vendredi 10 juin 2011

Petits ruisseaux

C’est un petit ruisseau qui rêve de sortir de son lit pour parcourir le monde, de devenir un fleuve géant se jetant dans la mer.

C’est un petit garçon à moitié endormi. Son ventre le chatouille et l’envie se fait de plus en plus pressante. Mais il fait nuit et il n’ose pas se lever. Il faudrait quelqu’un pour lui allumer la lumière.

Finalement, le cours d’eau et le garçonnet vont fusionner. Le premier va inonder la prairie et le second son pyjama et même ses draps. L’un comme l’autre, ils ne se sont pas retenus et il faut bien reconnaître que ce lâcher-prise semble les réjouir au plus haut point !

Un petit livre plein de gaieté qui use de la métaphore pour démontrer que le pipi au lit, pour régressif qu’il soit, n’a rien de honteux. La construction de l’album alterne les passages dans la chambre de l’enfant et ceux décrivant la progression du ruisseau. C’est à la dernière page que leurs chemins, jusque là parallèles, se rejoignent dans une apothéose libératrice.

Les illustrations de Vincent Mathy sont fraîches et colorées et accompagnent à merveille un texte simple où le champ lexical est en osmose avec le sujet traité : se retenir, grossir, sortir de son lit, éclabousser, inonder...

Une belle occasion de dédramatiser ces fuites nocturnes qui sont souvent très mal vécues par les enfants et les parents. Alors tant pis pour les bien-pensant (qui a dit pisse-froid ?) qui vont y trouver à redire, mais vive le pipi au lit !

Petits Ruisseaux de Cathy Ytak et Vincent Mathy, éditions Sarbacane, 2011. 40 pages. 12,90 euros. A partir de 3 ans.

L'avancée du ruisseau

L'angoisse du petit garçon

mercredi 8 juin 2011

Le viandier de Polpette 1 : L’ail des ours

Après avoir officié comme cuistot dans l’armée pendant la guerre, Polpette échoue un peu par hasard à l’auberge du coq Vert. Dans cet établissement isolé au pied des montagnes, ses talents font de lui un cuisinier renommé. La vie s’écoule paisiblement au sein de la petite communauté présente dans l’auberge. Son propriétaire, le comte Fausto de Scaramandra, est un personnage fantasque, épicurien dans l’âme. Mais l’annonce de l’arrivée prochaine de son père, vieux chef militaire qu’il n’a pas revu depuis des années, semble le préoccuper au plus haut point…

Le viandier de Polpette, c’est de la fantasy pas héroïque du tout. Pas d’elfes ni d’orcs, pas de nains, de dragons ou de sorciers. Juste des amis dont le but premier est de profiter des petits plaisirs qu’offre l’existence. S’il y avait une comparaison à faire, il faudrait regarder du coté du village d’Astérix ou de celui des schtroumpfs. Un endroit où le lecteur se sent bien, où la simplicité des relations fait plaisir à voir. Les enjeux humains sont à l’évidence le cœur du récit. D’ailleurs, les fans de Julien Neel retrouveront la thématique de la filiation qui est déjà fortement présente dans sa série Lou ! Autre élément fondamental, la nourriture. Les auteurs avouent qu’ils ont voulu donner faim à leurs lecteurs. L’histoire est parsemée de recettes illustrées et décrites avec précision. Au-delà de l’aspect purement culinaire, c’est un moyen originale de rythmer l’album.

Graphiquement, les amateurs de Lou ! ne seront pas dépaysés. Ils retrouveront ces bouilles que l’on reconnaît au premier coup d’œil, ces couleurs pastel et ce découpage varié mais finalement très classique. Petit reproche, certaines cases de grande taille apparaissent un peu pauvres en terme de décors.

Au final, d’aucuns qualifieront le scénario de simplet, un brin naïf et manquant singulièrement d’épaisseur. C’est un fait. Pour ma part, je vois dans cet album une ode à l’amitié et à la simplicité, un contre pied aux séries dont l’action à tout prix est la seule raison d’être. J’ai beaucoup aimé ce parti pris narratif qui peut, à quelques égards, être comparé au travail de Régis Loisel et Jean-Louis Tripp sur leur Magasin général.

