dimanche 2 juin 2013

On était bien à Amiens...

On était bien à Amiens hier après-midi. Un rayon de soleil, plein de BD, des auteurs sympa comme tout, une ambiance détendue, les ingrédients étaient réunis pour que les 18èmes rendez-vous de la bande dessinée soient un bon moment. Surtout j’ai eu la chance de passer quelques heures en charmante compagnie avec Moka et Aurélia. On a papoté bouquins bien sûr, mais pas que, on a partagé quelques dédicaces et au final j’ai vraiment eu l’impression que tout était passé trop vite. En tout cas c’était un vrai plaisir d’arpenter les allées du salon à vos cotés, j’espère que vos élèves se rendent compte de la chance qu’ils ont d’avoir des profs de lettres comme vous !

Niveau dédicace, je ne pouvais pas repartir sans avoir vu Frédéric Maupomé et Stéphane Sénégas les auteurs d’Anuki. J’étais de toute façon en service commandé, pépétte n°2 tenant absolument a avoir un dessin de son petit indien préféré dans le tout nouvel album reçu à la maison cette semaine. Mission accomplie, chef ! Deux auteurs souriants, disponibles et prenant le temps nécessaire pour réaliser de belles dédicaces. Que demander de plus.






J’ai aussi profité de ma venue sur le salon pour acheter le second volume de l’intégrale de La balade de Yaya, une série jeunesse vraiment épatante. Et comme le dessinateur chinois de la série était sur place, il m’a fait une bien jolie Yaya !

Ma troisième rencontre avec un auteur a été la plus enrichissante. Il n’y avait personne à la table de Laurent Maffre et comme je souhaite depuis très longtemps découvrir son album Demain, demain consacré au bidonville de Nanterre dans les années 60, j’ai sauté sur l’occasion. Laurent Maffre est d’une simplicité et d’une gentillesse rare. Pendant vingt minutes, on a échangé sur son travail, les techniques qu’il utilise et on a surtout parlé impression, un domaine que j’ai la chance de bien connaître. Il m’a notamment expliqué les modifications qu’il a apportées à chaque réimpression de son album (on est aujourd’hui à la troisième). Venant d’acheter la première édition sur le stand du festival, je n’ai pas eu l’album dans sa meilleure version mais au moins je sais quels changements ont été effectués.

Quelques petits regrets quand même, notamment ne pas avoir pu discuter avec Marc Lizano, trop sollicité, ni avec Hautière et Hardoc auxquels j’aurais aimé annoncer de vive voix que leurs Lulus font partie de la prochaine sélection du prix des jeunes lecteurs. Pas bien grave au final…


Pour ce qui est des achats, je suis reparti avec évidemment Yaya et Demain, Demain mais aussi le coffret contenant le dernier volume du Vent dans les sables du magicien Michel Plessix. Je dis magicien parce que ce dessinateur me fascine totalement depuis des années. Il était présent hier mais il fallait passer par un tirage au sort pour espérer obtenir une dédicace (trop de demandes) et je n’avais pas vraiment envie de me prêter au jeu. Mais j’ai pu le voir en action et à sa manière très particulière de tenir un crayon, on se demande comment il parvient avec une technique si peu académique à trousser des dessins aussi fabuleux.




Autre achat, Loin des yeux de Luke Pearson, un auteur anglais qui m’a régalé avec sa série jeunesse Hilda et qui s’est lancé cette fois-ci dans un album pour les plus grands où, dixit la 4ème de couverture, il "étudie les derniers jours d’une relation amoureuse sur le point de sombrer, à travers ses non dits, ses doutes et ses regrets". Un programme alléchant, non ?







