mercredi 1 décembre 2010

Aya de Yopougon T6

Depuis qu’elle fréquente le juge Didier, Aya espère pouvoir se venger du prof de fac qui a tenté de la violer. De son coté, après avoir dilapidé les millions de son père dans des projets caritatifs, Moussa se retrouve en prison. Il y rencontre Grégoire, détenu pour avoir détourné l’argent de ses fidèles en se faisant passer pour un prêcheur. Albert, lui, ne parvient toujours pas à assumer son homosexualité et il s’apprête à épouser une mégère pour ne pas froisser ses parents. A Paris, Innocent découvre la difficile condition des sans papiers mais peut toujours compter sur l’amitié de Sébastien. On retrouve aussi dans ce sixième tome Bintou, Adjoua, Gervais, Fanta, Hervé, Mamadou et tous ceux qui animent depuis cinq ans cette incomparable saga.

Récit choral, feuilleton digne des meilleures séries télé, Aya de Yopougon se déroule en Côte d’Ivoire dans les années 70 et raconte la vie de quelques habitants de Yopougon, un quartier populaire d’Abidjan. Aya en est l’héroïne principale autour de laquelle gravitent de nombreux personnages, tous de tempéraments très différents. Chaque tome est un enchaînement de scènes indépendantes qui parfois se croisent où se chevauchent. Il faut s’accrocher au début pour reconnaître et suivre tous les protagonistes, mais une fois que la mécanique est en place et que l’on a assimilé les différentes intrigues, c’est un vrai régal.

Graphiquement, la construction est depuis le début aussi simple qu’efficace. Le système du gaufrier avec six cases par planche peut paraître monotone mais il permet de maintenir un bon rythme de narration. Par ailleurs, la plupart des scènes se distinguent l’une de l’autre par un code couleur différent. Le Yopougon de Clément Oubrerie est coloré et très fidèle à la réalité. Il faut dire que le dessinateur s’est rendu sur place et est revenu avec plus de 5000 photos. De quoi varier les décors en respectant au maximum l’ambiance typique du quartier. Mettre en images un tel récit est une gageure. Aya, ce n’est que du dialogue, quasiment sans action. D’où une vraie difficulté pour être inventif dans la mise en scène. Mais la fluidité qui découle des six volumes est la preuve que Clément Oubrerie a su relever le défi haut la main.

Autre point qui donne à la série un charme incomparable, la richesse de la langue utilisée par les ivoiriens, un mélange de français et de dialectes africains. Le nouchi (nom de ce langage de la rue inventé par les jeunes) est tout simplement savoureux et très facilement compréhensible grâce au lexique se trouvant en fin d’ouvrage. Et que dire des joutes verbales présentes tout au long de chaque album. Marguerite Abouet le reconnaît, « c’est un sport national là-bas, notamment dans la gestion des conflits de tous les jours. On n’en vient jamais aux mains comme en France, mais les piques volent très haut et très fort. Les habitants ont énormément de sens de la répartie. »

Il faut le reconnaître, l’Afrique d’Aya fait plaisir à voir. Loin des guerres, des famines et du Sida (n’oublions pas que l’action se déroule dans les années 70), les auteurs montrent le coté vivant, les réalités quotidiennes de ce magnifique continent. Et Dieu sait que ce parti pris positif leur a été reproché. Un journaliste a notamment écrit que Marguerite Abouet jouait à l’autruche en niant les problèmes de l’Afrique. Mais Aya est finalement une histoire universelle qui pourrait se passer n’importe où, et c’est très bien ainsi.

Avec se sixième tome, on quitte Yopougon et tous ces personnages haut en couleur pour la dernière fois avec un pincement au cœur. Un feuilleton qui s’est étalé sur plus de 700 pages en gardant le même niveau de qualité, voila qui est rare. Finalement, Aya, c’est un peu comme ce pot de confiture dans lequel on trempe un doigt juste pour goûter et que l’on finit par boulotter en entier parce qu’il n’y a rien à faire, c’est trop bon et on ne peut plus s’arrêter ! Alors attention à vous si vous jetez un œil à cette série, vous risquez de vous engager dans une délicieuse aventure au long cours.

Aya de Yopougon T6, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, Gallimard, 2010. 112 pages. 17 euros.