Le Viandier de Polpette devrait compter en tout trois volumes. Inutile de vous dire que je suis partant pour la suite !

Le viandier de Polpette T1 : L’ail des ours d’Olivier Milhaud et Julien Neel, Éditions Gallimard, 2011. 142 pages. 18.00 euros.

L'avis de PG Luneau




La BD du mercredi, c'est chez Mango



Festival BD Boum 2011
Prix du Conseil Général


lundi 6 juin 2011

Les foudroyés : prix Pulitzer 2010

George agonise. Le cancer qui le ronge a atteint sa phase terminale. Entouré des siens, installé dans un lit médicalisé planté au milieu du salon, il vit ses dernières heures. George Washington Crosby est né à West Cove, dans le Maine, en 1915. En 1936, il a déménagé dans le Massachusetts et y a fondé sa famille. Ancien ingénieur, il a opéré une reconversion sur le tard dans le commerce et la réparation d’horloges. Avant de fermer les yeux une fois pour toutes, George laisse les souvenirs remonter à la surface. Il repense à son père, Howard, vendeur ambulant dans une carriole tirée par un âne. Un homme souffrant d’épilepsie qui faillit un jour lui trancher les doigts avec ses dents lors d’une terrible crise. Un homme qui, un soir en revenant de la « tournée quotidienne qui l’emmenait par les chemins de traverse vendre ses brosses et son savon aux matrones de l’arrière-pays, et apercevant sa famille dans la pénombre de la fenêtre de la cuisine, avait cravaché sa mule […] et poursuivi sa route à bord de sa carriole pour ne s’arrêter qu’une fois arrivé, anonyme, à Philadelphie. »

Pénible, voila comment je qualifierais mon entrée dans ce roman couronné aux États-Unis par le prix Pulitzer 2010. La narration est totalement décousue, oscillant entre le présent, le passé et des considérations ultra techniques sur l’horlogerie. Une sorte de maelstrom indigeste et sans grand intérêt. Et puis, alors que j’étais sur le point d’abandonner, le miracle s’est produit. A la page 70, au début de la seconde partie, l’histoire se focalise sur la jeunesse de George, et plus particulièrement sur les événements qui ont poussé son père à fuir le foyer. L’écriture devient fluide, limpide, et l’on découvre la rudesse de la vie dans l’Amérique profonde des années vingt. Cinquante pages lumineuses qui justifient à elles seules la lecture du roman.

Paul Harding prend son temps. Il oscille avec talent entre les descriptions contemplatives de la nature, la violence incontrôlable d’une crise d’épilepsie ou encore les fulgurances de l’esprit en perdition d’un mourant. Son texte, à la fois pastoral et lyrique, enchaîne les tableaux comme autant d’images miniatures ciselées avec une précision d’orfèvre.

Un roman inégal mais qui mérite d’être lu pour peu que l’on aime la littérature, loin de tout effet de mode et d’une quelconque recherche d’action ou de divertissement à tout prix. .

Les foudroyés, de Paul Harding, Éditions Le cherche midi, 2011. 186 pages. 15,00 euros.

vendredi 3 juin 2011

Salvatore 1 : Transports amoureux

Salvatore est un chien garagiste vivant au fin fond de la Haute Savoie. Réputé comme le meilleur mécano de la région, c’est un solitaire taciturne et misanthrope qui adore réparer les moteurs mais déteste ses clients. Au-delà de sa passion pour les voitures, Salvatore n’a qu’un but : retrouver Julie, son amour d’enfance partie depuis des lustres en Amérique du sud en lui faisant promettre qu’ils se reverraient un jour.

Pour mener à bien ce rêve un peu fou, le garagiste va croiser sur son chemin une truie enceinte jusqu’aux yeux, un taureau camarguais en bien mauvaise posture ou encore une vachette jalouse comme une tigresse.

