vendredi 1 avril 2011

Le garçon qui volait des avions

Vous vous souvenez de Colton Harris-Moore ? Cet adolescent américain a défrayé la chronique l’an dernier au moment de son arrestation. Surnommé le bandit aux pieds nus, il vivait de rapines dans les demeures cossues servant de maison de campagne aux riches habitants de Seattle. Pendant deux ans, il a nargué les forces de police, se cachant dans les bois, toujours en mouvement, insaisissable. Sa « carrière » a commencé lorsqu’il avait huit ans, le jour où il a cambriolé son école. Par la suite, ce furent des glaces, des pizzas, des consoles et des jeux vidéo chez les voisins. A dix ans, on le plaça en foyer. Il s’évada presqu’aussitôt pour passer à la vitesse supérieur : vol de voitures, de bateaux et, pour finir en beauté, les avions. Uniquement des Cessna, qu’il parvenait à faire décoller sans jamais avoir pris un cours de pilotage.

Colton Harris-Moore le sauvageon, honni par la population locale, est devenu une star adulée par des ados du monde entier et ayant des dizaines de milliers de fans sur Facebook. On imprima même des Tee-shirt à son effigie ! Sa cavale éperdue prit fin le 11 juillet 2010 après une spectaculaire poursuite en bateau dans un port de l'île des Bahamas.

Élise Fontenaille imagine les derniers jours de liberté du « héros ». Optant pour le mode choral, elle donne successivement la parole à la mère de Colton, à la policière censée l’avoir arrêté, à l’éducatrice qui l’a accueilli au foyer ou encore aux voisins qui se sont organisés en véritable milice pour traquer ce sale gosse venant piller leur congélateur. Le gamin s’exprime lui aussi. Il raconte son enfance très perturbée dans la caravane familiale. Une mère alcoolique, un père qui a tenté de l’étrangler lorsqu’il était bébé. Il parle de ses nuits passées seul dans les bois. Cette fatigue engendrée par le fait de devoir toujours se tenir aux aguets. Et la certitude que tout cela allait prendre fin un jour, peut-être pour son plus grand soulagement.

L’auteur prend parti et ne s’en cache pas. Son texte est un docu-fiction qui fait de Colton une victime, un héros : « Colton ressemble un peu à mon fils Rémi, qui, justement, pose en couverture du Garçon qui volait des avions. Bref, Colton m’a mis dans sa poche. Il avait toutes les forces de police des États-Unis à ses trousses, alors qu’il n’avait jamais agressé personne ! Personne ne l’avait jamais vu. Il ne volait que les riches (il entrait dans les belles maisons de vacances où l’on ne va jamais) et vivait dans les bois, seul, sans l’aide de quiconque, à quinze ans… ça aussi, ça m’épatait. Comme des milliers d’ados dans le monde entiers, et quelques adultes aussi, je suis devenue une fan de Colton sur Facebook, priant pour qu’il ne se fasse jamais prendre. Le jour où on l’a attrapé et jeté en prison en juillet 2010, j’ai écrit Le Garçon qui volait des avions en trois jours et trois nuits » (extrait du Making off du roman).

Le parti pris peut être discutable mais l’auteur l’assume avec franchise et lucidité. Pour le coup, l’exercice est parfaitement maîtrisé et nul doute que ce tout petit roman fera vibrer les lecteurs, petits ou grands, qui ont gardé une âme de sauvageon.

Le garçon qui volait des avions d’Élise Fontenaille, Le Rouergue, 2011. 60 pages. 8,00 euros. A partir de 13 ans.

