Attaquer un roman jeunesse en y allant à reculons, ça ne m’arrive pas souvent. Mais avant le coup je me suis dit, punaise, encore un texte sur le cancer, c’est devenu une mode ! Et puis n’ayant jamais lu Anne Percin, je me suis demandé si les grosses ficelles lacrymales seraient de sortie et si la corde de l’émotion serait le seul et unique moteur de l’histoire (oui, je me pose beaucoup de questions avant d’ouvrir un livre, c’est un vilain défaut, comme celui qui consiste à lire la dernière page en premier…).
Bref, soyons honnête, je m’attendais au pire. Et là, miracle, divine surprise, j’ai eu tout faux ! Bien sûr, la situation ne prête pas à rire. Mais son traitement est d’une surprenante légèreté, plein d’optimisme et de positive attitude. C’est simple, ce roman fait du bien. Et pourtant rien n’est éludé, du diagnostic aux différentes étapes du traitement, de l’opération qui mutile à la chimio qui dévaste, du moral qui flanche au regard de ceux qui s’apitoient sans finesse sur le sort du malade, etc.
C’est Tania qui raconte l’épreuve à laquelle sa mère et elle sont confrontées. Et Tania cherche avant tout à dédramatiser. Elle s’interroge de façon pertinente sur le cancer, cette injustice qui frappe aveuglément, sur l’exclusion sociale qu’il engendre, sur la difficulté à vivre au chevet d’une maman en souffrance, donc pas toujours simple à supporter. Mais elle le fait avec un regard pétillant où le bon sens prédomine. C’est une épreuve que toutes les deux vont traverser ensemble dans une forme de soutien réciproque extrêmement touchant. Leur complicité en sort renforcée et l’adolescente gagne en maturité. Surtout, elle garde un humour à toute épreuve, une répartie cinglante qui fait mouche et qui n’a rien d’une démission face à la maladie, bien au contraire. J’ai adoré lire le point de vue de cette gamine un poil moqueuse, lucide, décidée et en même temps d’une fragilité que l’on sent poindre sous un discours déterminé qui tient souvent de la méthode Coué.
Un texte d’une rare intelligence, mené de main de maître, sur un sujet forcément casse-gueule. Chapeau bas madame Percin !
Ma mère, le crabe et moi d’Anne Percin. Rouergue, 2015. 126 pages. 10,20 euros. A partir de 13 ans.
Et comme chaque mardi ou presque, c'est une lecture que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.
Les avis de Cathulu, Hélène et Mirontaine