Des personnages improbables, animaux anthropomorphes vivant parmi les humains comme si de rien n’était. Un narrateur omniprésent qui commente et anticipe les événements. Une succession de situations plus abracadabrantes les unes que les autres. Une histoire d’amour aussi simple que touchante. Les ingrédients de ce premier volume sont nombreux et variés mais pas indigestes pour autant. Entre poésie, absurde, surréalisme et humour, Nicolas de Crécy tricote un drôle de canevas qui, au final, tient franchement la route. Il faut juste accepter de se laisser emporter sans à priori dans cet univers invraisemblable pour passer un délicieux moment de lecture.

Au premier abord, il serait tentant de qualifier le coup de crayon de l’auteur de maladroit. Un rien tremblotant, à la limite du crayonné, avec des proportions pas toujours respectées. Mais à y regarder de plus près, on se rend compte qu’il se cache derrière cette apparente naïveté graphique une sacrée maîtrise. Il suffit pour s’en convaincre de suivre la longue séquence centrale de l’album qui emmène la truie enceinte dans un voyage des plus mouvementé. De Crécy décline au long de cette douzaine de pages un art du cadrage et de la mise en scène assez époustouflant.

Bref, tout ça pour dire que j’ai beaucoup aimé ce premier tome. Alors merci qui ? Merci Mo’ bien sûr. Après Courtney Crumrin, elle m’a de nouveau gâté en m’offrant cet album qui permet d’entrer en douceur dans le monde de Nicolas de Crécy. Je sais que de son coté, ça n’a pas été le coup de foudre pour cette série (http://chezmo.wordpress.com/2010/03/18/salvatoretomes1et2/) mais pour moi ce fut une bien belle découverte. Après tout, les goûts et les couleurs…

Salvatore T1 : Transports amoureux de Nicolas de Crécy, Dupuis, 2005. 48 pages. 11,95 euros.


L’info en plus : La série est toujours en cours. A l’automne 2010, les éditions Dupuis ont publié une intégrale brochée des quatre premiers volumes avec une nouvelle colorisation dans des tons sépia du plus bel effet.




Le challenge Palsèche de Mo'

lundi 30 mai 2011

A bicyclette

« Les souvenirs d’enfance sont, semble-il, toujours coiffés de l’auréole d’un bonheur illusoire. »

Su Tong, l’auteur mondialement connu d’Épouses et concubines, revient sur sa jeunesse. Il plonge le lecteur dans la Chine rurale des années 70 à travers le quotidien du petit garçon qu’il était à l’époque. Un enfant « un peu seul et vite inquiet » vivant au sein d’une famille pauvre de six enfants. De sa première bicyclette aux séances de cinéma en plein air, de ses débuts d’écolier à son apprentissage de la natation, il porte un regard nostalgique mais lucide sur ces années où la vie des masses n’étaient franchement pas simple sous le joug d’un régime communiste omniprésent. La pénurie de nourriture et les queues interminables devant des magasins à moitié vides font partie des images fortes du recueil. Tout comme les réflexions sur la relation au père ou encore sur la passion de l’auteur pour la lecture.

Ces micro-nouvelles semblent écrites, comme le dit Su Tong, dans la paume de la main. Un exercice difficile qui nécessite à la fois fluidité et concision. Littérairement parlant, rien à dire, ça tient la route. Par contre, pour ce qui est de l’intérêt de ces différents textes, je dois reconnaître que je me suis franchement ennuyé. Et pourtant j’adore les nouvelles. Mais là, rien à faire je n’ai pas du tout accroché. Heureusement que chacun de ces « instants minuscules volés à la mémoire » ne fait que 3 ou 4 pages sinon l’ouvrage me serait plus d’une fois tombé des mains. Je suis allé jusqu’au bout en me disant que j’allais bien finir par tomber sur une perle cachée entre deux textes soporifiques parlant du coiffeur, de la bouchère ou des pharmaciennes. Résultat, l’ensemble du recueil m’est passé sous les yeux sans que j’en retienne un seul moment fort. Finalement, je l’ai refermé sans regret, me disant que tout cela avait été aussi vite lu qu’oublié.

