Cuzor et Colman © Dargaud 2012 |
Huck et Charley étaient partis pour la Californie. Le gamin blanc s’était fait passer pour mort afin d’éviter un placement en famille d’accueil et le journalier noir, accusé à tort de meurtre, cherchait à échapper au terrible shériff Bisley. Mais en chemin leurs routes se sont séparées. Charley a vendu son âme au diable pour devenir Lucius no Fingers, un joueur de blues incroyablement talentueux, et il a quitté Huck pour se lancer dans une carrière musicale des plus aléatoires. Incapable d’imaginer la vie sans son ami, le jeune garçon, accompagné de la jolie Suzy, retrouve sa trace à Memphis mais il découvre que Bisley et ses sbires sont eux aussi à la recherche de Charley et veulent le récupérer plutôt mort que vif…
Enfin ! Après trois ans d’attente, Steve Cuzor clôt la première partie de cette série ô combien prometteuse. S’il a perdu en route son co-scénariste Philippe Thirault, remplacé par Stépan Colman, il ne s’est pas pour autant écarté de son objectif de départ, à savoir transposer l’histoire d’Huckleberry Finn dans l’Amérique des années 30. Ce troisième volume laisse de coté l’univers ferroviaire des hobos et recentre l’intrigue dans un décor purement urbain. Au menu, l’envoutante Memphis : « point de liaison entre le Sud sauvage et le Nord paternaliste, c’était d’ici que partaient tous les trains musicaux, blues, jazz, swing, western-counrtry… Memphis allait également inventer le barbecue, les supermarchés, les chaines hôtelières, les transports express et la nostalgie infinie… » Pour Huck, la visite de la ville va se circonscrire aux quartiers noirs et aux junk joints, ses bouges infâmes où les musiciens de passage jouaient chaque soir pour quelques dollars et où l’alcool coulait à flot. Cette Amérique de la grande dépression est ici parfaitement retranscrite par le trait dense et précis de Cuzor. Il me rappelle encore et toujours par moments le Blueberry de Giraud, ce qui est quand même LA référence ultime. En dehors du dessin, l’autre qualité majeure de l’album (selon moi) réside dans le clin d'oeil fait à l'histoire du légendaire bluesman Robert Johnson. Charley vend son âme au diable et cherche le Crossroad, ce carrefour mythique où l’on doit faire des choix qui vont sceller notre destin. Selon la légende, Robert Johnson aurait rencontré le malin alors qu’il s’était assoupi au bord d’un Crossroad. Une entité surgit de nulle part lui apparut et, en échange de son âme, elle accorda sa guitare. Suite à cette rencontre, Johnson, musicien sans talent, devint l’un des plus grands bluesmen de tous les temps. Mais quand on passe un tel pacte, il faut s’attendre à payer l’addition un jour ou l’autre. Charley, comme Robert Johnson (empoisonné par un mari jaloux, il mourut dans d’atroces souffrances), l’apprendra bien assez tôt…
L‘ambiance et les références à la musique, voila tout ce que je retiendrais de cet album. Pour le reste, la platitude de l’intrigue est flagrante et les personnages (notamment Huck) n’attirent aucune empathie particulière, contrairement aux volumes précédents. J’ai survolé les événements sans jamais me sentir vraiment concerné. Une impression assez désagréable, heureusement en partie compensée par la qualité du dessin.
Il n’empêche, cette fin de cycle est pour moi une déception. C’était bien la peine d’attendre si longtemps !
Mon avis sur le tome 2.
O’Boys T3 : Midnight Crossroad, de Steve Cuzor et Stéphan Colman. Dargaud, 2012. 56 pages. 14 euros.
Cuzor et Colman © Dargaud 2012 |
Allez, pour ne pas finir sur une fausse note, je vous propose d’écouter Rambling on my mind version Robert Johnson, un enregistrement datant de 1936. Clapton a repris ce titre sur son album Blues Breakers.