vendredi 30 juin 2017

Transsiberian back to black - Andreï Doronine

Etre toxico à Saint-Pétersbourg au milieu des années 90. Pas simple. Pas simple de trouver sa dose, de trouver de l’argent, de gérer le manque. Tous les coups sont permis, toutes les compromissions, les lâchetés et trahisons possibles. Tokha agresse les passants en les frappant par derrière avec des chats congelés par le froid hivernal. Youkla, elle, ramène dans son appartement des pauvres types complètement bourrés croisés en boîte avant de les droguer et de prendre des photos compromettantes afin de les faire chanter. Marin est plus direct, du genre à arracher les boucles d’oreilles de ses victimes en embarquant leur lobe. Le narrateur de ces nouvelles, aussi irréversiblement accro que ses comparses, est le seul à bosser. Il multiplie les petits boulots, dans un théâtre, une télé locale, ou en jouant au « taxi vétérinaire » pour véhiculer les animaux malades de clients aisés. L’argent gagné (ou extorqué) sert à financer les injections quotidiennes d’héroïne et tous s’enfoncent chaque jour davantage, conscients de la chute finale à venir mais incapables de stopper la spirale infernale dans laquelle ils ne cessent de sombrer.

Andreï Doronine raconte sa vie de drogué, sa vie d’avant. Une vie bête et méchante. Une vie pathétique faite de souffrance et de douleur pour quelques instants de plénitude. Une vie passée à abandonner toute dignité, toute hygiène, toute illusion. Une vie de galère, pitoyable, misérable, violente.

L’autobiographie, à peine romancée, est trempée dans une autodérision et un humour noir qui peuvent choquer : « Comment peut-on plaisanter sur les drogues ? C’est horrible, horrible ! ». Doronine a reçu beaucoup de lettres de lecteurs indignés par sa légèreté de ton. Heureusement, il n’en a rien eu à cirer et a continué à tracer le sillon d’une tragi-comédie minable et désespérée, « sans la moindre sentimentalité inutile ». Alors oui, ça pique, et pas seulement parce que l’aiguille s’enfonce dans la veine. Mais il y a dans son écriture une urgence teintée d’ironie qui raconte la déchéance avec une forme de distance évitant le misérabilisme, évitant surtout à l’auteur de s’appesantir sur son sort. C’est cash, trash, sans concession, nihiliste. Les écrivains punks ne sont pas morts. En Russie du moins.

Transsiberian back to black d’Andreï Doronine. La Manufacture des livres, 2017. 170 pages. 16,90 euros.






20 commentaires:

  1. Sûrement intéressant mais beaucoup trop glauque à mon goût.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est pas gai, je ne vais pas te dire le contraire.

      Supprimer
  2. Toxico, drogue... Thématiques que je fuis. Ceci dit, le côté autodérision et humour noir m'attire... Bon, de toute façon, je suis blindée-blindée là, côté PAL. Si je note, ce ne serait pas pour avant 2030...;-)

    RépondreSupprimer
  3. Les écrivains russes actuels déjà lus ont du coffre et du talent. J'y retrouve cette fameuse "âme russe"

    RépondreSupprimer
  4. Je crains que ce ne soit un peu trop trash pour moi...

    RépondreSupprimer
  5. rho je note penses tu :-p
    bizzzzz jeune homme

    RépondreSupprimer
  6. je passe mais je ferais bien lire à certains...

    RépondreSupprimer
  7. Un livre qui a tout pour me plaire !

    RépondreSupprimer
  8. Je pense que seul celui (ou celle) qui a vécu arrive à raconter avec la distance nécessaire et la dignité dans l'humour. C'est une démarche honorable...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est vrai, surtout qu'aujourd'hui il a totalement décroché, grâce à sa femme notamment.

      Supprimer

Je modère les commentaires pour vous éviter les captcha pénibles de Google. Je ne filtre rien pour autant, tous les commentaires sans exception seront validés au plus vite, promis !