mercredi 16 avril 2014

Un petit goût de noisette - Vanyda

Dans ces nouvelles, il est question d’un écureuil qui essaierait d’attraper une trop grosse noisette. D’une étudiante amoureuse d’Esteban, qui en aime une autre. De Barnabé, pensant trouver l’amour en « sauvant » un colis qui ne lui était pas destiné. Mais il est aussi question, d’Eléonor, d’Aymeric, de Luna, de Margaux, de Benoît, d’Abderrazak, de Marlène, de Christophe et d’Azul.

Il n'est que question d'amour dans cet album. Des trajectoires qui se croisent, des vies en pointillés, des jeunes gens qui se cherchent, un arrière goût de solitude parfois. Des rencontres, des hésitations, des occasions manquées, des regrets, des histoires qui grandissent l'air de rien. Et quand l'évidence est là, l'alchimie fonctionne, envers et contre tout.

A première vu, tout cela a l'air très décousu. Mais plus on avance dans le recueil et plus on se rend compte que les histoires se font écho, que des protagonistes reviennent régulièrement, que certains servent même un peu de fil rouge à l'ensemble. On avance et on se dit que Vanyda a tricoté son ouvrage serré-serré, que la construction est bien plus fine qu'il n'y paraît.

Le dessin est assez dépouillé et va à l'essentiel. Le découpage est parfait et privilégie la lisibilité. Avec autant de personnages, on aurait pu craindre de s'emmêler les pinceaux mais les visages se reconnaissent au premier coup d’œil.

Un album tout en délicatesse où l'on saisit ces petits moments qui, parfois, font basculer une existence. C'est à la fois réaliste et plein de tendresse, ça ressemble à la vie comme elle est, joyeuse, triste,traversée par de l'attente, de l'espoir, des désillusions et de magnifiques rencontres. Une vraie réussite.

Un petit goût de noisette de Vanyda. Dargaud, 2014. 206 pages. 17,95 euros.

Une lecture commune que je partage avec Noukette.

Les avis de Marion et Stephie.







mardi 15 avril 2014

Charlie - François David

Luce a 13 ans. Une gamine comme les autres, à une chose près : son meilleur ami fait la manche assis sur un carton, devant un magasin. Il s’appelle Charlie et chaque jour elle le rejoint pour passer de longues heures à ses cotés. Une amitié forte, incroyable même. Si ses parents, compréhensifs, ne lui mettent pas de bâtons dans les roues, le regard porté par les autres n’est pas aussi bienveillant, loin de là. Mais Luce s’en contrefiche, ce qui compte pour elle, c’est d’être avec Charlie : « Avant Charlie, il n’y avait personne […] dans ma vie. Un jour, il a été là, avec ses deux cartons, et, pour moi,  à l’instant, plus rien n’a été pareil. »

Une histoire difficile à croire. Comment une jeune fille peut s’attacher à ce point à un SDF ? Comment ses parents peuvent la laisser faire avec autant de facilité alors qu’ils ne savent rien de cet homme ? Et pourtant cette histoire est vraie. En fin d’ouvrage, une interview de la « véritable » Luce (qui se prénomme en réalité Laure) menée par l’auteur lui-même permet d’éclairer chaque point du récit et remet l’ensemble en perspective. Et Laure le reconnaît sans peine : « J’imagine que tout n’est pas si évident à comprendre et il me semble que je m’en apercevais déjà à l’époque dans certains regards croisés avec des personnes qui passaient devant le magasin. […] Il y avait tellement de choses qui nous séparaient. Nous avons, il me semble, lui et moi, su faire abstraction de ces différences pour que notre histoire soit une vraie rencontre d’amitié et de partage. »

Compréhensible ou pas, peu importe. Cette relation amicale incongrue dégage des ondes positives. L’attention aux autres, une forme d’altruisme sans contrepartie, la prédominance de l’être sur le paraître, voila ce dont il est question ici. Et puis j’ai beaucoup aimé la fin qui évite, comme je le craignais, de tourner au neuneu ou de laisser le lecteur en plan en montrant Charlie et Luce au même point qu’à la première page.

Encore un texte engagé des éditions Le Muscadier. Engagé mais intelligent et sans gros sabots. Comme d’habitude, quoi.

Charlie de François David. Le Muscadier, 2014. 68 pages. 6,90 euros. A partir de 9 ans.

Une lecture commune que je partage comme chaque mardi avec Noukette mais aussi cette semaine avec Stephie. Plus on est de fous...

lundi 14 avril 2014

Pan’Pan Panda, une vie en douceur T2 - Sato Horokura

En présentant le premier tome de cette série, j’avais qualifié Pan’pan d’un peu cucul. Panpan cucul, la vanne était pourrie et le jugement assez injuste je dois dire. Parce qu’après tout, Pan’pan Panda est un manga destiné aux jeunes enfants, il est donc logique que ses thématiques soient plutôt légères.