mercredi 30 mars 2011

Mémoires d'un guerrier

Miguel est un vieil homme taciturne qui passe ses journées assis sur un banc face à la mer. Un soir, alors que son petit fils vient le chercher pour diner, Miguel lui demande de venir près de lui. Alors qu’il ne lui parle pour ainsi dire jamais, alors qu’il ne se souvient même pas de son prénom, le grand père lui raconte ses souvenirs de jeunesse : « A l’époque, le monde était très différent, beaucoup plus dur. Seuls les plus acharnés, les plus féroces, pouvaient prétendre survivre. » Miguel a chassé des géants, il a été l’homme de main du caïd de la ville, il a recherché un trésor sur le territoire des orcs, bref, il a vécu dangereusement et intensément. Aujourd’hui, les grandes guerres d’épuration ont fait de l’homme la race supérieure et ont exterminé toutes les autres espèces. Les choses ne sont décidément plus ce qu’elles étaient. Miguel égraine ses souvenirs et son petit fils semble s’en contrefoutre. Mais le vieil homme ne s’interrompt pas pour autant. Après tout, c’est avant tout à lui-même qu’il s’adresse…

Jean-Louis Marco s’est lancé dans un étrange projet. Il met en scène le crépuscule de l’héroïc fantasy à travers le récit d’un des derniers aventuriers à avoir connu son âge d’or… Miguel a besoin de ressasser ses aventures de jeunesse pour ne pas oublier à quel point sa vie a valu la peine d’être vécue. L’attitude du petit fils est d’une grande modernité. Il n’est pas dans la posture d’idolâtrie que l’on retrouve en général lorsqu’un grand guerrier raconte ses exploits aux plus jeunes. Le discours de son grand-père l’ennuie profondément et il ne s’en cache pas.

L’ouvrage relate trois histoires totalement différentes. Les deux premières relèvent de la pure aventure alors que la troisième m’a fait penser aux Contes du Korrigan publiés chez Soleil. Loin des rondeurs que l’on retrouve généralement dans le franco belge classique, le trait est ici très aiguisé : nez pointus, cheveux hérissés, visages en lame de couteau... Les couleurs, où le gris vert et l’ocre dominent collent  parfaitement aux ambiances forestières et montagneuses où l’action se déroule.

Un album étrange, presque expérimental. Entre héroïc fantasy classique et modernité du propos, difficile de classer ces Mémoires d’un guerrier dans un genre bien précis. Une agréable découverte en tout cas.

Mémoires d’un guerrier de Jean-Louis Marco, Gallimard, 2011. 92 pages. 16 euros.



L’info en plus : Jean-Louis Marco est l’auteur de Rosco le rouge, une série jeunesse en trois tomes publiée aux éditions Le cycliste et racontant les aventures loufoques d'une bande de pirates qui ne respectent pas souvent les règles et préfèrent suivre leur instinct.



Le challenge PAL sèche de Mo'


lundi 28 mars 2011

La Merditude des choses

Ils sont affreux, sales, mais pas vraiment méchants. Alcooliques plutôt, et pas qu’un peu. Ils, ce sont les Verhuslt, quatre frères vivant chez leur mère. Ils, ce sont les trois oncles et le père de Dimitri, le narrateur. Le jeune garçon déroule ses souvenirs d’enfance dans cette famille de soiffards invétérés, entre virées aux cafés, bagarres d’ivrognes, visites des huissiers et des services sociaux. L’action (si on peut dire !) se déroule à Reetveerdegem, un trou perdu de la Belgique profonde.

Ces gens là, comme le chantait Brel, sont des marginaux irrécupérables. Ils ne travaillent quasiment jamais, préférant boire la maigre pension de leur mère et multiplier les ardoises dans tous les troquets du village. Ils organisent des tours de France éthyliques ou participent à des courses de vélo nudistes. Le père de Dimitri va même tenter la cure de désintoxication, un échec total, évidemment. Le petit assiste en spectateur aux excès familiaux. Il porte un regard tendre sur ces cas sociaux qui l’ont élevé. Jamais moqueur, jamais révolté par ce qu’il a subit durant sa jeunesse, il oscille plutôt entre mélancolie et nostalgie. Dans les derniers chapitres, c’est le Dimitri adulte qui s’exprime. On comprend que grâce aux placements en foyer et en famille d’accueil, il a pu s’extraire d’un milieu qui le condamnait à une marginalité certaine. Mais ce n’est pas pour autant qu’il cloue au pilori ces oncles n’ayant pas changé d’un iota leur mode de vie depuis la mort de son père. Tout juste constate-t-il lorsqu’il retourne les voir : « Je ne suis plus l’un d’eux mais je voudrais encore l’être, pour montrer ma loyauté, ou mon amour, qu’importe le nom qu’on donne à ces sentiments. »

