Goscinny et Uderzo © Éd. Albert René |
Dès 1959, Oumpah-Pah semble connaître un certain succès. Deux disques relatant les premières histoires sont réalisés et l’un deux remporte le prestigieux « grand prix de l’académie du disque français », une importante distinction pour les livres-audio de l’époque. Dans la foulée, un court métrage animé est produit par les studios Belvision. Bref, Oumpah-Pah semble lancé sur les sentiers de la gloire. Hélas, tout s’écroule suite au fameux référendum annuel du journal de Tintin, un classement permettant aux lecteurs de plébisciter leurs séries préférées. L’annonce des résultats a l’allure d’une douche froide pour Uderzo et Goscinny puisque leur peau rouge se retrouve au 11ème rang, quasiment au niveau du courrier des lecteurs ! Piqués au vif, les deux auteurs proposent au directeur du journal d’abandonner la série. Il faut dire qu’entre temps, les deux gaillards se sont lancés à corps perdu dans l’aventure Pilote dont le premier numéro a vu le jour en octobre 1959. Devant réaliser cinq planches par semaine (une de Tanguy et Laverdure, deux d’Astérix et deux d’Oumpah-Pah), Uderzo parvient difficilement à tenir ce rythme infernal et il se dit que la fin prématurée d’Oumpah-Pah lui enlèverait une belle épine du pied. Comme de toute façon le contrat avec Le Lombard interdisait de reprendre les aventures du peau rouge dans un autre journal que Tintin, les auteurs préférèrent arrêter les frais. L’aventure Oumpah-Paph prend fin en 1962 après seulement cinq histoires et 150 planches. Un vrai gâchis !
Pourquoi j’aime autant cette série ? Parce qu’elle porte en elle les prémices d’Astérix et Obélix. Un village qui résiste aux envahisseurs, un héros à la force herculéenne, des personnages aux noms aussi drôles qu’improbables, des calembours et de l’humour beaucoup plus fin qu’il n’y paraît, ça vous dit quelque chose ? Oumpah-Pah a été en quelque sorte un laboratoire pour Astérix. Le résultat est bluffant et mérite vraiment d’être redécouvert car cette série avait tout d’une grande.
Plus grandes forces de cette série :
• Le dessin d’Uderzo. Formidable de dynamisme et de souplesse, avec certaines séquences dont le découpage frôle la perfection. Quelques planches originales en noir et blanc ont été exposé l’an dernier au salon européen de la BD de Nîmes. La maîtrise du noir et blanc d’Uderzo y est tout simplement incroyable, surtout pendant les scènes se déroulant en mer. Du très grand art !
• L’humour de Goscinny. Visionnaire, refusant de se plier aux conventions de son époque où tout devait rester très premier degré, il puise son inspiration chez les auteurs américains de la revue Mad et laisse libre-court à son imagination débordante. Résultat, entre les jeux de mots, les clins d’œil à l’actualité, le comique de répétition et les gags purement visuels, Oumpah-Pah est pour moi plus drôle que nombre d’Astérix.
• Les noms des personnages. Passe encore pour le chef de tribu Gros Bison, mais vous avouerez que le sorcier Y-Pleuh, le chasseur Y-a-plus-saison et le vieux guerrier N’a-qu’une-dent qui, après une bataille, est rebaptisé N’a-qu’une-dent-mais-elle-tombée-alors-maintenant-n’en-a-plus, il fallait les trouver !
• L’intégrale publiée en fin d’année dernière par Hachette qui regroupe l’ensemble des planches et un dossier critique dans une belle édition cartonnée pour à peine 20 euros. Une heureuse initiative qui permettra à ceux qui le souhaitent de découvrir la série à moindre frais.
Ce qui m’a le plus agacé :
• Le manque de succès d’Oumpah-Pah et la bêtise des lecteurs du journal de Tintin de la fin des années cinquante qui ont précipités sa perte. Messieurs, je ne vous félicite pas !
• Le fait que l’intégrale citée ci-dessus ne soit pas en noir et blanc. Ceux qui passent régulièrement par ici savent à quel point je préfère le noir et blanc à la couleur. Ici encore, les couleurs n’apportent rien. Au contraire, leur absence renforce la perfection du trait d’Uderzo. Mais on m’a déjà tellement répondu que d’un point de vue commercial, il n’y a que la couleur qui compte...
Goscinny et Uderzo © Éd. Albert René |
Carte d’identité de la série : Auteurs : René Goscinny et Albert Uderzo Date de création : 1958 Nombre d'albums : 3 (série terminée) Éditeur : Éd. Albert René |