vendredi 12 février 2010

Tête de piaf

Il y a Mickey, nounours, Maxime et Pierre. Ceux-là se sont rencontrés par un concours de circonstances peu banal. Il y a aussi Madeleine, Paul, Azznavour et Martine. Tous se retrouvent pour une raison ou une autre chez Jeannine et Robin, au Point du Jour. Dans cette pension de famille accueillante, ces âmes en peine vont se reconstruire. Ensemble, elles vont découvrir les bonheurs simples et la notion de chaleur humaine qu’elles pensaient sans doute ne jamais plus connaître.

Philippe Crognier situe son intrigue sous les cieux bas et gris de Picardie. Entre l’Aisne et la baie de Somme, dans une région au premier abord quelque peu tristounette, il met en scène des autochtones qui ont un cœur gros comme ça. Peut-être est-ce une façon pour lui de réhabiliter cette terre trop souvent dénigrée et qui peut parfois paraître « hostile » aux yeux de ceux qui ne la connaissent pas.

On est loin cependant des poncifs du roman de terroir. L’écriture est ici très elliptique : descriptions succinctes, courts paragraphes et incessants changement de focalisation sur les nombreux personnages. Il y a une certaine exigence vis-à-vis du lecteur. A lui de rester attentif pour ne pas perdre le fil. Le roman est très court. Il se déguste plus qu’il ne se dévore. Il faut l’apprécier à sa juste mesure, avec la sérénité des gens simples et heureux.

Bien sûr, les grincheux vont trouver que ce texte dégouline de bons sentiments. Qu’ils passent leur chemin et replongent dans l’autofiction française actuelle si la neurasthénie est pour eux un gage de qualité littéraire. Pour ma part, je remercie Philippe Crognier de m’avoir fait passer un peu de temps avec des personnages d’une telle humanité.

Tête de piaf, de Philippe Crognier, Éditions Abel Bécanes, 2007. 12 euros.

L’info en plus : les éditions Abel Bécanes sont une micro-structure éditoriale basée dans l’Oise. Il n’y a que six titres au catalogue. Uniquement des écrivains Picards. Cette maison d’édition qui fait du succès commercial de ses titres le dernier de ses soucis veut avant tout permettre à des auteurs peu connus d’avoir la chance de voir leurs textes édités de manière professionnelle. Abel Bécanes n’est pas diffusée dans les librairies. Si vous souhaitez acquérir un titre du catalogue, contactez-moi, je pourrais faire suivre votre demande.



mercredi 10 février 2010

Collection Mini Syros Soon : des histoires de futurs

L’enfaon, d’Éric Simard

Leïla est amoureuse. Mais l’élu de son cœur n’est pas un enfant comme les autres. C’est un HGM, un Humain Génétiquement Modifié. Lorsqu’il n’était encore qu’un embryon, les scientifiques qui l’ont conçu ont détecté en lui une maladie très rare, mortelle chez l’homme mais inoffensive chez les cerfs. Ils lui ont donc injectés des gènes de cerf. Il est ainsi devenu un mélange d’enfant et de faon que l’on a baptisé L’enfaon. Mais être un élève différent dans une école « normale », c’est loin d’être un cadeau…

Robot mais pas trop, d’Éric Simard

Adam vit dans une maison entièrement robotisée : on déclenche la chasse d’eau en chantant, le lit se transforme en toboggan lorsque l’on crie « Tarzan » et un robot vous déshabille quand il est l’heure d’aller se coucher. Il y aussi Nestor, un serviteur androïde programmé pour répondre aux besoins des humains. Le problème, c’est que beaucoup d’appareils sont détraqués. Alors quand le directeur de l’école et sa femme s’invitent chez Adam pour prendre le thé, la situation devient vite incontrôlable !

Le Très Grand Vaisseau, d’Ange

Le TGV (Très Grand Vaisseau) a quitté la Terre en quête d’un monde meilleur il y a plus de 800 ans avec à son bord, 3000 « passagers ». Guillaume y est né il y a dix ans. Et comme tous ses congénères, il connaît les consignes par cœur : ne jamais poser de questions sur l’Organisation qui dirige le vaisseau ; ne jamais ouvrir les portes rouges ; ne jamais accéder au niveau 0, celui des pilotes. Mais le jour de son anniversaire, Guillaume va enfreindre ces trois consignes…

A la poursuite des Humutes, de Carina Rozenfeld

Certains humains deviennent sans raison des mutants dotés de superpouvoirs. On les reconnaît à la bosse qui s’est formée sur leur nuque. Les mutants sont pourchassés sans merci par les hommes « normaux » qui les enferment dans des prisons gigantesques dont personne ne ressort jamais. Le jeune Tommy a du mal à comprendre cette haine envers les mutants. Son incompréhension s’est peu à peu transformée en terreur depuis qu’il a senti pousser une légère excroissance à l’arrière de son cou.

Voila une nouvelle collection jeunesse franchement intéressante. La collection Soon existe chez Syros depuis 2008. Elle regroupe des romans d’anticipation en grand format pour adolescents. La collection Mini Syros Soon, qui voit le jour en ce début d’année 2010, est en quelque sorte la petite sœur de Soon. Son catalogue propose des titres destinés aux 9-10 ans dans un format poche au prix riquiqui de 2,95 €. Le cahier des charges est identique à celui des autres séries Mini Syros (Romans, Polar, paroles de conteurs) : un genre commun (la science fiction), moins de 50 pages, des chapitres très courts, un même illustrateur pour toutes les couvertures…
Et il faut bien reconnaître que cela fonctionne. Tout d’abord, c’est idéal pour les « petits lecteurs », ces enfants qui ont quelques difficultés en lecture ou qui ne voient tout simplement aucun intérêt dans cette activité. Avec un texte de 40 pages que l’on va lire en vingt minutes maximum, pas le temps de se fatiguer ou de s’ennuyer (pour peu que le contenu nous intéresse, évidemment). De plus, les thèmes abordés interpellent, ils peuvent être source de questionnements et de débats (la génétique, la différence, les évolutions technologiques, l’état de la planète…). Enfin, le coût d’achat ne devrait pas être une barrière pour les parents qui ont quelques soucis financiers. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut acheter un livre neuf qui coûte moins cher qu’un Big Mac (j’ai suffisamment dénoncé le prix excessif des livres dans certaines chroniques précédentes pour ne pas encourager l’effort qui est fait ici !).

Je salue donc avec plaisir la naissance de cette nouvelle collection de littérature jeunesse et lui souhaite une longue vie !

Collection Mini Syros Soon : des histoires de futurs, édition Syros, 2010. 2,95 euros. A partir de 9 ans.

L’info en plus : Deux autres titres viennent compléter le lancement de la collection. Il s’agit de L’enfant-satellite de Jeanne-A. Debats et Opération « Maurice » de Claire Gratias.

mardi 9 février 2010

Les gaulois expliqués à ma fille

J’ai reçu ce livre dans le cadre de l’opération Masse critique organisée par le site Babelio. En plein débat sur l’identité nationale, une telle lecture m’apparaissait tout à fait appropriée. Bien sûr j’aurais pu craindre une présentation « vieille France » de nos ancêtres les Gaulois comme celles qui illustraient les manuels scolaires de la première moitié du XXème siècle. Mais dans une publication de 2010 éditée au Seuil, de telles craintes n’ont aucun fondement. J’aurais par contre aimé en savoir un peu plus sur l’auteur. Certes, la bibliographie présente en fin d’ouvrage ne laisse planer aucun doute sur les connaissances de Jean-Louis Brunaux en matière de civilisation gauloise, mais une petite biographie aurait néanmoins été bienvenue pour faire plus ample connaissance avec l’auteur.


