Les Ryall ne s'attendaient pas à ça ! Le jour des funérailles de Sir Roderick, le patriarche, ils apprennent de la bouche de leur notaire que le défunt les laisse au bord de la ruine. Seule solution pour sauver le domaine familial de Ballyroden, transformer le château en maison d'hôtes. Philip, le fils de Roderick, aidé de sa cousine Veronica, va tenter de faire comprendre à son oncle Hercules et sa tante Consuelo que le temps du champagne à gogo, des journées aux courses et des séjours à Monaco est révolu. Un message difficile à faire passer tant ses aînés ont depuis toujours l'habitude de vivre dans le faste et de dépenser sans compter. Et le jour où les premiers hôtes débarquent d'Angleterre, les choses se compliquent davantage encore pour le pauvre héritier !
Un texte plein de mordant où la haute bourgeoisie irlandaise aux traditions séculaires en prend pour son grade. Un roman finalement très proche d'une pièce de théâtre. Le rideau se lève et les scènes d'anthologie s’enchaînent : personnages excentriques (mention spéciale pour la vieille tante Anna Rose et pour le trio de domestiques pas piqués des hannetons ), description piquante du dandy Hercules et de sa sœur Consuleo, dialogues savoureux, situations improbables proches du vaudeville, tout y est. Bon c'est loufoque, il ne faut pas être imperméable à l'humour « so british », mais personnellement c'est une forme de burlesque que j'aime retrouver de temps en temps au fil de mes lectures.
Bref , mordante, drôle, légère et improbable, cette Chasse au trésor se déguste comme un bon verre de cherry accompagné de quelques biscuits. Sans prétention mais drôlement bien troussée.
Chasse au trésor de Molly Keane. Quai Volatire, 2014. 270 pages. 20,00 euros.
Les avis de Clara et Valérie
jeudi 14 août 2014
mercredi 6 août 2014
La clinique de l'amnésie - James Scudamore
Quito, 1995. Anti, arrivé d'Angleterre depuis deux ans pour suivre ses parents journalistes, est scolarisé au lycée international. Il y a rencontré Fabian, un équatorien vivant chez son oncle Suarez. Les deux adolescents sont devenus les meilleurs amis du monde, même si Fabian a parfois un comportement étrange. Depuis que le véhicule de ses parents est tombé dans un précipice des années plus tôt, faisant de lui un orphelin, son humeur est souvent cyclothymique. Surtout, le corps de sa mère n'ayant jamais été retrouvé, il veut se persuader qu'elle est toujours en vie. Inspiré par les talents de conteur hors pair de son oncle, il invente des histoires extravagantes, notamment pour expliquer les causes de l'accident. Pour tenter de consoler son ami, Anti va à son tour imaginer un scénario improbable et l'embarquer dans un voyage chimérique à travers l'Équateur.
Un agréable premier roman où l'imagination est au pouvoir. C'est aussi l'occasion de découvrir un pays aux multiples facettes. Pour autant, James Scudamore ne donne pas dans le folklore. Son récit est très construit, avec ce qu'il faut d'intensité dramatique pour qu'on le dévore d'une traite. La galerie de personnages est riche et chacun apporte un soupçon de complexité à l'ensemble. Les dialogues sonnent juste, l'écriture est simple mais les descriptions, précisent et imagées, offrent un vrai dépaysement.
Bref, ce texte couronné en 2007 par le prestigieux Somerset Maugham Award m'a permis de découvrir une nouvelle et talentueuse voix de la littérature britannique. Une lecture de vacances idéale, je ne suis pas certain que je l'aurais autant apprécié dans la grisaille de la rentrée.
La clinique de l'amnésie de James Scudamore. Stock, 2014. 300 pages. 20,00 euros.
L'avis de Clara
Un agréable premier roman où l'imagination est au pouvoir. C'est aussi l'occasion de découvrir un pays aux multiples facettes. Pour autant, James Scudamore ne donne pas dans le folklore. Son récit est très construit, avec ce qu'il faut d'intensité dramatique pour qu'on le dévore d'une traite. La galerie de personnages est riche et chacun apporte un soupçon de complexité à l'ensemble. Les dialogues sonnent juste, l'écriture est simple mais les descriptions, précisent et imagées, offrent un vrai dépaysement.
Bref, ce texte couronné en 2007 par le prestigieux Somerset Maugham Award m'a permis de découvrir une nouvelle et talentueuse voix de la littérature britannique. Une lecture de vacances idéale, je ne suis pas certain que je l'aurais autant apprécié dans la grisaille de la rentrée.
La clinique de l'amnésie de James Scudamore. Stock, 2014. 300 pages. 20,00 euros.
L'avis de Clara
samedi 2 août 2014
Épisodes de la vie des mantes religieuses - Louis Calaferte-
Calaferte est un génie. De ceux qu'un lecteur croise rarement dans une vie. Il a écrit "Septentrion", un chef d'oeuvre dont je serais bien incapable de parler un jour tant il est trop grand pour moi. Parmi les autres titres de son immense bibliographie, je vous recommande aussi "La mécanique des femmes", "Rosa Candida" ou encore le fabuleux "Requiem des innocents", mais il y en a bien d'autres.
Dans les "Épisodes de la vie des mantes religieuses", il parle une fois de plus des nombreuses femmes de sa vie. Une géographie amoureuse complexe, particulièrement sexuelle, souvent dérangeante. Il y décrit notamment sa relation avec D., celle qu'il aime et qui chaque soir se transforme en mante religieuse : "Végétale, armée de tiges carnivores surmontées d'une infinité de petits dards aux aiguilles rétractiles, chaque nuit elle dort auprès de moi, me dévore doucement pendant mon sommeil."