Et enfin, dernier mais pas des moindres, Hôtel particulier, le nouveau one shot de Guillaume Sorel. Parce que ce dessinateur est lui aussi fabuleux et parce qu’un album qui s’ouvre sur un poème de Rimbaud ne peux pas être foncièrement mauvais. J’ai convaincu Moka de se le procurer également (en fait il a suffi qu’elle regarde la première planche pour se décider), j’espère qu’elle ne va pas être déçue…





Une après midi de rêve donc. Un gros bisou à Moka et Aurélia pour leur gentillesse et ces quelques heures passées ensemble, on remet ça quand vous voulez ! 









vendredi 31 mai 2013

Le mur de mémoire - Anthony Doerr

« En esprit, on peut voyager dans le temps, aller d’un pays à l’autre, passer du passé au présent, de la mémoire à l’imagination. »

Les nouvelles qui ouvrent et ferment ce recueil justifient à elles seules sa lecture. Dans la première, Alma, veuve vivant sur les hauteurs de Cape Town, a la mémoire qui flanche. Depuis plusieurs années, elle se rend chez un médecin qui récupère les souvenirs dans des cartouches et les introduit dans un appareil permettant aux patients de les revoir autant de fois qu’ils le souhaitent. Un procédé pratique et salutaire pour replonger dans les bons moments du passé, mais les cartouches d’Alma semblent attirer la convoitise d’un drôle de duo de cambrioleurs… Dans la dernière, l’octogénaire Esther est frappée par de terribles crises d’épilepsie qui la projettent en pleine seconde guerre mondiale, à l’époque où elle n’était qu’une orpheline juive d’Hambourg échappant par miracle à la déportation. Parmi les autres histoires, on découvrira un couple désirant par tous les moyens avoir un enfant, une jeune américaine envoyée en Lituanie chez son grand-père après le décès soudain de ses parents, une vieille femme chinoise contrainte de quitter son village bientôt envahi par les eaux suite à la construction d’un barrage ou encore un père attendant le retour de son fils soldat, mobilisé en Corée du sud.

Au fil des six textes, Anthony Doerr démontre qu’il est sans conteste l’un des plus talentueux nouvellistes américains. La mémoire est ici au cœur de son propos. La vieille chinoise constate avec lucidité : « Tous les souvenirs finissent par être engloutis. Le progrès est une tempête et les ailes de chaque chose sont balayées par elle. » Doerr mêle l’imagination et la science, le présent et le passé. Il créé des univers en apesanteur où s’allient avec brio le mystère et l’émotion. L’humanité qui jaillit de chacun de ses personnages touche en plein cœur. Chaque nouvelle est parfaitement ciselée, les dialogues et les situations sonnent justes, même quand un soupçon de fantastique fait irruption.  

Avec son écriture puissante et maîtrisée, tout en fluidité, Anthony Doerr impressionne. Anne parlait dans son billet d’élégance et de sensibilité, je crois que c’est tout à fait ça. Et je la remercie de m’avoir chaudement recommandé la lecture de ce recueil, j’ai passé un moment délicieux.  

   
Le mur de mémoire d’Anthony Doerr. Albin Michel, 2013. 285 pages. 21,50 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Marilyne

L’avis d’Anne qui nous a donné envie de faire cette lecture commune. Ceux de Nathchoco et de Clara tout aussi enthousiastes.



jeudi 30 mai 2013

Résultats du petit concours...

Une vraie bonne surprise de constater que ce petit concours a attiré autant de monde. J’ai dû changer les règles parce que certains participants ont lu ou vont lire l’un des deux titres. J’ai donc décidé de faire deux tirages différents comme cela les choses seront plus claires.

On va donc commencer avec Wilderness. Petite précision, j’ai fait tomber l’exemplaire en le sortant de ma bibliothèque et il y a un coup sur le coin supérieur de la couverture. Je m’en excuse, je suis un vrai maladroit et le pire c’est que j’ai l’impression que c’est héréditaire... Bon j’espère que ça ne gâchera pas le plaisir de lecture du gagnant, ce roman est une petite merveille. J’ai glissé 25 noms dans le chapeau...


J’ai tout secoué très fort et voila le résultat :


Félicitations à Natiora, c'est elle qui va avoir la chance de découvrir l'histoire d'Abel... 

Et pour Màn, même procédé, sauf que vous étiez 27 sur la ligne de départ :


And the winner is... 


Bravo à Soukee !

