samedi 2 mai 2015

Quand Galéa me met sur le grill...



Petit jeu de questions/réponses avec Galèa. Je me livre sans révélation fracassante mais sans langue de bois à propos des livres, des blogs et un peu de moi.


http://souslesgalets.blogspot.fr/2015/05/les-blogueurs-parlent-aux-blogueurs-1.html?m=1

mercredi 29 avril 2015

Un homme de joie T1 - David François et Régis Hautière

1932. Sacha a quitté l'Ukraine pour ne pas crever de faim. Il débarque à New York chez un cousin éloigné et se rend compte d'emblée que Big Apple n'est pas la terre promise. Le cousin ne pouvant le loger, il trouve refuge dans une chambre de bonne et doit, en plus de s'acquitter du loyer, sortir les chiens de la proprio récemment décédée. Constatant la difficulté à trouver un emploi sur des chantiers où la main d'oeuvre est bien plus nombreuse que les postes à pourvoir, Sacha est aidé par un mafieux italien à qui il a sauvé la mise un soir, dans une ruelle sombre. Son nouvel « ami », en plus de le faire embaucher comme manœuvre à la construction de buildings, va l'entraîner dans des combines à priori sans danger. A priori seulement...

Un vrai bonheur de retrouver le duo Hautière / François après l'excellentissime « De briques et de sang » ! Sacha est un personnage comme Hautière les aime : un peu gentil, un peu naïf, un peu rêveur, sans ambition démesurée. Un personnage qui se laisse porter par les événements, qui accepte tout ce qu'on lui propose sans calcul ni arrière pensée. Un personnage qui va tomber amoureux, sans doute pour le pire. Typiquement un personnage Hautièrien quoi !

J'adore l'univers graphique de David François, dessinateur bien trop rare et coloriste de talent. Ici ses vues panoramiques de New-York, au pinceau et sans encrage, sont à tomber par terre. Il a su aussi donner à ses personnages des trognes inimitables, loin des canons de beauté que l'on croise habituellement.

Bon, je ne vous cacherais pas mon inquiétude pour Sacha. La dernière phrase de la citation d'Olivier Supiot en introduction « Cette ville est une dévoreuse d'âme » n'est à mon avis pas là par hasard et il ne m'étonnerait pas que le si attachant ukrainien suive une trajectoire similaire à celle d'Abélard. Je peux me tromper (je souhaite me tromper!) mais je ne suis guère optimiste.

Un superbe album en tout cas, de ceux qui vous font regretter de ne pas avoir immédiatement la suite sous la main. La suite et la fin d'ailleurs, puisqu' « Un homme de joie » sera un diptyque.

Un homme de joie T1 de David François et Régis Hautière. Casterman, 2015. 54 pages. 13,95 euros.

Et une lecture commune de plus que je partage avec Mo' et Noukette.

L'avis de Moka




mardi 28 avril 2015

A ma source gardée - Madeline Roth

« On est le 18 août, j’aime un garçon qui en aime un autre, j’attends un enfant de lui, et j’ai mis le premier pull que j’ai trouvé dans l’armoire, alors qu’il doit faire vingt-six degrés, parce que cette nuit, en une seconde, j’ai eu peur de continuer la vie, comme ça. »

Voila, tout est dit. Je spoile à mort mais tant pis, l’intérêt du roman n’est pas selon moi dans l’histoire mais dans son traitement. Jeanne passe toutes ses vacances chez sa grand-mère.  Elle y retrouve Julie, Chloé, Baptiste, Tom et Lucas. « Pas une histoire d’amour. Une histoire d’amitié. Sévère. Inséparables, forcément. Bancals, des failles, des fous rires, des zones d’ombres, des mensonges sans doute, des nuits blanches, des mains, sans cesse dans d’autres mains. » De Lucas, Jeanne est follement amoureuse. Elle va se donner à lui comme elle ne s’est jamais donnée auparavant : « Dès que l’on se retrouvait seuls, Lucas prenait ma main, et puis ma bouche, et puis moi, tout entière. Et c’était la plus belle chose qui m’était jamais arrivé dans ma vie. » Sauf que Lucas n’est pas vraiment celui qu’elle croit et que l’amour absolu qu’elle lui porte n’est, malgré les apparences, pas réciproque.