Mais il y a aussi toutes les autres, femmes d'un soir ou putains aux seins flasques : "Je les voudrais prostituées à moi. Dans des rues étroites, puantes. Dans des escaliers d'hôtels borgnes. Pour des accouplements qui seraient des sacrifices. Les jeter ensuite dans les cuvettes des bidets. Je m'assiérais au bord pour les regarder se débattre, déchets animés, dans le tourbillon de l'eau siphonnée. Femmes froissées, femmes-miettes. La peau de leur sexe flottant à la surface."
Chez Calaferte, la chair est triste. "Images lubriques. Fange du sexe. [...] Forcer l'impossible. Être Dieu. S'anéantir dans la débauche, jusqu'au crime. Exacerbation du sexe. Désir d'échapper à la ruine intérieure." Il y a bien quelques moments d'apaisement ("T'envelopper dans mes bras, t'étreindre, te blottir contre moi, couvrir de baisers ton visage, tes cheveux, t'étouffer de tendresse") mais le désespoir lucide reprend vite la main : "Je me hisse sur sa froideur cadavérique. Ses lèvres pâles grimaçent. En vain nous nous essoufflons, l'un à l'autre impénétrables. Une nuit nous sépare."
Ce texte n'est pas un roman. C'est une succession d'aphorismes, de souvenirs épars, de bribes de poèmes en prose. C'est doux et violent, insignifiant et profond. Le rythme de chaque phrase oscille entre calme et fureur avec une force incomparable. Dans la préface, Marcela Iacub qualifie ces épisodes de hold-up, de coup de poing, de viol, de massacre. C'est un livre qui "nous secoue, nous torture, nous humilie. Nous pénètre, nous envahit, nous contamine, nous vampirise, nous corrompt." Et je dois dire qu'elle n'a pas tout à fait tort...
Calaferte est mon écrivain français préféré. Un génie. Un monstre. Son écriture me foudroie, il a par moments des fulgurances qui me laisse abasourdi :
"Nuit.
Retraite.
Elle ouvre et referme sans bruit la porte.
Certitude d'une présence. Son pas volontairement léger. Elle traverse la grande pièce.
Je fais semblant de dormir.
Elle entre dans la chambre, pose son sac à main sur le fauteuil. Je sais qu'elle me regarde. Son parfum.
Bruit de la laine, de la fermeture éclair du pantalon. Mouvement autour de moi.
Déclic de l'agrafe du soutien-gorge. Les couvertures, les draps soulevés.
Poids dans le lit.
Cette fraîcheur, cette souplesse prenante qui s'ajuste à moi.
La langue passe sur mes lèvres. Caresse de la main. Je frissonne malgré moi.
Elle chuchote quelque chose que je ne comprends pas.
La langue entre dans ma bouche, y reste droite. Immobile. La main me prend, fourreau coulissant.
Je me retourne.
Elle me recouvre de son corps."
Épisodes de la vie des mantes religieuses de Louis Calaferte. Denoël, 2014.186 pages. 11,90 euros.
Dans les "Épisodes de la vie des mantes religieuses", il parle une fois de plus des nombreuses femmes de sa vie. Une géographie amoureuse complexe, particulièrement sexuelle, souvent dérangeante. Il y décrit notamment sa relation avec D., celle qu'il aime et qui chaque soir se transforme en mante religieuse : "Végétale, armée de tiges carnivores surmontées d'une infinité de petits dards aux aiguilles rétractiles, chaque nuit elle dort auprès de moi, me dévore doucement pendant mon sommeil."
Mais il y a aussi toutes les autres, femmes d'un soir ou putains aux seins flasques : "Je les voudrais prostituées à moi. Dans des rues étroites, puantes. Dans des escaliers d'hôtels borgnes. Pour des accouplements qui seraient des sacrifices. Les jeter ensuite dans les cuvettes des bidets. Je m'assiérais au bord pour les regarder se débattre, déchets animés, dans le tourbillon de l'eau siphonnée. Femmes froissées, femmes-miettes. La peau de leur sexe flottant à la surface."
Chez Calaferte, la chair est triste. "Images lubriques. Fange du sexe. [...] Forcer l'impossible. Être Dieu. S'anéantir dans la débauche, jusqu'au crime. Exacerbation du sexe. Désir d'échapper à la ruine intérieure." Il y a bien quelques moments d'apaisement ("T'envelopper dans mes bras, t'étreindre, te blottir contre moi, couvrir de baisers ton visage, tes cheveux, t'étouffer de tendresse") mais le désespoir lucide reprend vite la main : "Je me hisse sur sa froideur cadavérique. Ses lèvres pâles grimaçent. En vain nous nous essoufflons, l'un à l'autre impénétrables. Une nuit nous sépare."
Ce texte n'est pas un roman. C'est une succession d'aphorismes, de souvenirs épars, de bribes de poèmes en prose. C'est doux et violent, insignifiant et profond. Le rythme de chaque phrase oscille entre calme et fureur avec une force incomparable. Dans la préface, Marcela Iacub qualifie ces épisodes de hold-up, de coup de poing, de viol, de massacre. C'est un livre qui "nous secoue, nous torture, nous humilie. Nous pénètre, nous envahit, nous contamine, nous vampirise, nous corrompt." Et je dois dire qu'elle n'a pas tout à fait tort...
Calaferte est mon écrivain français préféré. Un génie. Un monstre. Son écriture me foudroie, il a par moments des fulgurances qui me laisse abasourdi :
"Nuit.
Retraite.
Elle ouvre et referme sans bruit la porte.