Le principe de la collection « expliqué à », est extrêmement simple : tout fonctionne sous forme de questions/réponses. En l’occurrence dans ce volume, c’est une enfant qui pose des questions à un historien. Parmi les autres titres de la collection, on peut noter Les barbares expliqués à mon fils, Les origines de l’homme expliqués à nos petits enfants ou encore Les machos expliqués à mon frère.

Le découpage en chapitres permet d’organiser clairement les propos échangés. Les réponses sont courtes (rarement plus d’une page) sans être lapidaires. Le vocabulaire est précis sans être trop technique. Bref, c’est un véritable effort de vulgarisation réalisé par l’historien qui a conscience de s’adresser à une jeune fille, mais qui ne veut pas pour autant infantiliser son discours. Quelques remarques tout de même concernant la mise en page. Des illustrations disséminées au fil de l’ouvrage auraient aéré le texte qui, de prime abord, apparaît assez dense. De plus, un glossaire et un index auraient enrichis grandement l’ensemble et permis de plus facilement retrouver les différents thèmes abordés dans les chapitres. Mais ce ne sont là que quelques détails.

Alors, que retenir de cette discussion à bâtons rompus sur nos ancêtres les gaulois ? Du coté de l’anecdote, j’ai découvert la passion qu’avaient les guerriers pour les têtes de leurs ennemis tués au combat. On les accrochait à la façade des maisons, comme des trophées de chasse et on se les transmettait de père en fils, une sorte d’héritage à entretenir et une collection familiale à agrandir pour les enfants. Pour ce qui est de la grande histoire, un constat s’impose : les gaulois ont quasiment disparus de notre imaginaire collectif. D’une part, le mot « gaulois » s’est peu à peu effacé au profit de l’appellation « peuples celtes », et d’autre part, les français se considèrent plutôt comme des descendants de Charlemagne et des Mérovingiens. Vercingétorix est devenu une lointaine figure à laquelle on s’identifie de moins en moins. Bien sûr il reste Astérix pour entretenir la flamme gauloise dans la société française, mais je doute que cela soit suffisant. Quoi qu’il en soit, pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’histoire gauloise, la vie quotidienne, l’art de la guerre, les druides, les dieux et la civilisation en général, la lecture de ce petit livre s’avère indispensable.

Voila un ouvrage qui a toute sa place dans un CDI de collège. Il sera fort utile pour les élèves de 6ème qui abordent ce sujet dans le programme d’histoire. Dans le cadre de la sphère familiale, l’achat de ce titre sera sans doute à réserver aux enfants passionnés par le sujet ou aux parents qui voudraient renforcer leurs connaissances sans avoir à se farcir des publications universitaires plus épaisses qu’une côte de bœuf.

Les gaulois expliqués à ma fille, de Jean-Louis Brunaux, édition Seuil Jeunesse, 2010. 8 euros.

L’info en plus : Jean-Louis Bruneaux a publié début 2009 un ouvrage au format poche intitulé Les druides : des philosophes chez les barbares dans la collection Points Histoire. Pour ceux qui voudrait approfondir leurs connaissances sur les gaulois avec un titre forcément moins vulgarisateur mais sans doute tout aussi intéressant.

lundi 8 février 2010

Jonah Hex T1 : Le colt de la vengeance

Jonah Hex a été vendu par son père à une tribu apache alors qu’il avait treize ans. Éduqué à la dure par les indiens, il rejoint les confédérés pendant la guerre de sécession. De retour dans le camp apache après-guerre, il est défiguré par le chef de la tribu après avoir tué le fils de ce dernier. Dès lors, Jonah Hex sillonne seul l’ouest américain et devient chasseur de primes pour gagner sa vie. Ses talents de tireur et sa « gueule » inimitable en font une sorte de légende dont la seule évocation du nom fait frémir les despérados les plus endurcis.

Tous les clichés du western sont ici présents : le cow-boy solitaire fine gâchette, les saloons enfumés, les filles faciles, les rues poussiéreuses des villes champignons et la justice rendue sommairement. Il y a aussi et surtout une violence permanente, l’absence totale d’états d’âme chez la très grande majorité des protagonistes et des hectolitres de sang versés au fil des pages. Le héros est lui-même un tueur méthodique qui ne laisse transparaître aucune once d’humanité. Il n’y a peut-être que dans la première histoire du recueil que l’on décèle chez lui un semblant d’émotion (en même temps, c’est normal puisqu’il doit euthanasier un enfant agonisant dont les souffrances sont devenues insupportables. On peut comprendre que cet acte le bouleverse profondément !).

La série originelle publiée par DC Comics date de 1972. Dans ce volume sont réunis les douze premiers épisodes d’une nouvelle série publiée depuis 2006 aux Etats-Unis. Pour chaque épisode, le schéma est immuable ; un épisode complet en 22 pages. Tout cela ressemble beaucoup à une série télé. Le problème, c’est que chaque épisode est illustré par un dessinateur différent. Or il n’y a pas vraiment d’homogénéité graphique et c’est un souci pour la cohérence du recueil. Le fait qu’il n’y ait aucune continuité scénaristique entre les histoires ne plaide pas non plus en faveur de l’ensemble. Résultat : les épisodes sont aussi vite lus qu’oubliés.

Les amateurs de violence (presque) gratuite et les fans de western spaghetti y trouveront surement leur compte. Pour ma part, je préfère me replonger dans la lecture de la série Durango d’Yves Swolfs. Décidément, même si je ne déteste pas m’égarer sur les chemins inconnus des comics ou des mangas, je reviens toujours à cette bonne vieille BD franco-belge qui me berce depuis l’enfance. Que voulez-vous, on ne se refait pas !

En conclusion, ce Jonah Hex m’aura laissé de marbre. Mais après tout, quoi de plus normal pour un personnage aussi froid.

PS : Je vais encore pousser un coup de gueule contre le prix exorbitant de cette publication. Les quelques lecteurs réguliers de ce blog (on peut les compter sur les doigts d’une main !) savent que je peste régulièrement contre le prix trop élevé de certains livres. Mais là franchement, 29 euros pour un recueil broché au dos collé carré, il ne faut pas se moquer du monde. Bien sûr, il y a près de 250 pages, bien sûr l’éditeur annonce fièrement sur son site que « ce titre inaugure une nouvelle ère pour la collection Big Book, celle d'un papier de qualité supérieure », il n’empêche. Aux Etats-Unis, les Trade Paper Backs (Réédition en intégrale des fascicules parus individuellement) de Jonah Ex réunissent seulement 6 épisodes pour moins de 15 dollars. Pourquoi n’avoir pas publié un recueil identique en France. Cela m’aurait suffi pour voir que cette série ne me convenait pas et j’aurais économisé 15 euros.

Jonah Hex T1 : Le colt de la vengeance, de Justin Gray et Jimmy Palmiotti, Éditions Panini Comics, 2010. 29 euros.

L’info en plus : En juin 2010 doit sortir aux Etats-Unis un film tiré du comics. C’est Josh Brolin qui tiendra le rôle de Hex. Le casting réunit également Mégan Fox et John Malkovic. Je ne pense pas que je courrais le voir…



dimanche 7 février 2010

Petit Pierrot T1 : décrocher la Lune

Petit Pierrot est un rêveur. Il ne vit pas de grandes aventures, n’affrontent pas des monstres poilus ou des ennemis sanguinaires. Son monde est celui d’une enfance pleine de poésie et d’interrogations à la fois simples et pertinentes. Fasciné par la Lune (quoi de plus normal quand on s’appelle Pierrot ?), il ne se lasse pas de la contempler et imagine avec elle les jeux les plus surprenants. Il dialogue avec son animal de compagnie, un escargot qui représente en quelque sorte le monde des adultes et tente parfois de le ramener à la réalité. Difficile d’en dire plus sans en dire trop. C’est un regard plein de tendresse sur l’enfance, ce moment de la vie qui fleure bon l’innocence et où tout semble possible.


