« Surtout, ne lui réclame rien. N'exige que notre dû. Ce qu'il me devait et ne m'a jamais donné... L'oubli dans lequel il nous a laissés, fais-le lui payer, mon enfant. » Juan Preciado promet à sa mère, sur son lit de mort, de retrouver Pedro Paramo, son père qui les a autrefois abandonnés. En route pour Comala, il croise un homme sur un âne qui le mène jusque dans les rues désertes du village. Là, une vieille femme lui apprend que celui qui l'a accompagné est mort depuis longtemps, comme Pedro Paramo, dont il peut distinguer, au loin, les ruines de l'immense propriété. Car le père de Juan était l'homme fort de la région. Cruel, despotique, semant derrière lui autant de morts que d'enfants, il était haï et craint de tous. Au cours de son séjour, Juan va croiser d'autres fantômes, autant d'âmes vagabondes venues lui raconter par bribes l'histoire du village s'entrecroisant avec celle de son géniteur.
Voila un roman d'une infinie complexité tant il bouleverse les codes de compréhension classiques d'un récit de fiction. Juan Rulfo aurait déclaré que son texte nécessite la « coopération » du lecteur. Difficile en effet de suivre le déroulement d'une intrigue sans aucune linéarité, où les différentes temporalités s'enchevêtrent et où les morts et les vivants ne cessent de dialoguer. Pour Carlos Fuentes, « L’œuvre de Juan Rulfo n’est pas seulement la plus haute expression à laquelle soit parvenu, jusqu’à maintenant, le roman mexicain : à travers Pedro Páramo, nous pouvons trouver le fil qui nous conduit au nouveau roman latino-américain. »
Un texte déstabilisant, à prendre selon moi comme une expérience de lecture unique, la découverte d'une construction narrative totalement novatrice. Un texte auquel il ne faut surtout pas essayer de résister mais au contraire devant lequel il est indispensable de lâcher prise pour se laisser entraîner dans les méandres de la mémoire d'un village pauvre et reculé.
Au final il me restera de ce récit polyphonique les voix et les histoires si étranges de personnages en quête, au-delà de la mort, d'une paix intérieure à jamais inaccessible. Troublant et vertigineux.
Pedro Paramo de Juan Rulfo. Folio, 2009. 184 pages. 7,40 euros.
Une découverte que je dois une fois de plus à Marilyne avec qui je partage cette lecture commune.
lundi 7 juillet 2014
samedi 5 juillet 2014
Rush T1 : Dette de sang - Phillip Gwynne
Sous le soleil de la Gold Cost australienne, Dom Silvagni mène une vie d’ado tranquille au sein de la bourgeoisie locale. Le jour de ses 15 ans, il apprend que les siens ont depuis des décennies une dette envers la mafia. Pour la racheter, chaque homme de la famille doit se mettre au service des criminels et s’acquitter de six contrats. En cas d’échec, le débiteur subira un terrible châtiment. Pour Dom, le premier contrat consiste à capturer le Zolt, un jeune hors-la-loi insaisissable, star des réseaux sociaux qui nargue les forces de police et est adulé par les adolescents.
Je vais être honnête, ce n’est pas la littérature jeunesse que j’aime. En toute modestie, je suis un peu comme un cinéphile qui préfère le cinéma d’auteur aux gros blockbusters. Et Rush a tout des gros blockbusters que je déteste. Aucun temps mort, de l’action et rien que de l’action, le but étant de tenir en haleine le lecteur plutôt que de le faire réfléchir. C’est un parti pris qui se défend et je n’ai rien contre mais quitte à me répéter, ce n’est pas la littérature jeunesse que j’aime.
Après, l’honnêteté me pousse aussi à reconnaître que c’est très bien fait et que les ingrédients proposés par Phillip Gwynne ont tout pour plaire aux ados. Beaucoup de suspens, un zeste d’humour, de nombreuses références aux nouvelles technologies, une intrigue prenante, des personnages attachants et un tempo d’enfer, autant d’éléments qui ont fait leurs preuves depuis longtemps.
En conclusion, un roman efficace et parfaitement ciblé pour toucher un large lectorat. Et vous l’aurez compris, ce n’est pas du tout ma came mais y a pas à dire, dans le genre, ça le fait (désolé, j’essaie pitoyablement de faire djeun …).
Rush T1 : Dette de sang de Phillip Gwynne. Casterman, 2014. 255 pages. 15,00 euros. A partir de 12 ans.
Je vais être honnête, ce n’est pas la littérature jeunesse que j’aime. En toute modestie, je suis un peu comme un cinéphile qui préfère le cinéma d’auteur aux gros blockbusters. Et Rush a tout des gros blockbusters que je déteste. Aucun temps mort, de l’action et rien que de l’action, le but étant de tenir en haleine le lecteur plutôt que de le faire réfléchir. C’est un parti pris qui se défend et je n’ai rien contre mais quitte à me répéter, ce n’est pas la littérature jeunesse que j’aime.
Après, l’honnêteté me pousse aussi à reconnaître que c’est très bien fait et que les ingrédients proposés par Phillip Gwynne ont tout pour plaire aux ados. Beaucoup de suspens, un zeste d’humour, de nombreuses références aux nouvelles technologies, une intrigue prenante, des personnages attachants et un tempo d’enfer, autant d’éléments qui ont fait leurs preuves depuis longtemps.
En conclusion, un roman efficace et parfaitement ciblé pour toucher un large lectorat. Et vous l’aurez compris, ce n’est pas du tout ma came mais y a pas à dire, dans le genre, ça le fait (désolé, j’essaie pitoyablement de faire djeun …).
Rush T1 : Dette de sang de Phillip Gwynne. Casterman, 2014. 255 pages. 15,00 euros. A partir de 12 ans.
vendredi 4 juillet 2014
La vie troublée d’un tailleur pour dames - Bulbul Sharma
Janak est tailleur pour dames dans le petit village de Giripul, au pied de l’Himalaya. Homme paisible, amoureux de sa femme la capricieuse et jalouse Rama, il n’aspire qu’à vivre tranquillement. Mais les clientes qui défilent dans sa petite échoppe n’hésitent pas à lui confier leurs petits secrets, le mettant parfois dans l’embarras.
Un soir, alors que toute la communauté est réunie sous le chapiteau d’un magicien ambulant, il trouve un cadavre devant sa porte. Le premier meurtre de l’histoire de Giripul ! Persuadé de faire un coupable idéal, Janak, aidé de son meilleur ami Shankar, va mener lui-même l’enquête pour retrouver l’assassin.
