vendredi 2 décembre 2011

Première neige (calendrier de l'avent 2)

Bailly-Maître et Guilloppé
 © L'élan vert 2011
C’est l’hiver. Mine la souris attend son ami Gaspard le loup. Autour d’elle, tout est blanc. Elle ne sait pas quand il viendra mais elle est certaine qu’il va venir. Ils se sont donné rendez-vous à la première neige. Quand son ami arrive, Mine saute sur son dos. Tous deux traversent la forêt et s’arrêtent dans une clairière. Mine forme un tas de neige et le sculpte pour lui donner la forme du loup. Puis elle demande à Gaspard s’il peut faire son portrait. Le loup gratte et creuse la neige pour découvrir une étendue de terre brune. Mine s’approche et ne voit rien. Déçue, elle se met à bouder et à pleurer. Heureusement, une corneille qui a vu la scène invite la souris à monter sur son dos. Et une fois au-dessus de la clairière, Mine comprend que son ami ne s’est pas moqué d’elle...

Une histoire d’amitié simple et touchante. Très peu de texte, de grandes illustrations à la composition travaillée pour faciliter la lisibilité. Chaque personnage, entièrement noir, contraste à merveille avec le blanc de la neige.

Un album de saison à lire aux petits bouts le soir au coin du feu pour partager avec eux un moment de tendre complicité.


Première neige de Marie-Astrid Bailly-Maître et Antoine Guilloppé, Éditions L’élan vert 2011. 24 pages. 12,50 euros. A partir de 3 ans.


Bailly-Maître et Guilloppé
© L'élan vert 2011

jeudi 1 décembre 2011

Une chanson d’ours (calendrier de l'avent 1)

Chaud © Hélium 2011
L’hiver approche et Papa ours ronfle déjà. Lorsqu’une abeille surgit dans la tanière, Petit ours décide de la suivre car qui dit abeille dit miel. En sortant, Petit ours laisse la porte de ouverte et un courant d’air vient réveiller son père. Ce dernier, s’apercevant de la disparition de son fils, se précipite dans la forêt à sa recherche.

Un album d’observation d’une incroyable finesse. A chaque double page un décor différent fourmillant de détails (la forêt, la ville, l’opéra) et un seul Petit Ours caché dans un coin. Les tons vert, brun, ocre et sépia renforcent la difficulté à retrouver l’intrépide galopin. Le texte plein d’humour, donne de nombreuses fausses pistes. Rien d’insurmontable cependant. Avec un minimum d’attention, les enfants retrouveront Petit ours sans coup férir. Par rapport à d’autres ouvrages du même genre, Une chanson d’ours n’est pas un simple livre-jeu comme la série des « Où est Charlie ? ». Benjamin Chaud a construit une véritable histoire, drôle et pleine de rebondissements. Le dessin est à la fois simple et précis. Nul doute que la composition de chaque « tableau » a dû demander un énorme travail à l’auteur.

Attention danger. Avec un tel album à la maison, vous allez souvent être sollicité pour faire la lecture. Un avantage cependant, les enfants pourront s’amuser tout seul à retrouver Petit ours sans rien demander à personne. Bien sûr, à force, ils connaîtront chaque page par cœur, mais ce n’est pas cela qui va les empêcher d’y revenir encore et encore.

Une chanson d’ours, de Benjamin Chaud, Hélium, 2011. 28 pages. 14.90 euros. A partir de 4 ans.

Chaud © Hélium 2011

Mon calendrier de l'avent 2011 : Des livres à gagner

Et voila ! Nous sommes le 1er décembre. Plus que 24 jours avant que le gros barbu ne fasse sa tournée. Cette année, pour fêter l’événement, je me suis lancé un petit défi personnel : réaliser mon propre calendrier de l’avent. Chaque jour jusqu’au 24 je présenterai un livre à déposer au pied du sapin. Roman, BD ou album de littérature jeunesse, uniquement des ouvrages parus dans l’année. Au moment de me lancer, je n’ai pas encore tous les titres en tête et je ne sais pas si pourrais tenir sur la longueur. Il suffit que la grippe ou n’importe quelle autre cochonnerie de saison vienne me frapper de plein fouet pour que je ne puisse par mener mon projet à bien. Mais peu importe, la question ne se pose pas pour l’instant et je compte bien mener mon calendrier à son terme.