Le couple humain/animal de compagnie n’est certes pas nouveau en bande dessinée : Snoopy et Charlie Brown, Boule et Bill, Calvin et Hobbes, Lucky Luke et Jolly Jumper… Mais l’escargot est à ma connaissance une première. C’est un peu le Jiminy Cricket de Petit Pierrot, tenant à la fois le rôle du confident et de la bonne conscience.

Cet album au format atypique (27x25 cm) est un recueil de petites scènes de deux pages maximum. On y trouve aussi de magnifiques illustrations pleine-page qui feraient à n’en pas douter de magnifiques ex-libris dignes des plus beaux travaux de Roba en la matière. Graphiquement, le personnage de Varanda me rappelle le Jojo de Geerts : un gamin en culotte courte avec une tête proéminente et un regard malicieux qui vous fait fondre. Les couleurs aux tons sépia accompagnent parfaitement le dessin. Bref, voila un bel objet-livre (papier épais, cahier cousu..) qui comblera aussi bien les parents que les enfants.

Deux petit bémols toutefois : il manque le dos toilé qui aurait vraiment donné un plus à l’ensemble (il faut dire que je suis un fan absolu des dos toilés !) et le prix est un peu excessif et constituera un frein pour beaucoup d’acheteurs potentiels. J’avais déjà fait cette remarque à propos des Comptines malfaisantes chez le même éditeur. Il faut croire que les éditions Soleil ont choisi de mettre en œuvre une politique commerciale sur ce type de collection pour la jeunesse qui pourrait se résumer par le slogan « c’est beau mais c’est cher ».

Quoi qu’il en soit, dans le cas du Petit Pierrot, l’investissement me paraît justifié. Rangé en évidence dans la bibliothèque familiale, ce bel album fera partie de ceux que l’on prend plaisir à relire régulièrement. Et en ce qui me concerne, il n’y en a pas tant que ça.

Petit Pierrot, d’Alberto Varanda, éditions Soleil, 2010. 17 euros.

L’info en plus : Petit Pierrot est né sur un blog (http://petitpierrot.vefblog.net/) en juin 2008. Une belle occasion pour ceux qui auront découvert ce petit bonhomme grâce au livre de continuer à profiter de son univers si attachant sur la toile.




jeudi 4 février 2010

Les enchantements d'Ambremer

Voila un roman difficile à résumer. Disons que l’action se passe dans le Paris de la Belle Époque : chapeaux melon, corsets et jupons, les premières voitures, les grands boulevards et la Tour Eiffel. Sauf que cette dernière est en bois blanc, que des sirènes se baignent dans la Seine et que l’on peut croiser au coin des rues des chats ailés, des arbres philosophes ou des magiciens tels que Louis Denizart Hippolyte Griffont, le personnage principal de cette drôle d’aventure. En s’intéressant de trop près à un trafic d’objets enchantés, Griffont va s’embarquer dans une enquête palpitante et pleine de danger où se côtoient un antiquaire malhonnête que l’on rend amnésique, un diplomate mondain assassiné, des russes massacrés, des gargouilles sanguinaires et surtout la très séduisante Isabelle de Saint-Gil, qui n’est autre que sa propre femme dont il était sans nouvelle depuis plusieurs années.

Comment rendre crédible un univers aussi décalé et improbable ? La réponse est simple, il suffit de s’appeler Pierre Pevel et d’être un des maîtres de l’uchronie à la française. Franchement, le pari semblait au départ difficile. Et Pourtant… Parce qu’il connaît sur le bout des doigts la mécanique des romans d’aventure, parce que ses descriptions sont si réalistes que même une conversation entre un homme et un arbre dans un parc parisien semble naturelle et surtout parce que son ambition première est d’embarquer le lecteur dans un pur divertissement, Pierre Pevel réussit à rendre ses personnages et son intrigue plausibles. Surtout, il a ce talent rare qui permet d’amener les différents événements avec fluidité en alternant les séquences « calmes » (dialogues et descriptions), les scènes d’action et les coups de théâtre.

Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il y a quelques ellipses malvenues et la fin n’est pas convaincante. Mais peu importe. La copie rendue mérite largement une belle mention. Hommage à Gaston Leroux, à Dumas ou encore aux grands feuilletonistes (Eugène Sue, Ponson du Térail ou Paul Féval), Les enchantements d’Ambremer signe le renouveau d’un genre que le regretté Frédéric H. Fajardie fut l’un des premiers à relancer avec succès en 2001 avec Les foulards rouges.

Je ne peux que conseiller à ceux qui ont découvert et apprécié Pierre Pevel avec ce roman de se jeter sur la trilogie Wieldstadt qui, à mes yeux, constitue à ce jour son travail le plus abouti.

Les enchantements d’Ambremer, de Pierre Pevel, Éditions Le pré aux Clercs, 2003. 350 pages. 15,90 euros.

L’info en plus : Les enchantements d’Ambremer ont connu une suite en 2004 intitulée L’Élixir d’oubli. Une belle occasion de retrouver Griffont et Isabelle de Saint-Gil dans le Paris des merveilles. Malheureusement, cet ouvrage n’est pas encore paru en poche et il est épuisé chez son éditeur d’origine (Le pré aux Clercs). Il doit cependant encore être possible de se le procurer chez un bouquiniste, sur une brocante ou un site internet spécialisé. Personnellement, un exemplaire est bien au chaud dans ma PAL !

mercredi 3 février 2010

Moi et Rien


C’est l’hiver. Lila est une petite fille que les autres enfants trouvent bizarre. Sa maman est partie dans le ciel et son Papa a des soucis. De toute façon, il n’est presque jamais là. C’est Madame Nellis qui s’occupe d’elle. Pour Lila, rien n’est important si Rien reste avec elle. Rien est un personnage imaginaire qu’elle s’est inventée pour tromper l’ennui et surmonter sa tristesse. Quand le printemps arrive, Lila plante les fleurs préférées de sa maman dans le jardin. Grâce à ces pavots bleus de l’Himalaya, la petite fille va renouer les liens avec son père et vivre une très belle saison.


Moi et Rien est un album d’une grande sensibilité. La mort de la mère ne fait aucun doute, mais elle est plus suggérée qu’affirmée clairement : « Pourquoi ne suis-je pas partie avec Maman dans le ciel ? Elle doit être sur l’Himalaya maintenant ». C’est une réflexion sur le travail de deuil, sur la façon de surmonter une épreuve aussi lourde pour un enfant. A cet égard, le rôle du printemps est fondamental : c’est le symbole du renouveau, le début d’une possible reconstruction.

La mise en page est « éclatée », avec une relation texte/image très variable d’une page à l’autre : deux illustrations et deux blocs-texte ; une illustration et un bloc-texte ; une illustration et deux blocs-texte ; une illustration pleine page. La seule illustration pleine page de l’album représente le moment le plus important, celui des retrouvailles entre le père et sa fille. Les illustrations sont enfantines, comme-ci Lila avait voulu dessiner elle-même les passages de son récit à la première personne. La petite fille est toujours représentée de la tête aux pieds, il n’y a que des plans larges et des plans d’ensemble, ce qui renforce le coté enfantin. Les couleurs sont quand à elles très froides, ternes.

Au final, cet album propose de traiter le deuil avec douceur et beaucoup d’intelligence. Un ouvrage à connaître et à recommander à ceux qui ne savent pas comment aborder avec leurs enfants le thème si particulier de la mort d’un proche.

