Personnellement, je ne garde aucun souvenir de la nuit de mes trente ans. Pas comme celle de mes dix-huit ans, que je n’oublierai jamais, mais c’est une autre histoire… En tout cas il aurait pu m’énerver ce premier roman. Il aurait dû m’énerver, même. Trop parisien, trop bobo, trop plein de boites de nuit et d’ivresse gratuite, trop futile. Et puis un gars de trente ans qui surfe sur le « c’était mieux avant », qui radote déjà, c’est typiquement le genre de personnage que j’ai envie de baffer. Sauf que ça n’a pas été le cas. Le Félix, j’ai aimé le suivre dans ses pérégrinations. J’ai aimé ses rencontres impromptues, sa façon de prendre les choses à la légère malgré ses questionnements existentiels, sa lâcheté permanente. C’est un trentenaire d’aujourd’hui, un romantique mollasson qui s’imagine un instant prendre un billet d’avion pour New York sur un coup de tête mais sait très bien qu’il n’en fera rien, que le métro-boulot-dodo restera son quotidien en attendant sagement la retraite ou la maladie. Désabusé mais pas révolté, faut pas exagérer…
Finalement Félix, il aurait pu se jeter dans la Seine après une nuit pareille, après un tel constat d’échec. Mais au lieu de ça, il rentre chez lui pour cuver, ni plus ni moins. Et je crois que c’est pour ça que je l’aime, allez comprendre... Après, les toutes dernières pages m’ont déçu, je n’ai pas compris le besoin de cette chute inattendue qui n’apporte strictement rien. Ce n’est qu’un détail mais il vient quelque peu gâcher la bonne impression d’ensemble, et c’est bien dommage.
La nuit des trente d’Éric Metzger. Gallimard / L’arpenteur, 2015. 108 pages. 10,90 euros.