Cerise sur le gâteau, j’organiserai le 25 décembre un tirage au sort parmi toutes les personnes ayant laissé un commentaire sur au moins un billet du calendrier. Les deux premiers noms qui sortiront du chapeau pourront choisir leur titre préféré parmi les 24 livres présentés et je me ferai un plaisir de leur offrir. Un cadeau de plus le jour de noël, ça ne se refuse pas !

mercredi 30 novembre 2011

Criminal 1 : Lâche !

Brubaker et Phillips
 © Delcourt 2007
« Le truc à savoir, c’est que la plupart des plans, même les bons, sont des châteaux de cartes. Le moindre détail qui foire, et tout se casse la gueule. » Léo savait qu’il n’aurait pas dû dire oui. Des flics véreux qui réunissent une équipe pour faire main basse sur cinq millions en diamants, c’était trop gros. Il a d’abord refusé, mais Greta est entrée en scène. Pour ses beaux yeux, il a fini par accepter. Il faut dire aussi que Léo n’est pas un débutant. Dans le milieu, il est réputé pour mettre au point les plans les plus minutieux. Avec lui, rien n’est laissé au hasard, tout est calculé au millimètre. Et s’il ne s’est jamais fait poisser, c’est pour une autre raison. Léo est un froussard. Au moindre signe de pépin, il décroche ventre à terre et tant pis pour les petits copains. Pas reluisant comme attitude, mais la survie est à ce prix. Seulement, cette fois-ci, les choses vont prendre une tournure différente. Il le savait pourtant, il ne faut jamais faire confiance à un flic ripoux…

Le rouge crépusculaire de la couverture annonce la couleur. Criminal est un polar sans concession. Un « héros » en perdition, des méchants vraiment méchants, une femme qui vient brouiller les cartes, beaucoup de violence et une fin tragique… tous les ingrédients sont réunis pour concocter un petit noir bien serré. Le scénariste Ed Brubaker donne dans l’efficacité. Il tisse sa toile avec une précision diabolique alternant temps forts et moments calmes tout en insérant ici et là quelques flash back bienvenus. Il plonge dans les bas fonds et met en scène des protagonistes au sens moral plus que douteux. Les attitudes et les dialogues sonnent juste, sans chichi ni fioriture. Du travail ciselé.

Niveau dessin, Sean Phillips s’applique pour rester dans le ton avec un encrage épais, un gros travail sur les ombres et un découpage au cordeau qui rend la tension parfaitement palpable. La violence est omniprésente mais elle n’est jamais surjouée, la mise en scène des différentes fusillades restant au final assez sobre.

En matière de polar, Criminal est devenue une référence. Avec mon chouchou Scalped, c’est sans doute la série noire actuelle la mieux troussée. Avis aux amateurs du genre qui ne connaitraient pas ce petit bijou : vous pouvez foncer les yeux fermés.

Criminal T1 : Lâche ! d‘Ed Brubaker et Sean Phillips, Éditions Delcourt, 2007. 132 pages. 14.95 euros.



Brubaker et Phillips
© Delcourt 2007











Will Eisner Awards
Meilleure nouvelle série 2007

lundi 28 novembre 2011

Jérôme K. Jérôme Bloche 11 : Le cœur à droite

Dodier © Dupuis 1996
Jérôme s’est lancé dans l’écriture d’un polar mais rien n’y fait, tout ce qu’il écrit lui semble tarte. Découragé, il sort prendre l’air et tombe sur un vieux clochard transi de froid. Il décide de venir en aide au SDF en lui proposant de passer la nuit au chaud dans son appartement. Le matin suivant, l’homme a disparu mais il a oublié sous le matelas un cahier manuscrit dans lequel est rédigé un roman. Le texte enthousiasme Jérôme qui décide de partir à la recherche du clochard pour lui restituer son bien. Lorsqu’il le retrouve, il dit au vieil homme que son roman mérite d’être édité et lui propose de devenir son agent. Le manuscrit, remis au propre, est envoyé chez différents éditeurs. Gallimard décide de le publier sous le titre Le cœur à droite. L’ouvrage obtient le prix Goncourt mais son auteur, effrayé par le succès, disparaît sans laisser de traces…

