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Ueno © Kana 2011 |
« A tous mes lecteurs
français. En réalité, j’aurais préféré que l’on fasse connaissance avec un
manga plus joyeux, mais malheureusement, celui que vous tenez entre les mains
est empreint d’une grande tristesse. Certaines personnes pourront trouver son
propos trop « cru » et, de ce fait, ressentir pour lui de l’aversion.
Cependant, au-delà des questions de goût pour ce manga, la mort est inévitable
pour tout le monde. J’ai donc dessiné ce manga, persuadé qu’il trouvait là sa
raison d’être. »
Un préambule de l’auteur pas si
anodin tant le sujet qu’il aborde est sensible. Kentarô Ueno raconte dans ce
manga le décès de sa femme et le deuil qui s’ensuivit. Le 10 décembre 2004, à
minuit, le mangaka trouve sa chère Kiho allongée dans la cuisine, face contre
terre. Une crise cardiaque foudroyante. Malgré l’arrivée des secours, elle ne
pourra être réanimée.
Ueno décrit avec minutie les
heures, les jours, les semaines et les mois qui ont suivi. La préparation de la
crémation, la venue de la famille, le dernier adieu. Le retour à la maison avec
l’urne contenant les cendres. L’homme est brisé par cette tragique disparition.
Il se replonge dans les souvenirs, effrayé à l’idée d’oublier son grand amour,
la mère de son enfant, âgée de 10 ans à l’époque des faits. Beaucoup de dignité
dans ces pages pas racoleuses pour deux sous. A aucun moment Ueno ne cherche à
tirer des larmes au lecteur. Il veut juste revenir sur le long cheminement lui ayant
permis, peu à peu, de se reconstruire. Kiho était une femme fragile, sujette à
de terribles crises d’asthme et souffrant d’une profonde dépression. Pourtant
il n’avait de cesse de la supporter et de l’aider : « Pouvoir être
ensemble nous rendait heureux. Dans les moments difficiles, c’est merveilleux d’avoir
un nom à murmurer, m’avait dit Kiho. Autrefois, ce nom me servait de lumière
dans l’obscurité. C’est si dur, il n’y rien à faire. »
L’honnêteté et la simplicité du
propos rendent ce récit autobiographique bouleversant. Une justesse de ton à priori
impossible à trouver. Il aurait été si facile de donner dans le mélo pur et dur
pour faire pleurer dans les chaumières. Ueno ne cède jamais à cette tentation. Sans
doute parce que ce manga n’a pas été réalisé à chaud mais avec quelques années
de recul. Il sonne à la fois comme un dernier hommage et une thérapie cathartique
nécessaire pour, enfin, pouvoir avancer. Sans doute le manga le plus mature qu'il m'ait été donné de lire jusqu'à présent.
« Merci d’avoir été »
est-il écrit au début du recueil. Une épitaphe que j’aimerais voir figurer sur ma
tombe.
Je dois la découverte de ce one
shot à Tristan, nouveau chroniqueur manga de la revue
Les années. Il a présenté
deux titres pour l’instant (le 1
er était
La plaine du Kantô de Kazuo
Kamimura) et à chaque fois il a tapé dans le mille en ce qui me concerne.
Vivement le prochain numéro !
PS : son billet est
tellement mieux que le mien que je vous le mets ci-dessous.
Sans même nous dire au revoir de Kentarô Ueno. Kana, 2001. 272 pages. 12,70 euros.
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Ueno © Kana 2011 |