L’info en plus : Au départ, Aya devait être une série pour la jeunesse racontant l’enfance de Marguerite Abouet à Yopougon. Mais devant le refus des éditeurs, les deux auteurs ont revu leur copie pour proposer un projet plus adulte. Le succès de la série a depuis permis a Marguerite de mener à bien sa première idée en publiant au mois de juin 2010 un album pour les plus jeunes intitulé Akissi, l’histoire d’une petite fille effrontée et dégourdie qui se mêle de tout dans son quartier et fait tout comme les garçons.




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lundi 29 novembre 2010

Kenny et le Dragon

Kenneth est un jeune lapin qui vit avec ses parents dans une ferme près du village de Rond-le-Ruisseau. C’est un lapereau solitaire qui n’a pour un ainsi dire pas d’amis à part Georges, le libraire. Car Kenneth ne partage pas les amusements de ses camarades de classe. Il adore plus que tout lire et s’instruire.
Un soir, son père rentre à la ferme bouleversé. Il vient de voir sur la colline derrière chez eux un terrible dragon. Kenneth décide de se rendre sur place pour voir la bête de plus près. Il y découvre un dragon qui, loin des images monstrueuses que montrent les bestiaires fantastiques, est passionné de poésie, de littérature et de théâtre. Devenu son meilleur ami, Grahame le dragon doit faire face à l’animosité des villageois, terrorisés par la présence d’un monstre près de chez eux.

Kenny et le Dragon, est un roman pour les plus jeunes comme on en fait plus : plein d’altruisme, de gentillesse et de bonne volonté sans être moralisateur pour autant, même si on y souligne au passage l’importance de ne pas se fier aux apparences et de respecter les différences. Ce qui compte avant tout, c’est l’amitié. C’est aussi un hommage aux livres et à la lecture avec ce petit lapin qui n’aime rien tant que de se plonger dans un bon bouquin.

Tony Di Terlizzi s’est à l’évidence inspiré des plus grands classiques de la littérature enfantine anglo-saxonne. Si le lapin se nomme Kenneth et le dragon Grahame, ce n’est pas pour rien. Kenneth Grahame est l’auteur du Vent dans les saules, ce chef d’œuvre racontant les aventures des amis Rat, Taupe et Crapaud. On retrouve dans Kenny et le dragon cette même ambiance propre à la campagne anglaise : on pique nique au bord de l’eau, on devise sous les chênes, on dévale les collines à vélo… Un univers doucereux et bucolique dans lequel les enfants adorent se projeter.

L’ouvrage en lui-même est un bel objet : petit format au cartonnage et au papier épais, vernis sélectif sur la couverture et des illustrations en noir et blanc somptueuses. Un rien vintage mais quel plaisir de voir, à l’heure du numérique, des livres d’une telle qualité !

Un petit conseil avec les fêtes qui approchent : si vous connaissez un enfant de 7-8 ans qui adore lire, demandez-donc au Père Noël de lui apporter dans un même paquet Kenny et le Dragon et Le voyage de Théodore. Vous êtes sûr de faire un heureux.

Kenny et le Dragon, de Tony Di Terlizzi, Pocket Jeunesse, 2010. 148 pages. 11,95 euros. A partir de 7 ans si l’on est bon lecteur.




L’info en plus : Tony Di Terlizzi est le co-auteur des célèbres chroniques de Spiderwick dont une intégrale a été publiée il y deux ans par les éditions Pocket au moment de la sortie du film.

vendredi 26 novembre 2010

Comme Chi ou comme Chats !


C’est la première fois que j’utilise un jeu de mots pourri dans le titre d’une chronique. Mais l’occasion était trop belle. Cette semaine sortent deux BD consacrées à nos chers félins. La première est un manga pour jeunes lecteurs et se nomme Chi, une vie de chat tandis que la seconde est la suite d’une série franco-belge apparue au début de l’année et sobrement intitulée Chats !


Le chat et la BD, c’est une longue histoire d’amour. Depuis le Poussy de Peyo, les séries se sont multipliées. Garfield reste la plus célèbre. Du coté des mangas, on pourrait citer What’s Michael. Katz, de l’éditeur niçois Ange, est une série humoristique plus récente et particulièrement réussie. J’ai déjà parlé ici de Miss Annie ou, dans un tout autre genre, du Chat qui courait sur les toits. Bref, les exemples sont nombreux et j’en oublie sans doute des tonnes.