Je disais que l’histoire comptait moins que son traitement et c’est réellement le sentiment que j’ai eu en refermant ce court roman. Parce que Madeline Roth dit la douleur affective, le chagrin qui vous laboure les entrailles, le vertige de la perte comme rarement je l’ai lu dans un texte pour ados. Le monologue de Jeanne est aussi puissant que lucide, aussi sincère que touchant. Lucas est en elle, partout, tout le temps, cicatrice béante marquant ses chairs au fer rouge, tatouage qui électrise chaque grain de peau et n’a rien d’éphémère. C’est la confession d’un déchirement, avec une fenêtre ouverte sur une possible reconstruction. Mais la trace restera indélébile, quel que soit l’avenir. Magistral.

A ma source gardée de Madeline Roth. Thierry Magnier, 2015. 60 pages. 7,20 euros.

Un titre ramené du dernier salon du livre. J’y étais, évidemment, avec Noukette, nous ne pouvions, évidemment, que le lire ensemble.


L’avis de Moka











lundi 27 avril 2015

Le plancher de Jeannot - Ingrid Thobois

Une ferme du Béarn, petit espace étriqué où une famille vit recluse. Parti en Algérie à cause des « événements », Jean, le fils, doit revenir précipitamment après le suicide du père. Il retrouve sa grande sœur Paule, la narratrice, et leur mère, la Glousse. Dans cette ferme, on accueille le visiteur le fusil à la main. Dans cette ferme, « La porte est verrouillée, le dehors enfermé ». Peu à peu, la glousse se meurt. On la laisse sur sa chaise, près du feu. Après son décès, elle restera assise à la même place durant des semaines avant d’être enterrée dans la maison, sous l’escalier. Au-dessus du « caveau » de sa mère, Jeannot va commencer à graver des mots délirants sur le parquet. Se consacrant à cette tâche nuit et jour, il finira par mourir de faim, à 33 ans.

L’histoire est véridique, le parquet de Jeannot est un plancher de quinze mètre carrés récupéré par le psychiatre Guy Roux en 1993, qui a ensuite circulé dans diverses expositions d’art brut avant d’être acheté en 2002 par un laboratoire pharmaceutique. Il est aujourd’hui visible dans le XIVe arrondissement de Paris, à l’entrée de l’hôpital Sainte-Anne.

 Ingrid Thobois retrace l’existence d’un trio fusionnel sombrant peu à peu dans la paranoïa. Elle décrit le vase clos d’un clan regroupé autour d’une figure maternelle aussi mutique qu’affectivement écrasante dont il est impossible de se séparer, même après la mort : « Qu’ils essaient donc de s’approcher, qu’ils essaient donc de nous l’enlever ». Sans mener une enquête, sans instruire à charge, elle rend leur dignité à ces gens de peu dont la tragédie n’est pour beaucoup, aujourd’hui encore, qu’un simple fait divers, une « péripétie psychiatrique ».

L’écriture est magnifique, pleine de silences et de non-dits. La voix de Paule offre à la destinée familiale des accents poétiques poignants. Elle donne également sens et humanité à la folie de son frère. Un texte ramassé sur lui-même, elliptique, sans un poil de graisse. Un texte que j’ai adoré, ni plus ni moins, typiquement la littérature que j’aime, la littérature qui me parle.

Le plancher de Jeannot d’Ingrid Thobois. Buchet Chastel, 2015. 75 pages. 9,00 euros.

Une lecture commune que je me devais de partager avec Noukette, tant ce livre ne pouvait que nous plaire à tous les deux.


Extrait :

« Qu’est-ce que tu as vu Jeannot, là-bas, en Algérie ?
La jetée du large et son phare à l’endroit où l’eau est sans fond. La terre avant la terre, avant le blanc des pierres. La digue en approchant. En arrivant. Derrière la digue, le port. Derrière le port, la ville. Derrière la ville, le sable et au milieu du sable des villages aux maisons en terre, les murs moins hauts qu’un homme. Et quand tu regardais plus loin : plus rien sinon une ligne toute droite à travers le sable. Pas de route. La chaleur et le froid qui éclatent les pierres à force de se chasser l’un l’autre, et si ça fend la roche ça fend la tête aussi. »











samedi 25 avril 2015

La terre sous les ongles - Alexandre Civico

Une narration à la deuxième personne qui s’adresse à un homme filant sur l’autoroute en direction du sud-ouest : Bordeaux, Bayonne, puis l’Espagne, jusqu’à Cadix. Dans le coffre de sa voiture, un paquet qui « cogne au moindre virage. » On comprend vite que ce voyage signe une rupture avec le quotidien, un retour vers le pays du père. Ce père qui a fui le franquisme pour venir s’installer en France avant de pouvoir y accueillir sa famille. Les chapitres alternent le présent dans l’habitacle de la berline et le passé de l'histoire familiale. De stations-service en bars de province, de parkings de supermarché jusqu'à l'océan, le conducteur se rend là où "la terre se termine", là où il pourra enfin livrer son colis et lui redonner sa liberté...