Je m’attendais à un roman franchement drôle, mais ce n’est pas du tout le cas. Certes, les premiers épisodes relatés font sourire et relèvent de la chronique d’enfance à la Cavanna des Ritals ou à la John Fante de Bandini. Mais par la suite, le ton devient beaucoup plus amer, notamment les passages où le Dimitri adulte s‘exprime. La négation de sa condition de père est d’une violence inouïe alors que les derniers moments qu’il passe avec sa grand-mère sont d’une insondable tristesse. Loin d’être une simple pochade, La Mertidude des choses est une réflexion assez profonde sur l’évolution d’un homme étant parvenu à s’extraire de son milieu sans pour autant y avoir gagné un équilibre définitif.

La Merditude des choses, de Dimitri Verhulst, Éditions Denoël, 2011. 238 pages. 18,00 euros.

L’info en plus : La Merditude des choses a été adapté au cinéma par Félix Van Groeningen et a remporté le prix Art & Essai au festival de Cannes 2009.

mercredi 23 mars 2011

WEST, cycle 1 : 1901

La première victime s’appelait William Burns, gouverneur adjoint de l’état de New York. Retrouvé pendu dans son salon. Le second était le procureur Edward Goldsmith. Condamné pour détournement de fonds publics, il s’est défoncé le crâne contre les murs de sa cellule. Puis ce fut au tour de George Coolidge, professeur de philosophie à Harvard. Il s’est immolé par le feu. Enfin, le magnat de l’armement Harvey Dawson, après avoir tué sa femme d’un coup de fusil, a retourné l’arme contre lui. Ces hommes ne se connaissaient pas et aucun n’était destiné à commettre de tels actes. Seul point commun, un symbole aperçu sur chaque cadavre qui a disparu une fois le corps arrivé à la morgue.

Pour résoudre ces morts mystérieuses, le gouvernement fait appel à la Weird Enforcement Special Team, une équipe de choc dont les membres ont chacun une spécialité bien particulière (tueur à gage, tireur d’élite, psychiatre, exorciste...). Très vite, la WEST découvre que ces suicides touchant les personnalités les plus influentes de la société américaine sont téléguidés par un personnage diabolique qui menace dorénavant le président de la république en personne...

Théorie du complot, western, surnaturel... La confusion des genres n’est pas loin, mais c’est ce qui fait tout le sel de cette série originale et percutante. Un conseil tout de même avant de vous lancer : installer vous confortablement, sans pollution sonore à proximité et en étant certain que votre lecture ne sera pas troublée par quelque perturbation que ce soit. Beaucoup de texte, beaucoup de cases, beaucoup de personnages et quelques problèmes de différenciation : le scénario de ce premier cycle demande de la concentration si l’on ne veut pas perdre le fil. Les auteurs ont d’ailleurs reconnu que l’histoire des deux premiers albums était touffue et compliquée et qu’il aurait été préférable qu’elle s’étire sur trois tomes. Il n’empêche. Une fois que tous les protagonistes ont été clairement identifiés, ont arrive à suivre les événements sans trop de difficulté.

Mêler du fantastique dans les codes du western, voila qu’elle était l’intention de départ. Une toile de fond ésotérique sur laquelle viennent se fixer des éléments touchant à la psychiatrie ou au paranormal pour, au final, donner une explication rationnelle. Mais attention, cette explication ne doit pas être complètement satisfaisante afin de laisser une part de doute.

Niveau dessin, c’est du tout bon. Christian Rossi campe à merveille l’Amérique du début du vingtième siècle. Les couleurs, où le ton bistre domine, rappellent les westerns de John Wayne. Rossi conçoit son récit comme un opéra : ouverture, mouvement d’ensemble, passages plus intimes... Son découpage est une leçon pour tous les dessinateurs voulant se lancer un jour dans le style réaliste.

WEST est une série à grand spectacle qui vaut le détour. Un divertissement bourré d’action mettant en scène des enquêteurs de l’étrange dans une Amérique en pleine construction, on ne trouve pas cela tous les jours.