Chi est une jeune chatte qui se retrouve perdue dans un jardin public. Recueillie par un petit garçon et sa maman, elle va vite devenir la coqueluche de sa nouvelle famille. Les chapitres, tous très courts, s’enchaînent et passent en revue les moments importants de la vie d’un bébé chat. La nourriture, la propreté, les dégâts causés sur les meubles et le canapé, la première visite chez le véto… C’est tout simple, super mignon (je devrais dire kawaï !) et les enfants adorent.

Il faut dire que cette nouvelle série est publiée dans la collection Kids de Glénat, une collection dont le but est de faire découvrir le manga aux plus jeunes (dès 7-8 ans). Sens de lecture européen, graphisme épuré, couleurs à chaque page, très peu de texte, petit format qui tient bien en main, succession de scènes très faciles à suivre, tout est prévu pour que les enfants adhèrent et découvre la BD japonaise en douceur. Sauf le prix. Franchement, 10,55 € pour un manga de 168 pages, même en couleurs, c’est beaucoup trop. En dehors de ça, Chi est une très bonne surprise et ravira petits et grands amateurs de chats. Dernière précision, Chi signifie « pipi » en japonais. Ce nom n’est pas donné par hasard au chaton, il faudra lire ce premier tome pour en découvrir la raison.



Chi, une vie de chats T1, de Kanata Konami, Glénat, 2010. 168 pages. 10,55 euros.


Manon, Camille et Erika continuent dans ce second volume d’enchaîner les situations cocasses avec leurs félins respectifs. Pamplemousse le chasseur de papillons, Bouboule le gros glouton et Imnotep le fier chat de race s’en donnent à cœur joie. Les filles les emmènent en vacances sur l’île de Noirmoutier et entre la plage et les grandes ballades, personne n’a le temps de s’ennuyer.

Une série très Girly et pleine de fraîcheur, même si les gags se révèlent au final rarement drôles. Le dessin de l’italienne Paola Antista est vif, nerveux et très expressif. Mais l’impression générale reste mitigée. Si j’osais, je dirais que tout cela ronronne un peu et manque singulièrement de punch ! Du franco-belge classique et à mes yeux dispensable.


Chats ! T2 : Chats bada-bada, de Frédéric Brémaud et Paola Antista, Hugo BD, 2010. 48 pages. 9,95 euros.


L’info en plus : La série Chi compte 8 volumes et est toujours en cours au Japon. Les éditions Glénat ont prévu de sortir en France le tome 2 fin janvier et le tome 3 à la mi-mars 2011.

mercredi 24 novembre 2010

Le dernier des Mohicans

Nouveau Monde, 1757. La guerre entre Anglais et Français fait rage. Ces derniers, aidés de leurs alliés indiens, assiègent le fort Henry dans lequel est retranché le colonel Munro.
Les filles du colonel anglais, Alice et Cora, souhaitent rejoindre leur père. Magua, chef Huron en rupture de ban, se propose de les guider jusqu’au fort. Mais son but est d’enlever les deux jeunes femmes afin de les emmener dans sa tribu. Sauvées par œil de faucon, un coureur des bois anglais accompagné de deux guerriers Mohicans, Alice et Cora arrivent à destination au moment de la reddition de leur père. A nouveau capturées par Magua, elles ne devront leur salut qu’au courage d’Uncas, le dernier des mohicans.

Cromwell propose ici une adaptation très libre du roman de Fenimore Cooper. Il n’a choisi d’illustrer que les scènes les plus marquantes, faisant de son album une longue traque dans les bois. C’est un des points faibles de l’ouvrage. L’intrigue, trop décousue, est difficile à suivre. Mais l’important n’est pas là. Cette adaptation vaut essentiellement pour son incroyable démonstration graphique. Rarement on a vu une ambiance crépusculaire aussi bien rendue. Cromwell a utilisé une peinture acrylique, travaillant tous ses dessins à la brosse avant de les scanner et de faire un montage en double page par ordinateur. Les images, saturées de rouge, d’ocre ou de vert, offrent une lumière oppressante dont on ne saurait dire si elle est diurne ou nocturne. Dans une interview, Cromwell s’avouait passionné par l’expressionnisme allemand. La référence saute aux yeux tout au long de l’album. Autre influence revendiquée par l’auteur, le courant de l’Hudson River School créé par l’américain Thomas Cole.

