lundi 2 mai 2016

Histoire de petite fille - Sacha Sperling

« Je suis le rêve américain, du sperme plein la gueule. Je suis riche. Comme un rappeur. Comme un homme d’affaire. Le compte en banque de Donald Trump et la bouche de Donald Duck. »

Mona ne passera pas sa vie à Paradise Hill, dans la banlieue de San Diego. Ici, l’horizon est trop bouché pour une ado de seize ans. Misère, ennui, alcool, drogue ou prostitution, le choix est limité. Surtout avec une mère qui a le feu au cul et un beau-père qui ne pense qu’à vous sauter. Alors Mona s’organise comme elle peut : Un petit ami dealer qui lui a fait perdre sa virginité à treize ans, un agent immobilier de quarante balais raide dingue d’elle pour l’entretenir. Et un jour, la fugue vers Los Angeles après un passage chez une copine majeure pour lui piquer ses papiers d’identité. Mona se teint en blonde, pose sur ses yeux des lentilles bleu clair et se prénomme dorénavant Holly. Sa rencontre avec un producteur de films porno lui ouvre les portes de la célébrité. Holly devient un phénomène et rassemble rapidement plus d’un million d’abonnés (payants) sur le site de son mentor. Elle donne de sa personne, accepte toutes les pratiques et affole les compteurs. Du jamais vu. Holly est riche et célèbre. Mais Holly a un autre plan. Machiavélique…

Attention, ça secoue. Furieusement. J’ai d’abord cru avoir affaire à un romancier américain. Mais Sacha Sperling est bien français. Un gamin de 25 ans, un « fils de » (Alexandre Arcady et Diane Kurys), qui m’a mis KO pour le compte avec son histoire de petite fille. Un roman choral où l’Amérique en prend pour son grade. C’est cash, sans concession, cynique. Holly n’est pas une victime et Sperling ne veut pas nous faire pleurer sur son sort. Les scènes hard sont sordides mais la gamine fait preuve d’une lucidité permanente qui force l’admiration. Elle déteste ce qu'on lui fait subir, mais elle encaisse, une idée dernière la tête. Elle sait ce qu’elle fait, elle sait ce qu’elle veut, elle sait où elle va et elle sait qu’il va lui falloir souffrir pour y arriver : « Un an dans le porno, c’est comme dix ans ailleurs. Pire que de compter en années de chien. Ça marque le corps, la peau. Ça détend tout. Ça abîme… ».

Un roman sans complaisance qui vous file des hauts le cœur. J’ai aimé ce style direct, épuré, à l’os. Une success story tragique, glaçante, qui fascine et horrifie. L’histoire d’une « fille vide à l’ère du vide », l’histoire d’une fille qui se « voulait un destin. N’importe lequel ».

Histoire de petite fille de Sacha Sperling. Seuil, 2016. 260 pages. 18,00 euros.




46 commentaires:

  1. Ça a l'air affreux, mais je le veux quand même!

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    1. J'ai eu la même réaction que toi en l'achetant ;)

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  2. Ça doit dépoter mais qu'est-ce que ça doit être bien!

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  3. Déjà lu un livre de lui et je n'avais pas du tout aimé l'écriture. Pourtant là l'histoire me tente pas mal mais s'il n'a pas progressé niveau style, cela risque vite de me gaver.

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    1. J'ai vu que ses deux romans précédents avaient été massacrés par la critique. Critique qui aujourd'hui trouve celui-ci très réussi. Comme quoi ;)

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  4. trop affreux pour moi, et je vais rajouter j'adore quand les auteurs américains détruisent l'image que leur pays donne de lui-même , je suis moins réceptive quand un Français le fait car je crois qu'on n'aimerait pas qu'un américain détruise l'image de la France

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    1. Il ne détruit pas l'image de l'Amérique mais plutôt un mode de consommation du sexe qui pourrait se retrouver dans tous les pays occidentaux du monde.

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  5. Je redoute toujours un peu les romans avec des héros plein de vide depuis Moins que zéro.

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    1. Pas lu moins que zéro alors je ne pourrais pas comparer ;)

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  6. Ah oui, ça a l'air dur quand même...

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  7. Y'a un peu de lumière tout de même dans ce roman u c'est hard jusqu'au bout ?

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    1. De la lumière, difficile à dire, mais la gamine n'est pas qu'une victime, c'est déjà plutôt positif (enfin selon moi).

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  8. Je l'ai vu à une émission de télé, avec son papa (il est aussi scénariste) et apparemment il a publié son premier roman à l'âge de 17 ans (le titre m'échappe). Jamais lu mais j'ai aimé comment il a présenté ce roman. Même si l'histoire me tente peu - par contre c'est tout à fait transposable à la France avec la téléréalité, les Nabila/Loana qui sont prêtes à tout pour devenir riche ..

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    1. Je ne trouve pas que ça ressemble à la téléréalité, c'est encore plus glauque en fait. Et la petite fille du titre est loin d'être une décérébrée ;)

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  9. Je suis curieuse de voir comment un auteur français triture ce thème.

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  10. C'est un livre qui m'intéresse beaucoup :)

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  11. Cette fois-ci je passe. L'idée de départ est super glauque je trouve, même si je me dis que si l'auteur a réussi à te surprendre c'est qu'il y a du bon dans tout ça...

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  12. oh
    je veux !
    Tu m'as appâtée canaille :-p

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  13. Il me fait très envie !! même un peu zarbi et toussa !

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    1. Je ne sais pas si on peut qualifier ce roman de zarbi ;)

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  14. Et pourquoi pas si le style est bon !

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  15. Oh la la ça a l'air dur... Marre du trash ... On veut des fleurs et des p'tits oiseaux monsieur Jérôme...

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    1. Ouh là, non, pas d'oiseaux, de p'tites fleurs, de guimauve ou de licorne pailletée, surtout pas malheureuse, ça me donne le cafard !

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  16. Nope.;-) Ces histoires de pornstars, j'en ai déjà entendu pas mal (reportages TV entre autres), et un peu dans la même lignée.

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    1. Certes. Mais la fin pourrait surprendre une blasée dans ton genre :p

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  17. Très envie de le lire, je l'ai déjà mis de côté !
    j'espère ne pas être déçue, j'ai un a priori négatif sur les fils de.

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  18. je ne sais pas ... je suis mitigée, le lire ou pas là est la question ! je vais y réfléchir.

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  19. Quand ça secoue j’adore! Un portrait décapant de l’Amérique, où le rêve s’évanouit vite dans le vice, une fois la réalité nous claquant en pleine face. Le genre de roman que j’aime...

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  20. Merci pour cette découverte, je l'ai déjà vu sur des blogs également il à l'air sympa ;) bon lundi.

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  21. Il semble donc s'être amélioré depuis son premier, très autocentré. Tant mieux!

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    1. Heureusement que certains auteurs progressent d'un roman à l'autre :)
      Celui-là n'est pas du tout autocentré en tout cas.

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  22. Super glauque... même si c'est très bien, pas envie de m'infliger ça. Mais ton billet est tentant malgré tout!

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  23. Un autre que j'ai dans ma PAL depuis ses débuts mais pas encore lu ... peut du KO sans doute

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    1. On a tous des auteurs qui croupissent dans nos pal...

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