J’ai d’abord cru à un remake des Vieux Fourneaux, surtout après la sortie anticléricale d’un des vieillards dans une église pendant un enterrement, mais finalement ça n’a rien à voir, essentiellement parce qu’il n’y a aucune dimension humoristique dans cet album. Ensuite, si j’ai bien saisi qu’on avait affaire à une sorte de polar, j’avoue que je n’ai pas tout compris à cette partie de l’intrigue, notamment le mobile qui pousse le tueur à agir. Mais peu importe car cette histoire m’a emporté à travers la réflexion menée sur la vieillesse et le temps qui passe : les trois générations d’une même famille (le grand-père qui n’a plus beaucoup d’années devant lui, le père à l’aube de la retraite et le fils bientôt papa pour la première fois), les liens tissés depuis des décennies avec des copains eux aussi en bout de course, ces rêves restés à jamais inaccessibles et ces fautes passées que l’on traîne comme un fardeau. Il y a aussi la mise en lumière de la crise frappant de plein fouet la société espagnole et poussant un nombre toujours plus important de personnes vers la précarité.
Pour le dessin, Juan Diaz Canales, scénariste de la cultissime série Blacksad, s’en sort admirablement avec son noir et blanc semi-réaliste digne de son confrère Carlos Gimenez ou des maîtres argentins Risso et Munoz. La surprise est d’autant plus belle qu’il est quand même rare de voir un scénariste se mettre aux pinceaux (l’inverse étant beaucoup plus courant).
Un album dont la profonde dimension sociale m’aura bien plus marqué que l’aspect « polar ». Sombre et lucide, jamais complaisant, triste et pétri d’humanité, ce « Fil de l’eau » s’annonce comme une des belles surprises de cette rentrée BD.
Au fil de l’eau de Juan Diaz Canales. Rue de Sèvres, 2016. 104 pages. 17,00 euros.
Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec mes complices Mo et Noukette.
Les avis de Mylène et Stephie