Les indiens de Cromwell, au teint diaphane, sont secs et noueux comme des branches sur le point de rompre. L’atmosphère est à la fois tendue et onirique. La violence est tantôt brute, tantôt très poétique. On imagine le claquement des arcs, le bruit du Tomahawk fracassant un crâne. Et cette forêt : sombre, silencieuse, où les ombres se faufilent entre les arbres, prêtes à jaillir sur leur proie à tout moment.

Un album sauvage et beau, tout simplement.

Le dernier des Mohicans, de Cromwell, Soleil (Noctambule), 2010. 118 pages. 17,95 euros.



L’info en plus : A l’occasion des fêtes de fin d’année, les éditions Soleil proposent une version de luxe de l’album de Cromwell. Un ouvrage très grand format, orné de dorures au fer chaud dans une version agrémentée d’une vingtaine de pages supplémentaires, le tout au prix de 45 euros. Une belle idée de cadeau !



La BD du mercredi, chez Mango
Le challenge Pal sèche de Mo'
     

mardi 23 novembre 2010

Concours Tardi - Manchette : les résultats


Le concours Manchette / Tardi s’est terminé hier soir et les 3 gagnants sont connus.

Vous avez été plus de 600 à participer, ce qui est tout simplement incroyable !

Afin de réaliser le tirage au sort le plus neutre et le plus équitable possible, j’ai utilisé un petit logiciel qui se nomme The Hat. Pour ceux qui sont intéressés, toutes les informations concernant The Hat se trouvent ici : http://dojokart.forumpro.fr/tournois-amicaux-f6/logiciel-de-tirage-au-sort-t1839.htm (Merci à Mo’ pour le lien).

Avant de révéler les noms des gagnants, voici d’abord les bonnes réponses aux 3 questions :

Manchette et Tardi ont publié en 1978 un album aux éditions du Square. Quel est le titre de cet album qui vient d’être réédité par Casterman ? Griffon

Dans Le petit bleu de la côte Ouest, quel est le nom du personnage principal ? Gerfaut

Tardi s’est lancé dans l’adaptation d’un troisième roman de Manchette qui devrait sortir en 2011. Quel est le titre de ce roman ? Nada

Et maintenant, roulement de tambour… Les trois gagnants sont :

- Marc Faverot

- Paola Topetta

- Claude Siellet

La preuve en image ci-dessous :



Merci à tous d’avoir participé et à très bientôt puisque le prochain concours (avec toujours des BD à gagner) se déroulera d’ici une petite quinzaine de jours.

lundi 22 novembre 2010

Thomas Drimm T2 : La guerre des arbres commence le 13

Thomas Drimm est parvenu à détruire le bouclier anti-matière qui retenait les âmes des défunts sur terre afin de les utiliser comme source d’énergie. Mais si les morts peuvent enfin reposer en paix, la fin du bouclier signifie pour les États-Uniques le début des pires ennuis. Sans cette protection, le pays est envahi par les pollens toxiques envoyés par les végétaux qui semblent avoir programmé la destruction des humains. La guerre des arbres est donc déclarée. Et Thomas est une fois de plus au cœur d’un complot qui le dépasse…

J’ai lu les deux volumes à la suite et la différence de niveau entre le premier et le second est incroyable. Cette deuxième aventure est d’un ennui terrible, limite soporifique. C’est très long, trop long. Il n’y a quasiment plus d’action, plus d’humour et tous les personnages qui faisaient le sel du premier volume n’apparaissent qu’épisodiquement. Léo Pictone et Boris Vigor font de la figuration et Brenda joue un petit rôle dans les soixante dernières pages mais elle a perdu toute sa gouaille et son coté subversif. L’ouvrage est truffé de considérations politico-philosophiques barbantes et Thomas est devenu agaçant à force de se poser toujours les mêmes questions : et si j’étais manipulé ? Et dois-je faire confiance à untel plutôt qu’à untel, oui mais si c’est le cas, ça veut dire que peut-être… On a envie de lui dire, arrête de te prendre la tête, décide toi une fois pour toute et avance, bon sang !