Moi et Rien, de Kitty Crowther, L’école des loisirs, 2003. 5,50 euros. A partir de 8 ans.

L’info en plus : Le talent de Kitty Crowther a une fois de plus été reconnu à sa juste valeur puisque son dernier livre, Annie du lac, vient de remporter le prix Baobab de l’album au salon de Montreuil 2009. Plus d’informations ici : http://www.salon-livre-presse-jeunesse.net/I_05_01_bao.php



Chronique réalisée dans le cadre du challenge Lectures d'écoles et du challenge Les mercredis de l'album.



lundi 1 février 2010

L’ombre de ce que nous avons été


Santiago du Chili. Un tourne-disque jeté par la fenêtre au cours d’une dispute conjugale fracasse le crâne d’un passant quelques mètres plus bas. Ce passant n’est pas n’importe qui. Il s’appelle Pedro Nolasco Gonzalez. A 70 ans, cet anarchiste est une légende vivante, plus connu sous le sobriquet du Spécialiste.


Dans un hangar, trois sexagénaires se retrouvent, de retour d’exil 35 ans après le coup d’état de Pinochet. Ces anciens militants d’extrême gauche attendent le Spécialiste. Il doit leur proposer de participer à une action révolutionnaire. Evidemment, le Spécialiste ne viendra jamais. Celui qui se présente à sa place n’est pas un inconnu, mais c’est loin d’être une flèche…

Roman de l’exil, du déracinement et du temps qui passe (le titre résume merveilleusement l’ensemble !), ce texte se distingue par sa truculence et ses fulgurances littéraires. Ces papys tiennent plus des Pieds Nickelés que des grands héros révolutionnaires. Il ne leur reste que des souvenirs, et c’est déjà beaucoup. Sepulveda porte un regard plein de tendresse sur ces compatriotes qui lui ressemblent tant (proche des jeunesses communistes, il fit deux ans de prison sous Pinochet avant de s’exiler en Allemagne puis en Espagne).

Il dresse une galerie de personnages secondaires plus touchant les uns que les autres : un vieil inspecteur humaniste au grand cœur, sa jeune collègue pleine de bonne volonté ou encore cette femme qui regrette amèrement son exil berlinois et ne vit que grâce aux doux souvenirs laissés en Europe. Et puis il y a la ville. Santiago est un personnage à part entière Noyée sous les trombes d’eau pendant tout le roman, elle vit, elle aussi, avec la mémoire de sa grandeur passée. Aujourd’hui terne, sale, s’étant développée en dehors de tout contrôle, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même.

Sepulveda aurait pu faire de son texte une mélopée d’une insondable tristesse. Il a choisi au contraire de traiter son sujet avec humour et de dérouler cette prose jubilatoire qu’il maîtrise si bien. A consommer sans modération.

L’ombre de ce que nous avons été, de Luis Sepulveda, Métailié, 2010. 150 pages. 17 euros.

L’info en plus : les éditions Points profitent de la sortie de ce nouveau roman pour publier en poche deux titres du grand auteur chilien. Le monde du bout du monde est paru pour la première fois en France en 1993. Réédité en poche dès 1995, il n’était plus disponible dans ce format depuis quelques années. La lampe d'Aladino et autres histoires pour vaincre l'oubli est l’avant dernier roman de Luis Sepulveda. Il paraitra pour la première fois en poche au mois de mars. Une belle occasion de compléter la bibliographie de ce magnifique romancier à moindre coût.

mardi 26 janvier 2010

Un bol plein de bonheur

Osaka, dans les années soixante. Ne supportant plus un mari alcoolique et joueur invétéré, Kazuo quitte le domicile familial avec Iroshi, son fils d’à peine 10 ans. Commence alors pour cette mère célibataire une existence rude faite d’efforts et de sacrifices pour donner à son enfant la meilleure éducation possible. « Je ne cède devant rien ni personne ». C’est avec cette maxime chevillée au corps qu’Iroshi et sa mère vont redoubler d’efforts et affronter avec une volonté de fer un quotidien parfois difficile. Le manga couvre en un volume plusieurs décennies de vie commune et se termine alors qu’Iroshi, devenu adulte et père de famille, enterre cette mère admirable qui lui aura tout donné sans jamais se plaindre.


L’entreprise de départ est noble. Montrer l’abnégation d’une mère célibataire prête à tout pour transmettre à son fils les valeurs morales nécessaires à faire de lui un homme bon, respectueux de soi et des autres est une idée remarquable et relativement originale. Cependant, la mise en scène de ce louable combat maternel sombre vite dans un pathos excessif. C’est essentiellement au niveau du dessin que le bât blesse. Les traits manquent de finesse, surtout pour les visages. Il y a énormément de gros plans où les expressions semblent forcées, très peu naturelles. On voit aussi couler beaucoup de larmes, des torrents entiers qui s’écoulent le long des joues et sous le nez. Là encore, la représentation des pleurs se veut grandiloquente, sans doute pour renforcer le caractère dramatique de la scène. Malheureusement, cela confine parfois au ridicule.

Vous l’aurez compris, le reproche majeur que je fais à ce manga est son manque de finesse. Le mélo atteint un paroxysme qui, en devenant outrancier, ne me touche plus.

Tsuru Moriyama a voulu réaliser un hymne aux mères courage qui n’hésitent pas à assumer seule l’éducation de leurs enfants. C’est une magnifique intention, mais je n’ai personnellement pas été embarqué dans ce drame trop larmoyant à mon goût.

PS : j’aimerais beaucoup avoir l’avis d’autres personnes sur ce manga car je pense que mon manque de sensibilité congénital (je n’ai jamais pleuré devant Bambi !) m’empêche sans doute de saisir toute l’intensité de ce drame. Ne vous fiez donc pas trop à mon opinion tranchée, il se pourrait bien qu’elle ne soit pas représentative de l’avis général.

Un bol plein de bonheur, de Tsuru Moriyama, Éditions Delcourt, 2010. 7,50 euros.

L’info en plus : La collection Gingko-Akata dans laquelle est publié ce manga est une collection qui s’adresse aux jeunes adultes en proposant des mangas de qualité très éloignés des blockbusters que l’on trouvent chez les grands éditeurs français de manga. C’est une collection qui est devenue prestigieuse grâce à son catalogue éclectique et souvent exigeant. On y trouve beaucoup de One Shot (Je ne suis pas mort, Le dernier été de mon enfance, Un bol plein de bonheur…), ce qui comble les lecteurs occasionnels de manga qui, comme moi, ne veulent pas s’embarquer dans des séries interminables. Bref, une collection qui vaut vraiment le coup d’œil.



dimanche 24 janvier 2010

Demain les fleurs

Le narrateur est un jeune garçon qui vit avec son grand-père. Ils passent leur premier hiver ensemble. Le temps est glacial. Chaque jour, le grand-père touche le pommier du jardin et lui murmure ces quelques mots : « demain les fleurs ». Malgré le froid et la neige, malgré le ciel gris et bas, le vieil homme reste serein car il sait que le printemps va finir par arriver. Pourtant, le 21 mars, rien n’a changé. Aucun bourgeon, aucune fleur. L’enfant et son grand-père partent voir les maisons voisines et constatent que toutes sont vides. Ne supportant plus la situation, le grand-père décide de créer ses propres fleurs pour appeler le printemps…

Un constat s’impose lorsque l’on referme ce court album : ce texte relève pour l’essentiel de l’onirisme et du rêve. Il y flotte une atmosphère éthérée, pleine de poésie. Les illustrations d’Anne Brouillard (ça ne s’invente pas !) donnent une impression de flou artistique qui renforce le caractère onirique de l’ensemble. Les enfants habitués à lire des textes réalistes auront peut-être quelques soucis de compréhension et pourront passer à coté des aspects poétiques et fantastiques. D’où l’importance de les accompagner dans leur lecture pour qu’ils puissent également saisir les thèmes sous-jacents abordés par cet album : la perte d’un être cher, la vieillesse ou encore les problèmes environnementaux (et si les saisons disparaissaient, si la Terre faisait payer aux hommes leur comportement irresponsable).

