mercredi 7 décembre 2016

Kodhja - Thomas Scotto et Régis Lejonc

Le garçon arrive devant les remparts de Kodhja. Il franchit la lourde porte et s’avance. Un enfant à la voix grinçante l’accueille. Le garçon lui explique qu’il est là pour voir le roi, seule personne à même de répondre à ses questions. L’enfant lui répond qu’il veut bien l’accompagner mais que le chemin sera long car « Kodhja est un vrai casse-tête ». Ensemble, ils commencent alors un voyage étrange au cœur d’un improbable labyrinthe.

Étrange, c’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on tourne les pages de cet album aussi impressionnant par sa taille que par son contenu. Un album que m’a offert Moka samedi dernier à Montreuil, parce qu’elle l’a adoré et qu’elle tenait absolument à me le faire découvrir. Tout en me précisant d’emblée que, connaissant mes goûts, ce serait du quitte ou double. Tout en sachant aussi que j’ai une tendresse particulière pour le travail de Régis Lejonc et que je ne suis pas insensible à la poésie des textes de Thomas Scotto. Bref, elle me connait bien, très bien même, et les risques étaient calculés malgré ses précautions d’usage.

J’ai donc suivi les pas du garçon et de l’enfant. Avec eux j’ai monté d’immenses escaliers, découvert trois curieuses personnes assises dans un renfoncement, longé des rues étroites, admiré une majestueuse fontaine et « la façade de granit d’une maison immense et sans porte ». Je suis tombé dans un trou, j’ai mis fin à une dispute, j’ai vu des créatures hideuses et traversé un champ de cailloux avant d’arriver enfin face à la tour du roi.

J’ai retrouvé dans cet album l’esprit des ouvrages de Mélanie Rutten. Un propos qui peut apparaître au premier abord obscur mais qui se révèle au final d’une totale limpidité. Un livre qui se mérite, où le lecteur est acteur, où il doit en permanence être actif, donner du sens. Un récit initiatique bourré d’implicite et ouvert aux multiples interprétations pour les jeunes lecteurs, c’est rare et précieux. Kodhja, c’est un condensé d’enfance où règnent l’imagination, les hésitations, la colère, les chagrins, les souvenirs, la mémoire. Kodhja, c’est autant d’épreuves à franchir pour continuer sereinement sa route, pour ajouter une nouvelle pierre à notre édifice et « apprendre le reste de la vie ».

Rarement texte et dessins auront dégagé une telle osmose, ne cessant de se répondre, de se compléter, de se sublimer. Le trait de Régis Lejonc me fascine depuis ma découverte du Phare des sirènes. Une impression confirmée avec La promesse de l’ogre et renforcée ici, où le format XXL magnifie chaque illustration. Entre ombre et lumière, couleurs chaudes et douces, illustrations pleine page et gaufrier de petites cases, le voyage graphique se révèle d’une infinie richesse.

Exigeant, poétique et profond. Sublime, quoi. Et un album forcément spécial pour moi puisqu’il m’a été offert au cours d’une bien belle journée, par une bien belle personne ❤


Kodhja de Thomas Scotto et Régis Lejonc. Thierry Magnier, 2015. 44 pages. 20,50 euros.



Les avis de Bouma, Moka et Noukette



mardi 6 décembre 2016

Le vrai sexe de la vraie vie - Cy

Ce mois-ci, j’étais parti pour lire ça. Une femme, prix Goncourt, qui annonce « Un petit traité d’éducation lubrique », je m’en régalais à l’avance. Sauf que j’ai vite déchanté. En fait j’ai pas compris le but recherché. C’est bien écrit, il y a un vrai sens de la formule et des tas de citations littéraires mais au final le plat servi est bien fade. Quand je me lance dans une telle lecture et que je passe mon temps à piquer du nez plutôt que de me redresser du gland, il y a un vrai problème. Du coup, ni une ni deux, j’ai abandonné à la moitié. Pas pour moi, tout simplement. Et pas la peine d’insister.

Petit traité d'éducation lubrique de Lydie Salvaire. Points, 2016. 120 pages. 10,00 euros.