Merci à tous d'avoir participé. Les gagnantes doivent me contacter par mèl afin de me donner leurs coordonnées. Promis, je vous enverrai les livres au plus vite. 

DERNIÈRE MINUTE : j'ai gagné un livre à la kermesse de l'école samedi dernier. Il a fallu que ce soit un thriller alors que j'ai horreur de ça. Je m'en débarrasse l'offre donc avec plaisir au premier ou à la première qui manifeste son envie de le recevoir dans les commentaires de ce billet. N'hésitez pas à me faire signe...





mercredi 29 mai 2013

Batchalo - Le Galli et Bétend

Février 1939, dans une ville de Bohème. Les nazis enlèvent des enfants tziganes pour mener des expériences abjectes au nom de la pureté raciale. Leurs parents partent à leur recherche, accompagnés d’un « gadjo » prénommé Josef, mais ils sont rapidement arrêtées par la police et déportés au camp de travail de Lety puis à Auschwitz. Placés dans une section baptisée Zigeunerlager (camp tzigane aussi appelé « camp de famille » puisque les déportés peuvent y rester avec les leurs) ils vivent dans des conditions difficiles, notamment à cause des ravages provoqués par le typhus. Le 22 mars 1943 a lieu le premier gazage de tsiganes et dans la nuit du 1er août 1944, Himmler expédie dans les chambres à gaz les survivants du « camp de famille ».

Un album très documenté qui revient avec une grande rigueur historique sur le génocide tsigane, une tragédie qui, rappelons-le, n’a été reconnue par le parlement européen que le 3 février 2011. Un pan méconnu de l’holocauste où l’on découvre les terribles motivations du Reich : pour le docteur Ritter, chef de L’institut de recherche pour l’hygiène raciale et la biologie de la population, les tsiganes représentent un danger de dégénérescence pour les allemands. Il préconise donc dans un premier temps le rassemblement de cette communauté dans des camps de travail forcé et la stérilisation massive. Son but est d’éviter tout métissage et, à terme « d’éliminer ces êtres indignes de la société. »

Michaël Le Gali a aussi souhaité mettre en valeur les traditions propres au peuple rom, leur vocabulaire, leurs croyances, leur façon de rendre la justice, leur passion pour la musique et la difficulté pour eux, nomades dans l’âme, de se voir à ce point priver de liberté de mouvement dans les camps. Liant la petite et la grande histoire, il insère dans son récit une part non négligeable de fiction, notamment à travers le personnage de Josef, le gadjo témoin et narrateur de ce voyage au bout de l’horreur. C’est sans doute dans cette part de fiction que réside les quelques faiblesses de l’album. La voix de Josef est souvent trop « neutre », comme détachée des événements qu’elle relate, d’une froideur presque clinique. Il manque ce petit supplément d’émotion qui aurait donné à l’ensemble davantage d’ampleur.

Au niveau graphique, le dessin réaliste et le choix des tons sépia donnent une patine particulière parfaitement adaptée au propos.

Un album instructif abordant un sujet trop méconnu, qui sonne comme un hommage des plus sincères au peuple tsigane et à la tragédie qui l’a frappé. Il est juste regrettable qu’il soit plus didactique que poignant.
 


Batchalo de Le Galli et Bétend. Delcourt, 2012. 80 pages. 14 euros.








mardi 28 mai 2013

Le phare des sirènes - Rascal et Régis Lejonc

Ange est élevé par son oncle depuis le décès de sa mère. Un oncle pêcheur de harengs et une vie tranquille dans une cabane en bois au bord d’une falaise. Mais un jour le tonton ne rentre pas de la pêche. Ange le cherche, il retrouve sur le sable sa casquette bleu marine et des morceaux de son bateau. Quelques temps plus tard, alors qu’il regarde l’océan avec une longue-vue, le jeune garçon aperçoit une forme échouée sur la plage. Pensant que c’est la dépouille de son oncle, il se précipite et s’arrête, essoufflé, devant le corps d’une sirène : « Sa queue couverte de fines écailles était écorchée par endroits et laissait apparaître une chair rose semblable à celle des saumons. Accrochées à ses cheveux, de minuscules étoiles de mer parsemaient, ça et là, sa longue chevelure. » Cette sirène prénommée Swidja, il va la ramener à la cabane pour la soigner. Cette sirène, il va en tomber fou amoureux. Elle va lui faire découvrir son royaume et lui ouvrir un infini champ de possibles...   