Finalement, on ouvre ce livre comme on entre dans un rêve : la réalité s’estompe peu à peu et tout peut arriver. Thierry Lenain a l’intelligence de ne pas tomber dans la facilité en ne terminant pas son récit avec la mort du grand-père. Au contraire, sa fin optimiste, qui semble refermer une parenthèse, offre au jeune lecteur un nouvel espoir : tous les hivers se terminent un jour, et le printemps si doux et si régénérant reviendra toujours apaiser les blessures.

Demain les fleurs, de Thierry Lenain et Anne Brouillard, Nathan, 2008. 6,50 euros. Dès 8 ans.

L’info en plus : La première édition de Demain les fleurs est parue en 2000 dans un grand format cartonné au prix de 12 euros. Suite à la sélection de ce titre dans la liste officielle du Ministère de L’Éducation Nationale en 2007, Nathan a choisi de le rééditer dans un format souple plus petit et surtout deux fois moins cher (6,50 euros). Une décision intelligente pour permettre aux écoles souhaitant le faire lire à leurs élèves de l’acquérir à moindre prix.

Un lien vers l'exploitation pédagogique de l'album proposée par l'éditeur : http://thierrylenain.hautetfort.com/media/00/00/2020597478.pdf



jeudi 21 janvier 2010

Les Pozzis T1 : Abel

Qui sont les pozzis ?


Les pozzis mesurent vingt centimètres. Ils ont une corne au milieu du front. Ils portent tous des robes dont ils peuvent changer la couleur et les motifs selon leur volonté. Ils vivent dans des grottes et se nourrissent uniquement de potage. Le chef des pozzis a une robe noire qui ne peut pas changer de couleur. Un pozzi vit en général plus de 200 ans. Leur pays est formé d’un immense tapis de mousse verte sur lequel se trouvent des lacs. A la lisière du pays des pozzis, il y a le Lailleurs où ne nul ne s’aventure parce que le Lailleurs fait trop peur.

Voila pour les présentations.

Abel est un pozzi différent des autres. Il ne sait pas changer de couleur de robe quand bon lui semble et il n’est pas doué pour construire des ponts, l’activité principale de ses congénères. Abel est un peu la risée de tous. Pourtant, un soir, son comportement étrange va attirer l’attention du chef. Et si Abel avait le Don ? S’il était un extralucideur, celui qui voit au-delà de Lailleurs et peut prévoir l’avenir ?

Ce petit monde ne vous rappelle rien ? On ne peut s’empêcher, à la lecture de ce premier tome, de faire un parallèle avec les schtroumpfs :

1) ce sont de petits êtres identiques qui vivent en communauté.
2) leur société est très hiérarchisée et chacun rempli un rôle précis : il y a les fabricateurs et assembleurs de briques, les réparateurs de ponts, les préparateurs de poudre à potage, les tisseurs de tapis, les constructeurs d’outils, de meubles ou d’instruments de musique…
3) ils ont un chef à l’habillement particulier qui représente une figure tutélaire que chacun respecte et écoute.

Ces points communs entre schtroumpfs et pozzis ne desservent pas le texte de Brigitte Smadja. Il n’y a ici aucun plagiat. L’univers reste original et inventif. Et force est de reconnaître que « ce livre pour les enfants qui aiment déjà lire tout seul », comme le précise l’éditeur, est adapté au lecteur : personnages attachants et rigolos, vocabulaire simple, déroulement linéaire de l’action qui s’étale sur deux jours sans rupture temporelle… Un souci toutefois avec l’absence de chapitres qui ne permet pas à l’enfant de « découper » sa lecture de manière cohérente (car il est évident qu’un enfant de 7 ou 8 ans ne lira pas cet ouvrage de 80 pages en une seule fois).

Livre traitant de la différence et du manque de confiance en soi, ce texte positif est également une belle invitation à découvrir le monde si particulier de ces drôles de créatures que sont les pozzis.

Les Pozzis T1, de Brigitte Smadja, L'école des loisirs, 2010. 8,50 euros. A partir de 7 ans.

L’info en plus : Le deuxième volume des Pozzis, intitulé Capone (le nom du chef) est sorti en même temps que le premier. Une belle occasion de faire coup double en achetant les deux à la fois pour que le lecteur (petit ou grand) qui a apprécié la première histoire puisse se lancer sans attendre dans la seconde. C’est une initiative intelligente de la part de l’éditeur et c’est assez rare pour être signalé.

dimanche 17 janvier 2010

Trop top Linotte ! T1

Linotte est une petite fille espiègle, positive et qui cherche toujours à avoir le dernier mot. Elle a son propre poney, le grassouillet Pimpon qui est son meilleur ami et qui apparaît dans chaque gag de l’album. Il y aussi les copines Anne-Sophie et Chloé, sans oublier Kevin, le garçon qui fait chavirer le cœur de toutes les filles de la classe. Un univers moderne et plein de tendresse pour une série s’adressant essentiellement aux petites filles qui savent déjà lire et aiment les poneys (ça fait beaucoup de lectrices potentielles !). A noter que les aventures de Linotte sont publiées chaque mois dans la revue Les P’tites sorcières


Que dire de cette petite Linotte ? Commençons par les points négatifs. J’avoue que j’ai beaucoup de mal avec le dessin. A mon époque (début des années 80), on découvrait la BD avec Roba, Morris, Peyo ou Franquin. Pour le coup, les séries d’aujourd’hui destinées aux plus jeunes ne peuvent pas soutenir la comparaison au niveau du dessin : Ludo, Karma, Oscar ou encore Sac à puces ne sont pas des réussites au niveau graphique. Seuls Geerts avec Jojo ou Laudec avec Cédric proposent un dessin classique proche des grands anciens. Dans le cas de Linotte, je trouve le dessin très moyen. Le lettrage aussi d’ailleurs. Pour des enfants qui lisent depuis peu, ce lettrage assez irrégulier et manquant de rondeur peut poser de gros problèmes de déchiffrage.

Deux autres choses m’ont moyennement plu. D’une part, je n’ai pas trouvé les gags très drôles. Mais après tout, rien de plus normal : ils ne sont pas destinés à un vieux schnock de 35 ans mais à des enfants de 8 ans. C’est une différence majeure à ne pas oublier. D’autre part, dans les dialogues, il y a parfois des expressions qui veulent « faire jeune » mais qui semblent un peu artificielles. Quelques exemples de ces tics de langage que je trouve assez désagréables : "trop nul", "trop cool", "trop bien", "trop top"  "hyper stylé"…

Heureusement, tout n’est pas négatif, loin de là. Première constatation positive : le format (26x20 cm), plus petit qu’une BD normale sans être un format poche, convient bien aux mains des enfants. De plus, le système consistant à proposer une histoire complète par double page est intelligemment pensé. Un enfant de 8 ans ne lira pas les 46 pages d’un seul coup, mais il pourra très facilement découper sa lecture en sachant que l’histoire se termine toujours au bas de la page de droite. Autre satisfaction, les parents vont enfin trouver une BD dont l’héroïne est une petite fille qui ne partage pas la vedette avec un garçon. Ca change de Sylvain et Sylvette ou Tom Tom et Nana !