WEST, cycle 1 : 1901, de Dorison, Nury et Rossi, Dargaud, 2011. 2 volumes de 58 pages. 13,95 euros.


L’info en plus : Dargaud profite de la sortie du 6ème tome pour rééditer le premier cycle dans un fourreau contenant les deux albums au prix de 13.95 € au lieu de 28,90 €. Une belle occasion de découvrir la série dans une présentation classieuse et à moindre coût.



Le challenge Palsèche de Mo'

lundi 21 mars 2011

Trois hommes, deux chiens et une langouste

Mitch, Doug et Kevin. Trois garçons poissards comme c’est pas permis. Le premier s’est fait virer de la grande surface dans laquelle il venait de trouver une place. Le second, cuistot, a trouvé un matin la porte de son restaurant fermé, le patron s’étant fait la malle avec la caisse. Quant, au troisième, à peine sorti de prison pour avoir cultivé de l’herbe dans sa cave, il vivote en promenant des chiens pour de riches particuliers. Difficile de s’en sortir dans ce petit bled de Pennsylvanie sans tremper dans quelques magouilles. Les trois amis vont d’abord voler une télé écran plat dans l’ancien magasin de Mitch. Ensuite, l’objectif sera de s’emparer d’une Ferrari pour un commanditaire prêt à les payer grassement. L’opération va être un fiasco total. Mais les graines de délinquants n’abdiquent pas aussi facilement. Et si, finalement, la chance finissait par sourire…

Iain Levison relate avec délectation et bonhomie les aventures improbables de ses hilarants pathétiques losers. Des gamins oisifs, fumeurs de shit invétérés mais aussi complètement paumés face à la crise économique qui frappe leur pays de plein fouet et ne leur laisse que très peu de possibilités d’avenir. S’ils se lancent dans des coups foireux, c’est bien parce qu’ils ont besoin d’argent pour vivre. Mitch s’adressant à Doug : « Moi, je me tracasse tout le temps. Pour les putains de factures, pour le loyer, parce que je peux rien me permettre. Je peux aller nulle part, je peux rien faire. Merde, pas même ce que les gens font dans les pubs pendant les matchs de foot. Faire du VTT, voyager, aller à la plage, au concert, en vacances. C’est comme si il y avait cet immense univers là-dehors, plein de tout ça, et nous, on n’en fera jamais partie. On peut même pas y goûter un peu, tu comprends ? ».

Un roman furieusement drôle, sans cynisme ni méchanceté. Les dialogues sont ciselés et quelques scènes ne s’oublieront pas de sitôt. Bref, si vous aimez Donald Westlake et le cinéma des frère Coen, jetez-vous sans tarder sur les pérégrinations de ces Pieds Nickelés modernes, vous ne devriez pas être déçus.

Trois hommes, deux chiens et une langouste, de Iain Levison, Éditions Liana Levi, collection Piccolo, 2011. 268 pages. 10,00 euros.

L’info en plus : Le tout nouveau roman de Iain Levison vient de sortir et il s’intitule Arrêtez-moi là. L’histoire d’un chauffeur de taxi embarqué malgré lui dans un implacable engrenage judiciaire auquel il ne comprend strictement rien.

samedi 19 mars 2011

Concours Vous avez dit Girly : les résultats



Le concours s’est terminé hier soir et les 3 gagnants sont connus.

Il y a eu 45 participants et 44 ont correctement répondu. Les comptes sont vite faits : 44 pour 4 BD, vous aviez une chance sur onze de gagner !

Afin de réaliser le tirage au sort le plus neutre et le plus équitable possible, j’ai comme d'habitude utilisé le logiciel The Hat. Ci-dessous la liste des participants. Je réalise le tirage en une seule fois et je capture les écrans à chaque fois qu'un nom s'ajoute à la liste.