Au menu de ce second volume on retrouve Panetone le panda et la petite Praline, au moment de la nouvelle année. Nous les suivons au fil du calendrier et découvrons avec eux la Saint Valentin nippone (au Japon, ce jour-là, ce sont les femmes qui offrent des gâteaux et des confiseries aux hommes) et son pendant masculin le White Day (célébré le 14 mars, il permet aux garçons d’offrir aux filles un cadeau en remerciement des présents reçus un mois plus tôt), sans oublier le
fameux pique-nique sous les cerisiers en fleurs pour fêter l’arrivée du printemps (l’hanami). C’est tout l’intérêt de ce manga, présenter aux jeunes lecteurs des fêtes traditionnelles et de nombreuses références culturelles à travers le quotidien d’une petite fille et de son ami le panda.

Le vocabulaire spécifique n’est parfois pas simple à comprendre (mochi, umani, karuta, o-zoni, saisen-bako, etc.) mais un lexique explique clairement chaque mot nouveau. D’ailleurs, les autres petits bonus placés en fin d’ouvrage ajoutent un vrai plus. Niveau dessin c’est toujours aussi kawaï, simple, frais et coloré.

Un manga à lire à partir de 7 ans, ce n’est pas si courant. Et puis c’est un support idéal pour découvrir en douceur le mode de vie d’une famille japonaise.

Pan’Pan Panda, une vie en douceur T2 de Sato Horokura. Nobi nobi, 2014. 112 pages. 9,45 euros. A partir de 7 ans.




samedi 12 avril 2014

Le vertige danois de Paul Gauguin - Bertrand Leclair

Gauguin débarque à Copenhague en 1885 pour y rejoindre sa femme Mette et ses cinq enfants. Il vient de lâcher son emploi de courtier en bourse à Paris et débute une carrière de vendeur de bâches. Mais c’est la peinture qui l’obsède. Bien avant Pont Aven et Tahiti, les débuts sont difficiles. La reconnaissance tarde à venir, les soucis financiers s’accumulent, la vie danoise l’éreinte et les relations avec sa femme et sa belle-famille deviennent insupportables.

La peinture comme refuge. La peinture qui seule, « lui rend le présent habitable, [...] lui est tout à la fois la clé de l’avenir et ce qui permet d’en suspendre un instant le couperet. » La peinture qui, également, scellera la fin de son couple : « La peinture n’est plus un prétexte aux agressions ou aux rapprochements amoureux, elle est réellement devenue le nom de ce qui les sépare, irrévocablement, cela même qui bloque le balancier conjugal en position d’hostilité perpétuelle. »

Larguer les amarres. Gauguin va y consentir après moult hésitations. Une décision brutale, un couperet qui tombe d’un seul coup. Il part subitement pour la France avec son fils de 6 ans, Clovis, abandonnant les siens : « Il s’est sauvé du soir au matin, peut-être, et avec lui la peinture, comme le voudrait la légende, aussi bien sur son versant doré (l’homme qui a tout sacrifié à sa passion irrépressible pour la peinture) que sur son versant noir (l’homme qui a abandonné femme et enfants pour propager la syphilis en Polynésie au nom de l’art). »

Et parce qu’il manque une lettre, la première adressée par Gauguin à sa femme après leur séparation, on ne saura jamais les véritables raisons de ce départ brutal. Alors Bertrand Leclair interprète. Il déduit à partir des lettres suivantes, il imagine. Et sans doute parce qu’il est en empathie totale avec l’artiste, il a bien du mal à lui donner tort. Pour lui c’est le mépris de sa belle-famille danoise qui l’a poussé à partir. Gauguin ne serait donc pas un salaud ayant abandonné les siens et son départ était la seule solution, la seule réponse à cette question radicale vers laquelle son expérience danoise l’avait mené : peindre ou se pendre ?

Un séjour à Copenhague douloureux mais nécessaire pour la maturation de l’œuvre à venir. L’artiste s’est construit dans cette épreuve, face aux jugements des autres mais aussi face à sa propre culpabilité de mari et de père incapable d’entretenir sa famille. Les doutes, les hésitations face à cette volonté de larguer les amarres en butte aux conventions sociales et à la bien-pensance, tout cela est parfaitement restitué dans le récit de Bertrand Leclair. La langue est belle, d'un lyrisme contenu. Un superbe texte qui éclaire d'un jour nouveau un épisode peu connu et pourtant essentiel de la vie de Gauguin.


