Voila, c’est tout. Une première fois inattendue. Les choses n’étaient pas censées se passer comme cela au départ. Pia, 15 ans, voulait juste séduire. Avec sa cousine Marthe, elles ont bravé le couvre-feu parental de minuit et se sont retrouvées dans la boîte de nuit d’un camping de Royan, un soir de juillet. Elles cherchaient un flirt, rien de plus, histoire de ne pas conclure les vacances bredouilles. Nathan lui a adressé la parole et tout s’est emballé. Il a pris sa main et elle est « passée dans un autre monde ». Une aventure d’un soir, sur la plage, aux conséquences terribles : Pia est enceinte et sa vie bascule. Il est trop tôt, beaucoup trop tôt…
Incroyable petit roman d’une puissance phénoménale. Un récit sur un fil, pas caricatural pour deux sous, hyper réaliste au contraire. J'ai adoré la réaction des parents, le soutien de la cousine et du copain qui joue les grands frères, et puis sa réaction à elle, tellement lucide, ses réflexions sur le désir en décalage avec l'éducation sexuelle enseignée à l'école, sa colère, ses doutes, sa volonté sans faille une fois sa décision prise et sa peur (que dis-je, sa terreur !), tellement légitime face une situation aussi inimaginable.
Un roman engagé au parti-pris pro avortement totalement assumé. Un roman trop intelligent pour tomber dans un militantisme simpliste et braillard. Un roman trop délicat pour ne pas toucher en plein cœur ses lecteurs et lectrices, quelles que soient leurs convictions. Un roman trop important pour que vous fassiez l’impasse, qu’on se le dise.
Trop tôt de Jo Witek. Talents hauts, 92 pages. 7,00 euros. A partir de 14 ans.
Une pépite jeunesse, une vraie de vraie, que je partage cette semaine encore avec Noukette.
Beaucoup de passages marquants dans ce texte …
A propos de la réaction de la mère :
« Ça ne s’est pas passé comme dans les films avec des dialogues déchirants, des pleurs et des embrasements lyriques. Maman était trop bouleversée pour me consoler. Trop chamboulée pour me témoigner de l‘empathie. La nouvelle l’a complètement vidée de ses forces et c’est d’abord la colère qui s’est imposée. »
A propos de la nuit où tout à basculé :
« Face à la mer, j’ai compris que cette nuit d’amour volée à mes vacances en famille était mon premier choix d’adulte. Qu’il fallait assumer. Que c’était ça grandir. S’embarquer et essuyer des tempêtes. »
A propos du désir :
« Moi, je ne veux pas qu’on me pardonne. Je veux qu’on accepte. Je veux qu’on dise l’amour fait perdre la tête et les cours d’éducation sexuelle devraient être accompagnés d’autre chose que d’un kit de prévention des risques. Capote-pilule-MST. Tu parles d’un triptyque ! C’est comme ça qu’on nous parle de la première fois. Rien sur les frissons, les émotions, rien sur la force des désirs. C’est comme si un marin se préparait au tour du monde sans tenir compte de la puissance du vent. Moi, jai glissé dans une tornade et personne ne m’avait prévenue d’un tel cataclysme. »
[…]
« Pourquoi tu ne m’as pas prévenue, maman ? Le désir fou, ça existe. Mais peut-être qu’on ne peut pas dire l’amour, le frisson, la passion. Peut-être que l’amour ne peut que s’éprouver. Que les mots ne suffisent pas. Partenaire, orgasme, contraception, fécondation. Les mots pour dire la sexualité sont si laids. C’est sans doute pour cela qu’ils provoquent tant de malentendus. »