Une déception évidente, donc. Mais je ne me suis pas juré pour autant de ne plus jamais me frotter à la littérature chinoise. Je garde de trop bons souvenirs des Contes étranges de Pou Song Lin ou de l’excellentissime roman de Lu Wenfu Vie et passion d’un gastronome chinois.

A bicyclette, de Su Tong. Ed. Philippe Picquier, 2011. 142 pages. 15 euros.

vendredi 27 mai 2011

Chœur de grenouilles

Décidément, ce n’est pas simple d’être une grenouille toute molle et toute gluante. En comparaison, les autres animaux semblent tous plus beaux : le renard et sa belle fourrure, le magnifique plumage du cygne, les ailes gracieuses et multicolores du papillon... La seule chose qui plaît chez les grenouilles, c’est leur chant. Alors évidemment, chaque grenouille rêve de faire partie de la chorale. Pour Berta, le grand jour est arrivé. Elle va passer l’audition avec sa copine Lucie qui possède une voix superbe. Mais pour le chef de chœur, cette dernière est trop petite et il refuse qu’elle tente sa chance. Berta, elle, a un physique de cantatrice. Elle dispose donc à priori de tous les atouts pour devenir une soliste reconnue. Oui mais voila, elle chante comme une casserole ! Déçues, d’avoir été recalées, les deux amies imaginent un stratagème devant leur permettre de réaliser leurs rêves…


Une jolie petite histoire qui démontre qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Un album parlant aussi d’entraide, d’amitié, et de la difficulté que l’on éprouve parfois pour trouver sa voie. Le ton se veut humoristique et pas du tout solennel. L’évidence de la situation apparaît à la lecture et est très facilement comprise par les enfants.

L’illustratrice Annick Masson propose des aquarelles aux couleurs douces où, forcément, le vert domine. Les bouilles de ses grenouilles sont d’une grande expressivité et leurs différentes attitudes extrêmement variées.

Une belle découverte qui ravira à coup sûr les amateurs de batraciens. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux, tant chez les enfants que chez les parents.

Chœur de grenouilles de Luc Foccroulle et Annick Masson, Éditions Mijade 2011. 26 pages. 11,00 euros. A partir de 5 ans.

mercredi 25 mai 2011

Northlanders 1 : Sven le revenant

Sven, membre de la garde Varègue byzantine installé à Constantinople depuis des années, apprend par un messager que son père a été tué et que ses biens ont été spoliés par son oncle Gorm. Ni une ni deux, Sven retourne sur son île natale au nord de l’Écosse pour récupérer son héritage. Il n’a aucune intention de prendre le pouvoir ou de libérer son peuple du joug du despotique Gorm. Tout ce qui l’intéresse, ce sont les richesses accumulées par son père au fil des années.

Avec Northlanders, Brian Wood, le scénariste de DMZ, se lance dans une aventure pleine de sang et de fureur. Son héros, obsédé par l’argent, est un personnage hautement antipathique. Expatrié revenant au pays par la force des choses, Sven, qui s’est confronté depuis des années à différentes cultures, dénigre le mode de vie de ses congénères : « Ici, dans ces pays nordiques, les hommes croupissent dans la merde et grattent une terre gelée pour subsister. Ils vivront leur courte et triste existence à fixer le même paysage, prier les anciens dieux, et ne pourront jamais savoir que le monde a déjà évolué sans eux. » Seul contre tous, il s’isole sur les terres arides de ses ancêtres et attend son heure. Patiemment, il tisse sa toile et s’attaque à son oncle avec ruse et efficacité. Une sorte de chasseur solitaire déterminé et persuadé d’arriver à ses fins. Quelque part, cette trame scénaristique a tout du western. Avec une différence notable tout de même : l’action se passe en 980 après J-C en Europe du Nord et non pas au fin fond du Far West. Mais finalement, cette différence en est-elle vraiment une ? En effet, Northlanders pourrait se dérouler n’importe où. C’est sans doute la plus grande faiblesse de cette nouvelle série. Au nom de l’action à tout prix, on passe sous silence les éléments historiques et culturels propres au monde viking. C’est un parti pris (certains diront une facilité) qui appauvrit grandement l’intrigue.

