participé. Son dossier médical est vide alors que son état de santé ne cesse de se détériorer. Il sait qu'il ne lui reste plus longtemps à vivre et avant de partir, il couche sur le papier les heures si particulières de cette terrible journée d'avril.

Un joli texte mais un texte dénué de colère, qui n'est pas suffisamment incarné par rapport au sujet qu'il aborde. Beaucoup de résignation chez cet homme, l'absence de rancœur et la froideur clinique avec laquelle il relate les événements m'ont laissé à distance. Il manque ce petit supplément d'âme, cette touche d'émotion qui m'aurait emporté. Dommage.

L'expérience de Christophe Bataille. Grasset, 2015. 86 pages. 12,00 euros.

Les avis de Canel et Clara














samedi 4 avril 2015

Calavera - Charles Burns

Alors voila. Partout cette BD a été qualifiée de chef d’œuvre, dans les médias et sur les blogs. Et je me rappelle avoir été très séduit par l’univers totalement inclassable de Charles Burns avec Black Hole, donc je me suis lancé en toute confiance. Sauf que...

Sauf que je ne savais pas que ce « Calavera » était en fait le dernier volume d’une trilogie (il n’y a d’ailleurs aucune indication en ce sens sur l’album). J’ai donc emprunté le 1er à la médiathèque mais il n’y avait pas le suivant donc j’ai dû passer du 1 au 3 et clairement il me manque une pièce du puzzle. Déjà, je suis bien incapable de résumer l’histoire, ce qui n’est pas bon signe. Pour ce que j’en ai compris, on suit Doug, un jeune homme souffrant d’insomnies qui le plongent dans un état hallucinatoire et lui ouvrent les portes d’un monde surréaliste où il croise d’étranges créatures. Doug vit avec la douce et bienveillante Sally mais il reste hanté par les souvenirs de son ex-petite amie Sarah. Doug va mal, très mal même. Doug semble totalement perdu et j’avoue sans honte que je me suis perdu avec lui.

J’ai quand même retrouvé quelques éléments appréciés dans Black Hole, notamment la peinture d’une jeunesse américaine dépressive et mélancolique. J’ai retrouvé aussi des thématiques récurrentes chez Burns comme la difficulté du passage à l’âge adulte, le sexe, l’alcool et la drogue. Pour le reste, je n’ai pu donner aucun sens aux déambulations hallucinées du double onirique de Doug (alors que ce sens existe et qu’il doit même être symboliquement très profond – sans doute trop profond pour moi malheureusement !).

Graphiquement, l’hommage assumé à la ligne claire franco-belge et au Tintin d’Hergé dans les passages se déroulant dans l’imaginaire torturé de Doug est fort réussi. Le découpage privilégie la lisibilité et les aplats de couleurs offrent à l’ensemble sobriété et élégance, rien à dire à ce niveau-là.

Alors voila. Il faut parfois savoir reconnaître ses limites intellectuelles et rendre les armes face à l’hermétisme d’un « chef d’œuvre » auquel il nous est impossible de rendre les honneurs qu’il mérite. J’essaierai de faire mieux la prochaine fois…

Calavera de Charles Burns. Cornélius, 2014. 64 pages. 21,50 euros.



Un album lu dans le cadre de l'opération
"La BD fait son festival" de Priceminister".
Pas franchement une bonne pioche...


jeudi 2 avril 2015

Ces dix blogs qui comptent (un peu) plus que les autres...

Sandrion m’a décerné le « Very Inspiring Blogger Award », et je la remercie chaleureusement d'avoir pensé à moi.

Le principe est simple et repose sur deux consignes :

- Le nominé devra afficher le logo sur son blog et mettre un lien vers le blog qui l’a désigné (no problem)

- Le nominé devra désigner dix blogueuses qu’il admire, en listant leur blog et en les informant de leur nomination.

Me demander de choisir 10 blogueuses relève de la torture. Seulement 10 alors que je pourrais facilement faire une liste de 30 ou 40. On va donc dire que ces dix-là ont été choisies parce qu'elles sont de grandes anciennes (j'espère qu'elle me pardonneront) et qu'elles occupent une place un peu à part. Pour des raisons fort différentes d'ailleurs : parce que leurs blogs ont une identité très forte, parce qu'elles représentent la diversité qui me fait tant aimer la blogo, parce que j'ai partagé avec elles des lectures marquantes et parce que certaines d'entre elles sont devenues à mes yeux bien plus que des blogueuses.   

