L’auteur, Harry Parker, a lui-même sauté sur une mine en Afghanistan en 2009. Il connait donc son sujet et aurait pu faire de ce premier roman une autofiction dégoulinante de pathos, s’apitoyant sur son sort à chaque page. Il ne l’a pas fait et c’est tant mieux. Car l’histoire n’est pas ici racontée par le soldat Tom Barnes mais par des objets : le garrot ayant servi à stopper la première hémorragie, la pile ayant provoqué l’explosion, la scie chirurgicale utilisée pour l’amputation, le sac à main de sa mère au moment où on lui a appris la nouvelle, ses prothèses, etc. Quarante-cinq objets prenant tour à tour la parole, avant, pendant et après le drame. Du coté britannique mais aussi du coté des insurgés. Quarante cinq chapitres sans véritable continuité temporelle, éclatés comme une bombe, mélangeant passé, présent et désir d’avenir.
J’ai craint un texte purement descriptif, froid et désincarné. Les objets n’ont pas de sentiments, ils n’ont pas le moindre affect, ils se contentent de décrire les événements, point barre. A la longue le procédé, relevant de l’astuce narrative, serait forcément tombé à plat. Mais Harry Parker a su donner de la consistance et une véritable profondeur à son roman grâce aux dialogues. Car les objets restituent ce qu’ils entendent. Et à travers leurs échanges, les personnages disent la peur, la douleur, la colère, l’angoisse, la honte, l’espoir. Ils expriment leurs différences, leurs divergences, leur compassion et leur incompréhension.
Certes, les objets tiennent le plus souvent le lecteur à distance, ils restent neutres, ils ne sont pas dans le jugement. Ils exposent les faits, décrivent des comportements, rien de plus. Mais parfois les descriptions prennent un tournant inattendu et offrent de purs moments d’émotion, comme cette scène où le père rase avec application son fils tout juste sorti du coma. L'équilibre entre description et émotion donne une force phénoménale à ce texte qui ne dénonce pas la guerre, qui ne donne pas non plus ou dans la glorification des soldats blessés et qui n’exige pas réparation.
Un premier roman lumineux, ambitieux et parfaitement maîtrisé, qui cherche la reconstruction après l’éclatement, la réappropriation d’un corps disloqué par un homme à jamais traumatisé. C’est fort et intense, une expérience de lecture incroyable et mon premier véritable coup de cœur de la rentrée !
Anatomie d’un soldat d’Harry Parker. Bourgois, 2016. 410 pages. 22,00 euros.
Original... Très tentant!
RépondreSupprimerIndispensable même je dirais.
SupprimerAh c'est donc de ce fameux roman dont tu parlais. J'avais hâte de lire ta chronique. Tu penses que certains extraits seraient exploitables en 3e? Parce que je travaille sur les guerres et les hommes meurtris et ça pourrait parfaitement coller au thème, d'autant plus si la narration est étonnante.
RépondreSupprimerJe pense que pour travailler sur des extraits, ce serait un roman parfait.
SupprimerJe le note, tu es toujours de bon conseil !
RépondreSupprimerToujours... je ne serais pas si affirmatif ;)
SupprimerMais merci de ta confiance !
Je n'avais pas trouvé les titres de la rentrée chez Christian Bourgois. Evidemment, ce titre n'est pas dans mes repérages. Comme dit Stephie, tu es de bon conseil, il faut donc que je fasse plus un sur ma liste déjà longue.
RépondreSupprimerCe n'est pas forcément un roman qui fera l'unanimité mais en ce qui me concerne ce fut une divine surprise.
Supprimerpunaise punaise punaise ! Ce matin, sur les blogs, la tentation est partout ;-)
RépondreSupprimerje note jeune homme !
J'aime me faire tentateur, tu le sais bien ;)
SupprimerJ'ai déjà lu une ou deux chroniques sur ce roman atypique qui fait parler les objets - heureuse de voir que tu vis ton premier coup de cœur ! j'attendrais de le trouver en BM pour ma part - trop de livres repérés ailleurs
RépondreSupprimerJe comprends parfaitement ce que tu veux dire, ma pal déborde de partout ;)
SupprimerOriginale comme narration oui, on ne peut être que curieux de la découverte ! Un premier roman en plus, comment résister ? ;-)
RépondreSupprimerPourquoi résister surtout.
SupprimerTu conforme tout le bien qu'en dit Fabrice Colin sur son blog. Je surligne, donc.