Coté dessin, le trait nerveux de l’italien Davide Gianfelice m’a beaucoup plu. Un découpage au cordeau, des scènes de combat chorégraphiées et stylisées à l’extrême et des couleurs sombres collant à merveille au climat glacial de l’archipel des Orcades où se déroulent les événements.

Un comics loin d’être mémorable qui conviendra aux fans d’action mais décevra à coup sûr les amateurs de grandes fresques historiques. Pour ces derniers, le manga Vinland Saga reste de très loin LA référence incontournable.


Northlanders T1 : Sven le revenant de Brian Wood et Davide Gianfelice, Éditions Panini Comics, 2011. 92 pages. 11.00 euros.




La BD du mercredi de Mango


Le challenge Palsèche de Mo'

lundi 23 mai 2011

Peur sur Lutèce : une enquête du centurion Marcus Pius

Lutèce, 358 après J-C. Plusieurs femmes enceintes de la capitale des Gaules sont frappées par une étrange maladie. Toutes possèdent les mêmes symptômes : angoisses nocturnes, douleurs ventrales, fièvres, hémorragie… Plus étrange encore, leurs troubles sont apparus suite à la disparition de leurs sages femmes attitrées, remplacées soudainement par des consœurs sorties de nulle part. Sortilège, empoisonnement, épidémie, théorie du complot… Le centurion Marcus Pius est chargé de l’enquête par le César Julien. L’urgence de la situation est décuplée par le fait qu’Hélène, l’épouse de Julien, elle aussi enceinte, vient d’arriver à Lutèce et qu’elle semble a son tour avoir contracté ce mal mystérieux.

Une intrigue simple et linéaire, une écriture sans relief, beaucoup de dialogues et très peu d’action. Que reste-t-il pour sauver cette aventure du soldat Marcus Pius ? Et bien beaucoup de choses en fait. La description ultra réaliste de la vie garnison et du fonctionnement de la hiérarchie dans la légion est assez fascinante. Par ailleurs, l’auteur apporte un éclairage précis sur les connaissances et les pratiques médicales de l’époque. La découverte de Lutèce, des ruelles sombres aux tavernes bruyantes, est quant à elle un régal pour le lecteur qui s’intéresse aux grandes cités antiques. Sans compter que le roman permet de mieux comprendre l’organisation politique et militaire du bas empire romain à peine un siècle avant sa chute définitive. Dernier point, l’intrigue met en lumière la montée en puissance du christianisme au dépend du paganisme, un événement fondamental qui mènera l’Europe vers les sombres premières heures du Moyen Âge.

C’est un fait Patrick Demory est un historien passionné et érudit avant d’être un écrivain. Mais la note qu’il a rédigée en fin d’ouvrage apporte un éclairage complet sur la démarche qu’il a mis en œuvre pour créer son roman. Cette postface est fondamentale car elle permet au lecteur de voir la cohérence de son projet, entre rigueur scientifique et volonté de proposer une fiction policière historique.

Au final, non seulement j’ai passé un agréable moment de lecture mais j’ai en plus grandement amélioré mes connaissances sur une période de l’histoire dont j’ignorais bien des détails. Un grand merci donc à Babelio et aux éditions Calleva pour m’avoir permis de découvrir l’univers du centurion Marcus Pius.

Peur sur Lutèce : une enquête du centurion Marcus Pius, de Patrick Demory, Éditions Calleva, 2011. 270 pages. 18,00 euros.