Encore un point positif : l’environnement dans lequel évolue Linotte est moderne, bien ancré dans l’air du temps et tout à fait réaliste. La vie à la maison, à l’école, les relations avec les copines et les garçons… Les enfants peuvent facilement s’identifier à Linotte et ses camarades. Et puis il faut reconnaître que Linotte ne peut que faire rêver les petites filles. Vous vous rendez compte : avoir un poney qui vous emmène à l’école et que vous pouvez monter quand vous le souhaitez, c’est le bonheur total !

Un dernier conseil. Quand votre fille sera devenue trop grande pour apprécier l’univers très enfantin de Linotte, vous pourrez lui faire découvrir Lou, qui est à mon avis la meilleure série jeunesse actuelle pour les 10-13 ans, rien que ça !

Linotte est au fond une série très agréable qui peut tout à fait satisfaire le public auquel elle est destinée. Je vais d’ailleurs de ce pas l’offrir à ma fille de 8 ans, je suis sûr de faire une heureuse et d’obtenir en retour un avis beaucoup plus pertinent et objectif que le mien.


Linotte T1 : Trop top Linotte, de Catel, Claire Bouilhac et Judith Peignen, édition Dupuis, 2010. 48 pages. 9,50 euros. A partir de 7 ans.

L’info en plus : Catel n’est pas seulement une dessinatrice pour la jeunesse. Elle vient de publier, toujours aux éditions Dupuis mais pour les adultes, un ouvrage intitulé Rose Valland : capitaine beaux arts, qui retrace la vie de cette attachée de conservation au Jeu de Paume qui a recensé dans le plus grand secret les oeuvres volées aux Juifs par les nazis et qui, en 1945, avant même la signature de l'armistice, est partie à leur recherche pour les restituer à leur propriétaires.




vendredi 15 janvier 2010

Canardo : intégrale, cycle 1

Canardo est un palmipède alcoolique au regard triste créé par Benoît Sokal en 1979. La clope au bec et portant en toutes circonstances un imper cradingue façon Columbo, il a le chic pour s’embarquer dans des histoires glauques qui ne font qu’accentuer sa perpétuelle mélancolie.


Cette intégrale regroupe ses trois premières « aventures ». Dans Le chien debout, Canardo ne tient pas le rôle principal. C’est Fernand, un chien exilé depuis plusieurs années qui rentre au bercail pour retrouver un amour de jeunesse. Une sombre histoire de savant fou et de vivisection viendra ruiner ses espoirs. La marque de Raspoutine se déroule en Sibérie. Canardo accepte d’accompagner la belle Alexandra dans les plaines de Russie pour qu’elle retrouve son père, le cruel Raspoutine, un chat obèse à la tête d’une troupe sanguinaire. Enfin, dans La mort douce, le brave canard apprendra que la musique n’adoucit pas les mœurs, loin de là.

Bien avant le Blacksad de Canales et Guarnido, Sokal a créé un détective privé ayant les traits d’un animal et qui évolue parmi ses congénères anthropomorphes. Vous l’aurez compris, Canardo n’est pas Donald Duck. Et son monde n’est pas celui de Walt Disney, loin de là. Tous les personnages présents dans cette intégrale traînent un insondable vague à l’âme. Les décors non plus n’inspirent pas la joie : les cieux sont bas, gris, pluvieux. Le troquet « Chez Fredo », qui apparaît dans les trois tomes, est sale et enfumé.

Les protagonistes masculins sont des ordures ou des losers. Dans chaque histoire, c’est une figure féminine qui provoque le drame. Mais la femme est finalement la seule à garder un semblant d’humanité. Le regard que porte Sokal sur ses semblables à travers ces animaux doués de raison (si l’on peut dire !) peut sembler désespérant. J’ai l’impression qu’il est surtout très pessimiste. On nage en pleine tragédie. Le destin de chacun est tout tracé et la chute impossible à éviter. Canardo est juste un spectateur désabusé et mélancolique qui s’accroche à la bouteille comme on s’accroche à un dernier espoir.

Ces trois premiers tomes sont parmi les meilleurs de la série qui va énormément perdre en qualité par la suite (le 19ème volume doit sortir au mois d’avril). A dévorer d’urgence.

Canardo : intégrale premier cycle, de Benoit Sokal, éditions Castermane, 2010. 16 euros.

L’info en plus : Les éditions Casterman publient dans leur collection Haute densité l’intégrale d’une autre série de Benoit Sokal. Il s’agit de Paradise, dont voici un résumé succinct : « En Mauranie, le roi Rodon attend le retour de sa fille. Mais l'avion de cette dernière est abattu par des rebelles. Rescapée mais amnésique, elle est recueillie dans le palais du prince de la ville de Madargane... ». Cette série contient en tout 4 albums qui sont regroupés dans cette intégrale. A noter que Sokal n’œuvre pas au dessin (c’est Brice Bingono qui s’y colle), il scénarise cette histoire dépaysante et torturée comme il les aime.

mardi 12 janvier 2010

Étoile du chagrin T1 et T2

Il y a un an, leur monde fut détruit. La comète nommée Étoile d’Eden qui traverse normalement les cieux tous les vingt-deux ans est entrée dans l’atmosphère. Et maintenant que les nuages se dissipent, les rares survivants se battent pour refaire leur vie après l’impact.

L’Ordre, une structure dirigée d’une main de fer par Maître Grène, essaie de prendre le pouvoir par la violence. Elle affronte les hommes du Régent qui régnait avant la catastrophe. La Mine Noire est quant à elle une organisation clandestine qui lutte contre l’Ordre. Face à toutes ces considérations politiques, nombreux sont ceux qui essaient juste de redonner un sens à leur vie. Klavir et Wilm sont de ceux-là. Ils parcourent ensemble le monde à la recherche de Lucia, l’amie de Klavir. Ils sont accompagnés par un Mange Rêve nommé Flutch, une sorte de fantôme qui se nourrit en s’installant dans la bouche des gens endormis. Dans une étendue erre un homme étrange, terrible combattant que ses ennemis appellent le tueur-coupeur. Il a perdu la mémoire et n’a aucune idée de sa véritable identité. L’auteur propose également de suivre les mésaventures de certains membres de l’ordre et de la Mine Noire. Toutes ces situations décrites séparément semblent indépendantes les unes des autres, comme si on braquait successivement la caméra dans différents endroit du monde au même moment.

Récit choral où se croisent de très (trop ?) nombreux personnages, ce roman graphique à tiroir qui s’étale pour l’instant sur plus de 400 pages n’a encore révélé aucun de ses secrets. C’est là sans doute la limite d’un tel procédé. Il va falloir à un moment ou un autre assembler les pièces du puzzle pour donner à tout cela un mouvement cohérent. Il est plaisant de passer d’un lieu et d’un protagoniste à un autre pour suivre les différentes trames de l’histoire, mais il faut aussi être très attentif pour ne pas s’y perdre. Le dessin en noir et blanc au trait particulièrement naïf et parfois mal maîtrisé n’aide pas à améliorer la clarté de l’ensemble. Il est quelquefois difficile de distinguer les différents visages et heureusement qu’il y a un trombinoscope à la fin de l’ouvrage pour retrouver facilement l’identité de chacun. Il faut aussi accepter le décalage entre le trait « enfantin » et la dureté des situations parfois assez violentes. Pour conclure, cette Étoile du chagrin est une œuvre expérimentale à la construction complexe qui sera peut-être au final une excellente surprise. Mais il est encore trop tôt pour le dire.


Étoile du chagrin T1, de Kazimir Strzepek, Éditions çà et là, 2008. 216 pages. 12,50 euros.
Étoile du chagrin T2, de Kazimir Strzepek, Éditions çà et là, 2009. 256 pages. 13,00 euros.