De Bulbul Sharma, j’avais lu et beaucoup aimé les recueils de nouvelles « Mangue amère » et « Maintenant que j’ai 50 ans ». J’avais surtout apprécié sa façon de mettre en scène la femme indienne moderne, tiraillée entre ses légitimes envies d’émancipation et le poids des traditions. Ici, on est dans autre registre. Ce roman beaucoup plus léger est une saga villageoise, un hommage au peuple des campagnes. Giripul existe vraiment et Bulbul Sharma y a possédé une résidence secondaire pendant vingt ans. C’est un village hors du temps, sans commodités, sans télé, sans téléphone ni frigidaire. Autour de Janak gravitent Shankar le pêcheur, Balu le mendiant, Lala le restaurateur, Raja qui tient le bazar du coin et le « mukhiya », le chef du village. Les femmes sont aussi très présentes avec, comme toujours chez Sharma, une belle-mère particulièrement irascible.
Ce roman est avant tout une comédie de mœurs avec un peu de réalisme magique et un soupçon de polar (mais alors vraiment un soupçon). C’est surtout l’occasion de mettre en lumière le monde rural sans misérabilisme à travers le regard plein d’empathie d’un auteur débordant de tendresse pour ses personnages.
Une lecture rafraîchissante, idéale pour découvrir l’Inde « authentique » loin des clichés de Bollywood. J’ai côtoyé avec plaisir les habitants de Giripul et, comme la fin laisse présager une suite évidente, je me réjouis de les retrouver d’ici quelques temps.
La vie troublée d’un tailleur pour dames de Bulbul Sharma. Albin Michel, 2014. 380 pages. 22,00 euros.
Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène.
Un soir, alors que toute la communauté est réunie sous le chapiteau d’un magicien ambulant, il trouve un cadavre devant sa porte. Le premier meurtre de l’histoire de Giripul ! Persuadé de faire un coupable idéal, Janak, aidé de son meilleur ami Shankar, va mener lui-même l’enquête pour retrouver l’assassin.
De Bulbul Sharma, j’avais lu et beaucoup aimé les recueils de nouvelles « Mangue amère » et « Maintenant que j’ai 50 ans ». J’avais surtout apprécié sa façon de mettre en scène la femme indienne moderne, tiraillée entre ses légitimes envies d’émancipation et le poids des traditions. Ici, on est dans autre registre. Ce roman beaucoup plus léger est une saga villageoise, un hommage au peuple des campagnes. Giripul existe vraiment et Bulbul Sharma y a possédé une résidence secondaire pendant vingt ans. C’est un village hors du temps, sans commodités, sans télé, sans téléphone ni frigidaire. Autour de Janak gravitent Shankar le pêcheur, Balu le mendiant, Lala le restaurateur, Raja qui tient le bazar du coin et le « mukhiya », le chef du village. Les femmes sont aussi très présentes avec, comme toujours chez Sharma, une belle-mère particulièrement irascible.
Ce roman est avant tout une comédie de mœurs avec un peu de réalisme magique et un soupçon de polar (mais alors vraiment un soupçon). C’est surtout l’occasion de mettre en lumière le monde rural sans misérabilisme à travers le regard plein d’empathie d’un auteur débordant de tendresse pour ses personnages.
Une lecture rafraîchissante, idéale pour découvrir l’Inde « authentique » loin des clichés de Bollywood. J’ai côtoyé avec plaisir les habitants de Giripul et, comme la fin laisse présager une suite évidente, je me réjouis de les retrouver d’ici quelques temps.
La vie troublée d’un tailleur pour dames de Bulbul Sharma. Albin Michel, 2014. 380 pages. 22,00 euros.
Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène.
jeudi 3 juillet 2014
Et si on parlait (déjà) de la rentrée...
J’ai pris le temps d’éplucher le numéro spécial de Livres Hebdo consacré à la rentrée littéraire. 404 romans français et 203 romans étrangers seront publiés entre août et octobre. Pour l’instant j’en ai repéré seize. Huit français et huit étrangers. Comme d’habitude, aucune grosse pointure en dehors de Patrick Deville.
Évidemment au final je ne les lirai pas tous. Évidemment je vais en dénicher d’autres en farfouillant sur les blogs des copinautes. Mais au moins ça me donne une première idée. Et en attendant je vais tenter de profiter des vacances pour faire baisser ma pal...
mercredi 2 juillet 2014
La famille Passiflore : La chasse au trésor - Loïc Jouannigot et Michel Plessix
Quand les lapereaux de la famille Passiflore apprennent de la bouche de leur père qu’ils ont eu un aïeul pirate, ils tombent des nues. Un pirate surnommé « L’impitoyable Cycliste des 7 mers » qui, après une fructueuse carrière à bord de « La carotte indomptable », s’est installé tout près de leur maison actuelle pour finir ses jours paisiblement et enterrer le trésor amassé en écumant les mers du globe. Fascinés par cette histoire de trésor, les enfants se rendent du coté de la rivière où pourrait être enfoui le précieux coffre. Mais en chemin ils vont rencontrer Fétide Durian, un putois trop gentil pour être honnête…
Ah, les Passiflore ! Un univers animalier proche de celui de Béatrix Potter qui ravira petits et grands. Depuis près de trente ans, ils s’animent sous le crayon de Loïc Jouannigot, d’abord dans des albums pour enfants et depuis peu en BD. Pour cette nouvelle aventure, Michel Plessix est au scénario, autant vous dire que c’est un gage supplémentaire de qualité (du moins pour moi). Le récit est sans temps mort, les événements s’enchaînent avec fluidité, il y a ce zeste de frisson qui permet de se faire (un peu) peur et le comportement héroïque du papa protecteur de sa marmaille m’a beaucoup plu (mais ça c’est un ressenti très personnel, hein).
Coté dessin, c’est bien entendu somptueux, avec des aquarelles de toute beauté et un art de manier la lumière qui force l’admiration.
La chasse au trésor, c’est un grand classique qui fonctionne à tous les coups et cet album ne fera pas exception à la règle. Et puis franchement, comment résister au charme des Passiflore ?
La chasse au trésor de Loïc Jouannigot et Michel Plessix. Dargaud, 2014. 40 pages. 13 euros. A partir de 7-8 ans.
Mon avis sur le 1er tome des aventures de la famille Passiflore en BD
Ah, les Passiflore ! Un univers animalier proche de celui de Béatrix Potter qui ravira petits et grands. Depuis près de trente ans, ils s’animent sous le crayon de Loïc Jouannigot, d’abord dans des albums pour enfants et depuis peu en BD. Pour cette nouvelle aventure, Michel Plessix est au scénario, autant vous dire que c’est un gage supplémentaire de qualité (du moins pour moi). Le récit est sans temps mort, les événements s’enchaînent avec fluidité, il y a ce zeste de frisson qui permet de se faire (un peu) peur et le comportement héroïque du papa protecteur de sa marmaille m’a beaucoup plu (mais ça c’est un ressenti très personnel, hein).
