Dans une ville portuaire, un géant roupille au fond d’une taverne. C’est un poète. Quand le patron lui demande de régler sa note, le poète propose de le payer avec une magnifique dédicace dans son tout premier recueil qui paraîtra un jour peut-être. Viré avec fracas, il échoue sur un ponton, les pieds au dessus de l’eau et le moral en berne. Le constat est rude : il n’y a rien à faire, l’inspiration ne veut pas venir. Embarqué de force sur le bateau du capitaine Conrad Porter, le poète devient matelot malgré lui. Une vie rude commence alors. Pensant qu’il n’est pas du tout taillé pour être un marin, il va pourtant devenir le héros du navire. Par la suite, ses voyages sur tous les océans du globe vont faire de lui un véritable loup de mer. Surtout, cette nouvelle existence va lui permettre, enfin, de devenir un écrivain publié.
Voila un comics qui ressemble fort à un OVNI graphique. Chaque page de ce tout petit format (17 x 13 cm) ne contient en effet qu’une seule case ! Ce surprenant choix narratif ne nuit en aucun cas à la fluidité du récit, bien au contraire. Au final, l’utilisation d’un tel dispositif minimaliste conjugué à une quasi-absence de texte se révèle des plus convaincantes. Autre point important, l’auteur gère à merveille les nombreuses ellipses permettant à l’histoire d’avancer pendant de longues séquences entièrement muettes.
Le dessin en noir et blanc est très travaillé, surtout pour les scènes se déroulant en mer, et la grosseur de chaque case permet au lecteur de s’attarder sur les nombreux détails. Pour ce qui est des personnages, on pense au travail de Jeff Smith sur sa série Bone.
Évitant l’écueil de l’exercice de style et de la démonstration purement technique, Drew Weing a su endosser les habits du conteur avec cette histoire simple et touchante d’un poète qui, pour renouer avec sa muse, devra affronter un parcours initiatique aussi éprouvant que salvateur. Ce roman graphique atypique qui a demandé cinq années de labeur à son auteur avant d’être publié aux États-Unis mérite à l’évidence que l’on si attarde avec la plus grande attention.
L'avis de Mo'
En mer de Drew Weing, éditions ça et là, 2011. 144 pages. 13 euros.
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