Certitude d'une présence. Son pas volontairement léger. Elle traverse la grande pièce.
Je fais semblant de dormir.
Elle entre dans la chambre, pose son sac à main sur le fauteuil. Je sais qu'elle me regarde. Son parfum.
Bruit de la laine, de la fermeture éclair du pantalon. Mouvement autour de moi.
Déclic de l'agrafe du soutien-gorge. Les couvertures, les draps soulevés.
Poids dans le lit.
Cette fraîcheur, cette souplesse prenante qui s'ajuste à moi.
La langue passe sur mes lèvres. Caresse de la main. Je frissonne malgré moi.
Elle chuchote quelque chose que je ne comprends pas.
La langue entre dans ma bouche, y reste droite. Immobile. La main me prend, fourreau coulissant.
Je me retourne.
Elle me recouvre de son corps."
Épisodes de la vie des mantes religieuses de Louis Calaferte. Denoël, 2014.186 pages. 11,90 euros.
mardi 29 juillet 2014
Eleanor et Park - Rainbow Rowell
« Pas pour moi je crois. Pas du tout même. » Voila
le commentaire que j’avais laissé chez Cajou après avoir découvert son billet enthousiaste à propos de ce livre. De la littérature Young adult pleine d’amour
et de bons sentiments entre deux ados, sérieux, faudrait me payer pour lire un
truc pareil ! Sauf qu’entre temps Noukette l’a lu et l’a adoré elle aussi.
Et qu’on en a parlé ensemble. Erreur fatale ! Parce que la force de
persuasion de Noukette, ce n’est pas rien. Et la promesse d’une nouvelle lecture
commune avec elle, ce n’est pas rien non plus. Bref, je suis faible. Trop
faible. Et je me suis une fois de plus laisser embarquer. Bon, faut dire aussi
que j’aime bien de temps en temps explorer des territoires très, très éloignés
de ma zone de confort. Par pure curiosité. Et aussi parce que je suis rarement
déçu en suivant les yeux fermés des prescriptrices convaincantes…
Park a croisé pour la première fois Elelanor dans le bus scolaire. Il l’a trouvée « grosse et gauche. Avec des cheveux hallucinants, rouges et bouclés. Et elle était habillée comme… comme si elle voulait qu’on la remarque ». Elle lui a fait penser à un épouvantail. Quand elle s’est assise à coté de lui, il l’a ignorée, ni plus ni moins. Peu à peu pourtant il a fini par se rapprocher d’elle, il a partagé avec elle sa passion de la musique et des comics et il est tombé follement amoureux. Il a également découvert qu’Eleanor n’avait pas une existence facile, avec sa mère sans travail, son beau-père alcoolique et violent et ses quatre frères et sœurs. Harcelée par des camarades de lycée, tentant de surnager dans un quotidien infernal, c’est une jeune fille en souffrance. Park va devenir le phare qui illumine son quotidien, celui grâce auquel la vie vaut la peine d’être vécue.
J’étais sceptique, j’avoue. Et pas qu’un peu. Peur que tout cela dégouline de guimauve fondante, peur d’un récit pour midinettes sentant l’eau de rose à plein nez. Peur d’avoir à m’enfoncer deux doigts dans la gorge pour faire passer la nausée qui ne manquerait pas de m’envahir. Et finalement mes préjugés ont volé en éclat au fur et à mesure de la lecture. Parce que tout cela n’est pas du tout cucul. Bon, je trouve la barque d’Eleanor chargée, l’accumulation de ses malheurs m’a semblé un peu trop tire-larmes pour être honnête. Mais c’est un détail. Parce que l’amour naissant entre ces deux lycéens atypiques est rudement bien amené, tout en finesse. Et puis j’ai adoré Park, un garçon intelligent, sensible, sentimental en diable, assumant sans honte son amour fou et tellement, tellement touchant. Pour lui, Eleanor n’est pas charmante. Elle n’est pas jolie non plus : « Elle ressemblait à une œuvre d’art. L’art n’a rien à voir avec le beau, il existait pour faire ressentir les choses. » Lucide, entier et sincère, c’est ce que j’aime.
Cette histoire n’est pas un conte de fée, c’est l’amour vrai, douloureux, tout sauf un long fleuve tranquille. Bon, évidemment, j’ai pas pleuré, faut pas pousser. Je ne ferai pas non plus de ce roman un coup de cœur mais je serais d’une totale mauvaise foi si je ne reconnaissais pas avoir pris énormément de plaisir à passer quelques heures avec ces deux gamins attachants. Quand je dévore 400 pages en trois jours alors que j’ai bien d’autres choses à faire, quand je suis impatient de retrouver des personnages dont l’histoire me touche et que je me rends compte en refermant le livre qu’ils vont me manquer, c’est un signe qui ne trompe pas. Comme quoi :
1) il est drôlement bon, de temps en temps, de sortir de sa zone de confort
2) il faut toujours écouter les conseils avisés de ceux et celles qui vous veulent du bien
Park a croisé pour la première fois Elelanor dans le bus scolaire. Il l’a trouvée « grosse et gauche. Avec des cheveux hallucinants, rouges et bouclés. Et elle était habillée comme… comme si elle voulait qu’on la remarque ». Elle lui a fait penser à un épouvantail. Quand elle s’est assise à coté de lui, il l’a ignorée, ni plus ni moins. Peu à peu pourtant il a fini par se rapprocher d’elle, il a partagé avec elle sa passion de la musique et des comics et il est tombé follement amoureux. Il a également découvert qu’Eleanor n’avait pas une existence facile, avec sa mère sans travail, son beau-père alcoolique et violent et ses quatre frères et sœurs. Harcelée par des camarades de lycée, tentant de surnager dans un quotidien infernal, c’est une jeune fille en souffrance. Park va devenir le phare qui illumine son quotidien, celui grâce auquel la vie vaut la peine d’être vécue.