Coté dessin, c’est bien entendu somptueux, avec des aquarelles de toute beauté et un art de manier la lumière qui force l’admiration.
La chasse au trésor, c’est un grand classique qui fonctionne à tous les coups et cet album ne fera pas exception à la règle. Et puis franchement, comment résister au charme des Passiflore ?
La chasse au trésor de Loïc Jouannigot et Michel Plessix. Dargaud, 2014. 40 pages. 13 euros. A partir de 7-8 ans.
Mon avis sur le 1er tome des aventures de la famille Passiflore en BD
mardi 1 juillet 2014
Le premier mardi c'est permis (28) : Jours tranquilles à Herchies (2)
Chose promise chose due, je termine ce mois-ci la nouvelle commencée début juin. Pour le coup, c’est un peu excessif, je le concède. Juste une envie d’aller plus loin dans la crudité (j’ai pas dit vulgaire, certains pourront peut-être le penser mais peu importe). Le principal c’est que je me sois amusé et que j’assume tout cela à 100%, non ?
Après le déjeuner, Frida me demanda si je pouvais la déposer en ville. Elle avait à faire, me dit-elle. Devais-je l’attendre ? Elle sourit : « Tu sais, ce sont des trucs de fille… Tu vas t’ennuyer. Je t’appellerai ». Je vaquai donc. Il bruinait, ce par quoi la région distingue l’automne du printemps, où il pleut à verse. J’aime la bruine. Le seul court métrage que j’avais alors réalisé, dans le cadre des travaux pratiques de la fac, s’intitulait « La blonde et la bruine ». L’essentiel de l’action se concentrait sur le parc jouxtant la gare. Une blonde s’y abandonnait aux ardeurs d’un jeune ouvrier – car le prof confessait son penchant pour les situationnistes, ce qui, déjà dans les années 90, apparaissait assez passéiste. Je flirtai avec la décence « en donnant à imaginer ce qui se tramait d’existentiel sous les jupes de la demoiselle ». La blonde qui jouait dans mon sept minutes était d’une belle ardeur. Elle était rhodanienne, de la petite ville de Craponne. Jamais ville ne justifia mieux son code INSEE : 69069. Et en effet ! Elle n’aimait rien tant que nos nuits buccales. Elle était de ces femmes qui dès la main sont nues. Je pouvais lui tirer des soupirs à l’arrondi de l’épaule, et des cris au creux de la clavicule. Je m’exerçais à la patience en butinant son cou mais, dès que mes lèvres harcelaient ses seins, qu’elle avait petits et fermes, je ne résistais plus. Je ne retrouvais un peu de mon calme qu’aux dernières côtes. Le sternum m’apaisait quelques minutes mais, sitôt le nombril, je sentais monter la transe.
J’en étais là de mes pensées que le portable scintilla. Quand Frida me rejoignit, elle portait trois sacs. Ses emplettes. « Je peux regarder ? » Elle secoua la tête, « Tu attendras ».
J’attendis jusqu’au soir. Je préparais un petit tagine de mouton. Elle entra sans rien dire, s’assit à la table et se versa un verre de cheverny blanc. « Sers-m’en un » dis-je sans me retourner. Quand elle dit « Cette nuit, rien que les yeux », je glissai l’œil vers elle. Elle était dans une merveille de délicatesse. Le soutien-gorge garance était cerné de guipures blanches ajourées posées là comme un semis de baisers. Elle se leva. Le string de même coloris présentait une fine largeur d’étoffe – elle se leva pour que je puisse n’en perdre aucun détail – échancrée dans l’entrejambe pour laisser voir le trait sombre de sa fente. Comme je m’approchais elle tint bon, « Ce soir, juste les yeux ». Je fis aussitôt glisser mon velours côtelé et mon slip. Je bandais, nom de Dieu ! A l’horizontale mais quand son regard vint caresser mon sexe, il se dressa à la diagonale. Du doigt je dénudai mon gland. Elle sourit, « Il n’y a rien de plus sensuel que de voir ton désir ».
Au lit, elle s’étendit sans rien dire. Nue, elle écarta les jambes. Ses doigts entrebâillèrent les portes du palais. Je m’agenouillai sur le tapis et plaçai la tête près de ses pieds pour admirer son con. Les poils frisottaient joliment, lacis noir sur la beauté sublime des chairs. Une légère écume cernait les grandes lèvres tandis que mon regard embrassait les dunes immaculées des cuisses et du ventre, d’où sourdait cette merveille. Des index elle déroula l’ourlet rose pour révéler ce qui se trame en ce palais : le sanctuaire rose vif des nymphes. Jamais nom ne fut plus mérité que celui, poétique, des petites lèvres. L’admirable dentelle incarnat guide les yeux vers l’alcôve haute du bouton divin qui frémit et palpite. Il suffirait d’y poser la langue pour voir se déchaîner un ouragan de désir, pour voir se creuser les vagues sous le plaisir et, entre les nymphes, s’ouvrir la fontaine magique où s’engouffre le foret. Je restai longtemps à contempler son oasis aux fruits fondants.
Le troisième soir, une voiture s’immobilisa dans la cour. Elle avait invité une amie. Une longue jeune fille aux cheveux nattés qui se présenta sous le prénom de Nezha. Du Maroc elle avait aussi le teint très mat et des yeux immenses. Elle était d’un commerce agréable, enseignait les lettres, dans un collège de la ville, à de jeunes boutonneux qui n’en voyaient que par le rap. Elle dit cela en souriant. Elle avait un joli sourire qui entrouvrait de longues lèvres pâles.
