Afficher au casting d’un album le dessinateur de
Blacksad et le scénariste de
De capes et de crocs engendre forcément chez tout amateur de BD qui se respecte la promesse d’un incroyable moment de lecture. Avec
Les indes fourbes, les deux compères ont voulu écrire une suite au roman picaresque
El Buscon de Francisco de Quevedo. Un roman datant de 1626 mettant en scène le fantasque Don Pablos de Segovie, «
vagabond exemplaire et miroir des filous ». Après de nombreuses mésaventures sur ses terres natales, Pablos s’embarquait à la toute fin du roman dans un galion en route pour le Nouveau Monde. C’est à partir de ce moment qu’Ayroles et Guarnido ont choisi de prendre son destin en main.
Évidemment rien ne va se passer comme prévu pour le pauvre bougre en quête d’Eldorado. Je ne vais pas relater les péripéties de son voyage, ce serait gâcher les nombreuses surprises et les nombreux rebondissements propres à toute histoire picaresque digne de ce nom. L’intérêt du récit tient dans la personnalité du filou, un gueux suivant à la lettre le commandement que son père lui enseigna alors qu’il n’était qu’un enfant : «
Tu ne travailleras point ». Pour survivre, Pablos enchaîna donc les vilenies. Opportuniste, traître, voleur, menteur, proxénète à ses heures, le garçon ne fut jamais avare de mauvais coups.
Le portrait de cette âme damnée prête à tous les excès pour s’extraire de sa condition et vivre dans l’opulence offre à Alain Ayroles un infini champ de possibles. Respectant à la lettre le ton précieux et baroque d’un roman du 17ème siècle, il s’en donne à cœur joie dans les nombreux récitatifs à la première personne où Pablos se raconte. Le texte est magnifié par les sublimes dessins de Juanjo Guarnido où s’expriment son art du découpage et son sens du mouvement.
Un album classieux, extrêmement littéraire, délicieusement ambitieux et sublimement réalisé.
Les indes fourbes d’Alain Ayroles et Juanjo Guarnido. Delcourt, 2019.
160 pages. 34,90 euros.
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