J’étais sceptique, j’avoue. Et pas qu’un peu. Peur que tout cela dégouline de guimauve fondante, peur d’un récit pour midinettes sentant l’eau de rose à plein nez. Peur d’avoir à m’enfoncer deux doigts dans la gorge pour faire passer la nausée qui ne manquerait pas de m’envahir. Et finalement mes préjugés ont volé en éclat au fur et à mesure de la lecture. Parce que tout cela n’est pas du tout cucul. Bon, je trouve la barque d’Eleanor chargée, l’accumulation de ses malheurs m’a semblé un peu trop tire-larmes pour être honnête. Mais c’est un détail. Parce que l’amour naissant entre ces deux lycéens atypiques est rudement bien amené, tout en finesse. Et puis j’ai adoré Park, un garçon intelligent, sensible, sentimental en diable, assumant sans honte son amour fou et tellement, tellement touchant. Pour lui, Eleanor n’est pas charmante. Elle n’est pas jolie non plus : « Elle ressemblait à une œuvre d’art. L’art n’a rien à voir avec le beau, il existait pour faire ressentir les choses. » Lucide, entier et sincère, c’est ce que j’aime.
Cette histoire n’est pas un conte de fée, c’est l’amour vrai, douloureux, tout sauf un long fleuve tranquille. Bon, évidemment, j’ai pas pleuré, faut pas pousser. Je ne ferai pas non plus de ce roman un coup de cœur mais je serais d’une totale mauvaise foi si je ne reconnaissais pas avoir pris énormément de plaisir à passer quelques heures avec ces deux gamins attachants. Quand je dévore 400 pages en trois jours alors que j’ai bien d’autres choses à faire, quand je suis impatient de retrouver des personnages dont l’histoire me touche et que je me rends compte en refermant le livre qu’ils vont me manquer, c’est un signe qui ne trompe pas. Comme quoi :
1) il est drôlement bon, de temps en temps, de sortir de sa zone de confort
2) il faut toujours écouter les conseils avisés de ceux et celles qui vous veulent du bien
Eleanor et Park de Rainbow Rowell. Pocket Jeunesse, 2014. 378 pages. 16,90 euros. A partir de 13-14 ans.
Une lecture commune qe je partage évidemment avec Noukette.
Une lecture commune qe je partage évidemment avec Noukette.
vendredi 25 juillet 2014
Le messager - Charles Stevenson Wright
Je n’avais jamais entendu parler de ce livre. Encore moins de cet auteur. C’est Noukette qui me l’a fait découvrir. Pas parce qu’elle l’a lu (et je doute d’ailleurs qu’elle le lise un jour) mais parce que sa libraire lui en a parlé et qu’elle a tout de suite pensé que ça allait me plaire. Elle a bien fait.
Charles Stevenson Wright (1932-2008) est l’auteur d’une trilogie dédiée à New York dont « Le messager », publié en 1963, constitue le premier volume. Un recueil de textes courts, à l’évidence très autobiographiques, où l’on navigue avec le narrateur dans les rues de Big Apple. Un narrateur dont le boulot de coursier lui rapporte moins de dix dollars par jour et qui habite, seul, dans un immeuble décati du nord de Manhattan. Un narrateur vivant parmi les arnaqueurs, les prostitués, les drogués et les travelos. Un narrateur métis au corps splendide et au cul superbe qui n’hésite pas à tapiner dans les bars pour améliorer l’ordinaire, se vendant au plus offrant, homme ou femme, blanc ou noir.
Ça parait glauque dit comme ça mais ça ne l’est pas du tout. Il y a au contraire beaucoup de lumière, une analyse lucide des rapports humains et une savoureuse galerie de personnages à la marge. Attention, ce n’est pas drôle pour autant, loin de là. Mais si je devais comparer « Le messager » avec d’autres romans ayant décrit l’underground New Yorkais, je dirais qu’il se dégage de celui-ci davantage de mesure que chez Selby par exemple (exemple extrême, je vous le concède, tant la vision de Selby est apocalyptique). Ce que je veux dire, c’est que l’écriture est ici plus léchée, tout en retenue. J’ai lu des dizaines de bouquins de ce genre à l'époque où je m'injectait chaque jour de la littérature américaine en intraveineuse (c'était bien avant le blog...) et j’ai retrouvé chez Wright la gouaille d’un Icerberg Slim, l’argot et la vulgarité en moins. J’ai retrouvé aussi la fougue et l’insouciance du cultissime « Basket Ball Diaries » de Jim Carroll. Je pourrais aussi citer Bruce Benderson, Jerome Charyn, Chester Himes ou Richard Price. Bref, je suis en terrain connu et j’adore ça.
