lundi 9 mars 2015

Scipion - Pablo Casacuberta

Anibal, le narrateur, ne parvient pas à régler la question du père. Un père universitaire érudit et célèbre, spécialiste de l’antiquité qui lui a donné le prénom d’un héros carthaginois des guerres puniques. Un père qui n’a eu de cesse de l’humilier et de le rabaisser, un père qui, il en est persuadé, ne l’a jamais aimé. Et même s’il est mort depuis deux ans, la cicatrice est toujours ouverte. Alors qu’une fondation gère l’héritage paternel considérable, le fils, devenu alcoolique, vit dans une pension minable avec un vieillard grabataire comme colocataire. Son seul legs se résume à trois boîtes contenant beaucoup de paperasse dont une lettre lui accordant l’intégralité des biens de son géniteur, mais uniquement s’il parvient à remplir des conditions très contraignantes. Comme un ultime affront, une dernière façon de l’humilier et de le conforter dans sa médiocrité.

J’ai cru au départ à une variation de plus sur les relations père-fils compliquées. Mais c’est beaucoup plus fin. J’ai aimé chez Anibal cette légèreté de ton, cette amertume lucide et cette forme d’autodérision permanente qui, au final, se révèle touchante. Il y a bien quelques digressions à première vue pas indispensables mais l’introspection de ce pauvre homme se devait de passer par quelques séquences plus psychologiques que rocambolesques. La galerie de personnages entourant notre anti-héros vaut son pesant de cacahuètes, de l’avocat retors à l’infirme nymphomane en passant par l’ex-petite amie ayant réussi une brillante carrière.

Difficile de grandir à l’ombre d’un père à l’aura écrasante. Le manque de reconnaissance, la confiance en soi qui s’effrite, l’impossibilité d’assumer un nom trop lourd à porter. Finalement, seul le deuil permettra de transformer la haine et la colère en une certaine forme d’empathie. Un roman à la fois drôle et grave à l’indéniable sens comique. L’occasion pour moi de découvrir la voix singulière de Pablo Casacuberta, un auteur uruguayen que je ne suis pas près d’oublier.

Scipion de Pablo Casacuberta. Métailié, 2015. 262 pages. 18,00 euros.

Les avis de Clara et Nadael








36 commentaires:

  1. Quand je vois "auteur uruguayen" je ne cherche pas, j'inscris direct sur la liste à lire... je n'ai même pas encore cette nationalité sur mon blog, alors tu penses...

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    1. Je ne connaissais que Juan Carlos Onetti comme auteur uruguayen jusqu'alors.

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  2. J'aime bien cette maison d'édition et je n'ai jamais lu d'auteur de cette nationalité alors hop en avant je note :)

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  3. J'aime bien l'argument des deux précédentes, et ma foi, pourquoi pas? ^_^

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    1. "Pourquoi pas" est une raison suffisante, non ?

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    2. Tu vois, j'avais complètement oublié ce billet (hop, en lien) il me semblait bien quand même... Je l'ai trouvé en scrutant les étagères de la bibli sans idée préconçue, et quelle bonne pioche!

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  4. Le pays et le thème m'interpellent...

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    1. On n'en croise pas souvent des auteurs uruguayens.

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  5. Un auteur que je ne connais pas, je vais donc le retenir.

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  6. ce roman est en tête de gondole dans ma médiathèque mais personne ne l'emprunte, et je le retrouve de semaine en semaine sur son présentoir...après ton billet, je vais peut-être lui tendre la main et l'adopter...

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  7. Sandrine me fait rire ! Je croyais qu'elle les avait tous lus !
    Je ne vais pas noter. J'ai l'impression en ce moment de me noyer sous les livres.

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    1. Je suis content de lui avoir fait découvrir un auteur qu'elle ne connaissait pas ;)

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  8. le thème me semblait assez banal, mais s'il est bien traité pourquoi pas!

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  9. Il est sur ma pile, celle qui menace de s'écrouler près de mon lit... Son tour viendra... un jour... peut-être... ^^

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  10. Alors toi, tu as le don de me donner envie avec des textes que je n'aurais pas spécialement remarqués sans ton article.

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    1. C'est vrai ? J'aime avoir ce modeste rôle de prescripteur, surtout avec toi ;)

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  11. Je ne le connais pas (encore), mais en écrivain uruguayen, j'aime beaucoup Carlos Liscano, qui a aussi une voix particulière aussi

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    1. Je ne connais pas celui que tu cites mais je vais aller y regarder de plus près.

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  12. Bon moi aussi au départ quand j'ai vu ton billet, je me suis dit, mouais, thématique relations père-fils, bof, mais les deux dernières phrases de ton billet m'ont fait vaciller. Je ne crois pas encore avoir lu d'auteur uruguayen en plus.

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    1. Si tu veux boucler un tour du monde des écrivains, il va falloir passer par l'Uruguay.

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  13. Un auteur uruguayen, voilà qui change ! Je note.

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    1. Au moins on est certain de sortir des sentiers battus avec un tel auteur.

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  14. J'étais certaine qu'il te plairait!

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    1. C'est vrai, tu me l'avais dit quand j'avais commenté ton billet.

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  15. "cette légèreté de ton, cette amertume lucide et cette forme d’autodérision permanente qui, au final, se révèle touchante."
    Là tu me parles ;-) ça plus L'Uruguay...

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    1. Tu relèves tous les points positifs, c'est bien ;)

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  16. J'ai failli acheter ce livre... et en ai finalement choisi un autre (pas perdu au change d'ailleurs, avec le très beau Bilquiss dont je vais prochainement parler).
    Mais, du coup, il se pourrait bien que je revienne vers ce livre.

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    1. Je ne connais pas du tout bilquiss mais je lirai ton avis avec intérêt ;-)

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    2. Avec plaisir ! Je te donne le lien :
      http://delphine-olympe.blogspot.fr/2015/05/bilqiss-saphia-azzeddine-stock-2015-un.html

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