Emmanuel Carrère va sans doute remporter le Goncourt 2011 avec Limonov, récit de la vie d’un écrivain russe, coqueluche des branchés parisiens dans les années 80, devenu leader du parti national-bolchévique et aujourd’hui idole d’une jeunesse moscovite désabusée. Un personnage odieux, fasciste pur et dur engagé aux cotés des serbes pendant la guerre de Yougoslavie. Mais avant de devenir une figure politique nauséabonde, Edward Limonov a écrit de la poésie et des romans.
Le Dilettante profite opportunément de la sortie de l’ouvrage de Carrère pour rééditer trois des quatre titres de l’auteur russe inscrits à son catalogue dans un seul et même recueil. Le premier texte, Salade niçoise, narre le séjour de Limonov sur la Côte d’Azur à l’occasion d’un salon littéraire en 1986. Pour l’écrivain punk de la nouvelle littérature soviétique, tous les romanciers français sont des vieillards. Dans son hôtel, Limonov vide le minibar de sa chambre et s’amuse avec la machine à cirer les chaussures. Il ne connaît personne, s’emmerde ferme. Finalement, c’est en draguant sur la plage que son séjour niçois va prendre une tournure plus agréable. Le second texte met en scène un Limonov fauché dans les rues de New York. Des déambulations qui l’amènent chez Diane Kluge, une amie toujours partante pour une partie de jambes en l’air. Le dernier texte, qui donne son titre au recueil, se déroule quant à lui à Paris. Alors que sa carte de séjour est sur le point d’expirer, Edward découvre les turpitudes et les méandres de l’administration à la française : « les français n’avaient pas envie d’avoir chez eux un type sans papiers. Pour les étrangers, les temps sont devenus plus durs en 1984, même si t’étais blanc et que tu demandais pas d’argent. Je voulais juste une carte de séjour. »
Limonov porte beau et parle haut. Le personnage aime naviguer entre cynisme et insolence. Le style est nerveux, la langue crue mais souvent plus cash que trash. 25 ans après leur parution, ces trois textes n’ont pas pris une ride. Une belle occasion de découvrir un écrivain dont on va beaucoup parler cet automne (sa photo a fait la une de Télérama début septembre) mais que finalement bien peu de monde a lu.
Discours d’une grande gueule coiffée d’une casquette de prolo, d’Edward Limonov, éditions Le Dilettante, 2011. 190 pages. 17 euros.