C’est un régal si on aime le genre. Des découvertes comme celle-là, je veux bien en faire tous les jours. Pour conclure et vous donner le ton de l’ensemble, je vous offre deux extraits abordant des thématiques centrales du recueil, la solitude et la condition de métis dans l’Amérique des années 60 :
« Au petit matin, accablé d’un morne désespoir, concentré sur moi-même, je parcours les rues. Les bars sont en train de fermer et une magie terrible, indéfinissable, se mêle à l’air frais. A New York, l’aube du dimanche possède cette qualité calme et subtile. Les solitaires, partout dans le monde, connaissent ce moment particulier de la matinée. Pas lents et mal assurés, votre image déformée dans les devantures qui ne sont plus éclairées. Regards en coulisse, coups d’œil envieux, honteux, lancés aux couples que l’on croise. Vous reconnaissez les solitaires, vos frères. Ils prennent une direction et vous une autre. […]
Vous vous avouez vaincu, petit Waterloo personnel, vous montez les marches d’un pas lourd. Vous tournez la clé dans la serrure. Vous allumez l’électricité. Vous vous déshabillez. Vous arpentez le plancher et, finalement, vous essayez de dormir, sans que rien ne vienne vous réconforter, sinon la promesse d’un autre lever de soleil. »
« Etre né noir. Pas de ce noir absolu qu’on qualifie d’absence de couleur, pas brillant, pas monstrueux. Mais noir. Ou plutôt d’un élégant café au lait. Moitié moitié. Noir. Ma famille est à peu près également divisée entre les nuances claires et les nuances foncées. Je suis bronzé, d’un brun jaune, comme si on m’avait exposé au soleil au moment où je sortais du ventre de ma mère. Beige. Je suis un homme de couleur. La Ronde a commencé dès que mes ancêtres ont débarqué d’Afrique. Je maudis le jour de leur luxure. Je leur souhaite de nombreuses saisons dans un enfer syphilitique. […]
Ils ont fait de moi un marginal. Une minorité à l’intérieur d’une minorité. »
Le messager de Charles Stevenson Wright. Tripode, 2014. 200 pages. 17,00 euros.
Charles Stevenson Wright (1932-2008) est l’auteur d’une trilogie dédiée à New York dont « Le messager », publié en 1963, constitue le premier volume. Un recueil de textes courts, à l’évidence très autobiographiques, où l’on navigue avec le narrateur dans les rues de Big Apple. Un narrateur dont le boulot de coursier lui rapporte moins de dix dollars par jour et qui habite, seul, dans un immeuble décati du nord de Manhattan. Un narrateur vivant parmi les arnaqueurs, les prostitués, les drogués et les travelos. Un narrateur métis au corps splendide et au cul superbe qui n’hésite pas à tapiner dans les bars pour améliorer l’ordinaire, se vendant au plus offrant, homme ou femme, blanc ou noir.
Ça parait glauque dit comme ça mais ça ne l’est pas du tout. Il y a au contraire beaucoup de lumière, une analyse lucide des rapports humains et une savoureuse galerie de personnages à la marge. Attention, ce n’est pas drôle pour autant, loin de là. Mais si je devais comparer « Le messager » avec d’autres romans ayant décrit l’underground New Yorkais, je dirais qu’il se dégage de celui-ci davantage de mesure que chez Selby par exemple (exemple extrême, je vous le concède, tant la vision de Selby est apocalyptique). Ce que je veux dire, c’est que l’écriture est ici plus léchée, tout en retenue. J’ai lu des dizaines de bouquins de ce genre à l'époque où je m'injectait chaque jour de la littérature américaine en intraveineuse (c'était bien avant le blog...) et j’ai retrouvé chez Wright la gouaille d’un Icerberg Slim, l’argot et la vulgarité en moins. J’ai retrouvé aussi la fougue et l’insouciance du cultissime « Basket Ball Diaries » de Jim Carroll. Je pourrais aussi citer Bruce Benderson, Jerome Charyn, Chester Himes ou Richard Price. Bref, je suis en terrain connu et j’adore ça.
C’est un régal si on aime le genre. Des découvertes comme celle-là, je veux bien en faire tous les jours. Pour conclure et vous donner le ton de l’ensemble, je vous offre deux extraits abordant des thématiques centrales du recueil, la solitude et la condition de métis dans l’Amérique des années 60 :
« Au petit matin, accablé d’un morne désespoir, concentré sur moi-même, je parcours les rues. Les bars sont en train de fermer et une magie terrible, indéfinissable, se mêle à l’air frais. A New York, l’aube du dimanche possède cette qualité calme et subtile. Les solitaires, partout dans le monde, connaissent ce moment particulier de la matinée. Pas lents et mal assurés, votre image déformée dans les devantures qui ne sont plus éclairées. Regards en coulisse, coups d’œil envieux, honteux, lancés aux couples que l’on croise. Vous reconnaissez les solitaires, vos frères. Ils prennent une direction et vous une autre. […]
Vous vous avouez vaincu, petit Waterloo personnel, vous montez les marches d’un pas lourd. Vous tournez la clé dans la serrure. Vous allumez l’électricité. Vous vous déshabillez. Vous arpentez le plancher et, finalement, vous essayez de dormir, sans que rien ne vienne vous réconforter, sinon la promesse d’un autre lever de soleil. »
« Etre né noir. Pas de ce noir absolu qu’on qualifie d’absence de couleur, pas brillant, pas monstrueux. Mais noir. Ou plutôt d’un élégant café au lait. Moitié moitié. Noir. Ma famille est à peu près également divisée entre les nuances claires et les nuances foncées. Je suis bronzé, d’un brun jaune, comme si on m’avait exposé au soleil au moment où je sortais du ventre de ma mère. Beige. Je suis un homme de couleur. La Ronde a commencé dès que mes ancêtres ont débarqué d’Afrique. Je maudis le jour de leur luxure. Je leur souhaite de nombreuses saisons dans un enfer syphilitique. […]
Ils ont fait de moi un marginal. Une minorité à l’intérieur d’une minorité. »
Le messager de Charles Stevenson Wright. Tripode, 2014. 200 pages. 17,00 euros.
jeudi 24 juillet 2014
Il est temps de prendre le large...
C'est parti pour près de trois semaines loin de ma Picardie natale. La Camargue d'abord puis Gap et Lyon pour quelques jours. Pas d'autres ambitions que me reposer, buller, lire, passer du bon temps en famille et revenir bronzé comme un grain de café.