Avec JKJ Bloche, Dodier a trouvé une sorte de formule magique. L’idée de départ de sa série (dont les premiers tomes ont été scénarisés par Makyo et Le Tendre) est fort simple : mettre en scène un détective privé très influencé par les figures américaines du genre mais en même temps fondamentalement différent de ses modèles Philip Marlow et Sam Spade. Certes, Jérôme porte le feutre mou et l’imper. Certes, son bureau est un capharnaüm sans nom sur lequel trône une machine à écrire antédiluvienne. Certes, le jeune homme est courageux et possède un vrai sens de la déduction ainsi qu’une facilité certaine pour s’attirer des ennuis. Mais les points communs s’arrêtent là. Jérôme n’est pas viril pour deux ronds. Il est sympathique, généreux et fragile. Sa petite copine n’a rien d’une femme fatale et son univers très parisien, tout en simplicité, est loin des frasques hollywoodiennes.

Dodier non plus ne donne pas dans le clinquant. Ses albums ne sont pas envahis de meurtres sanglants, de poursuites en voitures et de bagarres dans les ruelles sombres. Il préfère raconter les petits riens, les choses simples de la vie. En cela, JKJ Bloche, c’est un peu du Raymond Chandler revisité à la sauce Simenon.

Il faut reconnaître que Le cœur à droite n’est pas le meilleur album de la série. Cette histoire de prix Goncourt pour un manuscrit sorti de nulle part est un peu tirée par les cheveux. Mais peu importe. Pour le lecteur, l’important n’est pas là. Ce qui compte, c’est de retrouver le sympathique Jérôme et tous les personnages familiers qui traversent la série : Babette la petite amie, la vieille voisine avec son petit chien, Mme Rose la concierge ou Burhan l’épicier arabe… A force, l’univers du détective privé est devenu familier. Cela tient aussi beaucoup au trait de Dodier. On reconnaît au premier coup d’œil la précision de ses décors d’intérieur et le réalisme des quartiers parisiens où l’intrigue se déroule. Le découpage est simple et fluide, la lisibilité étant la préoccupation première de l’auteur au-delà de toute « esbroufe graphique ».

JKJ Bloche est un polar atypique où le registre intimiste prend le pas sur le grand spectacle. Assurément une des séries les plus attachantes du catalogue Dupuis.


Jérôme K. Jérôme Bloche T11 : Le cœur à droite de Dodier. Dupuis, 1996. 48 pages. 11,95 euros.

Dodier © Dupuis 1996


(Fauve)
Alph-Art jeunesse
9-11 ans
1997

samedi 26 novembre 2011

Toto l’ornithorynque 1 : L’arbre magique

Yoann et Omond © Delcourt 1997
Dans une forêt australienne, Toto l’ornithorynque se réveille affamé. Pour le petit déjeuner, il a prévu de se goinfrer de crevettes et de vers de vase qui pullulent dans la rivière entourant sa maison. Mais ce matin-là, Toto découvre la rivière à sec. Avec son ami Wawa le koala, il décide de remonter le lit du cours d’eau afin de trouver l'origine du tarissement. En chemin, les deux animaux vont aller de surprise en surprise et, au fil des rencontres, leur petite équipe ne va cesser de s’agrandir…