La liste complète des participants


Avant de donner le verdict, voici d’abord les bonnes réponses aux 3 questions :

Quel est le nom de famille de la petite Sara ?

a) Oleson
b) Neige
c) Crewe (je précise que contrairement à ce que certains m'ont fait remarqué, il n'y a pas de faute dans l'othographe du nom. Dans la BD, Sara s'appelle Crewe avec un "e" à la fin)


Comment s'appelle l’amoureux de Karine dans Les Nombrils ?

a) John John
b) Dan
c) Murphy


Ce chat roux a pour nom…

a) Orange
b) Clémentine
c) Pamplemousse

Et maintenant, roulement de tambour… Les quatre gagnants sont :






Comme c'est Valdeleur qui est sortie la première du chapeau, elle va pouvoir choisir sa BD parmi les 4 titres proposés. Une fois qu'elle m'aura fait connaître son choix, je contacterai  Elodesings pour lui dire quels sont les 3 titres restant puis Virginie D qui n'aura plus le choix qu'entre deux titres. Chantal E se verra attribuer la dernière BD restante. J'espère que c'est clair pour tout le monde, mais ça ne devrait poser aucun problème.

Comme d'habitude, un grand bravo aux gagnants, un grand merci à tous les participants et rendez-vous au mois de mars pour un nouveau concours !

vendredi 18 mars 2011

Félicien Moutarde, tome 2 : Deuxième fois qui pique

Enfin, Félicien est de retour ! Près d’un an après sa naissance mouvementée, il revient, toujours aussi irrésistible. Comment ça vous ne connaissez pas Félicien Moutarde ? Pourtant, c’est un phénomène qui gagne à être connu. Pas encore né, il était déjà aigri, certain d’hériter de tous les défauts de la terre à cause de ses parents n’ayant strictement aucune qualité.

Après avoir voulu assassiné Bambi et être tombé amoureux au jardin d’enfants, le garnement est persuadé que sa dulcinée le déteste. C’est sans doute parce qu’il est le plus vilain de tous les enfants de la ville. Il ne voit qu’un moyen pour remédier à la situation : kidnapper sa mère, demander une rançon à son père et avec les sous se payer une opération de chirurgie esthétique. Mais difficile de mettre en œuvre un tel plan quand on n’a pas encore deux ans ! D’ailleurs, plus son anniversaire approche et plus Félicien a le cafard. Il va même se payer une petite régression en faisant caca dans son slip du vendredi...

Vous l’aurez compris, avec les aventures de leur moutard psychotique et désabusé, Fabrice Melquiot et Ronan Badel ne font pas dans la dentelle. Atypiques, irrévérencieuses, politiquement incorrectes, les aventures de Félicien détonnent dans le milieu plutôt policé de la littérature jeunesse. C’est bien simple, pour moi, ce gamin est un anti Petit Nicolas ou, si on cherche une référence plus récente, un Pico Bogue trash. Après, il n’est pas certain que les enfants comprennent toutes les réflexions corrosives du bambin et apprécient son attitude borderline (j’ai essayé de le faire lire à ma fille de 8 ans et elle n’a pas aimé du tout). Finalement, peut-être que cette série, sous ses airs faussement enfantins, est davantage destinée aux plus grands.

Voila en tout cas un ouvrage inclassable, entre album et roman graphique, où le trait nerveux des illustrations s’accorde parfaitement avec l’acidité et la drôlerie du texte. Personnellement, j’adore. Mais j’ai constaté en le faisant lire à d’autres adultes que tout le monde ne partage pas mon opinion, loin de là. Alors si vous avez l’occasion de le découvrir, n’hésitez pas à passer par ici pour me donner votre avis, j’aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez.

Félicien Moutarde, tome 2 : Deuxième fois qui pique, de Fabrice Melquiot et Ronan Badel, Éditions L’élan Vert, 2011. 78 pages. 13 euros. A partir de 9 ans.



L'info en plus : Pour conclure, quelques morceaux choisis afin de vous mettre dans le ton :

"On roule vers Genève dans la vieille voiture de mon père Michel. Elle est toute pourrie. C’est un monospace : à l’intérieur, y a de la place pour une seule personne. Nous, on est trois, serrés comme des merlans dans une boîte de sardines."

"[Dans la voiture] Maman mange des chips et se coupe les ongles des pieds en même temps. Des fois, elle confond."