Le blog part en vacances lui aussi. Un billet demain peut-être, une LC avec Noukette pour vous parler d'Eleanor et Park mardi prochain et ce sera tout jusqu'au 15 août.
Dans mes bagages j'emmène six romans. Un pavé pour le challenge de Brize, un roman anglais paru en mai et quatre titres de la rentrée. Je fonde de gros espoirs sur Paul Harding et le nouveau Patrick Deville. Pour le reste, on verra bien.
Bonnes vacances à celles et ceux qui ont la chance d'en avoir et bon courage au autres. Je vous dis à très bientôt.
Le blog part en vacances lui aussi. Un billet demain peut-être, une LC avec Noukette pour vous parler d'Eleanor et Park mardi prochain et ce sera tout jusqu'au 15 août.
Dans mes bagages j'emmène six romans. Un pavé pour le challenge de Brize, un roman anglais paru en mai et quatre titres de la rentrée. Je fonde de gros espoirs sur Paul Harding et le nouveau Patrick Deville. Pour le reste, on verra bien.
Bonnes vacances à celles et ceux qui ont la chance d'en avoir et bon courage au autres. Je vous dis à très bientôt.
mercredi 23 juillet 2014
Bouche d'ombre T1 : Lou , 1985 de Maud Begon et Carole Martinez
Une bande d'ados BCBG dans un lycée parisien au milieu des années 80, une séance de spiritisme qui tourne mal, un drame, un fantôme, de l'hypnose, de permanents allers-retour entre rêves et réalité, il y a tout cela dans « Bouche d'ombre », première BD scénarisée Carole Martinez.
Les événements s'articulent autour de Lou, jeune fille rousse et pétillante qui se découvre le don de communiquer avec les défunts. Hantée par le suicide de son amie Marie-Rose, elle voit cette dernière lui apparaître soudainement, jour et nuit. Pensant être responsable de sa mort, elle tente de comprendre les raisons qui l'ont poussée à commettre l'irréparable...
Carole Martinez aime jouer de la fragilité de ses personnages pour s'interroger sur la communication entre les êtres et les relations entre les vivants et les morts.Elle ajoute à sa trame de départ un lourd secret de famille, une bonne dose de rancœur et une pincée de romance pour pimenter l'ensemble. Il se dégage de cet album une atmosphère mystérieuse et fantastique qui m'a, je dois l'avouer, laissé à quai. Le surnaturel et les questions sur l'au-delà n'étant pas ma tasse de thé, je me suis pas mal ennuyé et je crains qu'il ne me reste pas grand chose de l'histoire d'ici quelques jours. J'ai par contre trouvé le dessin de Maud Begon plein de charme et de subtilité.
Un rendez-vous manqué donc, entre cet album et moi. Je ne suis pas mécontent d'avoir découvert Carole Martinez en scénariste de BD mais je vais plutôt essayer de me pencher sur ses talents de romancières.
Bouche d'ombre T1 : Lou, 1985 de Maud Begon et Carole Martinez. Casterman, 2014. 70 pages. 15,00 euros.
Les événements s'articulent autour de Lou, jeune fille rousse et pétillante qui se découvre le don de communiquer avec les défunts. Hantée par le suicide de son amie Marie-Rose, elle voit cette dernière lui apparaître soudainement, jour et nuit. Pensant être responsable de sa mort, elle tente de comprendre les raisons qui l'ont poussée à commettre l'irréparable...
Carole Martinez aime jouer de la fragilité de ses personnages pour s'interroger sur la communication entre les êtres et les relations entre les vivants et les morts.Elle ajoute à sa trame de départ un lourd secret de famille, une bonne dose de rancœur et une pincée de romance pour pimenter l'ensemble. Il se dégage de cet album une atmosphère mystérieuse et fantastique qui m'a, je dois l'avouer, laissé à quai. Le surnaturel et les questions sur l'au-delà n'étant pas ma tasse de thé, je me suis pas mal ennuyé et je crains qu'il ne me reste pas grand chose de l'histoire d'ici quelques jours. J'ai par contre trouvé le dessin de Maud Begon plein de charme et de subtilité.
Un rendez-vous manqué donc, entre cet album et moi. Je ne suis pas mécontent d'avoir découvert Carole Martinez en scénariste de BD mais je vais plutôt essayer de me pencher sur ses talents de romancières.
Bouche d'ombre T1 : Lou, 1985 de Maud Begon et Carole Martinez. Casterman, 2014. 70 pages. 15,00 euros.
mardi 22 juillet 2014
La boîte aux lettres du cimetière - Serge Pey
« La boîte aux lettres du cimetière » est une chronique d'enfance douce-amère. Trente récits de quelques pages, autant de souvenirs égrainés avec humour, tendresse et nostalgie. Le narrateur est un enfant de la guerre d'Espagne réfugié en France. Un enfant « rouge et noir », « fier d'être le fils d'un homme qui n'a pas peur de Dieu ». Un enfant vivant dans une communauté libertaire, toujours en lutte contre le fascisme, les bondieuseries et l'État.
Dans cette communauté, pour accueillir les camarades autour d'une table trop petite, on n'hésite pas à dégonder la porte de la maison familiale pour la coucher sur deux tréteaux. Parce qu'après tout, c'est bien connu, « les portes nous aiment quand on ne les ferme pas ». Dans cette communauté, on colle les timbres à l'envers, façon symbolique de renverser l'État, le chien de la maisonnée s'appelle Proudhon et il dort par terre sur un drapeau noir, l'école se trouve dans une ancienne porcherie et un clown équilibriste vient apprendre aux enfants à ne pas tomber.