J’ai donc changé mon fusil d’épaule pour plonger dans cette BD qui m’a bien plus intéressé et accessoirement fait bien plus d’effet, ce qui n’était pas très difficile cela dit. Au moins ici le titre n’est pas trompeur. Le vrai sexe de la vraie vie, c’est un plan à trois pas folichon, c’est ta femme qui te surprend en train de t’astiquer le manche, c’est l’échangisme, c’est le sexe pendant la grossesse, c’est l’amour en mer, pas aussi glamour et excitant qu’on l’avait imaginé, c’est les anecdotes les plus embarrassantes partagées entre amis, c’est l’achat du premier sextoy en boutique. C’est du vrai plaisir et des expériences moins réussies. Protection, complicité, connivence, consentement, désir et amour restent les maîtres mots d’une sexualité qui, même si elle n’est pas forcément épanouie, se vit sans stress et avec simplicité.

Les situations présentées ne sont que des exemples parmi tant d’autres. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la démarche de Cy par rapport à la question. Elle est consciente de ne montrer qu’une infime partie des variations possibles autour du sexe, des « échantillons » comme elle dit. Pas question de rechercher une quelconque universalité, « parlons de sexe, montrons le sexe, et surtout découvrons des sexualités au pluriel, accordées à tous les genres ou à aucun, selon une palette infinie et sans se limiter à seulement cinquante nuances ».  Voila un beau programme auquel j’adhère à 100% !




Du sexe sans complexe et sans contraintes, loin des conventions sociales et des tabous que l’on voudrait nous imposer. Une excellente BD, entre pédagogie et coquineries. Comme quoi, l’alliance des deux est possible.

Le vrai sexe de la vraie vie de Cy. Editions Lapin, 2016. 224 pages. 18,00 euros

Et puisqu'aujourd'hui chez Stephie c'est permis, je partage cette lecture commune avec Noukette (comme chaque mardi ou presque^^).









lundi 5 décembre 2016

Les lectures de Charlotte (28) : Boris : Mon petit manuel de politesse

Boris est le chouchou de Charlotte en ce moment. Pensez donc, il mange ses crottes de nez, rote sans dire pardon, se balade le kiki à l’air et le papier toilette à la main après avoir fait caca en demandant qui veut l’essuyer, se plaint d’avoir trop peu de cadeaux à noël et remet les bonbons dans le paquet après les avoir lécher s’ils ne sont pas à son goût. Entre autres. En gros, il est incontrôlable. Et transgressif, terriblement transgressif même. Il l’a fait rire aux éclats, elle aime son coté colérique et râleur. Les rebelles, c’est son truc je crois.

Dans ce petit manuel de politesse, Mathis voudrait inculquer à Boris quelques bonnes manières. Autant dire que ce n’est pas gagné. Comportement avec les copains ou en famille, vivre ensemble, propreté, les thématiques s’enchaînent et le petit ours ne fait rien comme il faudrait. Par exemple, quand sa mère lui demande de laisser sa place à une personne âgée dans le bus, il lui répond « Non, je suis fatigué moi ». En bas de la page quelques lignes expliquent quel aurait été la bonne attitude à adopter. Le modèle se répète pour chaque « leçon » de politesse et souligne le fossé abyssal entre ce que les règles de bienséance exigent et la conduite totalement inadaptée du chenapan. Fous-rires assurés !

Le trait minimaliste de Mathis va à l’essentiel. Simple et efficace, il se révèle au final très parlant. Ok, j’avoue, j’ai un faible pour Boris moi aussi. Ce n’est pas le genre de personnage que l’on croise souvent dans les histoires pour tout-petits et ce vent de fraîcheur fait un bien fou. Il fallait oser un tel registre, sans tomber dans une vulgarité facile et un peu gratuite. Pari réussi haut la main. Accessoirement, depuis que ce sale gosse est devenu le chouchou de Charlotte, on ne lit plus les histoires gnangnan du trop propre sur lui T’Choupi et franchement, je ne lui en serais jamais assez reconnaissant !

Boris : Mon petit manuel de politesse de Mathis. Thierry Magnier, 2016. 44 pages. 14,50 euros. A partir de 3 ans.



