Reyes © Seuil 1995 |
La narratrice tient la caisse
dans une boucherie. C’est un job d’été. Le boucher la trouble au plus haut
point. Voir s’étaler sous ses yeux la chair du boucher et celle du bœuf a pour
elle quelque chose de fascinant : « Qui a dit que la chair est triste ?
[…] la chair est notre guide, notre lumière noire et dense, le puits d’attraction
où notre vie glisse en spirale, sucée jusqu’au vertige ». Le boucher lui
parle de sexe toute la journée, il lui promet la lune : « Tu verras
comme je prendrais soin de toi… J’ai les mains habiles, tu sais, Et la langue
longue, tu verras. » Si écœurant et si doux. Elle l’a surpris une fois
dans la chambre froide avec la bouchère : « La bouchère s’était agrippée
des deux mains à deux gros crochets de fer au-dessus d’elle, comme on le fait
dans le métro ou dans le bus pour garder l’équilibre. Sa jupe était remontée et
roulée autour de la taille, découvrant ses cuisses et son ventre blanc, avec la
touffe noire qui, de profil faisait une tache en relief. Derrière elle se
tenait le boucher, le pantalon aux pieds et le tablier entortillé autour de la
ceinture, la chair débordante. » Pas ragoutant le boucher, et pourtant
elle ne pourra résister à son charme si particulier : « J’eus envie
de lui. Il était laid, avec son gros ventre moulé dans le tablier taché de
sang. Mais sa chair était aimable. » Leurs ébats vont s’étaler sur une
vingtaine de pages, dans une succession de scènes d’un érotisme torride. Chaud
bouillant !
Alina Reyes ne cherche pas à
faire fantasmer la ménagère. Alliant poésie et sauvagerie, elle traduit avant tout
la conscience du corps qui s’éveille et s’abandonne jusqu’à à atteindre le
seuil d’une certaine forme de folie. Troublant et dérangeant.
Entendons-nous, c’est un très bon
roman mais ce n’est pas non plus un titre exceptionnel qui va me faire grimper
au rideau. J’ai quand même eu l’impression de lire de la littérature, ce qui
n’est pas si courant ces derniers temps dans le cadre du rendez-vous deStephie.