On croise aussi des personnages haut en couleur, de la grand-mère égorgeuse de poulets à Chucho le chasseur de grillons en passant par la tante Hirondelle ou encore Pedro, le guitariste aux ongles impeccables et lisses.
Il y a beaucoup de poésie dans ces petites histoires. Un soupçon de cruauté aussi. L'écriture est belle et sonne comme une musique mélancolique aux accents autant burlesques que poignants. Simple et touchant, tout ce que j'aime.
La boîte aux lettres du cimetière de Serge Pey. Zulma, 2014. 200 pages. 17,00 euros.
L'avis d'Hélène, à qui je dois cette découverte.
Dans cette communauté, pour accueillir les camarades autour d'une table trop petite, on n'hésite pas à dégonder la porte de la maison familiale pour la coucher sur deux tréteaux. Parce qu'après tout, c'est bien connu, « les portes nous aiment quand on ne les ferme pas ». Dans cette communauté, on colle les timbres à l'envers, façon symbolique de renverser l'État, le chien de la maisonnée s'appelle Proudhon et il dort par terre sur un drapeau noir, l'école se trouve dans une ancienne porcherie et un clown équilibriste vient apprendre aux enfants à ne pas tomber.
On croise aussi des personnages haut en couleur, de la grand-mère égorgeuse de poulets à Chucho le chasseur de grillons en passant par la tante Hirondelle ou encore Pedro, le guitariste aux ongles impeccables et lisses.
Il y a beaucoup de poésie dans ces petites histoires. Un soupçon de cruauté aussi. L'écriture est belle et sonne comme une musique mélancolique aux accents autant burlesques que poignants. Simple et touchant, tout ce que j'aime.
La boîte aux lettres du cimetière de Serge Pey. Zulma, 2014. 200 pages. 17,00 euros.
L'avis d'Hélène, à qui je dois cette découverte.
lundi 21 juillet 2014
La machine à influencer : une histoire des médias - Brook Gladstone et Josh Neufeld
« Nous avons les médias que nous méritons ». Voila comment se conclut ce foisonnant « essai graphique » (ben quoi, on parle bien de « roman graphique », j'ai le droit à mon néologisme, non?) retraçant l'histoire des médias aux États-Unis, de la guerre d'indépendance au conflit afghan en passant par la guerre de sécession, les deux guerres mondiales, le Vietnam et l'Irak. Mais le propos ne se limite pas au traitement médiatique des conflits. Brooke Gladstone décortique les pratiques journalistiques, leur influence, leur asservissement aux politiques et au monde de la finance. Pour autant, elle ne jette pas le bébé avec l'eau du bain, considérant que le problème vient avant tout du consommateur d'information, c'est à dire de nous : « nous avalons de plus en plus souvent l'info comme des fraises Tagada vautrés dans nos cybercanapés. Nous marinons dans un jus de pseudo-experts, assaisonné seulement des faits et opinion qui nous semblent acceptables. […] Et si les médias que nous choisissons nous abrutissaient aussi ? Et s'ils diminuaient notre capacité d'attention, attisaient nos bas instincts, érodaient nos valeurs, brouillaient notre jugement ? ».
A qui la faute si les JT sont aussi creux, anecdotiques ou hystériques ? Est-ce que les organes d'information doivent donner au public ce qu'il veut ou ce dont il a besoin ? Mais que veut le public ? De quoi a-t-il besoin ? Et existe-il un seul et unique public ? Cette question n'est qu'une parmi tant d'autres. L'ouvrage est pointu sans être indigeste. Toute la partie sur l'objectivité est passionnante, comme celle sur la censure ou les sondages, sans parler de la profonde réflexion sur les réseaux sociaux et le fait qu'aujourd'hui chacun de nous, grâce au net, peut être à la fois consommateur et producteur d'information. Et puis qu'on le veuille ou non, les médias nous influencent en permanence, même quand nous les critiquons ou que nous tentons de leur résister, Brooke Gladstone le démontre brillamment.
Graphiquement, Josh Neufeld (American Splendor), illustre avec simplicité et beaucoup de trouvailles visuelles un texte parfois très envahissant. Au final, La machine à influencer n'est pas un plaidoyer pro médias. Ce n'est pas non plus une charge virulente contre eux. L'analyse est beaucoup plus fine, dense, parfois ardue. Exigeante, quoi. Journalistique diront certain. Dans le sens le plus noble du terme.
La machine à influencer de Brook Gladstone et Josh Neufeld. Ça et là, 2014. 185 pages. 22,00 euros.
A qui la faute si les JT sont aussi creux, anecdotiques ou hystériques ? Est-ce que les organes d'information doivent donner au public ce qu'il veut ou ce dont il a besoin ? Mais que veut le public ? De quoi a-t-il besoin ? Et existe-il un seul et unique public ? Cette question n'est qu'une parmi tant d'autres. L'ouvrage est pointu sans être indigeste. Toute la partie sur l'objectivité est passionnante, comme celle sur la censure ou les sondages, sans parler de la profonde réflexion sur les réseaux sociaux et le fait qu'aujourd'hui chacun de nous, grâce au net, peut être à la fois consommateur et producteur d'information. Et puis qu'on le veuille ou non, les médias nous influencent en permanence, même quand nous les critiquons ou que nous tentons de leur résister, Brooke Gladstone le démontre brillamment.
Graphiquement, Josh Neufeld (American Splendor), illustre avec simplicité et beaucoup de trouvailles visuelles un texte parfois très envahissant. Au final, La machine à influencer n'est pas un plaidoyer pro médias. Ce n'est pas non plus une charge virulente contre eux. L'analyse est beaucoup plus fine, dense, parfois ardue. Exigeante, quoi. Journalistique diront certain. Dans le sens le plus noble du terme.