Mais la guerre éclate. Les hommes sont enrôlés de force. Sur le front, Ange est grièvement blessé. Il se réveille avec « la gueule d’un monstre. La gueule à faire peur. La gueule cassée. » Retournant sur la falaise de son enfance après sa sortie de l’hôpital, il trouve la cabane en ruine et accepte un poste de gardien de phare. 45° de latitude nord, 35° de longitude est. Le phare des sirènes. Depuis, il attend le retour de Swidja : « Un jour, je sais qu’elle me reviendra et qu’elle m’emmènera dans son palais de corail blanc. J’éteindrai alors la lumière crue du phare et nous nous en irons loin, bien loin sous la couverture des vagues. » 

Bon on ne va pas y aller par quatre chemins : je suis raide dingue du Phare des sirènes. Depuis sa sortie, ce titre ne m’a jamais quitté. Comme un gosse, je l’ai relu des dizaines de fois et je suis toujours bouleversé par cette histoire. Pourquoi me direz-vous ? Parce qu’on y parle d’amour, de mort et de solitude. Parce qu’on y découvre la folie des hommes. Parce que c’est beau, triste et douloureux. Parce que ça ressemble à une vie. Parce que l’écriture de Rascal, très littéraire, fait de ce texte un petit bijou. Parce que les illustrations pleine page de Régis Lejonc sont autant de tableaux dans lesquels on plonge avec délice. Parce que cet ouvrage très grand format prouve si besoin en était encore que les albums ne sont pas uniquement destinés aux enfants et que certains d’entre eux s’adressent à un public beaucoup plus mature.

Une merveille comme on en rencontre peu dans une vie de lecteur. 


Le phare des sirènes de Rascal et Régis Lejonc. Didier jeunesse, 2007. 60 pages. 19,90 euros. A partir de 10-11 ans.

Une lecture commune un peu spéciale aujourd’hui puisque je la partage avec Mo’ et Noukette, deux de mes blogueuses préférées. Les réunir sur cet album qui me tient tant à cœur est un vrai plaisir. En espérant qu’elles ont apprécié cette touchante histoire d'amour. De toute façon si ce n’est pas le cas je boude…


PS : petite info pour mes lectrices communes : avez-vous remarqué que la couverture est en fait la toute dernière image de l’album ? Regardez bien la page finale puis fermez le livre et vous comprendrez pourquoi je vous dis ça (bon je fais le malin mais c’est parce que l’auteur me l’a dit sinon je serais passé à coté...).     






lundi 27 mai 2013

A pas de loup - Zemanel et Madeleine Brunelet

Siou est un petit loup qui n’aime pas rester seul. Il voudrait bien suivre sa mère mais il ne sait pas encore marcher comme il faut. Sa mère lui a promis : «  Tu m’accompagneras quand tu marcheras comme un vrai loup. » En voyant une grenouille passer devant lui en sautillant, Siou se dit : « peut-être faut-il faire ainsi pour marcher comme un vrai loup ? » Mais à l’évidence ce n’est pas le cas. Il va par la suite tenter d’imiter le papillon, le serpent ou le blaireau mais il constate qu’aucun de ces animaux ne marche comme les loups…    

Un petit album sans prétention qui, je l’avoue, ne me laissera pas un souvenir impérissable. Ce récit en randonnée des plus classiques n’est pas d’une folle originalité. Petit Loup avance et chaque rencontre est prétexte à une nouvelle tentative pour, enfin, réussir à marcher comme un vrai loup. Le problème c’est que le texte est plutôt fade, il n’y a aucun humour et on se lasse assez vite de ces pérégrinations qui s’avèrent au final sans grand intérêt. Le dessin est sympa mais, là encore, il n’y a pas de quoi sauter au plafond. De jolies couleurs pastel tout de même et un personnage dont la bonne bouille pourra séduire les enfants.   