Je lui avais préparé la chambre d’amis. Elle monta se coucher. Du moins le crus-je. La soirée avait filé et je me rattrapais des baisers mis en réserve en dévorant la bouche de Frida. Ma main avait glissé sous sa robe et caressait ses fesses quand Nezha entra dans un déshabillé jaune canari. Elle happa ma bouche en souriant puis fit de même avec Frida. Elle ôta sa culotte et se mit en devoir d’embrasser le sexe de Frida. Instantanément je fus nu et approchai ma pine des lèvres de ma compagne. Nezha s’écarta et je pénétrai Frida, dont le con luisait de salive. Je fis quelques allées et venues. La langue de Nezha entra dans ma bouche avec lenteur. Frida, déjà, gémissait. A un moment, Nezha se cassa au-dessus du lit et fit glisser mon sexe hors de l’antre vaginal pour l’emboucher. Entre ses lèvres, je sentis mon membre durcir terriblement. Puis elle me poussa doucement vers le fauteuil. Je m’y assis. Elle enleva sa tunique et m’enjamba en offrant son dos à ma vue. Elle écarta les jambes et doucement guida mon sexe sur son anus. Elle mouillait et je coulissai vite avec frénésie. Elle avait une peau admirable, et un grain de beauté juste sous la saillie de l’omoplate droite. Elle avait pris appui des mains sur mes cuisses et montai et descendait avec régularité. Je bandais sec et bientôt le bruit des clapots rythma notre roulement d’essieux. Frida y allait de la bouche sur les petits seins érigés de son amie. Puis nous allâmes sur le lit. J’enfilai Frida par l’arrière pour pouvoir égarer mes mains sur le corps de Nezha. J’étais prêt de conclure. Elle le sentit et offrit à Frida son entrejambe. Je passai par-devant et nos bouches mêlèrent leurs salives fougueuses. Frida se dégagea et Nezha prit sa place sous mes coups de butoir. Tous les trois, nous nous laissions aller à de petits jappements qui enflèrent rapidement. Je me sentis couler en elle. Alors elle m’allongea sur le dos et leurs deux bouches, avidement, recueillirent la blanche semence. Je crus que je n’en finirais jamais. Je léchai leurs sexes qui étaient chauds et frémissants. La nuit fut d’une douceur infinie.
Le jour suivant, Frida m’annonça qu’elle partirait en fin de journée. Elle avait un rendez-vous incontournable à Paris. Je ne l’ai pas dit, elle travaillait dans l’édition. Elle négociait un contrat avec un auteur « important », un Suédois de premier plan qu’elle avait réussi à piquer à Actes-Sud. « Quarante ans et beau gosse, le Suédois ? » Elle ne répondit pas, d’abord, puis lâcha « Soixante-cinq, un charme fou mais… » « Mais ? » Elle m’entoura le cou de ses bras et murmura à mon oreille « Je t’aime ».
Fred vint dîner. C’était un copain de fac, un type que dévorait le cinéma. Un incroyable féru de la Nouvelle Vague. S’il n’avait pas vu « Pierrot le fou » vingt fois, il ne l’avait pas vu. Le repas fut animé, grâce à un petit écossais tourbé mais pas que. Fred connaissait tout et ses anecdotes faisaient mouche. Frida était aux anges. Elle m’embrassait toutes les cinq minutes. « Tu regardes le match ? » demanda tout à coup Fred. C’est vrai, c’était France-Bulgarie, le match qualificatif pour le Mondial. Un nul et on y était. « Bon, les garçons, je vous laisse » lâcha Frida.
Je ne vais pas refaire le match dont aucun détail n’aura échappé à vos souvenirs. Et surtout pas la connerie de Ginola, à dix secondes de la fin, quand il donne la balle à Penev qui lance Kostadinov sur l’aile droite. Un tir terrible en pleine lucarne et Gérard Houiller peut bouffer sa casquette. Un whisky et on monta se coucher. « Viens ! » dis-je à Fred. Il s’étonna mais je lui pris la main.
Frida soupira sous mes premiers baisers. Je lui susurrai « Regarde comme je t’aime ». Et les mains de Fred effleurèrent ses seins. Puis sa bouche lui picora le visage, la bouche, la poitrine. Moi, je léchais, plus bas, les sources sucrées. Elle ne sut qui la chevaucha. Elle gémissait de plaisir. Je la fis pivoter sur le côté et la sodomisai doucement car elle aimait quand je la prenais ainsi. Fred pétrit ses seins et, des doigts, lui caressa le con. Elle se laissa envahir par les sensations. A un moment je la basculai sur moi et lui écartai les jambes. Fred vint par-devant. Il posa les mains de part et d’autre et sa pine la pénétra lentement. Il entreprit avec précaution son va-et-vient. Frida échappait régulièrement de petits cris animaux. Le mouvement s’accéléra et les cris se firent continus. Elle agitait la tête de droite et de gauche, en proie à une excitation grandissante. Quand Fred à son tour gronda, je sus qu’il jouissait. Alors je déchargeai à mon tour. Mon sexe butait très loin en elle. Je la sentais sans résistance. Son corps s’abandonna. Nous restâmes longtemps ainsi, dans la même chaleur moite.
Au petit matin, Fred avait filé. Quand elle s’éveilla, le plateau l’attendait, thé et tartines beurre confiture. « Je te veux, toi ! » dit-elle en basculant sur moi et en agrippant mon sexe.
Et vous, qu'avez-vous lu de coquin ce mois-ci ? Rendez-vous chez Stephie...
Jours tranquilles à Herchies (2)
Après le déjeuner, Frida me demanda si je pouvais la déposer en ville. Elle avait à faire, me dit-elle. Devais-je l’attendre ? Elle sourit : « Tu sais, ce sont des trucs de fille… Tu vas t’ennuyer. Je t’appellerai ». Je vaquai donc. Il bruinait, ce par quoi la région distingue l’automne du printemps, où il pleut à verse. J’aime la bruine. Le seul court métrage que j’avais alors réalisé, dans le cadre des travaux pratiques de la fac, s’intitulait « La blonde et la bruine ». L’essentiel de l’action se concentrait sur le parc jouxtant la gare. Une blonde s’y abandonnait aux ardeurs d’un jeune ouvrier – car le prof confessait son penchant pour les situationnistes, ce qui, déjà dans les années 90, apparaissait assez passéiste. Je flirtai avec la décence « en donnant à imaginer ce qui se tramait d’existentiel sous les jupes de la demoiselle ». La blonde qui jouait dans mon sept minutes était d’une belle ardeur. Elle était rhodanienne, de la petite ville de Craponne. Jamais ville ne justifia mieux son code INSEE : 69069. Et en effet ! Elle n’aimait rien tant que nos nuits buccales. Elle était de ces femmes qui dès la main sont nues. Je pouvais lui tirer des soupirs à l’arrondi de l’épaule, et des cris au creux de la clavicule. Je m’exerçais à la patience en butinant son cou mais, dès que mes lèvres harcelaient ses seins, qu’elle avait petits et fermes, je ne résistais plus. Je ne retrouvais un peu de mon calme qu’aux dernières côtes. Le sternum m’apaisait quelques minutes mais, sitôt le nombril, je sentais monter la transe.
J’en étais là de mes pensées que le portable scintilla. Quand Frida me rejoignit, elle portait trois sacs. Ses emplettes. « Je peux regarder ? » Elle secoua la tête, « Tu attendras ».
