«
Hermie fut pris d'une violente nausée. Il eut des vertiges et dut s'asseoir. Il avait la tête embrumée, folle, malade. C'était soit l'amour, soit le choléra - il avait une préférence pour ce dernier parce qu'au moins, on pouvait en guérir. »
Hermie, Oscy et Benjie. Des gamins de 15 ans qui voudraient devenir des hommes, pendant cet été 42 passé sur une île en face de la Nouvelle Angleterre, alors que leur pays vient d’entrer en guerre. Des ados se baladant au bord de la plage avec leur bistouquette greffée sur le front, ne pensant qu’à « ça ». « Ça », qui les travaille beaucoup, mais dont ils ne connaissent strictement rien. Heureusement, Benjie a son manuel d’anatomie. Tout l’acte sexuel y est expliqué en douze étapes. Hermie est persuadé qu’il ne dépassera pas la seconde de ces étapes, que s’il arrive à la cinquième ce sera un miracle. En attendant, il fantasme comme ses copains sur la belle Dorothy. Une femme, une vraie, à la plastique parfaite et au charme torride.
Ce texte sent le vécu à plein nez et c’est ce qui le rend si attachant. Bien sûr, aujourd’hui, une éducation sexuelle (ou plutôt pornographique, ce qui n’a strictement rien à voir) peut se faire en deux clics mais il n’empêche, les questionnements de l’adolescence gardent une portée universelle. Par exemple Hermie qui pelote le bras de sa voisine au cinéma pensant que c’est un sein et s’étonne à peine de ne pas trouver le téton, ça aurait pu être moi. Ce même Hermie qui joue avec une capote, l’enfile et la trouve tellement grande qu’il a l’impression de voir pendre un «
accordéon détendu », ça aurait pu être moi aussi. J’ai bien dit «
aurait pu », n’allez pas vous imaginer des trucs sur mon adolescence (et mon anatomie).
Quoi qu’il en soit, j’ai adoré cet humour pas spécialement léger mais qui ne cherche pas non plus à en faire des caisses. L’enchaînement des épisodes peu glorieux donne tout le sel au récit. On suit nos pieds nickelés de la drague le sourire aux lèvres, on se délecte de leurs échanges savoureux, de leurs réflexions hautement intellectuelles sur les choses de la vie, de leurs angoisses, de leurs échecs et de leurs pseudo certitudes : «
Il quitta sa chambre avec la conviction que lorsqu’il reviendrait, il serait un homme. Des pieds à la tête, il n’était qu’une érection ambulante qui respirait le sexe, la confiance en soi et la maturité. » On rit beaucoup donc, et à la fin on pleure, parce c’est beau et qu’il y a de quoi (enfin pas moi parce que je ne pleure jamais en lisant un livre, faut pas pousser non plus, mais j’en connais qui écraseraient facilement une petite larme).
Un roman d’initiation qui m’a fait passer un excellent moment de lecture. Quel plaisir de découvrir ces garçons «
douloureusement à cheval sur le fil de fer barbelé qui sépare l’enfance de l’âge adulte », ces garçons «
en train de se départir de l’atroce chrysalide de la jeunesse ». Réjouissant et plein de vie !
Un été 42 d’Herman Raucher. La belle colère, 2015 (1ère édition française en 1971).
345 pages. 20,00 euros.
Une lecture comme que j’ai le plaisir de partager avec
La Fée Lit. Une grande première dont je me réjouis au plus haut point (et on remettra ça très vite j’espère !)