Ce premier volume de la série est une fable animalière et écologique. Sans eau, denrée précieuse et vitale, c’est la survie de la toute la communauté qui est mise en danger. La structure de l’album réunit les cinq étapes du schéma narratif propre au conte : la situation initiale (présentation de Toto dans son environnement), l’élément perturbateur (Toto découvre la disparition de la rivière), l’action (les nombreuses péripéties dans la forêt), la résolution (Toto et ses amis parviennent à faire sauter le barrage), la situation finale (les protagonistes rentrent chez eux heureux et soulagés d’avoir résolu leur problème). L’album véhicule des valeurs importantes telles que l’amitié et la solidarité. Les auteurs ont aussi choisi de placer leur intrigue dans un endroit peu commun, au cœur de l’Australie. Cette singularité leur permet de faire découvrir la faune et la flore de ce continent finalement peu connu. Les pages de garde proposent d’ailleurs une description succincte des drôles d’animaux qui peuplent le récit.

Le graphisme tout en rondeur et de prime abord naïf est particulièrement expressif. Yoann a fait un gros travail sur la lumière. Ses couleurs pétaradantes sont somptueuses et son découpage, s’il propose peu de cases par planche, se révèle d’une grande variété, notamment grâce aux nombreuses plongées et contre plongées.

Ce premier tome immerge le lecteur dans un univers fantastique où rêve, magie et aventures exotiques se côtoient avec brio. Originale et éducative, cette BD très souvent utilisée comme support pédagogique dans les écoles primaires est à recommander chaudement à tous les enfants dès 7 ans.


Toto l’ornithorynque T1 : L’arbre magique de Yoann et Eric Omond. Éditions Delcourt, 1997. 32 pages. 9.40 euros. A partir de 7 ans.

L'avis de Mo'


Yoann et Omond © Delcourt 1997




Festival BD Boum 1997
Prix ligue de l'enseignement

vendredi 25 novembre 2011

Monsieur Blaireau et Madame Renarde 4 : Jamais tranquille !

Luciani & Tharlet - © Dargaud 2010
L’hiver approche. Monsieur Blaireau et Mme Renarde préparent le terrier pour la rude saison qui s’annonce. Les blaireaux n’arrêtent pas de manger pour se constituer des réserves de graisse. Chez les renards, la fourrure s’épaissit pour les protéger du froid. Lorsque le mauvais temps s’installe, l’ennui gagne les enfants, obligés de rester à l’intérieur. Pour les blaireaux, la sieste prolongée devient l’activité principale, ce qui a le don d’irriter Roussette la petite renarde. Sa mère décide de lui apprendre les rudiments de la chasse dans la neige…

La cohabitation continue pour cette drôle de famille recomposée imaginée par Brigitte Luciani et Eve Tharlet. Une fois encore, ce sont les caractères bien trempés des enfants et leurs chamailleries qui font tout le sel de l’histoire. Aux pinceaux, l’illustratrice propose toujours de magnifiques aquarelles à chaque case. Dans cet album, sa restitution de la campagne sous la pluie et sous la neige est de toute beauté.

Malgré un petit coup de moins bien dans l’épisode précédent, cette série garde une qualité indéniable. Sur un sujet difficile, les deux auteurs ont su créer un environnement plein de tendresse et de douceur. Un album idéal pour les enfants qui ont commencé à lire depuis peu et veulent découvrir la bande dessinée.


Mon avis sur le tome 1


Monsieur Blaireau et Madame Renarde T4 : Jamais tranquille ! de Brigitte Luciani et Eve Tharlet. Éditions Dargaud, 2010. 32 pages. 15,50 euros. A partir de 6-7 ans.