RépondreSupprimerRavi que tu y prêtes la plus grande attention ;)
Supprimerbah tu le sais que je te suivrais les yeux fermés ! :D
RépondreSupprimerEt rien ne me ferait plus plaisir.
SupprimerAh j'aurais reculé devant le sujet mais j'aime les constructions atypiques :-)
RépondreSupprimerCelle-là l'est vraiment, crois-moi !
SupprimerDislocation ? Très peu pour moi (pour le moment....)
RépondreSupprimerA toi de voir.
SupprimerJe l'ai repéré dans Page des libraires, il me le faut !!! :D
RépondreSupprimerTu vas adorer !
Supprimermalgré tes éloges, je ne suis pas sûre que ça me convienne...
RépondreSupprimerC'est très particulier en même temps.
SupprimerTon billet est très convaincant !
RépondreSupprimerC'était mon intention en tout cas ;)
SupprimerMais déjà un coup de coeur alors que je n'ai lu qu'un titre de la rentrée !!
RépondreSupprimerIl en faut parfois peu pour tomber sur le bon.
SupprimerJ'ai lu quelque part un article sur ce livre (était-ce dans le Monde des livres ?). Bref il m'avait intriguée. Et ce que tu en dis augmente mon intérêt, d'autant que le traitement a l'air vraiment hors du commun.
RépondreSupprimerHors du commun, c'est tout à fait ça !
SupprimerOuhla, on n'est pas encore en septembre et déjà le premier coup de coeur de la rentrée ! Aaah ça me tente en plus, l'originalité des objets qui prennent la parole à la place du soldat. Je tiens mon bouclier anti-PAL vacillant en tremblant ! (enfin, de toute façon, avant 2020, c'est chaud)
RépondreSupprimerD'ici là, il sera sans doute paru en poche ;)
SupprimerWahou... je serais sans doute passée à côté de ce titre sans ta belle chronique ! Merci d'avoir attiré mon attention :)
RépondreSupprimerC'est un livre que j'ai vraiment (et modestement) envie de défendre.
SupprimerL'angle original choisi par l'auteur me refroidit un peu, mon côté très conventionnel aurait peut-être préféré un récit plus traditionnel ! Mais je le note tout de même car le sujet m'intéresse.
RépondreSupprimerDisons que c'est à la fois le sujet et son traitement que j'ai trouvés fascinants.
Supprimerje l'avais repéré justement pour son côté atypique, après ton billet, te penses bien que je le note !
RépondreSupprimerJe peux me montrer mais il me semble qu'il te plairait.
SupprimerTes coups de coeur sont rares et j'ai tendance à faire confiance à cet éditeur en plus de te faire totalement confiance.
RépondreSupprimerJe me demande ce que tu en penserais et j'adorerais le savoir ;)
SupprimerL'auteur a eu beaucoup de courage de mettre en mots une "douleur" - au sens large - qu'il a lui-même vécue...
RépondreSupprimerJ'admire cette démarche!
Le plus impressionnant selon moi c'est qu'il l'ait fait de manière si originale.
SupprimerBon et bien j'achète ! Merci pour la découverte !
RépondreSupprimerDes bisous
Cajou
Merci pour ta confiance !
SupprimerJ'adore quand tu me fais découvrir des romans et que tu me tentes comme ça <3
RépondreSupprimerCommandé, et attendu impatiemment :D
Hâte de savoir ce que tu vas en penser.
SupprimerIl sort du lot, celui-là, et sa manière d'aborder le sujet me parait vraiment valoir le détour.
RépondreSupprimerIl sort totalement du lot, oui !
SupprimerVoilà un procédé narratif extrêmement original et ingénieux, et en plus il réussit la gageure de tenir jusqu'au bout en ne lassant pas le lecteur. Je note forcément !
RépondreSupprimerC'est un roman qui mériterait bien plus d'exposition.
SupprimerLe billet de Clara me guide vers celui-ci ( j'étais malheureusement passé à côté). Une astuce narrative originale et apparemment bien utilisée. Je note ce titre.
RépondreSupprimerC'est mon roman étranger préféré de cette rentrée, et de loin !
SupprimerJe dois t'avouer que j'ai abandonné lâchement ce roman...Après une petite centaine de pages, je ne m'y retrouvais pas, j'avais des difficultés à identifier tous les objets et ça m'énervait. J'ai préféré ne pas continuer malgré le fait que,j'en suis certaine, je passe à côté d'un bon roman. 😉
RépondreSupprimerPas la peine de se forcer, quand ça veut pas ça veut pas.
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