J’attendis jusqu’au soir. Je préparais un petit tagine de mouton. Elle entra sans rien dire, s’assit à la table et se versa un verre de cheverny blanc. « Sers-m’en un » dis-je sans me retourner. Quand elle dit « Cette nuit, rien que les yeux », je glissai l’œil vers elle. Elle était dans une merveille de délicatesse. Le soutien-gorge garance était cerné de guipures blanches ajourées posées là comme un semis de baisers. Elle se leva. Le string de même coloris présentait une fine largeur d’étoffe – elle se leva pour que je puisse n’en perdre aucun détail – échancrée dans l’entrejambe pour laisser voir le trait sombre de sa fente. Comme je m’approchais elle tint bon, « Ce soir, juste les yeux ». Je fis aussitôt glisser mon velours côtelé et mon slip. Je bandais, nom de Dieu ! A l’horizontale mais quand son regard vint caresser mon sexe, il se dressa à la diagonale. Du doigt je dénudai mon gland. Elle sourit, « Il n’y a rien de plus sensuel que de voir ton désir ».
Au lit, elle s’étendit sans rien dire. Nue, elle écarta les jambes. Ses doigts entrebâillèrent les portes du palais. Je m’agenouillai sur le tapis et plaçai la tête près de ses pieds pour admirer son con. Les poils frisottaient joliment, lacis noir sur la beauté sublime des chairs. Une légère écume cernait les grandes lèvres tandis que mon regard embrassait les dunes immaculées des cuisses et du ventre, d’où sourdait cette merveille. Des index elle déroula l’ourlet rose pour révéler ce qui se trame en ce palais : le sanctuaire rose vif des nymphes. Jamais nom ne fut plus mérité que celui, poétique, des petites lèvres. L’admirable dentelle incarnat guide les yeux vers l’alcôve haute du bouton divin qui frémit et palpite. Il suffirait d’y poser la langue pour voir se déchaîner un ouragan de désir, pour voir se creuser les vagues sous le plaisir et, entre les nymphes, s’ouvrir la fontaine magique où s’engouffre le foret. Je restai longtemps à contempler son oasis aux fruits fondants.
Le troisième soir, une voiture s’immobilisa dans la cour. Elle avait invité une amie. Une longue jeune fille aux cheveux nattés qui se présenta sous le prénom de Nezha. Du Maroc elle avait aussi le teint très mat et des yeux immenses. Elle était d’un commerce agréable, enseignait les lettres, dans un collège de la ville, à de jeunes boutonneux qui n’en voyaient que par le rap. Elle dit cela en souriant. Elle avait un joli sourire qui entrouvrait de longues lèvres pâles.
Je lui avais préparé la chambre d’amis. Elle monta se coucher. Du moins le crus-je. La soirée avait filé et je me rattrapais des baisers mis en réserve en dévorant la bouche de Frida. Ma main avait glissé sous sa robe et caressait ses fesses quand Nezha entra dans un déshabillé jaune canari. Elle happa ma bouche en souriant puis fit de même avec Frida. Elle ôta sa culotte et se mit en devoir d’embrasser le sexe de Frida. Instantanément je fus nu et approchai ma pine des lèvres de ma compagne. Nezha s’écarta et je pénétrai Frida, dont le con luisait de salive. Je fis quelques allées et venues. La langue de Nezha entra dans ma bouche avec lenteur. Frida, déjà, gémissait. A un moment, Nezha se cassa au-dessus du lit et fit glisser mon sexe hors de l’antre vaginal pour l’emboucher. Entre ses lèvres, je sentis mon membre durcir terriblement. Puis elle me poussa doucement vers le fauteuil. Je m’y assis. Elle enleva sa tunique et m’enjamba en offrant son dos à ma vue. Elle écarta les jambes et doucement guida mon sexe sur son anus. Elle mouillait et je coulissai vite avec frénésie. Elle avait une peau admirable, et un grain de beauté juste sous la saillie de l’omoplate droite. Elle avait pris appui des mains sur mes cuisses et montai et descendait avec régularité. Je bandais sec et bientôt le bruit des clapots rythma notre roulement d’essieux. Frida y allait de la bouche sur les petits seins érigés de son amie. Puis nous allâmes sur le lit. J’enfilai Frida par l’arrière pour pouvoir égarer mes mains sur le corps de Nezha. J’étais prêt de conclure. Elle le sentit et offrit à Frida son entrejambe. Je passai par-devant et nos bouches mêlèrent leurs salives fougueuses. Frida se dégagea et Nezha prit sa place sous mes coups de butoir. Tous les trois, nous nous laissions aller à de petits jappements qui enflèrent rapidement. Je me sentis couler en elle. Alors elle m’allongea sur le dos et leurs deux bouches, avidement, recueillirent la blanche semence. Je crus que je n’en finirais jamais. Je léchai leurs sexes qui étaient chauds et frémissants. La nuit fut d’une douceur infinie.
Le jour suivant, Frida m’annonça qu’elle partirait en fin de journée. Elle avait un rendez-vous incontournable à Paris. Je ne l’ai pas dit, elle travaillait dans l’édition. Elle négociait un contrat avec un auteur « important », un Suédois de premier plan qu’elle avait réussi à piquer à Actes-Sud. « Quarante ans et beau gosse, le Suédois ? » Elle ne répondit pas, d’abord, puis lâcha « Soixante-cinq, un charme fou mais… » « Mais ? » Elle m’entoura le cou de ses bras et murmura à mon oreille « Je t’aime ».
Fred vint dîner. C’était un copain de fac, un type que dévorait le cinéma. Un incroyable féru de la Nouvelle Vague. S’il n’avait pas vu « Pierrot le fou » vingt fois, il ne l’avait pas vu. Le repas fut animé, grâce à un petit écossais tourbé mais pas que. Fred connaissait tout et ses anecdotes faisaient mouche. Frida était aux anges. Elle m’embrassait toutes les cinq minutes. « Tu regardes le match ? » demanda tout à coup Fred. C’est vrai, c’était France-Bulgarie, le match qualificatif pour le Mondial. Un nul et on y était. « Bon, les garçons, je vous laisse » lâcha Frida.
Je ne vais pas refaire le match dont aucun détail n’aura échappé à vos souvenirs. Et surtout pas la connerie de Ginola, à dix secondes de la fin, quand il donne la balle à Penev qui lance Kostadinov sur l’aile droite. Un tir terrible en pleine lucarne et Gérard Houiller peut bouffer sa casquette. Un whisky et on monta se coucher. « Viens ! » dis-je à Fred. Il s’étonna mais je lui pris la main.