Il faut reconnaître que tout cela est bien écrit. C’est au niveau de l’intrigue qu’il y a un vrai problème. Plusieurs passages m’ont semblé tenir davantage du remplissage que d’une nécessité pour faire avancer l’histoire. Comme si Didier Van Cauwelaert avait dû trouver quelque artifice pour atteindre les 300 pages et ne pas sacrifier la sacro-sainte trilogie qui est devenue la norme de tout bon cycle de littérature jeunesse qui se respecte. Peut-être que je me trompe, mais c’est vraiment le sentiment que j’ai eu à plusieurs reprises au cours de la lecture, notamment lors de l’épisode où Thomas et son père se retrouvent dans la forêt sacrée. Le père justement, qui devient le second personnage principal du récit est très fade depuis qu’il est devenu sobre. Je le préférais largement en alcoolo. Il était certes aigri mais aussi très lucide sur la situation politique des États-uniques. Il perd dans ce second volume toute sa causticité, rentrant en quelque sorte dans le moule. Et que dire du cliffhanger final ? C’est une pirouette pour annoncer une suite qui n’a pas lieu d’être. Juste une belle occasion d’exploiter le filon.

Bref, vous l’aurez compris, ce second volume frôle le ratage total. Une très grosse déception.


Thomas Drimm T2 : la fin du monde tombe un jeudi, de Didier Van Cauwelaert, Albin Michel, 2009. 392 pages. 17 euros. Dès 13 ans.

L’info en plus : On nous l’annonce à la dernière page : Thommas Drimm revient dans Le temps s’arrête à midi cinq. Évidemment. Le dogme de la trilogie se doit d’être respecté. Dans le cas contraire, Thomas Drimm ne pourrait être reconnu comme une véritable œuvre de littérature jeunesse accomplie. Personnellement, ce sera sans moi.


Un ganrd merci à Livraddict et aux éditions Albin Michel pour ce partenariat.

vendredi 19 novembre 2010

Les voyages de Théodore T1 : Le Mont des Brumes

Théodore Chipmunk est un jeune écureuil qui vit paisiblement dans la forêt sauvage. Passionné par les contes et les légendes, il est persuadé que les humains ont existé autrefois, même si ses proches lui affirment le contraire. Lorsque son refuge est frappé par une terrible inondation, Théodore est emporté par les flots et atterrit dans la Cité des ruines, une ville humaine à l’abandon dans laquelle vivent d’étranges animaux dont une terrible Dragonne qui fait régner la terreur parmi les habitants. Théodore y rencontre successivement le Porc-épic Ferdinand et l’Ourse Olive qui deviendront ses amis. Olive finalise la réparation d’une machine volante qui doit lui permettre de rentrer chez elle sur le Mont des Brumes. Les trois comparses s’embarquent pour une aventure palpitante qui leur fera notamment découvrir le dernier humain vivant sur terre…

Première réflexion en refermant l’ouvrage : c’est mignon tout plein. Des héros positifs, une indéfectible amitié, quelques réflexions écologiques saupoudrées avec parcimonie, le tout enrobé d’un nappage dégoulinant de bons sentiments. La recette fonctionne à merveille. Il est évident que les bons lecteurs dès huit ans vont se régaler en dévorant les aventures de Théodore et de ses acolytes.

Du point de vue formel, l’originalité tient ici dans l’alternance entre chapitres en prose et chapitres en bande dessinée. Le trait de Jon Buller est simple et efficace. Il sait croquer les animaux avec justesse. On pense parfois au Petit-Ours de Maurice Sendak. La bichromie donne un petit cachet vintage du meilleur effet. Si l’on rajoute le cartonnage épais et la superbe jaquette aux liserés dorés, on se retrouve avec un bel objet-livre fort agréable à manipuler, même pour les petites mains.

Une très bonne production jeunesse que certains trouveront peut-être trop lisse ou trop gentillette. Le principal est que les enfants y trouvent leur compte. Et de ce coté-là, je ne me fais pas trop de soucis.

Les voyages de Théodore, tome 1 : Le Mont des brumes, de Susan Shade et Jon Buller, Bayard Jeunesse, 2009. 248 pages. 14,50 euros. A partir de 8 ans si l’on est bon lecteur.




L’info en plus : Le second tome des aventures de Théodore vient de sortir en France sous le titre, L’île de Faravole. Le troisième et dernier est paru aux USA en juillet 2009. A découvrir chez nous l’automne prochain, toujours aux éditions Bayard.

 

jeudi 18 novembre 2010

Sélection officielle Angoulême 2011


Ça y est, les différentes sélections pour Angoulême 2011 sont connues.

