Liaut © Payot 2013 |
Dans son éloge, Jean-Noël Liaut dresse une rapide
classification des différents types de garces, en commençant par la courtisane,
garce parmi les garces, voleuse de mari qui n’aime rien moins que presser ses
richissimes protecteurs « jusqu’au moment où ils ne donnent plus de jus. » Ainsi « La Belle Otero », chanteuse et danseuse de cabaret de la belle époque.
Fille de prostituée, violée à 11 ans, elle haïssait tant les hommes que les
détruire devint son passe-temps favori. Rien ne lui faisait plus plaisir que de
comptabiliser les suicides de ses amants délaissés.
Parmi les nombreuses femmes de lettres que l’on peut
qualifier de garces, l’auteur retient trois noms : Louise de Vilmorin, connue
pour son égocentrisme qui « portait plus volontiers le deuil d’un vase que
celui d’un être humain » et qui déclara : « Une personne est intéressante parce
que je l’intéresse. » Anaïs Nin, fieffée menteuse qui ne cessait dans son
journal de travestir la réalité à son profit. Et enfin Dorothy Parker, célèbre
pour son incommensurable méchanceté et sa capacité à afficher au fil de son
œuvre ses multiples dégoûts et sa cruelle lucidité.
Une autre caractéristique de la garce est son coté
glamour. L’icône absolue des GG (Garces Glamour, un acronyme imaginé par
l'auteur) reste incontestablement la somptueuse Marlène Dietrich. On peut y
ajouter Joan Crawford et Bette Davis, flamboyantes garces hollywoodiennes
devenues les pires ennemies. Quand Davis balançait, apprenant que Crawford
voulait jouer du Shakespeare : « Nous sommes tous tellement excités de savoir
que Joan a appris à lire », l’autre rétorquait : « Miss Davis a couché avec
toutes les stars masculines de la MGM, à l’exception de Lassie. »
Toujours dans le domaine des garces glamour, on
pourrait citer les filles de la famille Gabor qui, à elle quatre (les trois
sœurs et leur mère) comptabilisèrent vingt-trois maris. Des croqueuses de mâles
assumant leurs actes avec une épatante répartie. Ainsi Zsa Zsa déclara-t-elle :
« Je n’ai jamais assez détesté un homme pour lui rendre ses diamants. »
Pour Liaut, le mot « garce » est à l’évidence un
titre de noblesse en voie de disparition. Parmi les figures féminines
actuelles, il n’y a guère que les couguars et les belles-mères qui méritent
selon lui ce qualificatif. Ce n’est pas Blanche Neige et Cendrillon qui diront
le contraire. Et puis un dicton italien n’affirme-t-il pas : « La vipère qui a
mordu ma belle-mère est morte empoisonnée. »
Cet éloge est donc un bel hommage (certes un peu
rapide) empreint de nostalgie. Les suppôts du politiquement correct ont fini
par faire des garces une espèce quasi éteinte : « aujourd’hui, l’inventaire des
spécimens les plus célèbres de ces trois cents dernières années ressemble à une
liste de braves tombés au combat. La garce fière de son état, qui s’affichait
avec franchise, sans remords, est délaissée au profit d’une fadeur frileuse et
soporifique. » Les garces auraient donc disparu. Personnellement ça ne me gêne
pas mais à y regarder de plus près, je ne suis pas loin de partager ce constat.
Je travaille depuis longtemps dans un milieu très féminin et je n’ai jamais eu
l’impression de côtoyer la moindre garce. Pareil avec la blogosphère (du moins
pour ce qui concerne les blogs consacrés à la lecture) : quasiment que des filles et, il me semble,
pas l’ombre d’une garce. Suis-je naïf à ce point ?
Éloge des garces de Jean-Noël Liaut. Payot, 2013.
120 pages. 13,50 €
PS : je veux bien faire de cet ouvrage un livre
voyageur. Si certaines d’entre vous veulent en savoir plus sur les garces
célèbres, n’hésitez pas !