Noukette : Tout le monde sait maintenant qu'elle est ma complice attitrée et préférée. Parce que ça a été comme une évidence, que l'on partage bien des points communs, que l'on s'entend à merveille. Le reste ne se dit pas avec des mots de tous les jours. Le reste ne regarde que nous.

Moka : Je l'adore, ni plus ni moins. Si vous passiez une journée entière avec elle comme cela m'est arrivé récemment, vous comprendriez pourquoi. Et puis lisez-là, elle écrit divinement bien.

Philisine : J'aime sa sensibilité, sa douceur et sa retenue. On échange ensemble depuis des lustres et mon ressenti n'a jamais varié d'un iota. Et après avoir avoir passé une heure avec elle au salon du livre, je vous confirme qu'elle est exactement comme je viens de vous la décrire.  

Valérie : Pour nos racines isariennes, parce que nous sommes allés dans le même lycée (pas en même temps malheureusement, on aurait pu être dans la même classe !). Pour son coté cash et direct. Et parce que l'avoir vue au salon du livre m'a conforté dans l'idée très, très positive que je me faisais d'elle.

Mo' : Il y a tellement longtemps maintenant que l'on se fréquente, et avec tellement de plaisir ! Tant de lotos BD, de lectures communes, de cadeaux, d'échanges in et off. Reste plus qu'à nous voir en « vrai ». Et pour moi, reste plus aussi qu'à lire « Maus » !

Cristina : Parce qu'elle est pleine de peps et qu'elle me fait rire. Et puis il y a notre petit secret, cette affaire que l'on a rondement menée ensemble l'an dernier, même si tu as préféré rester dans l'ombre. Tu vois de quoi je veux parler j'espère ? 

Stephie : On partage un amour certain pour les coquineries. Et pour elle (du moins pour son rendez-vous inavouable du 1er mardi) j'ai enfilé pour la seule, unique et dernière fois de ma vie les habits d'écrivaillon.

Galéa : On se connait depuis moins longtemps mais j'aime sa lose attitude et le ton de ses billets. Et puis cette non-lectrice de BD a accepté les yeux fermés de plonger dans un album qui me tenait particulièrement à cœur. Une marque de confiance qui m'a bien plus touché que je n'ai osé lui dire.

Hélène : j'ai eu la chance de la rencontrer enfin cette année au salon du livre. Je n'oublie pas qu'elle est parvenue un jour à me convaincre de lire un polar, ce qui m'a permis de découvrir Hiaasen. En plus elle est fan de Joe R. Lansdale, donc c'est forcément quelqu'un de bien.

Athalie : J'adore ses billets, sa verve et son humour. Grâce à elle j'ai découvert Velibor Colic. Et en m'offrant « Rebecca », elle m'a permis d'entrer dans l'univers de Daphné du Maurier. Je ne la remercierais jamais assez pour cela.

Je m'arrête à 10 mais franchement, j'aurais pu en citer le triple. D'ailleurs, si j'étais allé jusqu'à 12, j'aurais rajouté en priorité A Girl From Earth qui me fait toujours beaucoup rire (et pas seulement à cause de notre private joke permanente à propos de son bouclier antipal) et Laurie Lit que je trouve pétillante et qui est la joie de vivre incarnée. 

J'espère que celles (et ceux, quand même !) qui n'apparaissent pas dans la liste ne m'en tiendront pas rigueur. "Choisir c'est renoncer" à écrit André Gide. Pour le coup, pas question pour moi de renoncer à venir vous lire tout les jours, c'est un plaisir dont je ne pourrais pas me passer.







mercredi 1 avril 2015

Le reste du monde T1 - Jean-Christophe Chauzy

Bientôt la fin des grandes vacances pour Marie et ses deux enfants. Voulant consacrer sa dernière journée au rangement du chalet pyrénéen qu’elle loue depuis plusieurs semaines, cette prof de français dans un collège parisien confie Théo et Jules à un couple d’amis. Le soir venu, un terrible orage éclate, suivi d’un violent tremblement de terre. En plein chaos, coupée de toutes formes de communication, Marie part à la recherche de ses fils. Après les avoir récupérés sains et saufs, elle tente de rejoindre la ville la plus proche. Mais les dégâts sont tels que la jeune femme se retrouve piégée avec des centaines d’autres rescapés dans une vallée d’où il semble désormais impossible de s’échapper. Commence alors un huis clos à ciel ouvert où les tensions, exacerbées par le manque d’informations et de nourriture, vont peu à peu faire basculer la communauté dans une incontrôlable violence.