Un premier roman qui n'a rien d'original mais se lit sans déplaisir. Le Road-Trip aux airs de déjà-vu se tient grâce à une écriture nerveuse, tendue, affûtée comme une lame. Les flash-back sur l'enfance et la trajectoire paternelle apportent un plus au récit, même si, là encore, on navigue en terrain connu. Une réflexion sur l'immigration, l'intégration, la langue, la misère, l'identité, la précarité. Un premier roman à lire d'une traite, entre deux péages (du moins si on est sur le siège passager). Court mais efficace. Court mais prometteur. Par contre, 15 euros pour 85 pages (75 pages même, puisque le texte commence à la page 11), même si je sais que les livres ne se vendent pas au poids, ça me semble excessif, vraiment excessif.

La terre sous les ongles d’Alexandre Civico. Rivages, 2015. 85 pages. 15,00 euros.










vendredi 24 avril 2015

Le Bateau de fortune - Olivier de Solminihac et Stéphane Poulin

Le coffre de la voiture est vide : « pas de serviettes, pas de maillots de bain, pas de pelles, pas de seaux, pas de ballon, pas de bouée de crocodile. » C’est la catastrophe, l’ours Michao à tout oublié ! Bien la peine de se rendre à la plage le premier jour de l’été pour profiter du soleil et se retrouver sans rien pour s’occuper. Pour le Renardeau et la chèvre Marguerite, la déception sera heureusement de courte durée. Parce qu’il existe bien d’autres façons de s’amuser au bord de la mer quand on a oublié d’amener son propre matériel…

Une histoire toute simple qui se singularise par son atmosphère doucereuse. Le vent chaud ébouriffe la dune, le soleil fait plisser les yeux. On a envie d’y être sur cette plage, pour partager les jeux de Michao, Marguerite et Renardeau. Une ode à l’imagination, à l’art de rêver, portée par le texte tout en légèreté d’Olivier de Solminihac et les illustrations splendides du québécois Stéphane Poulin. Chaque double page est un tableau à part entière, éclaboussé d’une lumière absolument incroyable.

Un album un peu hors du temps et des modes, un album à la patine pleine de charme et de délicatesse qui fait du bien, et c’est déjà beaucoup.



Le Bateau de fortune d’Olivier de Solminihac et Stéphane Poulin. Sarbacane, 2015. 28 pages. 15,50 euros. A partir de 5 ans.

L'avis de Syl









jeudi 23 avril 2015

La divine Chanson - Abdourahman A. Waberi

« Un jour, après une course-poursuite mémorable, à bout de souffle, il m’a confié que je suis sa lune. Je lui ai rétorqué qu’il est mon soleil. Nous avons éclaté de rire. Un rire franc et massif, sous les yeux des passants ahuris. Était-il sérieux ou d’humeur taquine, je ne le saurais jamais. Par contre, je peux vous garantir que pas une fois je ne l’ai quitté d’une semelle car le soleil n’est rien sans la lune, et la lune rien sans le soleil. »

Celui qui écrit cela est un chat. Un chat qui parle de son maître, Sammy Kamau-Williams, « pianiste solo, auteur-compositeur, poète, éveilleur de conscience ». Le Djiboutien Abdourahman Waberi signe avec cette « Divine chanson » une biographie très romancée de Gil Scott-Heron (1949-2011), héros de la contre culture américaine, musicien de génie surnommé le Dylan noir et considéré par beaucoup comme l’un des pères du rap. Dans une note d’intention, l’auteur précise qu’il « n’était pas question d’écrire la biographie de Gil Scott-Henderson, l’intéressé s’en est chargé lui-même. » Beaucoup de libertés donc dans cet hommage empruntant « les chemins escarpés de la fiction ».

Paris, le chat confident, l’inséparable ami, relate quelques épisodes marquants de la vie de son « soleil » : ses concerts inoubliables, son enfance difficile dans les jupes de sa grand-mère au fin fond du Tennessee, son engagement politique, sa quête poétique, la fascination qu’il a exercé sur toute une génération d’artistes, mais aussi les démons  qui n’ont eu de cesse de le harceler (drogue, alcool) et l’on conduit à plusieurs reprises derrière les barreaux.

