vendredi 27 mai 2016

Naissance d’un père - Laurent Bénégui

Être père. Romain a eu neuf mois pour se faire à cette idée. Mais il n’y pas parvenu. Le grand jour arrive et il n'est pas prêt. En pleine tempête, sa compagne ressent les premières contractions. Le futur père débarque à la maternité sous les trombes d’eau, alors que Louise est déjà en plein travail. Et il ne le sait pas encore mais il va vivre un double accouchement dont il ne ressortira pas indemne.

C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon, paraît-il. Heureusement, ce proverbe ne s’applique pas aux papas. Ce n’est pas une fois l’enfant paru que l’on reconnaît les qualités de son géniteur, sa capacité à devenir un père « compétent ». Romain serait mal barré si c’était le cas. Lui qui refuse de couper le cordon, de toucher sa fille, de l’appeler par son prénom. Lui qui rechigne à aller la reconnaître. Il ne sait plus où il en est. Perdu. Pas prêt. Il faut dire qu’il a de qui tenir, son propre père ayant eu trois enfants, de trois femmes différentes, sans jamais assumé son rôle. Romain navigue à vue, la tempête est chez lui intérieur, le questionnement permanent. Et Louise le sent. Elle l’aime mais elle se rend compte que s’il ne change pas, ça ne va pas être possible de continuer. Alors Romain va changer. Par la force des choses. Mais aussi parce qu’une rencontre avec un autre nourrisson que le sien va le bouleverser. Pour autant, le chemin sera sinueux, les avancées fragiles, les maladresses nombreuses, les hésitations multiples.

Un roman qui parle de la paternité, la vie, la mort, l’amour, la filiation, de ce statut nouveau et difficile à assumer lorsqu'un enfant vient au monde et que, quelque part, il nous met devant le fait accompli. Prendre les choses en main, trouver sa place, être à la hauteur. C’est plus ou moins facile. Question de vécu, de personnalité, d’identité. Romain est un personnage touchant. Il m’a clairement agacé parfois, comme Louise d’ailleurs, mais je n’ai jamais eu envie de l’accabler. Nous n'avons rien en commun mais je peux le comprendre. C’est tout l’art de Laurent Bénégui je trouve, une capacité à exprimer des réactions et des questionnements universels à partir d’un cas très individuel et particulier.

Un beau texte, extrêmement construit, extrêmement maîtrisé, et qui a l'intelligence de proposer une fin ouverte, pleine d'espoir mais où rien n'est pour autant acquis. Et un livre vers lequel je ne serais jamais allé si on ne me l’avait pas mis entre les mains. C’est l’avantage d’avoir des amies très chères qui savent bousculer, avec goût, mes habitudes de lecteur.

Naissance d’un père de Laurent Bénégui. Julliard, 2016. 225 pages. 18,00 euros.

Les avis de Caroline, ClaraLaurie, Noukette, Philisine, Syl.



34 commentaires:

  1. il va vraiment falloir que je me lance, si même toi tu t'y mets :-p
    bisous jeune homme

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  2. Mais c'était un bon titre, non, tu es justement père!

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  3. Oui, je crois moi aussi que tu ne l'aurais jamais lu. Alors Noukette a bien fait les choses. Je voulais le secouer ce Romain !!!

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  4. Il suit son bonhomme de chemin, ce roman.

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  5. Pas tentée .. bon j'avoue que j'aurais préféré lire un livre sur une mère vivant la même chose. Autour de moi, on trouve normal que les pères paniquent, prennent leur temps, partent, reviennent et ne s'attachent à leurs enfants qu'une fois qu'ils parlent, jouent ..
    Mais une mère, on attend tout d'elle alors que dans les faits, pour une sur dix, la naissance est une catastrophe et l'attachement n'est pas là .. bref, je m'égare !

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    1. C'est marrant parce que je n'ai pas du tout vécu la paternité comme ça moi. L'attachement, il était là tout de suite.

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  6. J'avais noté le titre dans les "pourquoi pas", je le change de dans les "à lire" !

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  7. J'aime beaucoup ce texte, j'aime beaucoup Bénégui... et je suis ravie que tu ais tenté l’expérience ! ;-)

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    1. Et moi je suis ravi que tu m'aies permis de le faire ;)

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  8. Ce sujet m'intéresse, même si je comprendsle commentaire d'Electra, je suis toujours intriguée par la paternité.Je trouve que les hommes sont plus dans la filiation que dans les joies du tout petit.

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  9. C'est assez tentant, ça! Et en plus, j'aime beaucoup la couv, ce qui ne gâche rien.

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  10. Il me tente beaucoup celui-ci. C'est toujours intéressant ce point de vue du père !

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    1. C'est peut-être moins courant que celui de la mère...

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  11. On le voit pas mal sur les blogs, pas trop tentée mais tu me ferais presque changer d'avis ;)

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  12. Bon, pas trop mes thématiques de prédilection, même si c'est bien exprimé, etc, et heureusement que je n'ai personnes pour me pousser à lire ce livre.;-)

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    1. Te connaissant, je crois que tu peux faire l'impasse ;)

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  13. C'est un sujet très fort qui suscite forcément beaucoup de controverse. La photo de la page couverture est tellement significative...
    J'suis sûr que j'aimerais ce roman!

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    1. C'est un sujet sensible, oui, mais très bien traité.

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  14. Avec un peu de retard je viens de lire ton billet ! et j'aime bien comment tu en parles :)

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