Frida soupira sous mes premiers baisers. Je lui susurrai « Regarde comme je t’aime ». Et les mains de Fred effleurèrent ses seins. Puis sa bouche lui picora le visage, la bouche, la poitrine. Moi, je léchais, plus bas, les sources sucrées. Elle ne sut qui la chevaucha. Elle gémissait de plaisir. Je la fis pivoter sur le côté et la sodomisai doucement car elle aimait quand je la prenais ainsi. Fred pétrit ses seins et, des doigts, lui caressa le con. Elle se laissa envahir par les sensations. A un moment je la basculai sur moi et lui écartai les jambes. Fred vint par-devant. Il posa les mains de part et d’autre et sa pine la pénétra lentement. Il entreprit avec précaution son va-et-vient. Frida échappait régulièrement de petits cris animaux. Le mouvement s’accéléra et les cris se firent continus. Elle agitait la tête de droite et de gauche, en proie à une excitation grandissante. Quand Fred à son tour gronda, je sus qu’il jouissait. Alors je déchargeai à mon tour. Mon sexe butait très loin en elle. Je la sentais sans résistance. Son corps s’abandonna. Nous restâmes longtemps ainsi, dans la même chaleur moite.
Au petit matin, Fred avait filé. Quand elle s’éveilla, le plateau l’attendait, thé et tartines beurre confiture. « Je te veux, toi ! » dit-elle en basculant sur moi et en agrippant mon sexe.
Et vous, qu'avez-vous lu de coquin ce mois-ci ? Rendez-vous chez Stephie...
dimanche 29 juin 2014
Les aventures de Poussin 1er T1 - Eric-Emmanuel Schmitt et Janry
Bon, ma première rencontre avec Eric-Emmanuel Schmitt a été un gros ratage. Elle est récente cette rencontre ratée puisqu'elle date d'avant-hier. Comme j'aime battre le fer tant qu'il est chaud, j'ai eu envie de découvrir un autre titre de cet auteur. Et là, coup de chance, je me suis rappelé que Nahe avait eu la gentillesse il y a quelques temps de m'offrir « Les aventures de Poussin 1er ». Une BD ! L'idéal pour me réconcilier avec Mr Schmitt...
A peine né, Poussin voudrait savoir qui il est. Un canard ? un phoque ? un poussin ? une brute ? un renard ? Il voudrait aussi savoir d'où il vient, ne concevant pas qu'il puisse être sorti d'un œuf lui-même sorti du cul de la poule. Et puis il se demande pourquoi il est là ? Sa seule certitude : il existe. Pour le reste...
Beaucoup de questions donc chez ce brave Poussin. Beaucoup de réponses aussi. Mais si les questions sont légitimes et pertinentes, toutes les réponses sont fausses. Et puis le pauvre gallinacé n'est pas aidé par les autres animaux de la basse-cour, c'est le moins qu'on puisse dire.
Il est sympa ce poussin. Pas d'humour franc du collier, pas de rigolade assurée à chaque page mais une certaine finesse, des réflexions l'air de rien très philosophiques et plusieurs niveaux de lecture qui rendent l'album vraiment tout public. Il y a aussi un sens des dialogues consommé, sans compter qu'avec Janry aux pinceaux, on a droit à du franco-belge classique et de qualité. Le papa du petit Spirou ce n'est pas n'importe qui !
Entendons nous, je ne crie pas au génie. Mais j'ai trouvé l'ensemble réussi. Disons que si la série se poursuit, on risque de tourner assez vite en rond vu la thématique abordée. Mais quoi qu'il en soit, j'ai passé un très agréable moment avec ce premier tome. Et puis Eric-Emmanuel Schmitt me prouve qu'il a plus d'une corde à son arc et j'aime beaucoup les auteurs n'hésitant pas à changer de registre au gré de leurs envies. Un bon point donc. Comme quoi, tout n'est pas perdu entre Mr Schmitt et moi.
Les aventures de Poussin 1er T1 de Janry et Eric-Emmanuel Schmitt. Dupuis, 2013. 65 pages. 14,50 euros.
Et encore un grand merci à Nahe pour le cadeau !
A peine né, Poussin voudrait savoir qui il est. Un canard ? un phoque ? un poussin ? une brute ? un renard ? Il voudrait aussi savoir d'où il vient, ne concevant pas qu'il puisse être sorti d'un œuf lui-même sorti du cul de la poule. Et puis il se demande pourquoi il est là ? Sa seule certitude : il existe. Pour le reste...
Beaucoup de questions donc chez ce brave Poussin. Beaucoup de réponses aussi. Mais si les questions sont légitimes et pertinentes, toutes les réponses sont fausses. Et puis le pauvre gallinacé n'est pas aidé par les autres animaux de la basse-cour, c'est le moins qu'on puisse dire.
Il est sympa ce poussin. Pas d'humour franc du collier, pas de rigolade assurée à chaque page mais une certaine finesse, des réflexions l'air de rien très philosophiques et plusieurs niveaux de lecture qui rendent l'album vraiment tout public. Il y a aussi un sens des dialogues consommé, sans compter qu'avec Janry aux pinceaux, on a droit à du franco-belge classique et de qualité. Le papa du petit Spirou ce n'est pas n'importe qui !
Entendons nous, je ne crie pas au génie. Mais j'ai trouvé l'ensemble réussi. Disons que si la série se poursuit, on risque de tourner assez vite en rond vu la thématique abordée. Mais quoi qu'il en soit, j'ai passé un très agréable moment avec ce premier tome. Et puis Eric-Emmanuel Schmitt me prouve qu'il a plus d'une corde à son arc et j'aime beaucoup les auteurs n'hésitant pas à changer de registre au gré de leurs envies. Un bon point donc. Comme quoi, tout n'est pas perdu entre Mr Schmitt et moi.
Les aventures de Poussin 1er T1 de Janry et Eric-Emmanuel Schmitt. Dupuis, 2013. 65 pages. 14,50 euros.
Et encore un grand merci à Nahe pour le cadeau !
vendredi 27 juin 2014
L’élixir d’amour - Eric-Emmanuel Schmitt
Louise et Adam se sont aimés follement puis ils se sont séparés. Il est resté à Paris, elle est partie à Montréal. Il décide de lui écrire pour renouer le contact. De lettre en lettre, ils explorent leur passé et exposent leur présent. Le sentiment amoureux reste au cœur de leurs discussions. Adam fanfaronne, annonce à Louise qu’il est capable de provoquer l’amour quand il le souhaite. Elle le prend au mot et lui lance un défi…
Je n’ai pas envie d’en dévoiler plus parce qu’il n’y a finalement pas grand chose à dire à propos de ce très court texte. Mon premier Schmitt. Un avantage quelque part, parce que je n’ai pas d’idée préconçue sur le monsieur, je ne sais pas si les personnages qu’ils campent, leurs caractères surtout, se retrouvent dans ses autres romans. Le fait est que je n’ai pas aimé cet échange épistolaire. J’ai trouvé que tout sonnait faux, que la caricature était grosse comme une maison. Je n’ai pas aimé le personnage d’Adam, un homme à priori sûr de lui qui se révèle au final minablement fragile. Et puis je ne peux pas avoir d’empathie pour quelqu’un adepte des bouffées d’orgueil et de mégalomanie, quelqu’un pensant que « rien de haut ne peut sortir d’un profil bas ». Adam est un ridicule stéréotype de l’homme moderne au discours sans nuance (« Les femmes aiment l’amour, les hommes le font » ; « Le temps n’est pas l’allié de l’amour, il ne favorise que l’amitié »). Tout ce que je déteste. Et Louise ne relève pas le niveau. Manipulatrice, tirant les (grosses) ficelles d’une correspondance artificiellement sentimentale, elle n'a, je trouve, aucun charme.
