Voila donc Norwood au volant d’une bagnole flambant neuve, chapeau de cow-boy enfoncé jusqu’aux oreilles, guitare en bandoulière et sur le siège passager une pute mal embouchée qu’on lui a collé dans les pattes sans lui demander son avis. La voiture est évidemment volée, comme celle qu’il traîne avec une remorque. Commence alors un road trip où galères et rencontres improbables s’enchaînent, du routier parano au nain hâbleur, du poulet savant à la midinette croisée dans un bar miteux.
Charles Portis, célèbre pour son western True Grit, a commis en 1966 cette hilarante parodie de récit beatnik déjanté et un poil foutoir. Un premier roman où l’Amérique profonde en prend pour son garde, mais sans méchanceté. Comment en vouloir à ce grand couillon de Norwood, qui n’a à l’évidence pas inventé l’eau chaude, mais qui prend les choses comme elles viennent, même quand la situation vire au cauchemar ? A croire que les malheurs l’éclaboussent sans le mouiller, que les coups durs s’encaissent les uns après les autres et ne laissent jamais de traces durables. Un benêt pareil, attachant en diable, ne peut qu’attirer la bienveillance.
Les dialogues frôlent parfois l’absurde mais ils sont plein de vivacité et font le sel du roman. Loufoque, farfelu ou burlesque, appelez ça comme vous voulez. Norwood est un texte en roue libre à l’humour pince-sans-rire. Vous pensez bien que j’y ai trouvé mon compte.
Norwood de Charles Portis (traduit de l’anglais par Théophile Sersiron). Cambourakis, 2017. 142 pages. 18,00 euros.