Un récit post-apocalyptique au cœur des Pyrénées, entre Bagnères-de-Luchon et le col de Peyresourde (pour ceux qui connaissent…). Jean-Christophe Chauzy imagine la transformation psychologique d’une femme confrontée à une catastrophe naturelle aussi inattendue que dévastatrice. Il décrit le réflexe de survie, le retour aux instincts grégaires. Il peint une humanité réinventée ou le moteur de l’existence est uniquement régi par la nécessité de subvenir à ses besoins primaires. Quand la situation sanitaire devient invivable, l’individualisme et la force brute prennent le pas sur toute autre considération. Face à l’adversité, Marie et ses enfants, au diapason de leurs congénères, révèlent leur part de sauvagerie, d’esprit de meute.

Les dessins sont sublimes, les paysages grandioses et dévastés s’étendent parfois sur des double-pages donnant le vertige où l’on découvre la montagne éventrée et les torrents en furie. Il a fallu un an et demi au dessinateur pour réaliser les 110 planches mais quand on voit le résultat, on se dit qu’il a bien fait de prendre son temps.

Un album somptueux, totalement glaçant, qui interroge profondément sur la nature humaine et la façon dont nous-mêmes réagirions dans une telle situation.


PS : ce premier tome se termine au moment où Marie s’apprête à découvrir ce qu’est devenu le reste du monde après le cataclysme. Autant vous dire que j’attends la suite avec la plus grande impatience !

Le reste du monde T1 de Jean-Christophe Chauzy. Casterman, 2015. 110 pages. 18,00 euros.






mardi 31 mars 2015

La coloc - Jean-Philippe Blondel

C’est une drôle d’année scolaire qui s’annonce pour Romain. Sa grand-mère décédée récemment laisse en héritage un appartement en plein centre ville. Pour le jeune garçon pensionnaire du lycée voisin, l’occasion est trop belle, il propose à ses parents d’occuper les lieux avec deux colocataires. Au départ impensable, surtout pour sa mère, l’idée fait son chemin et alors que la rentrée approche à grands pas, Romain, Rémi et Maxime s’installent dans un quotidien qui va bouleverser leurs certitudes et les responsabiliser bien plus qu’ils ne l’auraient imaginé.

L’avantage de lire un roman sur les années lycée quand elles sont loin derrière nous c’est que ça peut rappeler des souvenirs. J’avais un copain en première qui vivait seul dans un grand appartement. J’y ai passé des nuits mouvementées sur lesquelles il est préférable que je ne m’étende pas ici sous peine d’écorner l’image de bon père de famille respectable et prude que je m’évertue à défendre chaque jour sur ce blog (si, si, je vous jure !). En tout cas je trouve Romain et ses colocs bien raisonnables par rapport à ce que j’ai connu (mais ce n’est pas un reproche, au contraire parce que nous, franchement…).

Jean-Philippe Blondel est plein de bienveillance pour ses personnages, mais il développe à leur égard une empathie n’éludant aucun des soucis propres à l’adolescence : les difficultés scolaires, l’estime de soi, le rapport aux autres, les premières histoires d’amour, les conflits avec les parents, etc. On positive en finesse, sans dresser un tableau totalement noir ni tomber dans un optimisme béat, et les adultes ont eux-aussi leurs failles, tout se tient parfaitement. En plus il prend son temps pour installer la situation, il s’attarde sur les négociations menées par Romain pour obtenir gain de cause, sur le déménagement, l’organisation purement matérielle de la colocation, sur ces compromis qu’il n’est pas toujours évident de faire à 16 ans quand on apprend à vivre ensemble. Cette immersion n’oubliant aucun détail donne une dimension très réaliste et vraiment agréable au récit.

 Finalement, cette année entre colocs, ce début d’indépendance et de mise en responsabilité ressemble à la vie : des montagnes russes ménageant des moments de bonheur, de tristesse, d’inquiétude et d’interrogation. Une année pour se chercher, se trouver, se révéler, pour grandir sans totalement s’affranchir de la tutelle des adultes. Le genre d’année à laquelle on repense le sourire aux lèvres et avec nostalgie, même quand on est devenu un vieux con. Un roman jeunesse qui fait du bien, quoi.

La coloc de Jean-Philippe Blondel. Actes Sud junior, 2015. 146 pages. 12,50 euros. A partir de 14 ans.

Et comme chaque mardi ou presque c'est une lecture que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.