La machine à influencer de Brook Gladstone et Josh Neufeld. Ça et là, 2014. 185 pages. 22,00 euros.
samedi 19 juillet 2014
Les cavaliers afghans - Louis Meunier
En 2002, Louis Meunier abandonne une carrière de cadre toute tracée pour s'engager dans une ONG et partir en Afghanistan afin d'aider à la reconstruction du pays après la chute des talibans. Désireux de s'immerger dans la vie et les traditions de son pays d'accueil, il apprend la langue et découvre avec fascination le buzkashi, un combat équestre où hommes et montures se disputent avec une violence inouïe la carcasse d'un veau qu'il faut déposer dans un cercle tracé au sol pour marquer un point. Rêvant de devenir un cavalier du buzkashi, un tchopendoz, Louis meunier se met en quête d'un cheval et d'une équipe acceptant de l’accueillir.
Le récit se découpe en trois grandes parties et commence par son arrivée sur place et ses difficiles premiers pas professionnels ainsi que le début très compliqué de sa carrière de tchopendoz. La seconde partie, que j'ai trouvée la plus passionnante, relate la traversée du centre pays effectuée à cheval, en 2005. Un périple de deux milles kilomètres entre les montagnes et les vallées de l'Hindou Koush avec trois chevaux et un compagnon afghan, à la rencontre des populations les plus isolées du pays. Dans la dernière, nous sommes en mars 2006 et Louis Meunier s'est installé à Kaboul, où il a créé sa société de production audiovisuelle, réalisant des reportages et des documentaires tout en continuant à vivre pleinement sa passion pour le buzkashi.
J'ai beaucoup aimé cette plongée pleine de tendresse mais aussi d'une grande objectivité dans l’Afghanistan « des seigneurs et des chefs de guerre, une société moyenâgeuse où ne survivent que les plus forts. Dans cette contrée secouée depuis toujours par les combats, les intrigues et les luttes de pouvoir. » L'auteur conjugue à l'analyse géopolitique parfois assez poussée son ressenti intime, son émerveillement devant la nature sauvage et indomptable qui l'entoure et la richesse de ses rencontres avec la mosaïque d'ethnies (Ouzbeks, Turkmènes, Pashtouns, Tadjiks, Hazaras, arabes, etc) croisées au fil de ses pérégrinations. Admirable aussi sa lucidité devant son statut de « Khareji », d'étranger qui, quoi qu'il fasse et quelles que soient les amitiés qu'il parvient à nouer, ne pourra jamais s'intégrer totalement dans la société afghane (« les alliances et les amitiés des afghans avec les étrangers sont intéressées et temporaires »).
« Les cavaliers afghans » est un récit initiatique autant qu'un témoignage éclairant sur ce qu'est l’Afghanistan d'aujourd'hui, loin du triptyque « taliban-burqua-attentat » servi par les médias occidentaux pour stigmatiser un pays à la réalité bien plus complexe. C'est aussi et surtout une magnifique invitation au voyage qui ravira les lecteurs épris de grands espaces et de liberté.
Les cavaliers afghans de Louis Meunier. Kero, 2014. 330 pages. 20,00 euros.
L'avis enthousiaste d'Aaliz
Le récit se découpe en trois grandes parties et commence par son arrivée sur place et ses difficiles premiers pas professionnels ainsi que le début très compliqué de sa carrière de tchopendoz. La seconde partie, que j'ai trouvée la plus passionnante, relate la traversée du centre pays effectuée à cheval, en 2005. Un périple de deux milles kilomètres entre les montagnes et les vallées de l'Hindou Koush avec trois chevaux et un compagnon afghan, à la rencontre des populations les plus isolées du pays. Dans la dernière, nous sommes en mars 2006 et Louis Meunier s'est installé à Kaboul, où il a créé sa société de production audiovisuelle, réalisant des reportages et des documentaires tout en continuant à vivre pleinement sa passion pour le buzkashi.
J'ai beaucoup aimé cette plongée pleine de tendresse mais aussi d'une grande objectivité dans l’Afghanistan « des seigneurs et des chefs de guerre, une société moyenâgeuse où ne survivent que les plus forts. Dans cette contrée secouée depuis toujours par les combats, les intrigues et les luttes de pouvoir. » L'auteur conjugue à l'analyse géopolitique parfois assez poussée son ressenti intime, son émerveillement devant la nature sauvage et indomptable qui l'entoure et la richesse de ses rencontres avec la mosaïque d'ethnies (Ouzbeks, Turkmènes, Pashtouns, Tadjiks, Hazaras, arabes, etc) croisées au fil de ses pérégrinations. Admirable aussi sa lucidité devant son statut de « Khareji », d'étranger qui, quoi qu'il fasse et quelles que soient les amitiés qu'il parvient à nouer, ne pourra jamais s'intégrer totalement dans la société afghane (« les alliances et les amitiés des afghans avec les étrangers sont intéressées et temporaires »).
« Les cavaliers afghans » est un récit initiatique autant qu'un témoignage éclairant sur ce qu'est l’Afghanistan d'aujourd'hui, loin du triptyque « taliban-burqua-attentat » servi par les médias occidentaux pour stigmatiser un pays à la réalité bien plus complexe. C'est aussi et surtout une magnifique invitation au voyage qui ravira les lecteurs épris de grands espaces et de liberté.
Les cavaliers afghans de Louis Meunier. Kero, 2014. 330 pages. 20,00 euros.
L'avis enthousiaste d'Aaliz
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