Mon impression ? Etre face à un auteur cabot, une minauderie sans intérêt, un exercice de style un peu vain. Et puis ça se lit trop vite, à peine le temps de s’installer dans les échanges qu’ils se terminent déjà. Vraiment pas une réussite pour moi, c’est le moins que je puisse dire…
L’élixir d’amour d’Eric-Emmanuel Schmitt. Albin Michel, 2014. 156 pages. 15,00 euros.
Une lecture commune que j’ai quand même le plaisir de partager avec Noukette !
Je n’ai pas envie d’en dévoiler plus parce qu’il n’y a finalement pas grand chose à dire à propos de ce très court texte. Mon premier Schmitt. Un avantage quelque part, parce que je n’ai pas d’idée préconçue sur le monsieur, je ne sais pas si les personnages qu’ils campent, leurs caractères surtout, se retrouvent dans ses autres romans. Le fait est que je n’ai pas aimé cet échange épistolaire. J’ai trouvé que tout sonnait faux, que la caricature était grosse comme une maison. Je n’ai pas aimé le personnage d’Adam, un homme à priori sûr de lui qui se révèle au final minablement fragile. Et puis je ne peux pas avoir d’empathie pour quelqu’un adepte des bouffées d’orgueil et de mégalomanie, quelqu’un pensant que « rien de haut ne peut sortir d’un profil bas ». Adam est un ridicule stéréotype de l’homme moderne au discours sans nuance (« Les femmes aiment l’amour, les hommes le font » ; « Le temps n’est pas l’allié de l’amour, il ne favorise que l’amitié »). Tout ce que je déteste. Et Louise ne relève pas le niveau. Manipulatrice, tirant les (grosses) ficelles d’une correspondance artificiellement sentimentale, elle n'a, je trouve, aucun charme.
Mon impression ? Etre face à un auteur cabot, une minauderie sans intérêt, un exercice de style un peu vain. Et puis ça se lit trop vite, à peine le temps de s’installer dans les échanges qu’ils se terminent déjà. Vraiment pas une réussite pour moi, c’est le moins que je puisse dire…
L’élixir d’amour d’Eric-Emmanuel Schmitt. Albin Michel, 2014. 156 pages. 15,00 euros.
Une lecture commune que j’ai quand même le plaisir de partager avec Noukette !
jeudi 26 juin 2014
Journal d’un manœuvre - Thierry Metz
Le manœuvre sur un chantier, c’est l’arpète, le grouillot.
Celui qui est constamment au service des différents corps de métier, qui pousse
la brouette, manie la pioche, la pelle et le marteau-piqueur.
A la fin des années 80, Thierry Metz, recruté comme manœuvre
par une agence d’intérim, passe huit mois à « transformer
une fabrique de chaussures en résidence de luxe ». Suite à ce chantier, il
décide d’écrire un journal relatant cette expérience pendant la période où il
perçoit des indemnités de chômage. Il décrit la fatigue, la répétition des
gestes, les relations avec les autres ouvriers, les jours de repos, le
soulagement quand s’en vient le vendredi (« La pioche est moins bavarde le
vendredi. On sent dans les reins qu’on a porté du poids toute la semaine. On
sent qu’on approche. Ce sont les derniers mètres avant la halte, avant de
retrouver le livre d’images dans le poing fermé du dormeur ») et la dure
réalité du lundi (« Le lundi est une eau froide, une pluie glacée. On s’y
risque à petits pas comme des oiseaux traversant une flaque, en sautillant. Nos
gestes, encore engourdis, ne déplacent pas plus d’une brindille à la fois »).
Il parle du caractère abrutissant de son activité, insiste sur les silences
dans lesquels il s’enferme pour mieux supporter la tâche (« Tout devient
geste. On n’entend plus que nos pelles
qui raclent l’inépuisable. Ici, après neuf heures, on ne pense plus à rien »).
Le journal se compose de courts textes,
parfois réalistes, à d’autres moments beaucoup plus poétiques.
C’est pas un scoop, j’aime quand la littérature salit ses
mains auprès des sans grades, quand elle traîne avec les ouvriers et se place à
hauteur d’homme. Ici, la forme ultra-courte et les phrases sèches donnent à l’écriture
le coté « taciturne » qui convient parfaitement au propos. Pas un mot
de trop pour traduire de l’intérieur le ressenti de celui qui aura vécu le
chantier de A à Z, entre souffrance, incrédulité et lucidité.
Thierry Metz a multiplié les emplois manuels : bâtiment,
entrepôts, abattoirs, terrassement, etc. Parallèlement, il a commencé à écrire
des poèmes et a obtenu le prix Voronca en 1988. En 1996, rongé par
l’alcoolisme, il décide de se soigner en demandant à être interné dans un asile
psychiatrique. Il se suicide le 16 avril 1997, à 41 ans… Sa voix restera une
voix à part, celle d’un ouvrier poète, d’un digne représentant de la
littérature d’expression populaire, de cette « littérature prolétarienne »
que j’aime tant.
Journal d’un manœuvre de Thierry Metz. Folio, 2004. 125
pages. 7,90 euros.
Extraits :
« 4 août - On a posé vingt-sept poutrelles de six
mètres. Dans la journée. D’une traite. Sans regarder la montre. Sans penser que
c’était lourd et difficile. Sans le dire. Sans compter.
Nous nous sommes avancés loin dans le chantier. Mais ce soir on a des enclumes au bout de nos bras. Nos visages en disent long. Impossible de cacher le dormeur qui s’accroche à nous.
Tout ce que nous pouvons faire maintenant : c’est bâtir une chambre autour de lui. Pour l’écouter. Pour finir ce que nous avons commencé là-bas. Sans lui.
C’est le peu qui nous reste.
Un souffle
Une image.
C’est pour cela qu’on est venu nous chercher. »
Nous nous sommes avancés loin dans le chantier. Mais ce soir on a des enclumes au bout de nos bras. Nos visages en disent long. Impossible de cacher le dormeur qui s’accroche à nous.