Et puisque j'ai eu la chance de rencontrer Mathis samedi à Montreuil, Charlotte a eu droit à une belle dédicace.





samedi 3 décembre 2016

L’arbragan - Jacques Goldstyn

« Moi, je suis ce qu'on appelle un solitaire.
Je fais les choses tout seul.
Et n'allez pas croire que ça m'embête.
Bien au contraire.

Parmi toutes les choses que j'aime faire,
ce que je préfère,
c'est grimper dans mon arbre.
 »

J’ai rencontré un petit bonhomme qui m’a fait fondre comme neige au soleil. Un petit bonhomme à part, un peu excentrique, qui n’a besoin de personne pour s’occuper et qui se fiche du regard des autres. Un petit bonhomme qui fait des gâteaux, joue aux échecs tout seul et fait du skate, la nuit, dans les cimetières.

J’ai aussi rencontré Bertolt. Bertolt est un chêne centenaire. Entre Bertolt et le petit bonhomme, c’est le grand amour. Bertolt est un camarade de jeu, un refuge, un poste d’observation, une cachette, un labyrinthe, une forteresse. C’est une maison habitée par des cigales, des abeilles des corbeaux, des écureuils et même un hibou.

J’ai enfin rencontré Jacques Goldstyn, un illustrateur canadien qui m’était jusqu’alors totalement inconnu. Un illustrateur dont le trait m’a par moments rappelé Sempé, et à d’autres le Bone de Jeff Smith. Deux belles références s’il en est. Un illustrateur qui a imaginé qu’un jour, alors que le printemps revient, que tous les arbres se couvrent de feuilles, de fleurs ou de bourgeons, Bertolt reste désespérément nu. Pour le petit garçon, pas besoin de nier l’évidence, Bertolt est mort. Et cette mort soulève en lui bien des questions. « Quand un chat ou un oiseau meurt, je sais quoi faire. Mais pour Bertolt, je fais quoi ? »

Prix Sorcières 2016, Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal 2016, Prix TD de littérature pour l'enfance et la jeunesse 2016, Prix des libraires du Québec jeunesse 2015, une tonne de récompenses méritées pour cet album épuré tout en sensibilité offrant un moment de pure poésie, et dont le titre de prime abord si mystérieux prend sens à la toute dernière page. Sous son apparente simplicité, le propos apparaît à la fois frais, drôle et profond.

Un bonheur de lecture dont je dois la découverte à l’adorable Nadine qui a eu la gentillesse de m’offrir cet ouvrage après l’avoir fait dédicacé lors du dernier salon du livre de Montréal . Merci Nadine, tu ne peux pas savoir à quel point tu as fait mouche avec ce livre ! Je t’embrasse pour la peine.


L’arbragan de Jacques Goldtyn. La Pastèque, 2015. 96 pages. 16,00 euros. A partir de 6 ans.


L'avis de Nadine






vendredi 2 décembre 2016

Cambouis - Geoffroy de Pennart

Tom Beltruf, Ross et Gladys Nonosse, Nasty et Snicky, Jean Toutou et Marie Pompon, Madame Poildur, Lady Wawa et Bobby Beaupoil, autant de personnages à mettre en scène pour parler d’un orphelin mécanicien hors pair, de sa famille d’adoption qui l’exploite et fait tout pour détruire ses rêves, de deux frères stupides et odieux, d’un concours de chant, d’une obligation de rentrer à minuit, d’un soulier perdu et d’une course poursuite…


Geoffroy de Pennart et ses réécritures de contes, c’est toujours de l’or en barre ! Cendrillon en garagiste maltraité par ses parents adoptifs devenant une star de la chanson, il fallait oser ! La version qu’il offre ici est forcément inattendue, aussi décalée que rock’n roll. Je retrouve avec le même plaisir la richesse de sa langue, son lexique recherché et l’élégance de son trait reconnaissable au premier coup d’œil. C’est drôle, pêchu et extrêmement malin, comme d’habitude quoi.



Un album jubilatoire de plus pour ce grand monsieur qui reste un des auteurs les plus étudiés dans les écoles élémentaires et maternelles françaises, un auteur dont l’œuvre gigantesque est restée depuis ses débuts d’une totale cohérence, c’est suffisamment rare pour être souligné.