"[Toujours dans la voiture] Mon père n’a aucun sens des réalités. Pour penser à autre chose, je jette mes crottes de nez dans les cheveux de Maman. Ça lui servira de barrette, c’est bien pratique."

"J’ai tous les défauts du monde sauf que, peut-être, je suis génial. Ça me consolerait d’avoir le génie comme seul qualité."

mercredi 16 mars 2011

Sous l'eau, l'obscurité

A la fin des années 80, Min-Sun, huit ans, est une petite coréenne comme les autres. Dans un pays en plein expansion économique, elle doit, comme sa grande sœur Min-Jin, devenir une battante. Poussées par leur mère, les deux enfants enchaînent les cours du soir et les séances de soutien scolaire pendant les vacances. Au programme, mathématiques, anglais, piano et surtout natation. Min-Sun déteste la piscine, au contraire de Min-Jin qui est la meilleure nageuse du quartier. Étouffée par cette éducation à la dure, la petite fille subit sans broncher l’autorité maternelle, l’agressivité des professeurs et l’étrange amitié de certaines copines. Une jeunesse tout sauf heureuse, loin s’en faut.

Yoon-sun Park sonne une charge implacable contre une société coréenne où la rigidité de l’éducation défendue par certains parents peut être vécue comme un véritable traumatisme. Le personnage de la mère est d’une froideur effrayante. Elle ne dispense à ses enfants aucun signe d’affection. Son seul souci est de préparer ses filles à affronter un monde du travail ultra-concurrentiel où seuls les plus forts survivent. Une intention certes louable mais qui, à l’évidence, trouble grandement sa cadette.

Je ne peux m’empêcher de comparer ce titre avec la série Marzi de Marzena Sowa et Sylvain Savoia. Cette série retrace la jeunesse d’une petite fille dans la Pologne des années 80 qui s’interroge sur l’évolution de son pays et dont la mère est autoritaire et très peu affectueuse. La différence, c’est que Marzi est une enfant curieuse, vive, qui s’extasie, s’indigne ou se révolte. Elle exprime clairement ses sentiments, ce qui la rend touchante. Min-sun ne fait que subir une situation qui l’affecte mais qu’au final elle trouve normale. Son quotidien est, comme celui de Marzi, terriblement difficile. Cependant, on ne ressent aucune empathie à son égard. Sans doute est-ce dû à une certaine pudeur, une volonté de ne pas afficher ses états d’âme. Le problème, c’est que ce manque de sensibilité ne m’a pas permis de rentrer véritablement dans le récit. J’ai parcouru les événements sans jamais me sentir vraiment concerné.

Il faut dire aussi que le dessin ne m’a pas du tout inspiré. Le trait est souple mais sans âme. Les personnages ressemblent à des poupées de chiffon aux membres élastiques. La bichromie de bleu et de gris renforce le coté froid de l’ensemble et les décors manquent de relief et de détails. Bref, voila un ouvrage qui m’a laissé de marbre.

Sous l’eau, l’obscurité de Yoon-Sun Park, Sarbacane, 2011. 160 pages. 19.50 euros.

L’info en plus : Ayant conscience d’être sans doute passé à coté de l’essentiel (j’ai lu plusieurs critiques très positives dans des revues spécialisées), je propose de faire ce titre une BD voyageuse. Je pense en effet qu’elle mérite d’autres avis car j’ai l’impression de ne pas l’avoir appréciée à sa juste valeur. Si vous êtes intéressé(e), contactez-moi : dunebergealautre@gmail.com, je vous la ferais parvenir dans les plus brefs délais.





lundi 14 mars 2011

Pfff d’Hélène Sturm

Ils sont huit, cinq garçons et trois filles. Tous habitent dans le même quartier. Certains vivent en couple, sont voisins, se croisent au café, s’observent dans la rue. Ils se cherchent, se tournent autour. Figure centrale de cette petite bande, Odile est lectrice dans une maison d’édition. Cette célibataire tout ce qu’il y a de plus banal décide un jour de se prendre en main. Elle va faire tomber dans son escarcelle Beaufils, Legendre et Walter et rendre jalouse Anna et Yolande, deux tenancières de troquet, sous le regard tendre de Jaboulier et Chapoutet, les homos qui vivent dans l’appartement au-dessus du sien.