Le vertige danois de Paul Gauguin de Bertrand Leclair. Actes sud, 2014. 182 pages. 19 euros.






vendredi 11 avril 2014

Guerres - Timothy Findley

 Alice Ferney pose parfaitement les enjeux de ce texte dans son avant-propos : « Voici un roman sur 14, publié en 1974, écrit par un auteur qui n’était pas né au moment des faits. C’est un livre de l’après. […] Timothy Findley se trouve dans cette posture fondatrice de la littérature : écrire ce que l’on n’a pas vécu, écrire ce qu’ont fait les autres, et, pour ce faire, transformer une expérience extérieure (celle des autres) en expérience intérieur. »

Guerres est le récit des quelques mois passés par le soldat canadien Robert Ross sur le front belge, entre décembre 1915 et juin 1916. Ross, engagé volontaire après le décès de sa sœur, sera très vite promu officier. En charge d’une petite compagnie, il va monter au front et se heurter de plein fouet à l’horreur et à la violence des combats. De l’infernale traversée entre le Canada et l’Angleterre à l’arrivée sur le continent en passant par la découverte des tranchées, de la mort, de la peur, de la lâcheté, du retour à la vie civile le temps d’une permission et enfin de cet événement de trop qui rend votre condition de soldat insupportable et vous pousse à la désobéissance, le lecteur suit un parcours qui s’avérera des plus douloureux…

J’ai mis beaucoup de temps à lire ce roman, pourtant loin d’être un pavé, ce qui n’est jamais bon signe. Plusieurs choses m’ont freiné. J’ai trouvé les passages se déroulant à l'arrière, pendant les permissions, très barbants. J’ai aussi eu quelques difficultés à visualiser certaines scènes sur le front, comme si les descriptions n’étaient pas d’une grande clarté. Enfin, et c’est sans doute le plus gros hic, je n’ai développé aucune empathie particulière pour Robert, restant un observateur totalement extérieur et peu concerné par les tragédies qui l’ont frappé. Seule la fin, crépusculaire, magnifique d’évidence face au sort réservé à ceux qui, en vain, ont voulu s’opposer à la guerre, résister d’une façon ou d’une autre à la folie destructrice des hommes, m’a bouleversé.

Beaucoup considèrent ce texte comme une des plus beaux romans jamais écrits sur la première guerre mondiale. Je veux bien les croire, même si en ce qui me concerne, je reste loin du coup de foudre.


Guerres de Timothy Findley. Phébus, 2014. 252 pages. 22 euros.




Et voici ma seconde participation au challenge de Stephie





mercredi 9 avril 2014

Le train des orphelins T1 : Jim - Charlot et Fourquemin

Dans les années 20, à New York, un train s’apprête à partir pour un long voyage. A son bord, des orphelins qui vont être « distribués » aux familles en mal d’enfants de l’Ouest et du Middle West. Dans chaque ville où le train s’arrête, c’est un peu la foire aux bestiaux. Et pour les enfants, c’est la roulette russe avec, coté pile, la chance de tomber sur des adoptants aimants et généreux ou, coté face, de sombres énergumènes cherchant de la main d’œuvre bon marché voire même de la chair fraîche…

Ce premier tome s’attarde sur la situation de Jim, Joey et de leur petite sœur Anna. Une fratrie solidaire qui risque la séparation à chaque étape du train. Leur chemin croisera celui d’Harvey, gamin débrouillard et pragmatique : « Ce qu’il faut, c’est trouver une bonne famille… des parents pleins aux as… et après… la belle vie… ». Leur périple sera marqué du sceau de l’amitié et de l’entraide, malgré les coups durs.

Basée sur une histoire vraie, cette série revisite un pan méconnu de la conquête de l’ouest. 250 000 enfants embarquèrent de New York entre 1850 et 1929 vers des régions en mal de population jeune et travailleuse. Si le placement d’enfants des rues relève d’une démarche louable, le philanthropisme de façade se lézarde rapidement lorsque l’on découvre les méthodes employées. Le placement se fait sans aucune vérification préalable, les enfants sont simplement étiquetés comme des animaux et offerts à la première personne qui se manifeste. Sans compter les petits trafics menés par les adultes encadrant le voyage qui réservent à l’avance les « plus belles pièces » contre de confortables rémunérations. De fait, mieux valait être blond et en bonne santé pour trouver preneur. Le programme ne prenait par ailleurs pas en charge les enfants noirs (« Que voudriez-vous que nous fassions de négrillons… nous sommes une institution caritative mais il y a des limites à tout").