Cambouis de Geoffroy de Pennart. Kaléidoscope, 2016. 40 pages. 13,00 euros. A partir de 5-6 ans.




jeudi 1 décembre 2016

Qu’est-ce que vous faites monsieur l’architecte ? - Kunihiko Aoyama


La salon de Montreuil a ouvert ses portes hier, je vais donc consacrer les jours à venir à vous parler de littérature jeunesse. On commence avec un album japonais très réussi.


Il était une fois un vieux nain, architecte de talent, qui décida de se construire « une nouvelle bâtisse, avec un grand belvédère pour admirer le paysage ». Il se mit au travail mais il constata vite qu'il n’avait pas les capacités physiques pour mener à bien son projet. Un ours lui proposa son aide, réclamant en échange une chambre dans le futur logis. Quand l’ours et le nain arrivèrent à la charpente, des singes vinrent participer aux travaux, contre la promesse d’avoir eux-aussi leur propre chambre dans la maison. Puis ce fut au tour du sanglier et des écureuils de prêter main forte, bientôt suivis par « des créatures de tout poil » accourant de toute part, chacun y allant de son exigence et complexifiant les plans établis par le nain. Désabusé, celui-ci constata au final, que son joli logis n’avait plus rien à voir avec son souhait initial : « Je voulais juste une maison rien qu’à moi… Avec un belvédère et une vue dégagée… »

Qu’il est beau cet album ! Diplômé d’architecture, Kunihiko Aoyama déploie son savoir-faire au fil des pages et permet de suivre la construction étape par étape, avec à chaque fois davantage de détails. Le nain bourru et râleur est drôle et attachant tandis que les animaux, aussi altruistes qu’intéressés, animent chaque illustration de leur activité débordante. Le fourmillement est rendu de manière magistrale et la bâtisse se monte avec une précision quasi chirurgicale, du grand art !



Une histoire en randonnée originale et extrêmement travaillée à l’ambiance graphique bluffante. Et une belle découverte d'un auteur japonais de talent, traduit pour la première fois en France. J’espère bien que ce ne sera pas la dernière.

Qu’est-ce que vous faites monsieur l’architecte ? de Kunihiko Aoyama. Nobi nobi, 2016. 40 pages. 12,50 euros. A partir de 3 ans.





mercredi 30 novembre 2016

Notre Amérique, premier mouvement : Quitter l’hiver - Maël et Kris

12 novembre 1918. Max Brunner, alsacien enrôlé par les allemands, rend les armes et retourne à la vie civile. Il monte à bord d’une voiture de l’état-major que le soldat français Julien Varin doit ramener à Paris. Dans un bistrot de la capitale, Max présente Julien à ses amis anarchistes. Le groupe se rend ensuite à Rouen pour s’emparer d’un cargo battant pavillon mexicain arraisonné par les anglais. Ils souhaitent prendre possession du bateau pour livrer les milliers de fusils cachés dans les cales aux révolutionnaires spartakistes qui tiennent le port d’Hambourg. Mais une passagère clandestine aussi dangereuse que déterminée va les embarquer vers une toute autre destination, plein ouest, cap sur l’Amérique.

C’est avec une émotion non feinte que j’ai retrouvé Maël et Kris, un duo ayant signé précédemment la splendide et crépusculaire saga « Notre mère la guerre », une histoire se déroulant entre 1914 et 1918. Après les années noires de la première guerre mondiale, ils nous entraînent cette fois vers le « nouveau monde », sur les traces des guérilleros mexicains en lutte contre l’armée régulière du président Carranza. Un prolongement logique qui permet à Maël de sortir son pinceau de la boue des tranchées  pour lui offrir les grands espaces nord-américains. Je suis toujours sous le charme de ses aquarelles aux tons oscillant entre le bleu et le marron clair relevées de quelques touches de rouge et d’ocre dès que la tension monte.

Après, ce premier album d’une série de quatre reste un tome d’introduction, il ne fait que poser les bases d’une histoire riche de promesses. Les personnages sont bien campés et, connaissant le talent de Kris pour densifier un récit tout en lui gardant une parfaite lisibilité, il ne fait aucun doute que la suite sera à la hauteur de mes espérances. Une mise en bouche idéale donc, reste à espérer que le second volume viendra rapidement car il me tarde déjà de retrouver Max et Julien.  

