Il suffit de trois fois rien pour me donner envie de lire. Entendre
Stephie et
Noukette parler d’un roman coup de poing par exemple. Du genre «
J'en suis encore le cul par terre moi, véridique... Fini il y a un petit quart d'heure et je sens qu'il va longtemps me hanter... Quel roman nom de Zeus !! » (Noukette) ou «
Un titre qui tabasse. Je pense bien que c’est la première fois que je lis quelque chose comme cela. » (Stephie). Elles ont ce don de me donner envie, je n’y peux rien (envie de lire, hein !). Du coup j’ai regardé si ce roman était disponible dans le réseau des médiathèques de ma ville. Il y était. Je me suis donc précipité pour aller l’emprunter. Je l’ai dévoré d’une traite et je peux vous en parler aujourd’hui. Enfin, si j’y parviens, parce qu’avec ce titre, on est au-delà du coup de poing…
Deux histoires s’entrecroisent. D’un coté celle de Marion, folle amoureuse de Nicolas. Au point de tout accepter. Les coups, les clients qu’il lui trouve et auxquels elle s’offre contre une enveloppe pleine de cash. De l’autre celle d’Ève, mangeuse d’hommes qui se perd en rencontres d’un soir, juste pour le sexe, sans jamais laisser la moindre chance aux sentiments. Deux femmes totalement perdues dont les routes vont finir par se croiser, pour le pire…
Ce roman est dégueulasse. Dégueulasse dans la mesure où il s’en dégage quelque chose de répugnant. Physiquement et moralement. Et malgré cela, une fois ouvert, impossible de le lâcher. Pas à cause d’une fascination un peu morbide. Juste parce que le phrasé syncopé d’Antoine Dole vous saute à la gorge et vous décrit l’indicible avec une puissance qui submerge. Il vous fouille les entrailles, gratte jusqu’à l’os et vous met les nerfs à vif.
Incroyable de découvrir un premier roman si mature alors qu’au moment de sa publication son auteur n’avait même pas 30 ans. La façon de décrire la douleur physique et morale de ces femmes est d’une justesse et d’un réalisme à couper le souffle. Aucune facilité, pas de déballage gratuit en dépit des apparences. Les mots se gravent au fer rouge sur la rétine, vous mettent mal à l’aise, vous laissent au bord de la nausée. C’est cru, c’est extrêmement violent, c’est d’une noirceur absolue, c’est l’expression du désespoir et de la solitude comme je ne l’ai jamais lue. C’est une fin que l’on ne voit pas venir, sur laquelle on réfléchit longtemps après avoir refermé le livre. On cherche alors à rembobiner le fil du récit pour retrouver les indices et l’évidence apparaît : il ne pouvait pas en être autrement.
Je ne veux pas en dire plus, je me demande même si je n’en ai pas déjà trop dit. C’est un roman que l’on doit se prendre de plein fouet, sans en savoir trop à l’avance. Une expérience de lecture intense et qui bouscule. Vraiment très, très fort !
Je reviens de mourir d’Antoine Dole. Sarbacane, 2014.
135 pages. 10 euros.
Une lecture commune dans laquelle m'a embarqué ma
binômette préférée. Ce n'était pas prévu au programme mais, comme d'habitude, elle a su trouver les bons arguments...
L'avis de Stephie
Extraits :
«
Il l’a gardé six mois au fond de lui, petit diable dans sa boîte à l’intérieur du ventre. Juste attendre que l’hameçon soit profond dans mon cœur, bien ancré dans mes chairs, pour faire jaillir le monstre. Patient, pour voir si je n’étais pas le genre de filles cinglée qui s’emballe trop vite. Être sûr que je serais prête à tout. Et je l’étais, clair que je l’étais. »
«
Il ne franchit pas la limite, il la repousse, et plus j’accepte, plus je dois accepter. Si notre histoire s’arrêtait j’aurais peur de réaliser tout ce qu’il m’a fait. Tout ce que j’ai fait. Ne pas formuler le gâchis. »