Le train des orphelins revient donc sur la plus grande migration d’enfants de tous les temps. Une migration nécessaire pour arracher à la misère des gamins abandonnés mais dont la mise en œuvre souffrit de nombreuses dérives. Alors que le quatrième tome vient tout juste de sortir, je n’ai qu’une hâte, savoir ce que vont devenir, Jim, Joey, Anna et Harvey…  


Le train des orphelins T1 : Jim de Charlot et Fourquemin. Grand Angle, 2012. 48 pages. 13,90 euros.

Un grand merci un Choco qui m'a offert cet album dans le cadre du loto BD. Un très bon choix !

Les avis de Choco et Hérisson.






mardi 8 avril 2014

Le miroir brisé - Jonathan Coe

Claire, huit ans, découvre dans une décharge un morceau de miroir en forme d’étoile. Pour la jeune fille, la trouvaille se révèle extraordinaire puisque ce miroir reflète non pas la réalité mais « des choses deux fois plus passionnantes et cent fois plus magiques que le quotidien prosaïque qui l’entoure de toutes parts. » Alors non, Claire ne basculera pas, tel Alice, de l’autre coté du miroir. Mais cet objet, qui l’accompagnera des années durant, va lui donner à voir une réalité bien plus douce que celle qu’elle doit affronter. Une réalité qu’il lui sera peut-être un jour possible de connaître…

Pour sa première incursion en littérature jeunesse, Jonathan Coe se contrefout des modes et déroule son histoire avec un grand classicisme formel. Loin des productions actuelles anxiogènes et ultra pessimistes, il propose un roman jeunesse à l’ancienne, à contre courant. Pas niais ni ringard, loin de là. Mais le texte offre la part belle à une forme d’utopie que beaucoup d’auteurs n’osent plus forcément défendre. C’est un texte aux valeurs positives n’éludant pas pour autant les maux de nos sociétés occidentales. Finalement, au-delà de l’aspect fantastique du départ, le propos est avant tout philosophique. L’injustice, les inégalités sociales, la surconsommation, le règne du paraître, tous ces sujets sont abordés en filigrane et poussent l’air de rien à la réflexion. Le miroir joue le rôle d’un guide, il embellit la réalité quotidienne mais il indique aussi une voie à suivre : « au lieu de nous montrer le monde comme il est, il nous le montre comme il devrait être. » Et surtout, comme il est possible de le rendre si chacun décidait d’y mettre du sien.

J’adore par ailleurs les illustrations un peu désuètes aux couleurs criardes de l’italienne Chiara Coccorese. Un plus d’être un excellent roman jeunesse, ce miroir brisé est également un fort joli objet-livre. Bref, c’est une très belle réussite.

Le miroir brisé de Jonathan Coe. Gallimard Jeunesse, 2014. 114 pages. 12,50. A partir de 10 ans.


Une lecture commune que je partage comme chaque mardi avec Noukette.

lundi 7 avril 2014

L’histoire de la chauve-souris qui voulait se faire des amis - Sarah Dyer

Charlie la chauve-souris se désole de ne pas être aussi populaire que les autres animaux du zoo. Pour ne plus passer inaperçue, elle décide d’aller faire un tour chez ses voisins les pingouins pour voir si elle pourrait exécuter les mêmes acrobaties qu’eux. Mais plonger dans l’eau glacée et manger du poisson, ce n’est pas son truc. Chez les gorilles, l’épouillage ne l’emballe pas, comme la sieste à longueur de journée chez les lions. Et les oiseaux quant à eux font bien trop de bruit. Bref, la pauvre Charlie rentre chez elle en se disant qu’elle n’a pas sa place parmi les animaux qui attirent les foules...

Encore un album en randonnée. Charlie rencontre les différents pensionnaires du zoo les uns après les autres avant le final très réussi réunissant tout le monde. L’intérêt majeur tient dans le fait que l’on découvre chaque nouvelle espèce à travers le point de vue de la chauve-souris, c'est-à-dire à l’envers ! Il faut donc retourner l’album pour voir les illustrations « dans le bon sens ». Une petite manipulation rigolote et répétitive qui plaira forcément aux enfants.

Les illustrations un tantinet naïves possèdent un charme un peu désuet qui fait mouche. Voila un album sans prétention mais très réussi qui aborde la question de l’amitié et de la différence d’une manière « renversante ».  


