Je savais que ça collerait entre et Adrien moi. On avait tant de points communs. Bon, on ne m’a pas (encore) brisé le cœur et je ne suis pas fumeur mais pour le reste, on était fait pour s’entendre. Même regard à la fois distant et analytique sur les choses qui nous entourent, même capacité d’autodérision, même état d’esprit désabusé, même estime de soi au ras des pâquerettes, même difficulté à se sentir à sa place « en société », même difficulté à exprimer ses sentiments... Tu sais quoi Adrien ? Ton rapport aux autres, ton rapport au monde, ton attitude, tout chez toi m’a rappelé bien des facettes de ma personnalité.
En plus ma mère est comme ta sœur, elle adore offrir des cadeaux aussi inutiles qu’improbables. Comme ce rond de serviette en bois avec mon prénom gravé alors que chez moi on n’utilise jamais de serviette de table. Elle le sait pourtant, puisqu’à chaque fois qu’elle vient manger à la maison elle apporte sa propre serviette! Elle m’a fait le même coup avec ce bol breton, toujours à mon prénom, alors que depuis toujours je bois mon café dans un mug. Un mug maman, pas un bol, tu le sais pourtant ! A part ça tes réflexions et anecdotes sur le mariage (la cérémonie du moins), j’aurais pu les écrire. La chenille vorace qui englouti les invités les uns après les autres, le discours du témoin d’une pertinence discutable et le marié qui se lance dans une chanson sirupeuse pour déclarer sa flamme, ça me déprime totalement.
Et puis je vais te dire Adrien, ce repas de famille que tu nous racontes, je l’ai déjà vécu cent fois. Toujours le même cérémonial immuable, toujours les mêmes anecdotes, souvent le même menu, chacun à sa place, jamais de vagues, jamais de sujet qui fâche, restons dignes mais chiants, y a rien de tel. Comme tu le dis si bien, il faut apprendre à être perdant. Tu as compris qu’on n’avait rien à gagner et que les rêves de grandeur mènent forcément dans une impasse. Lucide et résigné, tout ce que j’aime.
Après, entendons-nous, ce n’est pas le roman du siècle non plus. J’ai adoré le ton, le personnage bien sûr, mais le récit est assez convenu et l’écriture n’a rien de transcendant. Pour autant je me suis régalé à passer quelques heures auprès d’Adrien. Je l’ai tellement compris ce pauvre diable, tellement aimé aussi. Rien que pour ça, ça valait largement la peine ! Et un grand merci au passage à la douce
Noukette qui a eu la gentillesse de me l’offrir pour mon anniversaire.
Le discours de Fabrice Caro. Gallimard, 2018.
200 pages. 16,00 euros.