Dans les années 90, Erik L’Homme abandonne l’agrégation d’histoire pour partir avec son frère Yannick et le naturaliste espagnol Jordi Magraner aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan, dans la chaîne des hautes-montagnes de l’Hindou Kouch. Le but de leur expédition : prouver l’existence de l’homme sauvage, que les populations locales appellent barmanou ou Almasty.
Arpentant pendant des mois une des régions les plus reculées du globe, les trois hommes vont connaître des moments exceptionnels qui changeront à jamais leur regard sur le monde. De l’arrivée à Peshawar jusqu’au retour en France, Erik L’Homme raconte son expérience de vie dans des conditions extrêmes. Entre les tracas administratifs, les routes souvent impraticables et les longues marches harassantes à plus de 3000 mètres d’altitude, l’expédition a parfois ressemblé à un long chemin de croix. Mais au-delà des problèmes rencontrés, c’est bien la découverte des populations et leur mode de vie qui vont bouleverser le jeune étudiant en histoire.
Plus que l’aspect scientifique du voyage, c’est avant tout pour quitter une existence où les habitudes de la société consumériste occidentale leur étaient devenues insupportables que son frère et lui sont partis ainsi à l’aventure.
Avec humilité et sans aucun a priori, ils sont allés à la rencontre des populations locales. Reconnaissant que l’invisibilité des femmes au quotidien leur a pesée lourdement, ils ont néanmoins respecté les traditions ancestrales de ces peuples et découvert un mode de vie réglé sur le respect des saisons et l’importance de l’élevage et des cultures agricoles. Erik L’Homme insiste sur la grande différence existant entre des peuplades parfois très proches géographiquement : les chitrali musulmans, les Kalash, fidèles à un paganisme indo-européen hérité de leurs origines ou encore les Gujar, des pasteurs nomades très pauvres.
Un point commun uni malgré tout ces montagnards : une tradition d’accueil jamais mise en défaut et une gentillesse qui les pousse partager sans contrepartie le peu qu’ils possèdent.
Concernant l’homme sauvage, s’ils n’ont jamais pu voir par eux-mêmes un spécimen, ils auront néanmoins recueilli de nombreux témoignages et mené une enquête de terrain obéissant à une méthodologie des plus rigoureuses (utilisation d'un questionnaire à choix multiple fondé sur 63 caractères anatomiques). Les résultats de cette enquête sont pour eux limpides : il existe bien dans ces contrées un hominidé vivant encore à l’état sauvage avec lequel les autochtones ont appris à vivre au fil des siècles.
A son retour en France, Erik L’Homme aura perdu 18 kilos. Mais il aura gagné bien plus. Entre des rencontres plus surprenantes et chaleureuses les unes que les autres et les paysages éblouissants des hautes montagnes du Pakistan, il offre au lecteur un voyage inoubliable. On peut bien sûr penser à Into the Wild (un jeune homme brillant quitte tout confort matériel pour vivre au grand air dans une région hostile), mais le parallèle le plus juste est à faire avec l’œuvre de Nicolas Bouvier et quelques grands noms du Nature Writing. L’occasion pour les ados qui liront Des pas dans la neige de découvrir ce genre littéraire particulier avant peut-être un jour de s’attaquer aux romans de Rick Bass, Edward Abbey ou Jim Harrison.
Des pas dans la neige, d’Erik L’Homme, édition Gallimard Jeunesse, 2010. 9,00 euros. A partir de 15 ans.
L’info en plus : Erik L’Homme a publié récemment dans la collection Folio Junior un récit relatant le massacre à la fin du 19ème siècle des Selk'nam en Terre de Feu par Alexandre MacLennan, dit Cochon rouge, un homme à la cruauté légendaire qui porte autour du cou les oreilles des Indiens qu'il a massacrés. La tragédie est racontée par huit personnages différents. Un texte dur et très réaliste qui pourra secouer les jeunes lecteurs un peu trop sensibles.