L’histoire de la chauve-souris qui voulait se faire des amis de Sarah Dyer. Circonflexe, 2014. 26 pages. 13,00. A partir de 4 ans.






vendredi 4 avril 2014

Un yankee à Gamboma - Marius Nguié

Au milieu des années 90, la République du Congo est ravagée par à une guerre civile entre sudistes et nordistes. A Gamboma, une petite ville du nord, les partisans du président Lissouba règnent en maître. Benjamin est l’un deux. Ce trentenaire, qui a commis de nombreuses exactions, se fait appeler "Sous-off" par la population et sème la terreur partout où il passe. Il fascine aussi. Beaucoup. Notamment Nicolas, le narrateur, un gamin de 14 ans bien sous tous rapports. Bon élève, bon camarade et bon fils d'une mère qu'il admire, Nicolas déambule avec Benjamin dans les rues de Gamboa et apprend à ce dernier les codes et les usages d'une ville jadis paisible en proie à la violence et à l'arbitraire.  

Une chronique douce amère, sans doute très autobiographique, dont la légèreté peut paraître surprenante eu égard au sujet. Le quotidien d’une population en proie à la guerre civile n’a à la base rien de réjouissant. Mais le traitement à hauteur d’ado apporte une certaine fraîcheur et la multiplication des personnages secondaires dynamise l’ensemble. Personnellement je retrouve dans ce texte le coté savoureux et un peu nonchalant propre à nombre de romans africains ou à la littérature caribéenne. La filiation avec Alain Mabanckou, Raphaël Confiant ou Dany Laferrière est également perceptible dans l’inventivité linguistique dont font preuve les Gabomais.

Malgré quelques passages dérangeants et des scènes difficiles, surtout celles concernant le traitement réservé aux femmes, je ne peux m’empêcher de trouver ce premier roman plein de vitalité. Maintenant je comprends aussi qu’il puisse être déroutant pour plus d’un lecteur. Question d’habitude sans doute. Mais si vous voulez découvrir un jeune auteur congolais prometteur et une littérature quelque peu singulière, c'est le livre idéal.

Un ouvrage ramené du salon du livre avec Noukette. C'est donc en toute logique que je partage avec elle cette nouvelle lecture commune. 


Un yankee à Gamboma de Marius Nguié. Alma, 2014. 84 pages. 12 euros.



mercredi 2 avril 2014

Max Winson T1 : La tyrannie - Jérémie Moreau

Max Winson est un phénomène. Le seul tennisman de l’histoire à avoir remporté tous ses matchs. N°1 mondial depuis 7 ans, 24 titres en grand chelem et 94 tournois gagnés d’affilée. Un gamin au physique de colosse qui ne se pose pas de question, une sorte de robot, programmé pour gagner, cornaqué par un père tyrannique ne lui laissant rien passer. Pourtant le jeune homme semble traîner une mélancolie persistante, une fragilité difficile à cerner.
Il va d’ailleurs suffire d’une interview télé catastrophique pour ébranler le mythe. Le paternel en fait une attaque et Max doit trouver un nouvel entraîneur. Ce sera Andy, un inconnu aux méthodes très particulières qui va le préparer au match le plus compliqué de sa jeune carrière….  

Avec ce diptyque, Jérémie Moreau (Le singe de Hartlepool) a voulu faire un shonen à l’envers. Dans Dragon Ball ou Naruto, le héros, chétif, honnête et un poil naïf, devient le plus fort de tous en franchissant les paliers petit à petit alors qu’ici, Max Winson est au sommet dès le départ et il voudrait descendre de son piédestal. En filigrane l’auteur dénonce avec une certaine finesse les méfaits du sport spectacle, de sa médiatisation et de sa proximité avec la pire forme de libéralisme économique. Mais le cœur du propos reste la compétition à outrance qui caractérise notre société, ce besoin d’être meilleur que les autres et cette violence de la victoire qui galvanise les foules. C’est d’ailleurs le reproche que fait une journaliste à Max : « Tu incarnes la compétition sauvage. Pour s’en sortir, il faut écraser son voisin. Il faut être plus fort, plus performant, plus endurant, et pire… impitoyable. »

Par rapport au singe de Hartlepool le trait est ici plus relâché, plus nerveux, plus dépouillé. Quelque chose de brut et d’instinctif qui rappelle par moments Bastien Vives. Autant dire que je ne suis pas fan… Par contre, le noir et blanc est sympa et le découpage est super dynamique, avec quelques effets vraiment astucieux et risqués mais toujours très lisibles.

Une bonne surprise. Avec ce premier album solo, Jérémie Moreau s’est lancé sans filet pour dénoncer un modèle social faisant de la recherche de la réussite notre seule raison d’être. Le tout sans passer pour un donneur de leçon rabat joie. Chapeau !


Max Winson T1 : La tyrannie de Jérémie Moreau. Delcourt, 2014. 158 pages. 15,95 euros.


L'avis d'Yvan