L’info en plus : Les éditions ça et là sont un tout petit label qui a connu un succès d’estime début 2008 en publiant Château l’attente, un roman graphique de près de 500 pages récompensé aux Eisner Awards et sélectionné dans la catégorie des Essentiels à Angoulême en 2008.


dimanche 10 janvier 2010

Louisiana Breakdown


Jack Mustaine, musicien en mal d’inspiration, n’aurait jamais dû tomber en panne aux abords de Graal, un trou paumé dans le fin fond des marais de Louisiane. Le bon samaritain qui lui vient en aide fait remorquer sa voiture et l’emmène dans le seul bistrot du coin, le Bon Chance.

Rarement un établissement aura si mal porté son nom. Mustain y découvre la « faune » locale, des rednecks imbibés et peu avenants. Il y a fait aussi connaissance de Vida, sculpturale jeune femme dont il tombe éperdument amoureux. Après une nuit torride, Vida raconte au musicien l’histoire de sa ville : les habitants ont conclu il y plus de deux cents ans un pacte avec le Bonhomme Gris, une entité vivant dans les marais. Ce dernier protège Graal tant que la cité lui offre une reine en échange. Vida est l’actuelle reine du solstice mais la nouvelle élue doit être choisie au cours de la fête de la Saint Jean qui va se dérouler le lendemain. Elle sait que les reines déchues subissent de terribles tourments et finissent à moitié folles, abandonnées de tous. La jeune femme est persuadée que Mustaine est une sorte d’ange gardien qui va pouvoir la libérer de la malédiction qui la frappe en l’emmenant loin de sa ville natale. Le musicien quant à lui ne croit pas un instant à toutes ces balivernes. Il veut simplement récupérer sa voiture et partir avec Vida en Floride, sa destination initiale.

Mais Graal n’est pas une ville comme les autres, et même les plus sceptiques vont devoir reconnaître qu’une étrange réalité se cache au fond du bayou.

Lucius Shepard créé avec Graal une ville improbable qu’il rend parfaitement crédible grâce à la précision de ses descriptions. Ce qui frappe le plus à la lecture, c’est l’ambiance : humide, moite, étouffante…La description des marais et des ses cabanes décrépies, des arbres aux ombres inquiétantes et du brouillard épais qui surgit s’en prévenir instaure une atmosphère pesante et surnaturelle.

La galerie de personnages proposée est également un must : Mustaine et Vida évidemment, mais aussi Sedele la patronne du Bon Chance, Joe Dill le bon samaritain et sa femme Tuyet, Nedra la voyante ou encore Madeleine Le Cleuse, l’ancienne reine du solstice, tous savent qu’ils font parti d’un Grand Tout qui les dépasse. La tragédie se construit sous leurs yeux et ils ne peuvent que subir les événements. Toutes les tentatives pour essayer de changer le cours des choses sont vouées à l’échec. D’ailleurs le nom de la ville n’a pas été choisi par hasard. En rencontrant Vida, Mustaine a cru avoir décroché son graal et trouvé enfin l’amour. Mais l’Histoire a montré que tous ceux qui se sont lancés à la quête du Graal se sont brulés les ailes. Et le musicien ne fera pas exception à la règle.

Un seul mot pour conclure au sujet de ce court roman : envoûtant. Si le lecteur accepte de se laisser embarquer dans cet étrange bayou à l’atmosphère irréelle, il passera à coup sûr un très bon moment.

Louisiana Breakdown, de Lucius Shepard, Éditions J’ai Lu, 20099. 190 pages. 5,60 euros.

PS : un petit coup de gueule contre la personne qui a rédigé la 4ème de couverture. A l’évidence, cette personne n’a pas lu le roman : dès la première ligne, il est indiqué que jack Mustaine est un bluesman, or cela n’est jamais dit dans le texte. Ensuite, il est écrit qu’il tombe en panne « peu avant d’arriver à la Nouvelle Orléans, où il était censé se produire ». Cette affirmation est totalement fausse puisque le but de son voyage est la Floride et plus précisément une maison en bord de mer prêtée par un ami dans laquelle il devait s’atteler à l’écriture d’un album. Mais il vrai que pour connaître cette information, il fallait lire les 100 premières pages ! Je sais, cela relève du détail, mais c’est assez symptomatique de la façon avec laquelle quelques éditeurs de livres de poche bâclent leurs éditions et ne prennent pas la peine de lire tous les livres qu’ils publient. Je trouve ce manque de sérieux tout à fait regrettable.

L’info en plus : Lucius Shepard n’est pas un inconnu en France. Il a notamment remporté le Grand Prix de l’Imaginaire en 2007 dans la catégorie Nouvelles Étrangères avec son recueil Aztechs. Il a également remporté le prix Locus en 1994 pour son roman L’aube écarlate, une histoire de vampires. Un thème qui aujourd’hui fait fureur mais qui à l’époque était loin de passionner les foules !



jeudi 7 janvier 2010

Billy Brouillard : les comptines malfaisantes

Ce coffret contient trois livres regroupant quatre comptines. Dans la première, Allison est très méchante avec les insectes. Elle leur fait vivre les pires horreurs. Mais quand les insectes se vengent, c’est Allison qui voit sa vie devenir un cauchemar. Dans la seconde, lorsque Barbara découvre une larve visqueuse dans son assiette d’épinards, elle ne se doute pas que cette petite bestiole va la mener à sa perte. Dans la troisième, en constatant que son poisson rouge offert par le Père Noël est décèdé, Philomène part pour le bord de mer afin d’en trouver un nouveau. Mais les abysses vont transformer sa recherche en une longue complainte. Quant à la petite princesse qui faisait du mal aux gens, elle va subir une punition qu’elle n’est pas prête d’oublier.


Ces quatre comptines ont deux points communs : elles mettent en scène des petites filles et elles traitent du thème de la métamorphose. Elles présentent également des enfants loin d’être sages, de sales gamines égoïstes ou méchantes qui doivent à un moment payer pour leur comportement. Il n’y a cependant pas véritablement de morale, aucune sorte de jugement. C’est ce qui peut rendre le lecteur mal à l’aise. J’avoue que je ne laisserais pas lire ces comptines malfaisantes à ma fille de 8 ans. Peut-être parce que je suis un vieux con réac, diront les médisants. Mais surtout parce que je n’y vois aucun intérêt. Ces histoires ne sont pas divertissantes, encore moins dépaysantes ou enrichissantes. L’illustration en noir et blanc et le texte sont minimalistes, ce que je peux tout à fait concevoir. Quand Guillaume Bianco affirme dans une interview sur le site Actua Bd qu’il a eu « envie de faire des livres courts et très simples à lire », je ne peux qu’être d’accord avec lui. Seulement je vois plus cela comme un défaut que comme une qualité. La lecture des trois livres prend vingt minutes maximum. C’est idéal sans doute pour les petits lecteurs, mais pour les parents acheteurs, il faudra débourser 29,90 euros pour offrir ces chères Comptines à leur progéniture. Il faut reconnaître que le travail éditorial est magnifique : les livres sont très beaux et se rangent dans un superbe coffret, le papier est de qualité et les pages de garde plutôt jolies. Mais tout cela ne suffit pas à justifier ce prix exorbitant !

Pour conclure, que dire ? Je lis Guillaume Bianco depuis ses débuts. J’ai adoré sa série Will, j’ai trouvé le premier tome de Billy Brouillard formidable et j’ai beaucoup aimé l’album Eco qu’il a scénarisé, mais là, j’avoue que je n’ai pas du tout accroché. J’ai même la douloureuse impression d’avoir dépenser bêtement près de 30 euros dans une publication qui cherche à surfer sur la vague de Billy Brouillard dans un but purement mercantile. J’espère sincèrement me tromper.