Loin d’être une pépite, donc. Disons que c’est le genre d’histoire idéale en petite lecture du soir, de celle que l’on partage avec plaisir avec son petit bout, même si je doute que cet album soit quotidiennement réclamé à corps et cris.


A pas de loup
de Zemanel et Madeleine Brunelet. Père Castor-Flammarion, 2013. 24 pages. 4,40 euros. A partir de 4-5 ans.





samedi 25 mai 2013

Màn - Kim Thuy

Màn, la narratrice, a quitté Saigon pour rejoindre son mari, un restaurateur vietnamien exilé au Québec. Mariage arrangé bien sûr, l’époux ayant été choisi par sa mère. Elle s’installe dans sa nouvelle vie sans véritables espoirs ni regrets, semblant ne rien attendre de précis de cette existence entièrement dévouée au travail. Elle s’investit en cuisine, concoctant des plats qui parfois tirent des larmes aux clients. C’est sa meilleure amie Julie qui va l’ouvrir au monde et lui faire trouver le juste équilibre entre la rigidité de son éducation vietnamienne et les postures démonstratives propres aux occidentaux : prendre ses enfants dans ses bras, les embrasser, chanter à voix haute… Et puis il y a Luc, rencontré en France après la parution d’un ouvrage culinaire devenu un best seller. Luc, l’homme marié qui deviendra l’amant passionné, celui dont elle gardera en mémoire chacune des parcelles de la peau. Celui grâce auquel elle osera « se regarder nue longuement dans un miroir. » Une histoire d’amour aussi brûlante qu’impossible…

Le récit suit parallèlement le parcours de Màn et celui de sa mère. De courts chapitres, parfois de simples paragraphes, introduits par des mots français accompagnés de leur traduction en vietnamien. Le ton est proche de la confidence et les phrases semblent chuchotées. Parfois resurgissent du passé des lieux, des sensations enfouies. J’aime évidemment ce coté elliptique qui apporte une forme de légèreté. La confession, certes des plus intimes, reste constamment traversée par la plus grande pudeur. La narratrice marche sur un fil, elle se livre sans jamais tomber dans le grand déballage indécent.  

Un superbe texte à la fois tendre, délicat et gourmand. Dans ce métissage de goûts et de couleurs, cuisine et mémoire jouent un rôle majeur. Kim Thuy propose à travers ce touchant portrait de femme une réflexion sur l’identité, sur cette complémentarité entre l’héritage maternel et l’exil qui donne un sens à l’existence de Màn. Un grand merci à Marilyne pour m’avoir donné envie de découvrir ce court roman aussi fin qu’élégant, je me suis régalé.     

Màn, de Kim Thuy. Liana Levi, 2013. 144 pages. 14,50 euros.


N’oubliez pas si vous souhaitez découvrir ce titre de participer au concours que je propose jusqu’à mercredi prochain. Et filez donc voir le billet de Marilyne qui m’a convaincu de découvrir ce roman et l’excellent article qu’elle a rédigé suite à sa rencontre avec l’auteure.



vendredi 24 mai 2013

Long John Silver - Dorison et Lauffray

A la fin de L’île au trésor, personne ne sait ce que devient Long John Silver. Dorison et Lauffray précisent au début de la série que « cet ouvrage ne prétend pas être une suite de l’île au trésor mais bien un humble hommage à cet immense chef-d’œuvre qui ne cesse de nous émerveiller depuis notre enfance. » Les auteurs ont donc imaginé un Long John Silver rangé des voitures depuis des années qui va reprendre du service pour les beaux yeux d’une aristocrate désargentée (et surtout pour rentrer définitivement dans la légende). Lady Vivian Hastings, ayant appris que son mari a découvert la cité de Guyanacapac et ses immenses richesses, monte une expédition pour le retrouver. Un voyage qui serait surtout pour elle l’occasion de s’emparer du trésor. Elle fait donc engager Long John et ses sbires sur le navire censé venir en aide à Lord Hastings pour qu’ils déclenchent une mutinerie et prennent le pouvoir à bord en leur promettant la moitié du magot une fois la mission accomplie. Mais entre cette femme fatale sans scrupules et le pirate à la jambe de bois, la cohabitation va parfois être compliquée, sans compter que la traversée jusqu’à la cité d’or sera loin d’être un long fleuve tranquille…