Il y a 3 grandes catégories :

La sélection officielle : http://www.bdangouleme.com/competition-officielle

La sélection patrimoine : http://www.bdangouleme.com/competition/selection%20patrimoine%202011/23

La sélection jeunesse : http://www.bdangouleme.com/competition/selection%20jeunesse%202011/24


Petit tour d’horizon et point de vue forcément subjectif et très souvent de mauvaise fois :

La sélection officielle :

Pour la sélection officielle, on est toujours entre « l’hyper-pointu-underground » et le « moyennement-grand-public-pour-montrer-que-la-sélection-officielle-n’est-pas-non-plus-réservée-aux-intellos-et-qu’on-peut-laisser-une(petite)place-à-l’amateur-pas-forcément-éclairé ».

Résultat ? Y a à boire et à manger, comme d’hab. Déjà, sur les 58 titres de cette sélection, il y en a plus de la moitié que je ne connais pas du tout. Pour les autres, je salue la présence de l’excellent Walking Dead et de la superbe série Il était une fois en France qui mérite vraiment d’être soutenue. Saluons aussi le polar picard De briques et de sang (désolé, c’est ma fibre régionale qui parle) et le très réussi Quai d’Orsay. En terme de qualité pure, Le château de sable de Frédéric Peeters me semble loin devant.

Mais si je devais lancer les paris pour les récompenses, je mettrais un petit billet sur Daniel Clowes. Typiquement un auteur et une œuvre faits pour être au palmarès d’Angoulême. Ou alors Pluto, le manga d’Urasawa qui a fait le buzz cette année.

Je note aussi au moins deux erreurs de casting. Manabé Shima de Florent Chavouet qui pour moi est un carnet de voyage mais pas du tout de la BD (même si je me suis régalé en le lisant) et le Bambou de Gaëlle Alméras. Je me réjouis de voir les éditions Diantre dans la sélection officielle mais on ne me fera pas croire qu’il n’y avait pas mieux à mettre parmi toute la production BD de cette année 2010.

La sélection patrimoine :


Alors là, normalement, il n’y a pas photo. Terry et les pirates et Jerry Spring sont loin devant. En espérant que le talent du très grand Jijé soit reconnu à sa juste valeur.

La sélection jeunesse :

Une sélection très intéressante, variée et riche. J’ai adoré Petit Pierrot et pour moi Seuls est la meilleure série jeunesse actuelle. Pour le reste, Le secret du papillon est un bon premier tome, Akissi m’a déçu, le nouveau Spirou du duo Yoann et Vehlmann ne m’a pas emballé, j’ai pas tout compris à Cœur de papier, Prunelle la fille du cyclope n’est pas encore sorti, Game Over reste du Game Over, c'est-à-dire une série d’humour mécanique sans véritable profondeur et Ernest et Rebecca est un très bon titre pour les plus jeunes. Reste les deux poids lourds Naruto et Détective Conan. Des incontournables de la BD jeunesse actuelle dont les chiffres de vente parlent pour eux.

Un pronostic ? Naruto pour la logique et Akissi pour la surprise.

Voila, c’est mon avis et je le partage ! N’hésitez à venir me dire ce que vous pensez de ces sélections dans les commentaires, je serais ravi de connaître votre point de vue.

mercredi 17 novembre 2010

Fais péter les basses, Bruno !

Slimane est un jeune africain doué pour le football. Embobiné par un agent véreux, il arrive en France dans la soute d’un cargo, sans argent et sans papiers.
Zinedine sort de taule. Il a un plan pour se faire un max de fric : braquer un fourgon de la Brink’s avec l’aide de vieux truands rangés des voitures. Mais si le casse se passe bien, il y a embrouille au moment de se partager le magot.
Que vient faire Slimane dans cette galère ? Il débarque comme un cheveu sur la soupe et sera impliqué jusqu’au trognon dans cette histoire pleine de gouaille et de truculence.

Baru s’amuse. Pour lui, cet album sonne comme une récréation, un divertissement nécessaire après la publication de son précédent ouvrage, le très très sombre Pauvres zhéros. Dans Fais péter les basses, Bruno, il oppose deux mondes. Celui des caïds de cités cherchant à se lancer dans le grand banditisme et celui de truands à l’ancienne que Lautner et Audiard n’auraient pas reniés. Pas de place ici pour les demi-sel sans saveur. On fait dans le fort en gueule qui a du tempérament. L’album contient une belle galerie de personnages qui, au final, se révèlent tous plus ou moins attachants. Même les plus demeurés des porte-flingues apparaissent parfois sympathiques.