Luciani & Tharlet - © Dargaud 2010





Festival BD Boum 2011

Prix ligue de l'enseignement

mercredi 23 novembre 2011

Formose

Lin - © çà et là 2011
Li-Chin Lin est née à Taïwan en 1973. Une île à l’histoire mouvementée, au départ uniquement peuplée d’aborigènes mais très rapidement annexée par les chinois (dès le IIème siècle). Au XVIème siècle, les portugais la rebaptise Formose, nom qu’elle gardera jusqu’à la création de la république de Taïwan en 1895. Cette même année, la Chine cède la toute jeune république au Japon. Il faudra attendre 1945 et la défaite japonaise pour que l’île retourne dans le giron chinois. En 1949, lorsque les nationalistes dirigés par Chiang Kaï-Chek sont chassés du pouvoir par l’Armée Populaire de Mao Zedong, le gouvernement des vaincus s’exile sur l’île. Taïwan devient alors officiellement la république de Chine (à ne surtout pas confondre avec la République Populaire de Chine de Mao). Pendant près de 50 ans la famille Chiang, farouchement anti-communiste, va régner sans partage sur l’île en instaurant la loi martiale. Il faudra attendre 1996 pour voir les premières élections au suffrage universel. Aujourd’hui, si la dictature a disparu, la démocratie reste fragile.

Cette remise en contexte historique un peu lourde est un préalable nécessaire pour bien comprendre cet album autobiographique. Au début des années 80, la petite Li-Chin vit dans le sud de l’île. Difficile pour elle de s’y retrouver entre la propagande officielle anti-communiste, la nostalgie de ses grands parents qui regrettent l’époque de la colonisation japonaise ou encore le dédain affiché à l’égard des autochtones que les chinois considèrent comme des êtres inférieurs. A la maison, sa mère parle le holo (le taïwanais) et sa grand-mère le japonais tandis qu’à l’école seul le mandarin est autorisé. La petite, endoctrinée par ses enseignants, pense que cette dernière langue est la plus noble et la plus à même de faire d’elle une chinoise de Taïwan modèle. Passionnée par le dessin, Li-Chin tombe amoureuse des mangas. Un vrai dilemme pour elle, conditionnée pour mépriser tout ce qui n’émane pas de la république de Chine. La culture japonaise dans son ensemble la fascine malgré elle, ce qui lui pose quelques soucis « patriotiques ».

En 1983, c’est le départ pour le collège, un établissement où on prépare les enfants au concours d’entrée au lycée. Élève appliquée, Li-Chin est acceptée en 1988 dans un lycée de filles de Taipei, la capitale. Un choc pour elle, issue des campagnes du sud et découvrant pour la première fois la vie en ville. En 1989, les événements de la place Tian-An-Men la bouleverse et en 1991, son entrée à la faculté pour suivre des études d’histoire sonne comme une révélation : « c’est à ce moment-là que j’ai vraiment eu l’impression de commencer ma métamorphose, de vivre ma propre vie. […] A la fac, j’ai enfin ouvert les yeux. […] Je me suis rendu compte que, finalement, on nous avait bourré le crâne de mensonges et coupés des vrais témoins historiques.»

Formose est un roman graphique ambitieux et fort bien construit. Li-Chin y évoque sa quête d’identité. En même temps, elle analyse avec clairvoyance l’évolution de son île, l’endoctrinement de la population et la construction de son propre esprit critique. Sans amertume, avec une belle lucidité, elle revient sur le parcours qui a modelé sa conscience politique.

Graphiquement, l’auteur se situe entre Hisaichi Ishii (Mes voisins les Yamada) et une Aurelia Aurita (Fraise et chocolat) qui aurait appris à dessiner : pas d’encrage, pas de cases, un trait proche du crayonné, tout en souplesse et très agréable sur la longueur. Surtout, Li-chin Lin fait preuve d’une belle inventivité. Visages et corps déformés, alternance entre séquences oniriques et réalistes, il y a à travers ses pages une vraie force d’évocation. Le découpage en chapitres et la présentation chronologique des différents événements rend l’ensemble très fluide. Seul petit bémol, l’absence de véritable évolution physique chez l’héroïne. La Li-chin de l’école primaire et l’étudiante de fac semblent être une seule et même personne dont l’apparence n’a pas changé d’un iota malgré les années.

Une fois encore, les éditions çà et là sortent des sentiers battus avec un album inclassable et de qualité. Merci à eux et Libfly de m’avoir permis d’élargir mon champ de connaissance de la BD mondiale avec cette belle découverte.