L’écriture est magnifique, tout en lyrisme contenu. La voix du chat, aérienne et subtile, offre une distance où les souvenirs et la nostalgie ne souffrent d’aucune pesanteur. Au-delà du simple portrait, l’auteur propose une réflexion bien plus large sur le monde noir, liant musique et spiritualité, nous emmenant de l’Afrique au Brésil, d’Haïti au sud des États-Unis. Loin du classicisme formel que l’on trouve d’habitude dans ce genre d’exercice, Waberi donne à cette biographie très romancée un air de conte oriental au rythme jazzy imparable.

La divine Chanson d’Abdourahman A. Waberi. Zulman, 2015. 235 pages. 18,50 euros.

PS : l’œuvre écrite de Gil Scott-Heron (roman et mémoires) est publiée en France par les éditions de l’Olivier.

L'avis de Jostein

Extrait :

« Sa voix, jadis forte, qui s’éraille, se grippe et se brise comme au bord d’un sanglot n’en est que plus touchante. Le public, les Noirs surtout, est profondément ému par le personnage squelettique, hirsute, vieilli avant l’âge. Une marionnette suspendue aux phalanges d’un dieu farceur de carnaval : le Baron Samedi qui hante les cimetières du Nouveau Monde.
Ils savent par quoi Sammy est passé. Et si l’alcool et la drogue épaississent ses traits, si le tabac embrume ses cordes vocales, ils lisent sur son masque de revenant une douleur, un passé qu’ils connaissent depuis la nuit de la cale du bateau négrier. »










mercredi 22 avril 2015

Un certain Cervantès - Christian Lax

Mike Cervantès, vétéran d’Afghanistan, a perdu un bras et a été capturé par les talibans au cours d’une mission. Libéré contre une rançon, son retour au pays n’a rien d’un long fleuve tranquille. En plein choc post-traumatique, Mike multiplie les coups de sang et se retrouve derrière les barreaux. C’est là qu’il découvre l’œuvre de son homonyme et s’identifie, par mimétisme, au héros de papier du 17ème siècle en lutte contre les moulins à vent. Une révélation qui va le pousser à se lancer sur les routes afin de combattre les injustices de son époque.

Une jolie transposition que nous propose Lax avec cet album, en soulignant que les combats symboliques de Don Quichotte ont leurs équivalents dans l’Amérique d’aujourd’hui. L’inquisition existe toujours, notamment à travers la censure ou le prosélytisme permanent des télévangélistes, tout comme les croisades menées en terres d’islam, tandis que l’ultralibéralisme, internet et Big Brother n’ont rien à envier à la contre-réforme. Le risque de chercher en permanence des parallèles était de tomber dans des comparaisons tirées par les cheveux. Pour le coup, l’écueil est évité et Lax, après quelques albums plus consensuels, revient à un discours très à gauche pour dénoncer un modèle occidental où la dignité humaine n’a plus sa place et un système broyant les démunis et les petites gens. Je retrouve ici l’auteur engagé que j’avais adoré à l’époque de sa série « Le Choucas ».

Parce que les temps ont quand même (un peu) changé, Rossinante a pris les traits d’une Ford Mustang et Sancho Pança ceux d’un clandestin péruvien. Pour le reste, Mike est le même antihéros poissard et illuminé  que « l’ingénieux chevalier ». Je le reconnais, sa posture altermondialiste a un petit quelque chose de déjà-vu et le propos apparaît par moments un poil simpliste. Mais au fond, ça ne m’a pas gêné. De toute façon, un personnage qui lit Bukowski, Selby, Fante, Buroughs et Eward Abbey trouvera toujours grâce à mes yeux, quels que soient ses défauts.

Graphiquement, le dessin au lavis est parfait pour nous emmener sur la route avec Mike, du sud de Kaboul à New York en passant par l’Arizona.

Un album forcément picaresque et truculent. Indispensable pour tout amateur de Cervantès qui se respecte. Ça tombe bien, j’en suis un.

Un certain Cervantès de Christian Lax. Futuropolis, 2015. 204 pages. 26,00 euros.


Une nouvelle lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Mo'.




