L’auteur précise dans les remerciements que son texte est
inspiré d’une rencontre avec un acteur et que les anecdotes sont reproduites le
plus fidèlement possible.
L’histoire raconte la fin de carrière d’Alan, acteur porno
proche de la soixantaine, icône de l’âge d’or du X dans les années 70 et qui
tourne encore épisodiquement pour d’obscurs réalisateurs mettant leurs
« œuvres » sur le net où la
rémunération varie en fonction du nombre de téléchargements. Un milieu marginal
et sans concession où la légèreté n’est pas de mise et où chacun tente de tirer
son épingle du jeu en allant toujours plus loin (qui a dit plus profond ?)
dans les pratiques extrêmes : « Aujourd’hui on fait dans le
dépouillé, le chirurgical et si la technique le permet, la coloscopie. »
Alan porte un regard sans concession sur la profession, sur ce que le milieu
dans lequel il évolue depuis des décennies est devenu. Mais il sait aussi qu’il
est incapable de faire autre chose alors il continue malgré tout, sans entrain,
de façon quasi-mécanique. Il faudra une rencontre avec une jeune fille fragile
et une opportunité dans le cinéma traditionnel pour qu’Alan, enfin, puisse
imaginer un avenir meilleur.
Mon Dieu que l’industrie du porno est glauque !
Beaucoup de cynisme, aucune considération pour des actrices naïves que l’on
maltraite à longueur de scènes et que l’on paie à coups de bâton, une
compétition féroce entre réalisateurs, un public qui encourage l’escalade vers
des choses toujours plus cradingues… il y a de quoi vous donner la nausée. Au
moins ce roman permet de jeter un œil dans l’arrière cour d’un milieu très
fermé. Pour le coup c’est pas joli-joli (c’est même carrément
dégueulasse !) mais la démarche a le mérite d’être honnête. C’est d’ailleurs
surtout le danger qui guette les actrices qu’il importe de montrer du doigt :
« La petite a bien cerné le problème : pour 200 euros à tout péter,
elle a bradé son cul, sa chatte, son honneur, son identité, son avenir, ses rêves,
ses espoirs, son âme, à un connard qui diffusera les images pendant les siècles
à venir sans lui reverser un centime de plus. Et l’amnésie collective n’existe
pas sur internet : une fois en ligne, c’est fini. »
L’écriture en elle-même n’a rien de transcendant, elle est simple,
dépouillée, très familière, même si quelques éclairs de poésie (si on peut
dire) traversent le texte. Petits exemples avec la première phrase du roman : « Mine
de rien, ça doit bien faire 45 minutes que je l’encule. » ou encore «
D’un œil, je contemple la traînée d’escargot qu’elle a laissée sur le cuir
synthétique Ikéa, de l’autre ma jute couler de son menton sur le dossier du
canapé. » Classe, non ?
Personnellement, je ne connais rien au porno, je n’en ai
jamais regardé (le premier qui rigole au fond, je lui mets un taquet...) mais
si vous êtes fan du genre, ce roman fort instructif vous laissera en bouche un
goût amer, pas possible autrement.
Pornstar d’Anthony Sitruk. La Musardine, 2013. 128 pages. 14
euros.