Ma manie consistant à attaquer une série uniquement lorsqu’elle est terminée aura cette fois eu du bon. Difficile en effet d’envisager l’ampleur de cette saga épique sans la dévorer d’une seule traite. Il faut dire aussi que l’aventure monte en puissance au fil des tomes, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas ailleurs. Tout a été pensé dans les moindres détails. Long John a évolué par rapport au roman de Stevenson. Il n’est plus ce manipulateur qui agit dans l’ombre. D’emblée, il montre un caractère entier dominé par la fougue et l’emportement, prenant le contrôle du navire sans aucun calcul préalable. Meneur d’hommes sûr de son fait, ne craignant personne, il ne cesse d’imposer ses choix et son point de vue. Face à lui, Lady Hatsings n’est pas en reste. Femme forte s’il en est, insoumise, égoïste, brisant enfin les chaînes d’une union qui lui ôtait tout liberté d’action, elle restera jusqu’au bout indomptable. Une grand partie de la force du scénario tient d’ailleurs dans les tempéraments hors normes de ces deux-là.  

Un énorme plaisir de lecture avec ces quatre tomes, même si j’ai un peu moins accroché avec le final que j’ai trouvé par moments difficilement compréhensible. Je crois que j’ai été gêné par l’aspect fantastique, certes justifié par les substances hallucinogènes prises par les uns et les autres, mais qui m’a un peu perdu sur certaines séquences. J’aurais aimé davantage de réalisme pur et dur mais je comprends que cette fin quelque peu « fantasmagorique » colle parfaitement à l’ambiance baroque qui traverse cette tétralogie. Dans l’ensemble, cette fresque spectaculaire est absolument remarquable et souligne si besoin est l’incroyable talent de Mathieu Lauffray. Plus que de découpage, il est ici question de composition. A ce titre, le dernier volume est à montrer dans les écoles. Les peintures pleine page donnent le vertige, les scènes d’action, nombreuses, sont maîtrisées de bout en bout. Et que dire de la couleur et du travail sur la lumière absolument somptueux. 

Une vraie saga d’aventure traversée par une virtuosité graphique et narrative totalement bluffante. Pas franchement le type de BD que j'ai l'habitude de lire mais difficile de ne pas se laisser emporter par un tourbillon aussi hypnotique.
 

Long John Silver T1 : Lady Vivian Hastings de Dorison et Lauffray. Dargaud, 2007. 58 pages. 14 euros.
Long John Silver T2 : Neptune de Dorison et Lauffray. Dargaud, 2008. 50 pages. 14 euros.
Long John Silver T3 : Le labyrinthe d’émeraude de Dorison et Lauffray. Dargaud, 2010. 54 pages. 14 euros.
Long John Silver T4 : Guyanacapac de Dorison et Lauffray. Dargaud, 2013. 60 pages. 14 euros.





jeudi 23 mai 2013

Longtemps que je n'avais pas proposé un petit concours...


Deux doublons viennent de débouler sur les rayonnages de ma bibliothèque. Du coup je vous propose de gagner un exemplaire de chaque.

 Le premier est le meilleur roman que j’ai lu depuis le début de l’année, à savoir l’excellentissime Wilderness de Lance Weller. J’ai vu l’auteur à St Malo et comme je voulais absolument une dédicace j’ai racheté un exemplaire. Du coup celui sans la petite griffe de Mr Weller, je m’en sépare avec plaisir.