Tout ce beau petit monde va se lier d’amitié, partager des moments festifs et d’autres beaucoup moins. Les couples vont se former et le temps va passer, impitoyable…

Pfff est un premier roman ambitieux. De prime abord, on a l’impression que les paragraphes s’enchaînent sans véritable fil conducteur. On passe d’un personnage à l’autre, on saute du coq à l’âne, un peu comme si on écoutait une énorme impro de jazz sans savoir vraiment où le musicien veut nous emmener. Mais sous ces airs nonchalants se cache un récit à l’évidence très structuré. L’évolution des relations entre les acteurs de cette tragi-comédie est parfaitement construite.

L’écriture est elle aussi faussement relâchée. Les phrases sons souvent longues, pleines de virgules semblant vouloir retenir un flot incontrôlable. Langage soutenu et vulgarité s’entrechoquent sans crier gare. L’humour est aussi très présent et on sourit souvent. Mais un peu plus de simplicité aurait été bienvenue et aurait débarrassé le texte de quelques scories inutiles. Et puis cette coquetterie consistant à changer les noms de certains personnages au cours du roman m’a paru sans intérêt et m’a beaucoup agacé.

Il faut dire que j’ai eu un peu de mal à suivre. L’intérêt justement, c’est ce qui m’a le plus manqué. Déjà, j’ai péniblement terminé le premier chapitre (90 pages) ne m’y retrouvant que difficilement entre tous ces noms et prénoms auxquels rien d’intéressant n’arrive. Par la suite, ayant bien identifié les différents membres du groupe, la lecture est devenue un peu plus agréable. Il faut dire aussi qu’il se passait enfin quelque chose de clairement compréhensible (Walter et Odile au Portugal, la réconciliation de Jaboulier et Chapoutet…). Il n’empêche que je n’ai jamais vraiment trouvé mon compte dans ce texte. Beaucoup d’ennui et trop peu de satisfaction, voila ce que je retiendrais. Je dois quand même reconnaître que pour un premier roman, Hélène Sturm montre de belles dispositions, c’est juste que personnellement, je suis passé complètement à coté. D’ailleurs le titre de cet ouvrage, c’est un peu le soupir de soulagement que j’ai poussé en tournant la dernière page, c’est dire !

Pfff d’Hélène Sturm, Éditions Joëlle Losfeld, 2011. 254 pages. 18 euros.

Un ouvrage lu dans le cadre d’un partenariat entre Blog-o-book et les éditions Joëlle Losfeld. Merci à eux pour cette découverte !

vendredi 11 mars 2011

Cousa

Pour son premier jour de vacances, Cousa s’ennuie. Les garçons ne veulent pas jouer avec elle, le chat reste perché sur l’horloge et grand-mère fait la sieste. La petite fille finit donc par sortir dans le jardin. Elle trouve un passage sous la haie, s’y engouffre et se retrouve au bord de la rivière. Les pieds dans l’eau, elle voit les buissons s’agiter juste à coté d’elle. C’est alors que surgit…

Voila un album charmant, épuré, minimaliste. Une toute petite phrase sous chaque énorme illustration, c’est parfois plus parlant qu’un long discours. La lecture invite à l’observation, l’explication, la discussion. Cinq minutes à peine, c’est le temps qu’il vous faudra pour parcourir toutes les pages. L’enfant ouvrira des grands yeux, son attention n’aura pas le temps de faiblir avant le dénouement. Et il se souviendra sans doute longtemps de cette première journée de vacances extraordinaire vécue par la petite Cousa.

Adrien Albert a trouvé le ton juste pour parler, tout en finesse et sans avoir l’air d’y toucher, de solitude et d’indépendance. Un bien bel album pour une lecture complice avec les bouts de chou dès trois ans.

Cousa d’Adrien Albert, L’école des loisirs, 2011. 24 pages. 12,00 euros. A partir de 3 ans.