Formose, de Li-Chin Lin, Éditions çà et là, 2011. 252 pages. 22 euros.

Lin - © çà et là 2011


Lin - © çà et là 2011



 




 


dimanche 20 novembre 2011

Le club des incorrigibles optimistes

Guenassia - © Le livre de poche 2011
Michel Marini grandit dans le Paris des années 60. Entre 1959 et 1964, il passe du statut de collégien à celui de bachelier. Ce photographe amateur, passionné par le rock et la littérature, est un joueur de baby foot émérite. C’est en faisant une partie au Balto qu’il va rencontrer Igor, Léonid, Sacha, Pavel, Imré et les autres, des expatriés qui ont passé le rideau de fer pour échapper à la répression de leurs pays respectifs. Au contact de ces incorrigibles optimistes, l’adolescent va affronter nombre de bouleversements parfois difficile à accepter.

Le club des incorrigibles optimistes est un roman fleuve qui plonge le lecteur au cœur des premières années de la 5ème république. En toile de fond, il y a la guerre d’Algérie qui prendra à Michel son ami Pierre et son frère Franck. Mais dans cette période bouillonnante pour la société française naît également une véritable effervescence intellectuelle, culturelle et politique : Sartre, Kessel, la musique, le cinéma… Michel profite de toutes les opportunités pour élargir son champ de connaissances. Le décor est également important. Jean-Michel Guenassia décrit le Paris des petits bistrots et des chambres de bonnes. Ses personnages naviguent entre le lycée Henri IV, le jardin du Luxembourg, Denfert-Rochereau et la cinémathèque.

La construction du roman est extrêmement élaborée. Les trajectoires des nombreux protagonistes se croisent, s’écartent et se rejoignent pour au final donner un tout qui se tient parfaitement. Malgré les nombreuses ramifications, la fluidité reste de mise. Le cœur de l’intrigue repose en grande partie sur les existences des réfugiés politiques que Michel côtoie au Balto. Acteur, médecin ou pilote d’avion, ils ont abandonné femmes et enfants pour sauver leur peau. Difficile de savoir les raisons qui les ont poussés à fuir. Michel va petit à petit rassembler les pièces du puzzle de leurs vies et découvrir que certain d’entre eux sont liés par un terrible secret.

Un texte d’une grande densité qui reste néanmoins extrêmement lisible. L’écriture est simple et élégante, très agréable. Il n’est jamais évident de vouloir créer des romans dans le roman sans perdre le lecteur en route. C’est tout le mérite de Jean-Michel Guénassia d’avoir réussi ce tour de force. Un roman français ambitieux et plein de souffle. C’est devenu tellement rare qu’il serait dommage de ne pas en profiter.

Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia, Le livre de poche, 2011. 730 pages. 8,50 euros.


Un grand merci à Babelio et au Livre de poche pour cette belle découverte.


jeudi 17 novembre 2011

Abélard : le coffret

Hautière et Dilliès - © Dargaud 2011
Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Si vous aimez la BD et que vous ne connaissez pas Abélard, vous passez à coté de quelque chose de grandiose. Les deux volumes, sortis à quelques mois d’écart (juin et septembre), ont bouleversé plus d’un lecteur. A première vue pourtant, pas de quoi sauter au plafond : une série jeunesse animalière au trait séduisant mais qui ne semble pas se distinguer de nombre de ses consœurs. En feuilletant les ouvrages plus précisément, on découvre un découpage original avec de très grandes cases, des planches en quatre bandes et d’autres beaucoup plus déstructurées proposant notamment pas mal de gros plans. Déjà, le charme commence à opérer. Et puis on se lance dans la lecture et là, l’évidence vous saute aux yeux : oui, ce diptyque est un petit bijou.