La BD de la semaine est
 cette semaine chez Stephie








mardi 21 avril 2015

Géant - Jo Hoestlandt

« Le destin, parfois, est d’une grande cruauté envers les enfants, et les histoires sont pleines de ces destinées que la mort d’un parent vient frapper. Louis ne lisait pas ces histoires, mais elles l’ont rattrapé. »

Après la mort inattendue de son père, Louis doit abandonner sa vie dans les marais et le métier de berger auquel il se destinait. Contraint de partir pour la ville avec sa mère, le garçon va à l’école de temps à autre, mais il préfère effectuer de menus travaux pour gagner un peu d’argent. Avec ses nouveaux copains il apprend les jeux et les codes de la rue, parfois dans la douleur. Et le jour où Sofia, son père Jozef et la petite Maria emménagent sur son palier, Louis ne se doute pas que ces nouveaux voisins vont changer son existence…

J’ai eu la chance de faire venir Jo Hoestlandt dans une classe il y a quelques années et j’avais été frappé par sa douceur, sa gentillesse et son empathie naturelle envers les élèves qui lui faisaient face. Et bien j’ai envie de dire que l’on retrouve un peu de tout ça dans ce roman. C’est un texte assez triste et mélancolique mais est également porteur d’espoir. L’écriture est pleine de sensibilité, à la fois simple et poétique, le ton est juste, la question du deuil abordée de manière subtile, pudique.

Quelque part, « Géant » est un roman initiatique, un roman pour découvrir que le malheur peut aussi aider à grandir, même s’il est toujours difficile de grandir « sans ». Grandir sans l’un de ses parents et grandir sans trahir sa mémoire.

Une belle leçon de vie.

Géant de Jo Hoestlandt. Magnard, 2014. 112 pages. 8,90 euros. A partir de 8 ans.


Une nouvelle pépite jeunesse que je partage avec Noukette.









lundi 20 avril 2015

La dictature des ronces - Guillaume Siaudeau

Parce qu’il a accepté de s’occuper du chien de son ami Henry devant s’absenter pendant un mois, le narrateur débarque sur l’île de Sainte Pélagie. Au bord de la dépression, il voit dans ces vacances tombées du ciel l’occasion de faire le point et de se ressourcer. Mais il va rapidement comprendre que son lieu de villégiature ne ressemble à rien de ce qu’il a connu auparavant. Dès la traversée, le passeur ivre mort donne le ton. A la bibliothèque, tous les ouvrages ont des titres et des sujets déprimants et sont prêtés avec des paquets de mouchoirs. Les vendeurs d’encyclopédie frappent à sa porte à 3h du matin tandis que des avions publicitaires survolent la plage en traînant derrière eux des messages semblant anticiper chacun de ses faits et gestes. Pendant que les autochtones l’invitent à la pêche aux étoiles filantes, un cirque ambulant animé par d’anciens alcooliques anonymes propose un numéro de lancer de couteaux en mousse. Je vous épargne l’épisode de la neige en plein été et celui où un gosse passe ses journées au bord d’une falaise à attendre l’hypothétique retour de son père…

De Guillaume Siaudeau j’avais lu et apprécié le premier roman, « Tarte aux pommes et fin du monde ». J’ai retrouvé ici son univers riche de fantaisie et d’humour décalé, son écriture très imagée et son art de la formule : « J’étais plutôt du genre à ne pas croire au paradis mais à craindre l’enfer. A banaliser la lumière et à sacraliser les ombres. Je ne sais pas si mon pessimisme était à la hauteur de mes problèmes mais il y mettait du sien. » En creux, j’ai trouvé d’une grande justesse le portrait d’un narrateur digne de son époque dans son mal-être et sa fragilité, sa solitude, son manque d’espoir et d’ambition. Un homme aussi lucide que désabusé, capable d’associer une belle dose d’autodérision à une empathie sincère et désintéressée pour les doux-dingues qu’il croise sur cette île mystérieuse. Un homme en plein paradoxe, ressentant avec cette expérience insulaire, « un bien être doublé d’une gêne indescriptible. Le sentiment de ne pas être à [sa] place, mais de manière très confortable. C’était aussi difficile à expliquer qu’à vivre ».

Farfelu mais pas que, loin de là, ce second roman beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît installe Guillaume Siaudeau parmi les jeunes auteurs français à suivre avec le plus grand intérêt. Du moins en ce qui me concerne.

La dictature des ronces de Guillaume Siaudeau. Alma, 2015. 178 pages. 16,00 euros.


Les avis d'Aifelle Blablablamia et Cathulu