Tout ce que nous pouvons faire maintenant : c’est bâtir une chambre autour de lui. Pour l’écouter. Pour finir ce que nous avons commencé là-bas. Sans lui.
C’est le peu qui nous reste.
Un souffle
Une image.
C’est pour cela qu’on est venu nous chercher. »
« 20 août - Le chef roule sa cigarette. Manuel chahute
avec Ahmed. Antoine regarde une fille. Louis s’est assis sur un parpaing, au
soleil. Alain ne dit rien. Les gens passent. Il fait chaud. Nos mains s’étaient
engourdies pendant le repas. On était bien parti pour faire une sieste...
Mais le chef regarde sa montre :
- On y va ?
On se lève. Il y a beaucoup de choses à faire. Et on n’a pas beaucoup de temps. Alors on se tait parce que, soudain, tout devient utile. »
Mais le chef regarde sa montre :
- On y va ?
On se lève. Il y a beaucoup de choses à faire. Et on n’a pas beaucoup de temps. Alors on se tait parce que, soudain, tout devient utile. »
mercredi 25 juin 2014
Blankets - Craig Thompson
Blankets, c’est le manteau de neige. Celui qui recouvre chaque hiver la petite bourgade du Wisconsin où a grandi Craig Thompson. Métaphoriquement, c’est aussi celui qui recouvre d’une chape d’ignorance et d’intolérance les familles ultra-chrétiennes du coin. Né dans une de ces familles, Thompson est élevé à coups de Bible, dans un environnement ultraconservateur n’autorisant aucune fantaisie. Ce pavé de 600 pages est l’autobiographie à peine romancée de son adolescence.
A l’école, Craig est un élève dont la sensibilité à fleur de peau lui vaut d’être malmené par ses camarades. A la maison, son attirance pour le dessin et les activités artistiques est inacceptable. Dans un camp de vacances religieux (« Pendant une semaine, notre liberté cessait sous prétexte de partager, autour du Christ, des activités récréatives avec d’autres jeunes chrétiens »), il rencontre la belle Raina dont il va tomber amoureux fou. Avec elle il découvre la joie des plaisirs charnels mais aussi les remords et la culpabilité. Difficile de s’écarter des préceptes du Nouveau Testament quand on vous les inculque comme des mantras depuis l’enfance. Craig est mal dans sa peau, il ne parvient pas à s’affirmer dans un environnement violent, dans cette Amérique profonde repliée sur elle-même. Il se cherche, supporte difficilement la transformation de son corps (« je n’admettais pas que l’âme enfermée dans mon corps d’enfant puisse être transplantée dans un corps grotesque d’adolescent ») et parvient à couper le douloureux cordon le liant à sa communauté en partant pour la ville peu après son vingtième anniversaire.
Récit d’initiation, histoire d’amour, confidence autobiographique aux vertus cathartiques, Blankets est une œuvre colossale dans tous les sens du terme, aussi intime que pudique. La capacité de Craig Thompson à se dévoiler aussi subtilement est absolument remarquable. Visuellement son noir et blanc est d’une rare élégance et les trouvailles graphiques disséminées au fil des pages, notamment pour retranscrire les émotions, montrent à quel point ce dessinateur peut faire preuve d’inventivité.
Que du positif donc. Sauf que je m’attendais à être totalement bouleversé par cet album et que ça n’a pas été le cas. Je n’ai pas été touché par l’histoire, je n’ai développé aucune empathie pour le personnage, me contentant de voir les choses de loin, avec un certain détachement. Peut-être est-ce trop autofictionnel, peut-être que les trop nombreuses (et pourtant indispensables) références religieuses ont fini par me lasser. J’ai du mal à analyser le pourquoi du comment mais je ne peux pas me mentir et crier au chef d’œuvre alors que je me suis pas mal ennuyé au cours de cette lecture. Une question de ressenti avant tout car en en ce qui concerne la qualité du travail de Craig Thompson, il n’y a vraiment rien à redire.
Blankets de Craig Thompson. Casterman, 2012 (édition spéciale à l’occasion des 10 ans de la collection « Écriture »). 590 pages. 29,50 euros.
Les avis de Bouma, Canel, Didi, Mango, Mo', Moka, Noukette, Valérie
A l’école, Craig est un élève dont la sensibilité à fleur de peau lui vaut d’être malmené par ses camarades. A la maison, son attirance pour le dessin et les activités artistiques est inacceptable. Dans un camp de vacances religieux (« Pendant une semaine, notre liberté cessait sous prétexte de partager, autour du Christ, des activités récréatives avec d’autres jeunes chrétiens »), il rencontre la belle Raina dont il va tomber amoureux fou. Avec elle il découvre la joie des plaisirs charnels mais aussi les remords et la culpabilité. Difficile de s’écarter des préceptes du Nouveau Testament quand on vous les inculque comme des mantras depuis l’enfance. Craig est mal dans sa peau, il ne parvient pas à s’affirmer dans un environnement violent, dans cette Amérique profonde repliée sur elle-même. Il se cherche, supporte difficilement la transformation de son corps (« je n’admettais pas que l’âme enfermée dans mon corps d’enfant puisse être transplantée dans un corps grotesque d’adolescent ») et parvient à couper le douloureux cordon le liant à sa communauté en partant pour la ville peu après son vingtième anniversaire.
Récit d’initiation, histoire d’amour, confidence autobiographique aux vertus cathartiques, Blankets est une œuvre colossale dans tous les sens du terme, aussi intime que pudique. La capacité de Craig Thompson à se dévoiler aussi subtilement est absolument remarquable. Visuellement son noir et blanc est d’une rare élégance et les trouvailles graphiques disséminées au fil des pages, notamment pour retranscrire les émotions, montrent à quel point ce dessinateur peut faire preuve d’inventivité.
Que du positif donc. Sauf que je m’attendais à être totalement bouleversé par cet album et que ça n’a pas été le cas. Je n’ai pas été touché par l’histoire, je n’ai développé aucune empathie pour le personnage, me contentant de voir les choses de loin, avec un certain détachement. Peut-être est-ce trop autofictionnel, peut-être que les trop nombreuses (et pourtant indispensables) références religieuses ont fini par me lasser. J’ai du mal à analyser le pourquoi du comment mais je ne peux pas me mentir et crier au chef d’œuvre alors que je me suis pas mal ennuyé au cours de cette lecture. Une question de ressenti avant tout car en en ce qui concerne la qualité du travail de Craig Thompson, il n’y a vraiment rien à redire.
Blankets de Craig Thompson. Casterman, 2012 (édition spéciale à l’occasion des 10 ans de la collection « Écriture »). 590 pages. 29,50 euros.
Les avis de Bouma, Canel, Didi, Mango, Mo', Moka, Noukette, Valérie
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