Abélard, c’est l’histoire d’un poussin qui rêve de quitter son marais pour découvrir le monde. Pour conquérir sa belle, il veut lui décrocher la lune. Et parce que c’est en Amérique que l’on vient d’inventer une machine pouvant voler dans le ciel, Abélard décide de partir dans cette lointaine contrée. Là-bas, un jour, c’est certain, on pourra aller sur la lune… Mais le petit poussin est naïf, il ne connaît rien du monde extérieur. Certes, il fera une magnifique rencontre, mais son innocence lui coutera cher et la longue traversée vers sa terre promise laissera dans la bouche du lecteur un goût amer de poussière et de cendre.

Poétique, philosophique, magique, mélancolique... mettez-donc tous les suffixes en « ique » que vous voulez, pour moi, cette grande œuvre est juste magnifique. Il est quand même très rare d’être à ce point secoué par une BD. Certains ont reconnu avoir versé une larme en refermant Abélard, c’est dire.

Je ne n’ai pas spécialement envie d’en rajouter davantage. Pour conclure, je vais juste piquer à mon ami Roger Wallet le titre d’un de ses ouvrages. Finalement, l’histoire d’Abélard, ça ressemble à une vie.

Une dernière petite info. A l’occasion des fêtes de fin d’année, les éditions Dargaud ont eu la riche idée de réunir les deux tomes dans un superbe coffret accompagné d’un tiré à part numéroté et signé par les auteurs. Comme j’ai offert mes albums achetés séparément, je me suis fait un doux plaisir en acquérant ce coffret. Il était impensable pour moi de ne pas avoir ce diptyque dans ma bibliothèque ! Le coffret est splendide, orné de la bouille d’Abélard fixant la lune les yeux brillants. Et le tiré à part est une carte postale envoyée par le poussin à ses amis du marais. Un tirage limité à 900 exemplaires que je recommande chaudement à tous ceux voulant découvrir ou faire découvrir un petit chef d’œuvre.

Abélard : coffret, d’Hautière et Dillies, Éditions Dargaud, 2011. 2 volumes + 1 ex-libris. 29,95 euros.


Paroles de blogueurs :

Mo’ : "Je suis émerveillée par le subtil travail d’écriture réalisé par Régis Hautière. Il est parvenu à aborder des questions essentielles et douloureuses sans lourdeur ni pathos. Beaucoup de finesse dans cette narration qui donne au lecteur un sentiment de spontanéité très ressourçant. C’est magique !
[…]
Émouvant, poétique, ce récit fait mouche et touche le lecteur à la fois dans son âme et dans son cœur. Je relaye donc le message déjà délivré sur quelques blogs : lisez Abélard !!"

Choco : "Cet album se révèle être une histoire très fine, très touchante et au-delà d'un récit d'initiation pour le petit Abélard, une véritable ode à la tolérance et à la diversité. Pour moi, cet album est une vraie réussite et un gros coup de cœur !!"

Yvan : "Si la narration de Régis Hautière tout au long de ce conte initiatique et philosophique est un modèle du genre, le dessin de Renaud Dillies renforce encore la poésie de chaque page. Privilégiant souvent l’ambiance aux mots, les auteurs installent une atmosphère envoûtante, portée par la colorisation doucement chaleureuse et totalement adéquate de Christophe Bouchard."

Badelel :"c'est un album beau et poignant, le genre d'histoires qui vous écrasent le cœur. J'ai eu envie de mettre une rouste à ces mauvais personnages qui font du mal à notre héros, j'ai eu envie de prendre Abélard dans mes bras, j'ai eu envie de le secouer pour l'aider. Décidément on s'attache à ce petit bonhomme au cœur trop pur."

Lire pour le plaisir : "Entre poésie, philosophie et mélancolie, l’album se révèle surtout d’une insondable tristesse. La dureté du monde, sa violence, son injustice et sa stupidité sont soulignés avec une rare finesse à travers la destinée de cet adorable poussin.
[…]
Émouvante, intelligente et d’une grande profondeur, cette fable au goût amer est à l’évidence une des plus remarquables BD jeunesse publiées cette année."


La carte postale d'Abélard à Mikhaïl son ami resté dans le marais