 
Ce billet signe ma seconde participation au chalenge de Soukee

vendredi 20 mai 2011

Moi, j’aime pas comme je suis

Moi, j’aime pas mes joues, elles sont trop grosses. Mes bras non plus je les aime pas. Trop poilus. Et pour mon nez, c’est pareil. Trop pointu. Je voudrais être comme Sonia, ma meilleure copine : grande, fine, avec de beaux cheveux blonds. Devant elle, les garçons baissent les yeux. Dans ma chambre, des fois, j’imagine que je suis une actrice ou une chanteuse tellement jolie que moi aussi je fais baisser les yeux des garçons. Après tout, qui sait, ça arrivera peut-être un jour…

Grâce à Alma Brami et Amélie Graux j’ai pu une fois de plus partager un joli moment de lecture avec Romane, ma petite dernière. Son avis est sans appel : elle a adoré cet album où l’on parle d’apparence, des relations fille/garçon et des premiers émois amoureux.

L’histoire se décline en doubles pages avec un minimum de texte et de grandes illustrations très parlantes. Personnellement je ne suis pas fan de ses dessins semblant avoir été réalisés au crayolas, mais bon, mon opinion, on s’en fiche peu. Le principal, c’est qu’ils plaisent aux enfants. Et là encore, le jugement de Romane a été définitif : « Elle est trop belle la petite fille avec sa natte ! ».

Voila donc une histoire simple, facilement compréhensible et au graphisme attrayant pour les petits. Un titre qui est en outre idéal pour aborder en douceur la question de l’estime de soi avec de jeunes enfants.


Moi, j’aime pas comme je suis d’Alma Brami et Amélie Graux, Albin Michel jeunesse 2011. 24 pages. 10,90 euros. A partir de 5 ans.

dimanche 15 mai 2011

Les trois lumières - Claire Keegan

Une fillette est amenée par son père chez des amis de la famille. Sa mère, qui a beaucoup à faire et attend son 8ème enfant, préfère qu’elle passe l’été loin de la maison. C’est donc par une journée écrasée de chaleur que la petite découvre la ferme des Kinsella, au fin fond de l’Irlande rurale. Personne ne lui a rien dit. Après tout les adultes n’ont pas à s’expliquer. Elle est un peu comme un fardeau dont on se débarrasse pour quelques temps. Un poil désorientée par ce nouvel environnement, elle se rend pourtant rapidement compte que l’attitude du couple sans enfant qui l’accueille est différente de celle de ses géniteurs. Ici, on fait attention à elle. C’est bien la première fois qu’elle est considérée comme un cadeau plutôt que comme une charge. Les Kinsella sont prévenants, attentifs à ses besoins et à ses envies. En d’autres termes, ils se comportent comme les parents aimants qu’elle n’a jamais eus. Cependant, la fillette va se rendre compte au fil du temps que ce couple si gentil lui a caché quelque chose et que, décidément, le monde des adultes est parfois étrange. Au final, il lui restera tout de même la délicieuse impression d’avoir passé un été inoubliable, sorte de parenthèse enchantée dans une existence jusqu’alors bien morne.

Court roman ou longue nouvelle ? Peu importe. Claire Keegan décrit avec maestria le moment crucial où une fillette passe de l’autre coté de l’enfance. Un texte à la première personne qui met en scène des personnages taiseux dans une région où se disputent pauvreté sociale et traditions séculaires. Tout en subtilité, son écriture relève de l’esquisse. Un peu à la manière des impressionnistes, elle procède par petites touches successives jouant sur les contrastes et la lumière. Sa prose, très elliptique, se focalise sur les sensations, le ressenti par rapport à la nature, entre le bruissement des feuilles et le doux clapotis de l’eau.

Un récit lumineux, touché par la grâce, bouleversant de tendresse. Avec ce texte d’à peine cent pages, tout en retenu, où affleure une sensibilité d’une rare justesse, Claire Keegan m’a fait passer un moment de lecture inoubliable. A n’en pas douter, une des plus belles surprises de l’année 2011.

Les trois lumières, de Claire Keegan, éditions Sabine Wespieser, 2011. 100 pages. 14 euros.