Le second, on vient de me l’offrir alors que je l’avais déjà acheté. C’est ballot mais pas si grave puisque je sais que celui en trop va trouver un nouveau propriétaire qui sera ravi de l’accueillir. Ah oui, j’ai oublié de vous donner le titre : il s’agit de Màn de Kim Thuy. Je viens de finir de le lire et mon billet sera prêt d’ici peu mais si vous voulez en savoir plus, courez vite chez Marilyne découvrir son avis enthousiaste. Sans compter qu’elle a aussi rédigé un article passionnant suite à sa rencontre avecl’auteur.





Bref, deux très bons romans qui devraient faire votre bonheur. Pour participer rien de plus simple, il suffit d’être déjà passé par ici et de laisser un commentaire ci-dessous. Petit précision utile, les belges et les suisses sont les bienvenus.  

Vous avez jusqu’à mercredi prochain minuit. Résultats le jeud 30. Le premier nom sorti du chapeau prendra le titre qu’il veut, le second n’aura pas le choix. Bonne chance à toutes et tous.




mercredi 22 mai 2013

Canicule - Vautrin et Baru

Un braqueur américain, poursuivi par les gendarmes et ses complices, planque le magot dans un champ de blé avant de trouver refuge dans une ferme beauceronne. Le problème c’est que cette ferme est le repère d’une famille de tarés complets, aussi affreux que méchants. Le maître des lieux, totalement abruti et ultra violent, son frangin alcoolique, un gamin souffre-douleur qui ne sera pas loin d’être au final le pire de tous, une nymphomane hystérique, une épouse presbytérienne et soumise qui finira par briser ses chaînes, j’en passe et des meilleures. Le braqueur, une fois à l’abri des regards dans un grenier, découvre l’horreur et constate qu’il y a bien plus méchant et retord que lui. Tout cela va forcément mal se terminer. La tension monte, chacun en prend pour son grade et personne, vraiment personne, n’en sortira grandi…

Un polar brut de décoffrage d’une sauvagerie inouïe. Vautrin dresse le portrait de l’inhumanité. Il démontre qu’en fonction des circonstances, on peut finir par laisser libre cours à nos plus bas instincts. La ferme, lieu isolé dans un océan de champs de céréales, est une prison dont aucun des occupants ne peut s’échapper. Un huis clos permanent où les rapports de force semblent clairement définis. Cobb le braqueur agit comme un détonateur, il est l’étincelle qui met le feu aux poudres et révèle les autres à leur bassesse. La cupidité engendre une brutalité incontrôlable, les protagonistes agissant sans qu’aucune barrière morale ne vienne réfréner leurs actes. Le résultat est saignant, noir de chez noir et, il faut bien l’avouer, par moments jubilatoire. Parce qu’il est évidemment impensable de prendre tout cela au premier degré. Seul le caractère grotesque, tragi-comique de l’ensemble et une pointe d’humour noir rend d’ailleurs la violence supportable.

Baru donne à ses protagonistes le visage de la laideur, déformant leurs traits en fonction de leur état d’esprit (colère, douleur, haine…). Il joue constamment sur le contraste entre la lumière éblouissante des jours d’été et la noirceur du propos. La douce chaleur estivale devient peu à peu poisseuse, irrespirable, étouffante. Son art du cadrage donne le dynamisme nécessaire aux nombreuses scènes d’action et malgré l’absence totale d’onomatopées, le lecteur discerne parfaitement le bruit et la fureur qui traverse toutes les pages. Un vrai tour de force graphique !

Canicule est un mélange réussi entre un récit d’action trépidant et une fable pessimiste sur la condition et la nature humaine. Une histoire déstabilisante qui, si on ne l’appréhende pas avec le recul et le second degré nécessaire, peut s’avérer fortement dérangeante. En tout cas, il n’y a pas à dire, c’est drôlement bon de déguster de temps en temps un petit noir bien serré comme celui-là. Le genre de lecture qui me manquait depuis les adaptations des romans de Manchette par Tardi.
 

Canicule de Vautrin et Baru. Casterman, 2013. 110 pages. 18 euros.


Une fois de plus j’ai le plaisir de partager cette lecture commune avec Mo’. Filez-vite découvrir son avis.