Au cœur de ce polar déjanté, on trouve la dimension sociale chère à l’auteur : les sans papiers, les petits bleds de province où la classe ouvrière tente d’exister, le match de foot du dimanche qui finit souvent en pugilat…

Le trait de Baru se reconnaît au premier coup d’œil. C’est brut de décoffrage. Ses marlous sur le retour ont par exemple des trognes inoubliables. Sans parler des décors et du choix des couleurs qui créent une ambiance parfaitement adaptée au propos.

Seul petit bémol dans ce concert d’éloges, le rythme endiablé de cette comédie policière offre par moment des concours de circonstance un peu tirés par les cheveux. Et même si on veut déguster l’ensemble avec délectation, l’album se lit trop vite ! Mais ne gâchons pas notre plaisir. Un nouveau Baru est toujours le bienvenu dans une bédéthèque.

Fais péter les basses, Bruno ! de Baru, Futuropolis, 2010. 124 pages. 20 euros.


L’info en plus : Depuis qu’il a remporté le Grand Prix à Angoulême au début de l’année, Baru a vu nombre de ses albums précédents réédités. Rien que cet automne, les éditions Casterman rééditent Quéquette Blues (1ère édition en 1984) et Le chemin de l’Amérique (1ère édition en 1990) tandis que Dupuis ressort de ses tiroirs une intégrale de l’Enragé (1ère édition en 2004). Voila un Grand Prix qui aura permis de mettre un sérieux coup de projecteur sur une œuvre majeure encore trop méconnue.






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lundi 15 novembre 2010

Le fabuleux amour d’Aucassin et Nicolette

Aucassin et Nicolette est une chantefable du XIIIéme sicècle. C’est l’histoire d’Aucassin, fils du Comte de Beaucaire et de sa bienaimée Nicolette, jeune femme achetée aux Sarrasins mais qui est en fait la fille du roi de Carthage. Leur amour est impossible car le jeune homme est issu d’une famille chrétienne et la demoiselle considérée comme musulmane. A l’époque, le récit de leur amour contrarié était sans doute récité et mimé par un jongleur. Il mêlait les vers et la prose, alternant tableaux poétiques et scènes burlesques.

Dans cette adaptation théâtrale pour les plus jeunes, Sylvaine Hinglais et l’illustrateur Tom Schamp racontent l’arrivée des jouvenceaux sur l’île du roi Torelore après le naufrage du navire à bord duquel ils s’étaient enfuis. Il y a six tableaux en tout mettant en scène le roi, la reine, Aucassin, Nicolette et Merliflette, la femme de chambre du roi. Le ton se veut léger, ingénu et drôle tout en abordant des thématiques très modernes telles que la tolérance ou la stupidité de la guerre.

Les tableaux illustrés de Tom Schamp sont sublimes. On pense au Douanier Rousseau et à l’art naïf. Les couleurs sont éclatantes et les détails fourmillent. Quand au texte, il peut très bien être joué par toute la famille : papa fait le Roi et Aucassin, maman joue la Reine et les enfants se partagent les rôles de Nicolette et Merliflette. Pour les enseignants, c’est aussi le genre de lecture-spectacle que l’on peut très facilement mettre au point avec les élèves.

De plus, l’ouvrage en lui-même est un très bel objet-livre présenté dans un format à l’italienne avec un rabat aimanté qui maintient les pages. Sans compter que le prix est raisonnable pour une telle qualité d’édition. Bref, vous l’aurez compris, c’est un coup de cœur que je vous recommande chaudement.

Le fabuleux amour d’Aucassin et Nicolette, de Sylvaine Hinglais et Tom Schamp, Albin Michel jeunesse, 2010. 36 pages. 15,00 euros. A partir de 8 ans.


L’info en plus : Tom Schamp est un illustrateur belge. Il a notamment réalisé pour les plus petits un magnifique Carnavalphabet, défilé joyeux et haut en couleur des 26 lettres de l'alphabet déguisées, de A, qui rit aux éclats, à Z, qui arrive bon dernier quand le carnaval est terminé.