Notre Amérique, premier mouvement : Quitter l’hiver de Maël et Kris. Futuropolis, 2016. 60 pages. 16,00 euros.



La BD de la semaine, c'est chez Moka








mardi 29 novembre 2016

Mon grand frère tombé du ciel - Sandrine Beau

Vicky, dix ans, est fille unique. Enfin c’est ce qu’elle croit. Jusqu’au jour où son père lui annonce qu’elle a un frère. Un enfant qu’il a eu vingt ans avant elle. Avec une autre femme que sa mère. Cette femme l’a quitté et est partie vivre en Afrique, emportant leur bébé. Depuis, il n’avait jamais eu de nouvelles de son fils.

Aujourd’hui, ils ont renoué le contact. Sébastien arrive de Côte d’Ivoire dans trois semaines. Avec son épouse Fatou et sa petite fille Aya. Pour Vicky, c’est un coup de massue. Ce frère tombé du ciel, elle ne va pas le supporter. Surtout qu’une fois arrivé, son père n’a d’yeux que pour lui. Devenue invisible, Vicky se replie sur elle-même et rumine en silence, accumulant une rancœur qui finira par exploser.

Amertume, jalousie, il suffit d’un bouleversement dans le quotidien bien rangé d’une pré-ado pour provoquer un traumatisme plus profond qu’il n’y paraît. « Je savais bien au fond de moi que ce n’était pas vrai mais je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir délaissée, abandonnée, négligée ». De grands mots pour exprimer ce qu’elle considère comme une injustice, même si au fond elle sait que son ressenti est exagéré par rapport à la réalité. Pour éviter de se laisser submerger, il lui aurait fallu se confier, s’ouvrir en toute franchise au lieu d’emmagasiner une colère injustifiée. Pas simple, surtout quand on a dix ans.

Un petit roman qui souligne l’incompréhension pouvant se développer entre parents et enfants par manque de communication. Sandrine Beau trouve le ton juste pour montrer l’évolution des sentiments de Vicky. Rien n’est surjoué et le final en happy end où l’esprit de famille et la bienveillance l’emportent offre une petite touche positive bienvenue. Sans prétention mais rondement mené, une lecture qui fait du bien.

Mon grand frère tombé du ciel de Sandrine Beau. Alice, 2016. 80 pages. 12 euros. A partir de 9 ans.


Une lecture commune que j'ai évidemment le plaisir de partager avec Noukette.











lundi 28 novembre 2016

Cher Père Noël

Cher Père Noël,

Comme tous les ans je t’envoie ma petite liste en sachant pertinemment que tu ne pourras pas tout transporter dans ta hotte et qu’il faut laisser de la place pour les cadeaux des enfants au pied du sapin. Sache néanmoins que j’ai été particulièrement sage cette année et qu’il me semble avoir mérité quelques petites douceurs. Je ne te donne aucun ordre de priorité, fais au mieux, je serai quoiqu’il arrive ravi d’ouvrir mes paquets le 25 décembre (je dis quand même « mes » paquets parce qu’un seul, ce serait franchement pas suffisant, faut pas pousser non plus).


L’ours Barnabé est une star à la maison. Tout le monde lit ce rafraichissant cocktail d’humour, de poésie, d’absurde, de non sens et de philosophie aux multiples niveaux de lecture. Le quatrième volume de son intégrale classieuse au dos toilé devrait donc tout naturellement venir prendre place aux cotés des trois autres sur les rayonnages de notre bibliothèque. A bon entendeur Père Noël…






J’ai offert mes deux exemplaires de ce merveilleux diptyque l’an dernier, la sortie de cette intégrale est l’occasion de me replonger dans cette histoire oscillant entre récit d’aventure et carnet de voyage, le tout porté par les somptueux dessins de Benjamin Flao. Un must !  