Billy brouillard : les comptines malfaisantes, de Guillaume Bianco, Éditions Soleil, 2009. 29,90 euros. Dès 9 ans.

L’info en plus : Les comptines malfaisantes sont publiées dans la collection Métamorphoses des éditions Soleil. C’est dans cette collection dirigée par Barbara Canepa qu’est paru l’année dernière Billy Brouillard. Plusieurs titres devraient paraître cette année et pour voir les publications à venir, je ne peux que vous conseiller la visite du blog de Barbara Canepa à cette adresse : http://canepabarbara.blogspot.com/









mardi 5 janvier 2010

Vinci T1 et T2, de Convard et Chaillet

Milan, le 15 décembre 1494. On découvre le cadavre du notaire Christoforo di Rodrigo au bord du canal Martesana. Lardé de coups de couteau, l’homme a été atrocement mutilé : on lui a volé son visage. Une lame très fine lui a décollé le derme comme on arrache un oignon. Un témoin a vu un géant s’enfuir sous les eaux du canal. Le prévôt Vittore, qui dirige les services de police, fait appel à Léonard de Vinci pour qu’il l’aide à comprendre le mode opérateur du tueur.


L’enquête ne donne rien jusqu’en mai 1495, lorsque le voleur de visage frappe à nouveau. Cosimo Vollone, le plus riche négociant de la ville, est tué par une énorme créature volante sous les yeux de son fils. Une fois encore, son visage a été méticuleusement découpé. Deux autres meurtres suivront en mars 1500 et l’été de la même année à Venise et à Florence. A chaque fois, Léonard de Vinci est présent dans la ville au moment où les crimes ont lieu. Le prévôt Vittore, persuadé de la culpabilité de son ami, est bien décidé à trouver des preuves indiscutables…

On était en droit d’attendre beaucoup du duo Convard / chaillet. Concernant ce dernier, le résultat est à la hauteur des espérances. Chaillet est passé maître dans l’art de restituer l’architecture des villes italiennes de la Renaissance. Milan, Venise, Florence, ces trois cités sont dessinées avec une précision redoutable. Les vues extérieures des villes comme les intérieurs des palais ou des maisons bourgeoises fourmillent de détails et sont d’un incroyable réalisme. Un léger bémol pour le dessin des personnages, notamment des visages, qui sont parfois un peu trop statiques et manquent d’expressivité.

Finalement, c’est le scénario de Convard qui est le plus décevant. La révélation avant même la fin du premier volume de la culpabilité de Vinci enlève tout suspens à l’intrigue. En préférant faire des motivations qui ont poussé le génial inventeur à agir de la sorte le ressort de son histoire, il a délibérément choisi de ne pas offrir aux lecteurs un suspens haletant, mais plutôt le récit classique de l’accomplissement d’une vengeance. Ce parti pris est tout à fait défendable, mais il ne m’a pas convaincu. On imagine en effet assez facilement dès le début du second volume la façon dont les choses vont se passer et j’avoue que j’ai trouvé la fin de ce diptyque assez ennuyeuse car trop prévisible.

Il n’empêche que je ne peux que recommander cette courte série à ceux qui aiment le dessin très fouillé de Chaillet et sa somptueuse représentation de l’Italie de la Renaissance. Sans compter que beaucoup de lecteurs pourront trouver de nombreuses qualités au scénario de Convard qui ne m’a personnellement pas convaincu. Après tout, chacun ses goûts !


Vinci T1 : l’ange brisé, de Didier Convard et Gilles Chaillet, édition Glénat, 2008. 56 pages. 13 euros.
Vinci T2 : ombre et lumière, de Didier Convard et Gilles Chaillet, édition Glénat, 2009. 56 pages. 13 euros.

L’info en plus : Les éditions du Lombard ont entamé depuis un an la publication sous forme d’intégrale des aventures de Vasco, jeune garçon issu d’une riche famille de banquiers italiens dont les histoires se déroulent pendant la Renaissance. Cette série dessinée et scénarisée par Gilles Chaillet qui a vu le jour en 1983 dans l’hebdomadaire Tintin ravira tous ceux qui ont découvert et apprécié dans Vinci le très beau travail de ce fabuleux dessinateur.



dimanche 3 janvier 2010

Meurtres sur le Palatin


Rome, sous le règne de l’empereur Tibère (14 à 37 après J-C). Le cadavre d’un gladiateur est retrouvé sur les marches d’une maison cossue du Mont Palatin, un quartier où vivent de nombreux patriciens (citoyens romains appartenant à l’aristocratie). Kaeso, centurion de la garde prétorienne, est chargé de l’enquête. Ses investigations le mèneront dans les bas-fonds de Rome où, entre corruption, vengeance, combat de gladiateurs et paris truqués, le jeune homme aura fort à faire pour éviter les nombreux pièges tendus par des femmes bafouées ou d’anciens compagnons d’armes.


Avis aux futurs lecteurs de ce roman : Rome antique ne rime pas avec romantisme. Oubliez les images d’Épinal. La vie à Rome à cette époque était extrêmement violente : le sang coulait à flot, la sexualité était totalement débridée, la condition des esclaves souvent insoutenable et les intrigues politiques foisonnantes. L’auteur ne force pas le trait Les mœurs décrites ici sont simplement réalistes.

Il est évident que Cristina Rodriguez connaît parfaitement son sujet d’un point de vue historique, mais elle ne cherche pas pour autant à épater la galerie. Les informations concernant l’organisation de la société, les rapports humains, la nourriture, l’architecture ou les vêtements ne sont pas amenées artificiellement, elles s’insèrent dans le récit et participent à la crédibilité de l’ensemble.

Aussi à l’aise dans la description d’une taverne que dans celle d’une riche maison du Mont Palatin, l’auteur n’a pas rédigé pour autant un essai historique. Son texte est une fiction qui utilise certains personnages ayant réellement existé, mais il ne faut pas perdre de vue que son dessein premier est de proposer une œuvre romanesque. Et force est de reconnaître que la mécanique fonctionne. Il y a certes beaucoup de protagonistes, mais chacun joue un rôle important. Les évènements s’enchaînent avec fluidité jusqu’au dénouement. L’écriture est simple, la lecture facile et agréable. Ne cherchez pas ici un roman historique au souffle épique, vous seriez déçu. Mais si vous voulez partager quelques moments de la vie quotidienne des différentes couches de la société romaine, de l’esclave au soldat en passant par les gladiateurs ou les hommes politiques, cet ouvrage devrait vous satisfaire.

Personnellement, j’ai passé un très bon moment de lecture avec un roman à la fois didactique et divertissant. Ces deux qualités sont tellement difficile à associer que je ne peux que féliciter Cristina Rodriguez pour avoir réussi à relever un tel pari.

Merci à Livraddict et aux éditions du Masque de m’avoir permis de découvrir un titre que je ne serais jamais allé cherché par moi-même.

L’info en plus : la lecture de ce roman fait indéniablement écho à la diffusion il y a quelques années de la série Rome sur Canal Plus. On retrouve le même souci de montrer avec réalisme la vie quotidienne des patriciens et de la plèbe, même si l’époque n’est pas tout à fait la même puisque la série télé se passe sous le règne de Jules César. Si vous avez aimé le roman de Cristina Rodriguez et que vous ne connaissez pas la série, foncez sans hésiter sur cette dernière, vous ne serez vraiment pas déçus.

Meurtres sur la Palatin, de Cristina Rodriguez, Éditions du Masque, 2009. 16 euros.