J’ai été sévère avec Tardi à propos de son dernier album mais il reste un de mes auteurs préférés, surtout lorsqu’il donne dans l’adaptation de roman. Non seulement avec le Nestor Burma de Léo Malet mais aussi et surtout avec les polars sans concession de Manchette. Autant vous dire que Noël ou pas, cette intégrale sera mienne un jour ou l’autre, c’est une évidence.







Tout Murena en un seul volume de près de 500 pages. J’ai acheté les trois premiers tomes et emprunté les autres à la médiathèque. Avec cette intégrale, je vais pouvoir retourner parcourir les ruelles sombres et les palais de la Rome antique de Néron, le pied !









Mon héros de manga préféré. Le personnage est une sorte de Bukowski nippon, pauvre hère sans le sou, alcoolique, obsédé sexuel, cumulant les pires galères et refusant de se tuer au travail. L’antithèse du japonais modèle, un loser pathétique férocement drôle malgré lui.









Celui-là je l’ai déjà, mais dans une ancienne et vieille édition trouvée en brocante. Cette nouvelle couverture me fait craquer, et puis ce cher Jim mérite d'apparaître sous son meilleur jour sur les étagères de ma bibliothèque. En plus je suis certain que ça m’encouragera à relire ce roman que je considère comme son chef d’œuvre.









Et pour celles et ceux qui cherchent quelques idées cadeaux, je ne saurais trop leur conseiller la réédition en deux magnifiques fourreaux des incontournables diptyques Abélard et Alvin de Régis Hautière et Renaud Dillies. Rien de moins que de la poésie en bande dessinée, du bonheur assuré pour les veinards qui auront la chance de les trouver sous le sapin.













samedi 26 novembre 2016

L’arabe du futur T3 (1985-1987) - Riad Sattouf

1985. Riad a sept ans et il vit dans un petit village près de Homs, en Syrie. Sa mère, enceinte d’un troisième enfant, s’ennuie à mourir et n’en peut plus de leur existence sans le moindre confort. Elle presse son père, professeur à l’université de Damas, de rentrer en France mais lui continue à penser que le meilleur est à venir et que la famille coulera bientôt des jours heureux et surtout fastueux. Riad de son côté commence à trouver sa place. A l’école, auprès de ses copains de classe, de la famille de son père. Il découvre le poids des traditions (ramadan, circoncision) et rêve devant un Goldorak géant ou la force de Conan le barbare. Il comprend aussi que les rapports entre adultes ne sont souvent qu’hypocrisie et que l’idéalisme paternel se noie dans les compromissions et les petits arrangements entre amis.


Forcément un bonheur de retrouver le petit Riad, sa candeur et son regard à hauteur d’enfant. Un regard qui évolue, gagne en maturité et devient plus critique. C’est toujours drôle et cruel, la Syrie rurale, un monde dominé par l’ignorance crasse et la violence, plonge le lecteur entre rire et effroi. On a reproché à Sattouf de flatter à travers cette autobiographie certains stéréotypes occidentaux sur les arabes, je n’ai personnellement jamais eu ce ressenti et il suffit dans ce tome de s’attarder sur le séjour breton du garçon et de sa mère pour constater que l’auteur est aussi sévère avec les paysans du Cap Fréhel qu’avec les villageois syriens.

Un travail de mémoire mené avec pertinence et malice, sans complaisance ni parti pris. Et l'auteur ne cède pas à la facilité qui consisterait à donner des jugements de valeur d'adulte d'aujourd'hui, c'est ce qui fait le charme, la fraîcheur et la force de la série.

Un troisième album tout aussi réussi que les précédents qui souligne l’éveil, même balbutiant, de la conscience d’un enfant commençant à comprendre le monde qui l’entoure. Évidemment indispensable.

L’arabe du futur T3 (1985-1987) de Riad Sattouf. Allary édition, 2016. 150 pages. 20,90 euros.



Je me suis efforcé de rédiger un billet d'une exemplaire sobriété car je suis accompagné dans cette lecture par Framboise et Julia, les deux plus grandes fans de Riad qu'il m'ait été donné de rencontrer. Des fans tout à leur folie et à leur excentricité avec lesquelles il m'aurait été impossible de rivaliser. Alors ne traînez pas plus longtemps ici et filez lire leurs avis, ça en vaut vraiment la peine !